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Le contrat de communication72est le résultat d‟interactions symboliques édifiées à partir des rapports de force et d‟une scène d‟énonciation. C‟est le principe même du discours politique d‟où, à la fois, son hétérogénéité - par rapport aux différentes définitions - et sa stabilité quant aux alternatives des démarches énonciatives qui s‟offrent à l‟acteur politique, un constat qui poserait des contraintes pour les hommes politiques qui souhaitent s‟assurer de l‟efficacité de leurs discours politiques, aussi bien que pour les citoyens désireux que leurs revendications et leurs protestations atteignent le pouvoir central, pareillement, pour les spécialistes de l‟analyse du discours politique espérant prélever le plus grand nombre possible d‟intentions et de sens projetés par les différents discours politiques.

Le sens et les effets d‟un discours politique se dégagent à partir d‟une série complexe de communication et d‟embranchements de savoirs et de croyances qui sont composés par les uns et recomposés par les autres et non pas d‟une simple adaptation de schémas de pensées préconstruits qui se répètent continuellement selon la structure dominée/dominant.

Cette construction-reconstruction s‟exécute en proportion de la place et du positionnement que prennent les acteurs dans le contrat, ils sont le résultat d‟enchainements de pensées diverses, d‟attitudes affectives et de facultés de concevoir, de même que dans des situations de rapports de force. Les significations du discours politique se forgent et se reforgent en suivant le contexte de leur mise en œuvre et de leurs énonciations.

8-1-1- Le dispositif d’interaction

Selon la définition fournie par le dictionnaire Larousse le dispositif est « l’ensemble de

pièces constituant un mécanisme, un appareil, une machine quelconque, ou encore l’ensemble de mesures prises, de moyens mis en œuvre pour une intervention précise »73

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Ce dispositif, nous dit Charaudeau,74concerne ce qui structure le contexte dans lequel se déploie les interactions langagières, en les administrant selon les statuts des partenaires de l‟échange, le caractère de leur identité, ainsi qu‟aux relations qui s‟édifient entre eux en fonction des besoins. Néanmoins, ce dispositif aura toujours besoin de conditions matérielles afin que le déroulement des interactions soit efficace, ce conditionnement se modifie d‟un

72 P. Charaudeau, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005, p.40

73https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/dispositif/25960

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contexte à un autre, il précise en ce sens « qu’il s’établit un rapport d’enchâssement entre le

macro dispositif conceptuel qui structure chaque situation d’échange social et les macro dispositifs matériels qui spécifient celle-ci autant de variantes »75

Il note aussi l‟existence de deux types de macro dispositifs, l‟un conceptuel du contexte d‟information et l‟autre, se rapportant aux medias en général. Ces deux types de macro dispositifs englobent, à l‟intérieur de chacun d‟eux, différents micro dispositifs faisant référence à des genres, comme les journaux télévisés, les débats politiques, les reportages, etc. tout aussi comme la communication publicitaire en l‟occurrence, la publicité, les magazines, etc. Même constatation pour le discours politique en tant que macrodispositif ayant des variétés tels que les débats télévisés, les discours d‟assemblées, la profession de foi, les déclarations de presse, etc.

Dès lors, le dispositif du discours politique se place comme garant de n‟importe quelle communication politique, il l‟organise et la régule tout en prenant en compte la scène d‟énonciation. M. Augré, atteste que

« l‟intervention politique est aussi exemplaire de ce que nous proposons d‟appeler dispositif rituel élargi […] elle obéit à un certain nombre de contraintes formelles […] ; elle ouvre une attente et escompte des résultats ; elle traite une altérité (celle du public en général et des adversaires politiques en particulier) et tente d‟établir […] un « consensus » ou une majorité, c‟est-à-dire l‟affirmation d‟une identité relative à une question particulière ou à la conduite des affaires de l‟état » 76

8-1-2- Les instances du dispositif

Ils ne sont pas des individus physiques mais des constitutions humaines représentant le lieu d‟une conscience et classées par catégories en fonction des missions qui leurs sont attribuées. C‟est donc des concepts abstraits où sont renvoyés les individus.

Charaudeau77 préfère parler d‟instances, car faisant partie du dispositif, ils se caractérisent par leurs marques identitaires, qui à leurs tours, déterminent la perception communicationnelle, car pour analyser une communication dans les meilleures conditions possibles, il faudrait non seulement avoir une connaissance sur les personnes, mais aussi sur les instances où se déploie la communication, comme c‟est le cas pour l‟analyse du discours

75 P. Charaudeau, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005, p.p. 40-41

76 M. Augré cité dans P. Charaudeau, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005, p.41

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politique, afin de ne pas tomber dans deux travers, c'est-à-dire se baser uniquement sur la personnalité psychologique et sociale de l‟énonciateur, et aussi de négliger la nature des instances du dispositif, bref, se focaliser seulement sur les idées véhiculées par le discours. Il souligne aussi

« Qu‟il serait commode de considérer que le dispositif identitaire du politique se

compose de deux instances : une instance politique et une instance citoyenne, mais étant donné la complexité de la structuration du champ politique du fait des multiples entrecroisements qui se produisent entre les différents secteurs d‟activité de la pratique sociale et les différentes situations de communication »78

Et note aussi qu‟il faut classer trois lieux de production du discours politique :

- Un lieu de gouvernance : là où se situent l‟instance politique et son double adversaire. - Un lieu d‟opinion : là où se situe l‟instance citoyenne.

- Un lieu de médiation : là où se situe l‟instance médiatique.

8-1-2-1- L’instance politique et l’instance adversaire

C‟est le lieu où opèrent les personnes qui ont la capacité du pouvoir faire, à savoir, la prise de décision et l‟accomplissement de l‟action, ainsi que le pouvoir de faire penser. Pour Charaudeau79, l‟instance politique s‟élabore à travers la manipulation : c‟est le lieu de gouvernance.

78 P. Charaudeau, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005, p.42

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P. Charaudeau, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005, p.43

Instance politique

Instance adversaire

Instance citoyenne

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Pour accomplir ses tâches, cette instance est constamment à la recherche d‟une crédibilité pour légitimer son autorité et sa mise en place, pour cela, différentes stratégies de persuasion et de séduction s‟offrent à elle, que ce soit pour maintenir son pouvoir ou pour accéder au pouvoir.

Par exemple, lors des campagnes électorales, elle doit proposer un programme et des idées innovantes afin de défendre un bien-fondé concernant ses décisions précédentes ou ses décisions futures, de ce fait, elle doit suivre un processus de justifications et d‟explications pour ne pas être déstabilisée par ses opposants qu‟ elle doit critiquer en permanence en cas d‟acharnement, afin de renforcer ses positions et faire en sorte que les rapports de force ne s‟inversent pas.

Autre stratégie exposer par l‟instance politique, c‟est d‟appeler sans cesse au consentement social afin de maintenir le soutien de l‟opinion public, ce dernier est constaté par le biais des urnes ou encore des sondages.

L‟instance adversaire, au même titre que l‟instance politique, se situe dans le même lieu de gouvernance vu qu‟elles ont les mêmes motivations. Sa fonction est de soumettre au citoyen un plan sociétal idéal. Pour cela, elle doit constamment faire en sorte de persuader les citoyens de la légitimité de sa position afin de se rendre crédible.

Cependant, et à l‟inverse de l‟instance politique, l‟instance adversaire s‟inscrit dans l‟opposition et, par conséquent, elle n‟exerce pas de pouvoir. Ceci dit, elle représente pourtant une partie de l‟opinion publique. Sa mission principale est de critiquer le pouvoir en place. A cet égard, elle doit recourir à diverses stratégies discursives comme le fait exactement l‟instance politique.

8-1-2-2- L’instance citoyenne

Charaudeau80 pense que sa définition diffère d‟un pays à un autre, suivant le régime en place car la notion de citoyenneté se caractérise par l‟affiliation symbolique des personnes à une collectivité ou une communauté nationale dans lesquelles ils se reconnaissent, autrement dit, elle constitue le garant de leur souhait d‟être et de coexister en harmonie, et non pas par rapport à leur appartenance ethnique, religieuse ou même géographique.

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Le principe de la citoyenneté est la capacité de construire des opinions en dehors de la gouvernance, à travers une quête permanente du savoir dans le but de pouvoir évaluer et comparer les programmes proposés par l‟instance politique, dans l‟intention de choisir les personnes qu‟ils vont mandater et les actions qu‟ils leur sont commandés.

Dès lors, l‟instance citoyenne aura un certain pouvoir en quelque sorte, mais un pouvoir indirect qui a pour fonction d‟évaluer la crédibilité et la légitimité de l‟instance politique à travers certaines actions qui lui ont été attribuées telles que :

- Les revendications : revendiquer des mesures prises par l‟instance politique et qui s‟avèreraient contraires à ses attentes.

- Les interpellations : interpeller l‟instance politique et la pousser à donner des explications sur ses actes pour garantir le bien commun et l‟intérêt général.

- Les sanctions : sanctionner l‟instance politique par le biais des urnes, autrement dit, ne pas réélire les représentants qui ont failli à leurs devoirs envers l‟instance citoyenne.

En effet, grâce à ce pouvoir, le facteur d‟influence chez l‟instance citoyenne est aussi conséquent que celui de l‟instance politique, sauf que ce pouvoir est exercé en dehors de la gouvernance, mais contrairement à l‟instance politique, l‟instance citoyenne englobe différentes organisations et diverses dispositions telles que : les syndicats, les associations, les groupes ethniques, etc. Ces derniers influencent automatiquement l‟instance politique en organisant des grèves, des marches, des manifestations ou encore à travers des abstentions de vote, en d‟autres mots, c‟est le fait d‟utiliser tous les moyens possibles qui pourraient faire pression et changer la donne en sa faveur afin de satisfaire sa continuité. Elle est dispersée en raison de sa diversité communautariste et aussi par l‟existence de diverses finalités que n‟en ont pas les autres instances, un constat qui lui garantit un large terrain de manœuvres.

Charaudeau propose de classer deux sous-espaces qu‟il désignera par société civile et société citoyenne. Pour lui, la société civile est un lieu de pure opinion mais précise en d‟autres termes que cela « ne veut pas dire qu’elle reste inerte, elle se caractérise également

par des comportements ritualisés, comme tout groupe social, mais sans visée citoyenne »81

C‟est pourquoi, ce lieu s‟intéresse à la vie en société qu‟elle soit publique ou privée, les acteurs s‟affirment entre eux au nom de l‟ « être ensemble » qui définit leur collectivité culturelle, considérée comme le lieu d‟appartenance. Par ailleurs, hormis ce lien, les membres

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de la société civile opèrent et critiquent individuellement comme à travers la création de petits comités qui se combinent de manière événementielle afin d‟accomplir des objectifs précis parce que n‟importe quel individu issu de la société civile pourra avoir une opinion sans pour autant avoir une conscience citoyenne.

Pour ce qui est de la société citoyenne, elle est considérée comme un rassemblement d‟individus qui ont un rôle à jouer quant à l‟arrangement politique de la vie sociale, tout en ayant une conscience des tâches à accomplir, elle procède de manière afflictive, tantôt par le biais de convocations institutionnelles lors des scrutins électoraux, tantôt par de pures décisions quand elle procède à des discussions au sein de la société, transformant ainsi l‟espace public en un espace de discussions.

Elle exerce aussi beaucoup de pressions et beaucoup d‟influences en procédant à différentes stratégies comme :

- Le recours aux médias pour faire pression contre les tenants du pouvoir.

- Se coordonner en nombre de contre-pouvoir allant jusqu‟à défier l‟instance politique sur son propre terrain.

Son slogan est d‟agir en communauté de « vivre ensemble », porteur d‟un projet de société, formé d‟individus de droit, un constat qui la différencie de la société civile.

8-1-2-3- L’instance médiatique

Tout comme l‟instance citoyenne, Charaudeau82

affirme que l‟instance médiatique s‟exerce aussi en dehors de la gouvernance, elle se place en tant qu‟intermédiaire entre l‟instance citoyenne et l‟instance politique par le biais de diverses opérations de médiation, comme les médias télévisuels, la presse écrite, les tracts.

En tant qu‟informateurs, les acteurs qui organisent cette instance sont légitimés à l‟avance, cela est dû aux tâches qu‟ils effectuent, par ailleurs, ils sont constamment à la recherche de crédibilité envers l‟instance citoyenne et politique d‟autant plus qu‟ils s‟exercent dans un monde où la concurrence médiatique est de plus en plus rude, et où le regard spectateur règne en maître.

L‟élaboration du regard spectateur ne se déplace plus dans une direction précise, autrement dit, il n‟est plus transmis de façon directe, prouvant ainsi sa force injonctive, elle

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projetait l‟information pour une cible collective, mais avec les avancées technologiques, et plus précisément dans les domaines de l‟audiovisuel et de la presse écrite, l‟instance médiatique a changé de mode d‟emploi, en ciblant des destinataires précis et définis, néanmoins, cette fonction reste complexe, puisqu‟elle repose essentiellement sur la transmission d‟informations.

En effet, l‟instance médiatique se présente à travers un double dispositif, à savoir : d‟actes d‟exposer et de présenter en guise de crédibilité, et aussi de spectacles en guise de possessivité qui se trouve dans le centre du circuit d‟information. Elle est en perpétuelle quête d‟informations révélatrices et dénonciatrices, elle légitime son discours au nom de la démocratie, alors que son objectif est de fidéliser un large public, et ce, en amplifiant le plus grand nombre d‟informations transmisses, et c‟est grâce à ce fonctionnement qu‟elle arrive à crédibiliser sa place dans la fabrication de l‟opinion publique en appréhendant le caché derrière les communications des politiciens, et en allant jusqu‟à les dénoncer et les critiquer en cas d‟affaires de corruptions, de malversations ou de calomnies avérées.

En guise de conclusion, Charaudeau précise que le dispositif du contrat de communication politique est une machine qui confectionne le discours de légitimation, en élaborant des figures de loyauté pour l‟instance politique, des figures qui accentuent la conformité de la position de pouvoir.

Pour l‟instance citoyenne, ce sont des figures qui attestent la légitimité de la prise de parole les protestataires, tandis que pour l‟instance médiatique, ce sont des figures qui camouflent le principe commercial par le principe démocratique.

Ce dispositif a donc pour mission de légitimer tous les composants d‟un état, à savoir, les chefs d‟état, le gouvernement en place et ses ministres, les partis politiques qui composent la sphère politique ainsi que les citoyens selon leurs modalités de médiation dans le fonctionnement de l‟état.

Cependant, le degré d‟influence que pourrait avoir l‟une des instances sur les autres change d‟un état à un autre, tout dépend de la nature du régime en place, est-ce qu‟il est totalitaire, démocratique, autocratique, etc. dans la mesure où c‟est lui qui positionne les instances, compte tenu de la situation du pouvoir.

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Synthèse

À travers cette prospection faite du champ de l‟analyse du discours politique, nous avons pu faire ressortir les caractéristiques de ce type de discours qui, rappelons-le, constituait le corpus typique des débuts de l‟analyse du discours en France. Nous avons précisé qu‟en plus de son contenu, l‟organisation discursive du discours politique relève constamment d‟un contexte donné qui l‟influence et qui le nourrit et que l‟efficacité d‟un discours politique réside dans la compréhension du sens quand ce dernier est difficile à cerner à l‟extérieur de l‟action qu‟il procure, vu qu‟elle acquière chez l‟homme politique la réalisation d‟un pouvoir. Nous avons pu voir aussi, comment la relation entre le discours, l‟action et le pouvoir s‟édifie-elle. De plus, pour une analyse féconde du discours politique, il est nécessaire voire impératif d‟évoquer les difficultés structurelles du contexte politique avant d‟analyser les stratégies discursives que les hommes politiques mettront en œuvre.

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CHAPITRE II.

LES CARACTERISTIQUES