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Rares sont les recherches qui se sont consacrées à l‟étude du langage diplomatique, à part quelques travaux de théoriciens qui se comptent sur le bout des doigts tels que Constance Villar qui a travaillé sur ce champ dans son livre « le discours diplomatique » paru en 2006. Il était important pour nous de consacrer un chapitre à ce genre de discours qui fait partie intégrante du discours politique puisque notre corpus est constitué d‟un ensemble de discours politiques à caractère diplomatique. L‟objectif de ce chapitre est de voir les caractéristiques de ce genre de discours et les normes qui le réagissent pour ensuite voir si ces dernières sont respectées par la spécificité et la particularité de la relation qui relie l‟Algérie à la France.

1- Le discours diplomatique

Constance Villar83 - qui est un des rares théoriciens qui se sont consacrés à l‟étude des phénomènes régissant le discours diplomatique - affirme dans ces travaux que le discours diplomatique a pris son essor après le déclenchement de deux événements qui ont bouleversé les relations internationales à savoir la vague de décolonisation et la chute de l‟URSS.

Pour Olivier Arifon84 l‟image traditionnelle que le grand public a de la diplomatie se résume dans les spécificités suivantes caractérisant sa pratique :

- Focalisation sur le paraître et la parole. - Utilisation d‟une langue codée ou formelle.

- Elle nourrit le secret au profit des grands puissants de ce monde

Il note que le discours diplomatique est considéré comme une variante du discours politique. Villar85 propose une approche sémiotique sur quatre pivots du discours diplomatique, à savoir : Sincérité vs duplicité, Paroles honnêtes vs mensonge, Vérité vs fausseté, Transparence vs secret.

83 C. Villar, Le discours diplomatique Paris, Éd. L‟Harmattan, coll., Pouvoirs comparés, 2006, p. 33

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Arifon Olivier, « Langue diplomatique et langage formel : un code à double entente », Hermès, La Revue, 2010/3 (n° 58), p. 69-78. URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2010-3-page-69.htm

85C. Villar cité dans Arifon Olivier, « Langue diplomatique et langage formel : un code à double entente », Hermès, La Revue, 2010/3 (n° 58), p. 69-78. URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2010-3-page-69.htm

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A partir de ces pivots et tout en s‟appuyant sur les principes qui réagissent le champ de l‟analyse du discours, Arifon86

estime que le langage diplomatique est un langage ordinaire, sauf dans des cas très rares où la technicité est demandée.

Le langage diplomatique est un langage figé, formé d‟expressions généralement stéréotypées en accord avec le discours politique. Il est souvent critiqué du fait qu‟il ne projette pas de message précis qui pénètre l‟espace afin d‟entraver un discours sensible. Le langage dépend de celui qui parle, c‟est pour cela qu‟il est tout à fait normal qu‟une personne se trompe, comme il peut y avoir une confusion, des déplacements, et des affaissements de sens au risque d‟engendrer un écart entre les deux interlocuteurs.

Mais dans le domaine de la diplomatie, l‟important serait d‟employé un langage courant, c‟est-à-dire, de tous les jours et d‟y ajouter un code spécifique de façon à l‟utiliser dans les relations internationales et entre personnes remplissant la tâche de négocier entre eux. Ceci dit, en plus de ce code, il est très important de minimiser la parole et les émotions dans les processus de négociations comme le font savoir, les principes de la négociation. Pour cela il faut ;

- Garder son sang-froid en cas de désaccord, l‟idéal serait de rester souriant et d‟affirmer sa maitrise de soi.

- Ne jamais froisser son interlocuteur au risque de le fâcher et voir la négociation échouer.

- Etre prudent et minimiser la parole sont des règles à ne pas négliger en diplomatie. - Eviter à tout prix de monter ses faiblesses.

Tous ces principes nous montrent le caractère complexe que constitue la fonction de diplomate. Cependant, ce qui est à noter en ce sens, c‟est que les expressions employées en diplomatie renvoient au respect porté au diplomate qui a la double tâche de représenter à la fois un pays et aussi une personne.

86 Arifon Olivier, « Langue diplomatique et langage formel : un code à double entente », Hermès, La Revue, 2010/3 (n° 58), p. 69-78. URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2010-3-page-69.htm.

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2- Diplomatie et contexte

On ne peut évaluer la crédibilité d‟un diplomate qu‟en fonction de son expérience acquise dans le domaine de la diplomatie. Arifon87 confirme à ce propos que diverses caractéristiques doivent être prises en considération, telles que : sa pratique, la concentration de ses ressources, le caractère de son information, sa formation dans le domaine, sa culture, etc. Ce sont ces éléments qui lui permettront de s‟acclimater aux différentes situations et aux divers contextes auxquels il fera face tout au long de sa carrière de diplomate le plus efficacement possible.

L‟idéal dans ce domaine serait de posséder des capacités à la fois, cognitives, communicationnelles et culturelles pour, d‟une part, l‟exécuter en l‟espace d‟un instant, et d‟autre part, supporter, d‟une certaine façon, les incompréhensions et les conjectures d‟une situation donnée.

Le discours diplomatique est un sous genre du discours politique dans la mesure où il se base sur les mêmes catégories de ce dernier, telles que la rhétorique, la manipulation, la persuasion, etc.

Le diplomate chevronné est celui qui a la faculté d‟interpréter ce qui est flou et ambigu et le retourner en sa faveur de manière à établir un espace de manœuvre. Cette ambiguïté s‟interprète au milieu des mots et des formes du discours.

Il est à noter aussi que la langue française dispose d‟une figure qui se nomme « Litote » et par laquelle, en diminuant l‟expression de sa pensée, on insinue plus qu‟on ne dit.

Il existe une distinction entre l‟ambiguïté dite sémantique, c‟est-à-dire, différents sens pour un énoncé, et l‟ambigüité dite stratégique, celle qui correspond à la relation qui existe entre l‟énoncé, le locuteur et l‟interlocuteur.

Pour une analyse féconde de la communication diplomatique, la prise en compte de l‟ambigüité est indispensable puisqu‟elle donne la possibilité de décoder les rôles et les attitudes des acteurs. L‟ambigüité en langue française est synonyme d‟allusion, de sens caché, de sous-entendu, d‟implicite, etc. tout un ensemble qui montre la richesse sémantique qu‟on impute à cette notion. Villar note en ce sens que :

87 Arifon Olivier, « Langue diplomatique et langage formel : un code à double entente », Hermès, La Revue, 2010/3 (n° 58), p. 69-78. URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2010-3-page-69.htm.

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« La stratégie de communication ambiguë permet en effet de maintenir le doute

chez l‟interlocuteur. Certes, la communication est parfois rendue plus claire en cas de réaction favorable, mais bien souvent elle est laissée en l‟état pour maintenir l‟autre dans le doute. Elle permet aussi d‟influencer l‟impact final des signaux afin de gagner un plus grand contrôle sur les images que d‟autres ont de l‟émetteur. »88

L‟important n‟est pas toujours de dévier ou de frapper l‟esprit de son interlocuteur car la langue formelle comme souligne Arifon89 a effectivement un intérêt diplomatique dans la mesure où les mots s‟emploient dans le but de neutraliser et/ou d‟atténuer les choses qu‟ils désignent.

3- Les spécificités du discours diplomatique

Selon C. Villar90, l‟inspection des codes étayant le langage diplomatique indique que son produit, c‟est-à-dire, le discours, ne peut être dégagé à partir d‟une seule définition et se montre ainsi assez ambigu.

En conséquence, il est nécessaire de clarifier ce qui est en même temps un objet et un concept, pour ensuite, soustraire les spécificités du discours diplomatique comme type. Voici un tableau proposé par Villar91 et qui montre le synoptique des trois codes logiques du système des idées politiques selon Jean-Louis Martres :

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C. Villar, Le discours diplomatique Paris, Éd. L‟Harmattan, coll., Pouvoirs comparés, 2006, p. 51

89 Arifon Olivier, « Langue diplomatique et langage formel : un code à double entente », Hermès, La Revue, 2010/3 (n° 58), p. 69-78. URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2010-3-page-69.htm

90 C. Villar, Le discours diplomatique Paris, Éd. L‟Harmattan, coll., Pouvoirs comparés, 2006, p. 62

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code

unités et coopérateur

Manichéisme Relativisme Syncrétisme

Radical binaire inégalitaire : Bien > Mal Bien vs Mal 2 substances antithétiques, 2 opposées naturelles ternaire dialectique 2 pôles complémentaires aux extrémités d'un continuum, 3e valeur à géométrie variable Binaire égalitaire 2 termes contradictoires Logique bivalente, ne reconnaissant que deux valeurs: vrai/non vrai de l'ordre du nécessaire, certain, absolu polyvalente dialectique donnant naissance à une 3e valeur, reconnaît plus de deux valeurs (vrai, faux, impossible, indéterminé, indécidable), de l'ordre du probable, vraisemblable

ambivalente. le sens n'est pas donné, il doit sens cesse se conquérir de l'ordre de la fiction (l'invraisemblable) Relation contrariété, opposition, radicale, oppositif, Bien ou Mal Complémentarité interdépendance, interaction ni tout à fait X, ni tout à fait Y contradiction alternatif

aussi bien X que Y

Mode de régulation «totalitaire» (= faire tout ce qui est possible par tous les moyens), «innocent», exclusion adaptation manipulation, simulation d'accord, dissimulation de désaccord par segmentation ou agrégation construction sémiotique

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Légitimation vérité du message, pour exclure le Mal, croyances, convictions

partagées

harmonie valeur pragmatique

Force dévastatrice rédemptrice Stratégique Tactique Résolution de conflit Changement du détenteur de la vérité Alternance, ruse, intelligence Illusions discursives et compromis Détenteur du pouvoir Pape, prince, peuple, classe Empereur, daoistes homme(s) politique(s) Diplomate Pensée Occidentale Christianisme, marxisme monarchie absolue langage des ordinateurs confucius chinoise DAOISME Machiavel Han Fei diplomatique démocratie (sous certaines conditions) Rousseau Thomas d'Aquin