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Chapitre 2. Cadre théorique, état de la question et questions de recherche

2.1 Cadre théorique .1 La double approche .1 La double approche

2.1.1.3 Régularités, variabilités, résistance et caractérisation des pratiques

L’analyse des pratiques en composantes permet de trouver des régularités, ce qui est stable dans les pratiques, et des variabilités, ce qui va se transformer dans les pratiques d’un enseignant singulier et dans les pratiques d’enseignants exerçant dans un même contexte (Masselot & Robert, 2007). Nous pouvons ainsi mettre en évidence d’une part ce qui est générique dans les pratiques des enseignants, pour délimiter ce qui est commun et d’autre part ce qui est singulier. Dans notre thèse, nous nous intéressons aux régularités, aux variabilités et aux résistances dans les pratiques d’un même enseignant tout au long du dispositif LS.

En s’appuyant sur une analyse des pratiques en composantes, Peltier-Barbier et al. (2004) ont repéré des régularités interpersonnelles mais aussi intrapersonnelles dans les stratégies globales d’enseignement dans leur étude sur plusieurs enseignants de ZEP sur du long terme.

Les auteurs (Charles-Pézard et al., 2012; Peltier-Barbier et al., 2004) caractérisent ainsi les pratiques enseignantes en i-genre relatifs au versant instruction du métier d’enseignant et en e-genre relatif au versant éducation du métier d’enseignant. Les e-genres traduisent la façon dont les enseignants éduquent les élèves en tant que futurs citoyens. Les i-genres sont définis par les grandes conceptions des enseignants relatifs aux apprentissages scolaires et traduisent la façon dont les enseignants instruisent les élèves en leur faisant acquérir des savoirs disciplinaires. Les régularités dans les stratégies d’enseignement ont été observées lors des trois moments importants de l’activité de l’enseignant : les processus de dévolution, de régulation et d’institutionnalisation (Brousseau, 1986) et correspondent aux stratégies et choix des enseignants. Les enseignants ont été catégorisés en trois i-genres en fonction de régularités observées dans leurs pratiques.

• le i-genre 2 (qui est majoritaire) regroupe les enseignants qui présentent ces caractéristiques : les scénarios d’enseignement laissent une part importante à la présentation collective des activités, l’enseignement, les itinéraires cognitifs et les aides apportées par l’enseignant sont individualisés, les tâches proposées aux élèves sont découpées en tâches élémentaires, les enseignants n’organisent ni synthèse, ni bilan, ni institutionnalisation ;

• le i-genre 1 regroupe les enseignants qui présentent les mêmes caractéristiques que le i-genre 2 excepté le fait que leurs pratiques sont marquées par une quasi-absence de présentations collectives d’activités ;

• le i-genre 3 est considéré de référence pour les pratiques en ZEP. Ce i-genre regroupe les enseignants qui présentent les caractéristiques suivantes : un enseignement par situations-problèmes avec une formulation et un bilan des stratégies, une mise en commun, une synthèse et une institutionnalisation comportant un réinvestissement contextualisé et décontextualisé.

Le i-genre 3 est considéré comme une référence car les activités proposées aux élèves dans ce i-genre sont a priori plus riches et constituent un meilleur vecteur d’apprentissage que dans les autres i-genres (Charles-Pézard et al., 2012). Cette référence se décline en cinq niveaux de développement qui peuvent être atteints sans que le niveau précédent le soit totalement (Charles-Pézard et al., 2012). Les niveaux 1 et 2 sont davantage liés au processus de dévolution tandis que les niveaux 3, 4 et 5 sont davantage liés au processus d’institutionnalisation.

Le niveau 1 est atteint lorsque l’enseignant instaure une « paix scolaire » dans sa classe. La

« paix scolaire » est définie comme étant l’instauration d’une « paix sociale » et l’adhésion des élèves au projet d’enseignement de l’enseignant. La paix sociale concerne les règles de fonctionnement de la classe acceptées par les élèves et garantit une atmosphère de travail indispensable à la relation didactique. « L’adhésion des élèves au projet d’enseignement du professeur se manifeste par un climat de confiance entre les élèves et le professeur, par un enrôlement rapide et sans trop de résistance des élèves dans les tâches » (p. 72).

Le niveau 2 est atteint lorsque l’enseignant propose des problèmes consistants15 d’un point de vue mathématique avec un temps de réelle recherche (de la solution) par les élèves.

15 Un problème est « consistant » d’un point de vue mathématique lorsque les élèves doivent s’engager dans une démarche de résolution pour le résoudre. Un problème « consistant » est vecteur d’apprentissage (Charles-Pézard et al., 2012, p.68).

Le niveau 3 est atteint lorsque l’enseignant organise des mises en commun des procédures avec validation et explicitation par les élèves.

Le niveau 4 est atteint lorsque l’enseignant hiérarchise les différentes procédures proposées par les élèves et lorsqu’il organise des phases de synthèses contextualisées.

Le niveau 5 est atteint lorsque l’enseignant organise des institutionnalisations du savoir ou de la méthode en jeu dans la situation, avec décontextualisation et dépersonnalisation, et une réorganisation des savoirs rencontrés, avec ancrage de l’ancien dans le nouveau savoir.

Les auteurs (Charles-Pézard et al., 2012) précisent que les niveaux 4 et 5 des pratiques : sont davantage marqués par la nature des problèmes proposés, par 1'histoire de la classe, notamment par l'avancée du temps didactique, voire par des contraintes institutionnelles.

L'analyse a posteriori ne peut suffire : c'est en fait la comparaison entre les choix contextualisés de 1'enseignant et le choix qu'aurait fait le chercheur sur la base d'une analyse a priori et prenant en compte a posteriori le contexte global (situation proposée et productions effectives des élèves) qui permet de décider. (p. 74)

Pour analyser les pratiques enseignantes en contexte ZEP, ces auteurs (Charles-Pézard et al., 2012; Peltier-Barbier et al., 2004) proposent ainsi une approche globale qui permet de décrire l’organisation des pratiques enseignantes selon quatre dimensions : ordre du métier, i-genre, e-genre et style. De plus, dans une approche analytique, ces auteurs introduisent les gestes professionnels comme étant des activités élémentaires participant de l’activité de l’enseignant.

Chaque grand moment de l’activité de l’enseignant (les processus de dévolution, régulation et institutionnalisation) correspond à des types de tâches et à des gestes permettant de les réaliser.

Les gestes professionnels et les routines16 permettent de décrire la manière dont un individu donné réalise un type de tâche, les différentes actions qui lui permettent de le faire et les différentes connaissances qu’il mobilise à cette occasion. (Charles-Pézard et al., 2012, p. 38)

« Les notions de gestes et routines permettent alors de décrire comment un enseignant met en œuvre des stratégies relevant du i-genre caractéristique de ses pratiques » (Charles-Pézard et al., 2012, p. 38).

Dans la lignée de ces recherches, nous considérons comme résistance dans les pratiques ordinaires certaines caractéristiques des pratiques travaillées pendant le dispositif LS (par exemple le fait d’organiser des moments collectifs, la gestion de l’enseignante pendant ces moments), observées et mises en œuvre lors de la leçon de recherche et pendant les leçons

16 « les routines sont définies comme un ensemble constitué de gestes professionnels permettant aux professeurs de réaliser un ensemble de tâches finalisées par un but commun » (Charles-Pézard et al., 2012, p. 37)

observées pendant le dispositif, mais pas lors de la leçon après le dispositif. Ayant une seule leçon observée après le dispositif, nous nous appuyons sur les interventions de l’enseignant lors des séances pour confirmer ce que nous avons pu observer lors de cette leçon. Nous nous intéressons en particulier aux modifications apportées aux pratiques ordinaires lors de la leçon de recherche et qui ne sont pas observées pendant la leçon après le dispositif.

Ainsi dans cette approche, les pratiques sont analysées en référence avec des niveaux de développement du i-genre 3. Cette catégorisation des pratiques repose sur les composantes médiative, cognitive et institutionnelle des pratiques, autrement dit principalement sur les pratiques de l’enseignant pendant la classe (tout en prenant en compte les contraintes d’ordre institutionnel). L’analyse en composantes des pratiques décrit la logique d’action de l’enseignant pendant la classe (composantes médiative et cognitive) et prend en compte la dimension du métier d’enseignant avec des déterminants qui sont de l’ordre des marges de manœuvre et des contraintes (composantes personnelle, institutionnelle et sociale). De cette approche, nous retiendrons pour notre travail, une analyse de l’activité de l’enseignant, plus précisément portée sur les gestes professionnels lors des processus de dévolution, de régulation et d’institutionnalisation.

Dans la partie suivante, nous présentons des outils issus de l’approche ergonomique qui permettent de prendre en compte les pratiques de l’enseignant dans leur globalité (avant, pendant et après la classe) dans le sens où nous allons analyser comment l’enseignant s’est approprié et a modifié la préparation collective et le plan de la leçon de recherche par anticipation et/ou pendant la leçon. Nous développons à un niveau micro, une méthodologie d’analyse basée sur les travaux de Leplat (1997) issus de la psychologie ergonomique permettant d’affiner l’analyse par un modèle en niveaux de tâches.