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Chapitre 2. Cadre théorique, état de la question et questions de recherche

2.2 Adaptations du modèle d’analyse de Leplat en didactique des mathématiques

2.2.2 Cadre théorique, problématique et modèle d’analyse

Mangiante (2007, 2012) a étudié la genèse des pratiques enseignantes, plus précisément comment se forment les pratiques de trois enseignants stagiaires (lors de leur année de formation professionnelle) puis novices (lors de leur première année d'exercice). Comme nous l’avons dit plus haut, les premiers travaux dans le cadre de la double approche avaient conduit à montrer que les pratiques des enseignants (non débutants) forment un système complexe, cohérent et stable. Le but de Mangiante était dès lors d’étudier la cohérence en germe dans les pratiques, c’est-à-dire comment les pratiques s'organisent peu à peu en un système cohérent.

17 Le GLS se répartit les élèves ou groupe d’élèves à observer (sans contrainte particulière) avant la leçon.

La manière dont les enseignants s’approprient des situations d'enseignement lui permet d’étudier la cohérence en germe. La problématique spécifique était ainsi d’étudier comment s’installe peu à peu et se développe une cohérence dans les pratiques dans l’enseignement des mathématiques. « La cohérence des pratiques se manifeste, en partie, à travers la façon dont chaque enseignant investit la marge de manœuvre dont il dispose » (p. 23). Pour que l’enseignant puisse enseigner le projet initial préparé collectivement, il doit se l’approprier et il crée alors un écart entre le projet initial et le projet réalisé. Pour étudier comment s’installe une cohérence dans les pratiques, elle a étudié « ce mode d’appropriation, c'est-à-dire le processus de transformation et d’assimilation à travers lequel les professeurs vont s’approprier des situations d’enseignement » (p. 24). La cohérence se traduit donc par « la manifestation de l'existence d'un projet général d'enseignement et de moyens suffisants pour le mettre en œuvre » (p. 387). En se référant à la Théorie des Situations Didactiques (Brousseau, 1986), elle analyse l’activité de l’enseignant à travers la réalisation des processus de dévolution, de régulation et d’institutionnalisation.

Pour notre travail, il nous est également apparu important d’analyser l’activité de l’enseignant à travers ces trois processus d’enseignement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le travail collectif lors du dispositif LS a porté spécifiquement sur le processus de dévolution lors du premier cycle LS (cycle a), sur le processus d’institutionnalisation lors du deuxième cycle LS (cycle b) et sur le processus de régulation par un travail sur les aides à apporter aux élèves lors des troisièmes et quatrièmes cycles (cycles c et d). Il est donc intéressant d’analyser l’activité de l’enseignant pendant ces processus travaillés spécifiquement pour observer une évolution éventuelle. Une autre raison de ce choix repose sur le fait que les processus de dévolution et d’institutionnalisation sont en tension et peuvent être difficiles à gérer pour des enseignants primaires en mathématiques. Finalement, nous nous intéressons à ces processus d’enseignement car l’analyse de l’activité de l’enseignant en référence aux niveaux de développement des pratiques repose également sur ces processus.

Mangiante pose comme hypothèse que l’enseignant modifie le projet initial élaboré collectivement en fonction de son rapport à la formation, de ce qu’il pense de ses capacités à l’exécuter, de ses connaissances, de son expérience, de ses représentations sur les mathématiques, sur l’enseignement, sur l’apprentissage de ses élèves et de la réalité de la classe. Le modèle d’analyse qu’elle élabore à partir de Leplat (1997) lui permet de décrire l’activité de l’enseignant lorsqu’il prépare et met en œuvre une situation d’enseignement et de

décrire l’activité de l’enseignant comme un processus de modifications de la représentation à la réalisation de la tâche.

Figure 4 : Schéma de Leplat adapté par Mangiante (2007, p. 53)

Mangiante adapte alors ce schéma au contexte de formation pour enseignants.

Figure 5 : Schéma de Leplat adapté par Mangiante (2007, p. 55) à une situation de formation

Dans notre travail, nous utilisons une part de la méthodologie et du cadre d’analyse de Mangiante, en particulier l’idée centrale d’analyser l’activité de l’enseignant comme un processus de modifications entre les différents niveaux de tâches. Cette analyse vise à regarder l’activité de l’enseignant à la fois du point de vue de la tâche mais aussi du point de vue de l’enseignant (Leplat, 1997). Le processus de modifications dépend de déterminants internes (les caractéristiques personnelles : savoirs, finalité, rapport à la formation...) et de déterminants externes (contexte de la formation, situations proposées...) (Mangiante, 2007).

Nous allons analyser à travers le processus de modifications, comment les enseignants s’adaptent et s’approprient la leçon de recherche élaborée collectivement, ce que cela implique de changements et où se situent les résistances.

Les résultats issus de l’analyse réalisable selon ce modèle (Ibid., pp. 61-62) indiquent la façon dont chaque enseignant prend en compte et analyse les trois sources d’aides et de contraintes qui sont les prescriptions institutionnelles, l’activité de l’enseignant et l’activité de l'élève. Les priorités entre ces trois sources sont à l’origine du mode d’appropriation de la situation. Les variations entre ces priorités guident les décisions de l’enseignant, renseignent sur la dynamique des pratiques et fournissent une interprétation de l’évolution des pratiques. À partir des résultats des analyses, Mangiante décrit alors la trajectoire suivie par chaque enseignant, en décrivant ces rapports de priorité, ce qui caractérise la cohérence en germe dans les pratiques.

Dans notre contexte et pour notre questionnement, nous reprenons et adaptons cette démarche méthodologique et les hypothèses suivantes :

• toute appropriation de la tâche prescrite s’accompagne de modifications

• la manière dont chaque enseignant investit la marge de manœuvre à disposition est révélatrice de la manière dont il enrichit (ou non) ses pratiques

• chaque enseignant prend en compte et analyse les sources d’aides et de contraintes qui sont :

o les prescriptions institutionnelles : le Plan d’Études Romand, la tâche prescrite qui émane du travail du GLS, les commentaires pédagogiques des ressources MER...

o la prise en compte de l’activité de l'élève

o l’analyse mathématique que l’enseignant effectue de l’activité mathématique 2.2.3 Liens entre le processus de modifications et les composantes des pratiques

Dans l’analyse en niveaux de tâches et en processus de modifications, l’activité du sujet (enseignant) y est considérée des points de vue non seulement de la tâche mais aussi du sujet (Leplat, 1997). Dans notre recherche, nous considérons l’activité de l’enseignant du point de vue de la tâche par une analyse a priori de la tâche prescrite, une analyse des connaissances mathématiques et didactiques, des gestes professionnels implicites et explicites à mettre en œuvre. Nous considérons l’activité de l’enseignant du point de vue de l’enseignant par une analyse des composantes personnelle, sociale et institutionnelle des pratiques. Mangiante

(2007) précise que le processus de modifications dépend de déterminants internes (les caractéristiques personnelles : savoirs, finalité, rapport à la formation...) et de déterminants externes (contexte de la formation, situations proposées...). Dans notre recherche, nous analysons les composantes personnelle, sociale et institutionnelle des pratiques pour expliquer les sources et les évolutions du processus de modifications de la tâche prescrite. En ce sens, notre démarche se rapproche de celle d’Arditi (2011). Elle s’intéresse aux variabilités des pratiques d’enseignants primaires enseignant un même sujet mathématique avec un même manuel en reprenant le modèle d’analyse adapté par Mangiante. Les modifications apportées aux différents niveaux de tâches sont liées à l’analyse en composantes des pratiques. Les composantes personnelle et sociale sont des facteurs des modifications de la tâche prescrite (par anticipation, pendant la préparation de la leçon). Les composantes personnelle, sociale et médiative sont des facteurs des modifications de la tâche prescrite (pendant la classe). La composante cognitive intervient dans la redéfinition de la tâche par l’enseignant (Ibid.).

La tâche représentée dépend donc de la composante personnelle des pratiques mais aussi des composantes cognitives et institutionnelles. De plus, la vision que l’enseignant a de ses élèves peut jouer sur la représentation de la tâche qu’il pense qu’on attend de lui. (p.

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La représentation de la tâche prescrite dépend des composantes personnelle, institutionnelle, sociale et cognitive. La redéfinition de la tâche prescrite dépend des composantes personnelle, cognitive, sociale.