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Avant d’aborder les questions que nous nous sommes posées, il nous semble indispensable de préciser certaines terminologies de l’enseignement des langues étrangères aux enfants.

1.1 Enseignement/apprentissage précoce, enseignement aux enfants/jeunes apprenants

Dans le cadre de ce travail de recherche, les termes « enseignement précoce, apprentissage précoce, enseignement précoce des langues vivantes, enseignement précoce des langues étrangères, français précoce et enseigner le français langue étrangère/enseignement du français langue étrangère aux enfants/aux jeunes apprenants » seront employés. Pour nous, « précoce », « aux enfants » et « aux jeunes apprenants » auront la même signification.

Selon les dictionnaires, le mot « précoce » a un sens botanique : Mûr avant terme (en anglais, early), mais son second sens est : qui se développe plus tôt que prévu, par exemple, un enfant précoce. Les synonymes de ce mot sont : anticipé, avancé, hâtif et prématuré.

D’après le site Internet du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), « précoce » signifie :

« PÉDAG. Scolarisation précoce. Scolarisation d’un enfant avant l’âge normal. La scolarisation précoce peut avoir pour beaucoup d’enfants des effets désastreux (Foulq. 1971).

♦ Enseignement précoce des langues. Enseignement d’une langue vivante étrangère à de jeunes enfants (d’apr. D. D. L. 1976). »

En effet, comme le dit L. Dabène (1991), le mot « précoce » n’a de sens que sur le plan institutionnel : « cet enseignement n’est dit précoce que parce qu’il est mis en œuvre une ou deux années avant le moment où il commence habituellement, c’est-à- dire les débuts de l’enseignement secondaire, moment pris dès lors comme norme. Mais rien ne permet d’affirmer qu’il s’agisse d’une norme d’ordre psychologique ou didactique. Le mot est donc, dans une certaine mesure, arbitraire. » (1991 : 57).

Certains auteurs préfèrent parler de l’enseignement « aux enfants », mais ce mot donne lui aussi lieu à plusieurs interprétations possibles. C. O’Neil (1993) le précise très clairement dans l’introduction de son ouvrage : « …le mot enfant…ce terme peut paraître assez vague. Nous entendons par là, tout enfant qui est traité comme un enfant par le système éducatif de son pays, c’est-à-dire tout enfant qui est encore dans l’enseignement pré-élémentaire ou élémentaire. » (1993 : 8).

Pour H. Vanthier (2009), « précoce » laisse supposer qu’il existerait un âge « normal » (l’entrée dans le secondaire). Elle remet en cause le terme « précoce » et affirme que « les enfants vont à l’école pour apprendre à vivre dans le monde qui les entoure. Parler une ou plusieurs langues étrangères fait désormais partie de ce ‘vivre dans le monde’. » (2009 : 11). Elle préfère donc parler de l’enseignement – apprentissage du français aux enfants.

Dans le cadre de ce travail de recherche, afin d’éviter la question de norme ou d’âge « normal » qui dépend du contexte institutionnel, nous adopterons l’approche suivante. Nous partirons de la définition générale proposée par le CNTRL, selon laquelle l’enseignement (ou apprentissage) précoce signifie l’enseignement aux enfants, mais quand il s’agit d’une observation qui concerne un public précis (par exemple, une certaine tranche d’âge) ou un contexte particulier, nous le préciserons. Pour nous, « enfant » signifiera un enfant qui est dans l’enseignement et qui n’a pas encore atteint l’adolescence.

En outre, FLE désignera français langue étrangère, LE désignera langue étrangère, LVE désignera langue vivante étrangère, EPLV désignera enseignement précoce des langues vivantes, L1 désignera la première langue ou la langue maternelle et L2 désignera la langue cible.

1.2 Apprenant

Nous utiliserons également dans ce travail de recherche le terme « apprenant », car comme le disent F. Barthélémy, D. Groux et L. Porcher (2011), « avec ce terme, l’accent est mis davantage sur le rôle actif de l’individu engagé dans un processus d’enseignement-apprentissage. Contrairement à une vision archaïque qui consiste à percevoir l’élève comme une page blanche, vierge, qu’un enseignant, omniscient, abreuve de ses savoirs, l’option privilégiée dans les méthodologies contemporaines consiste à concevoir l’apprenant comme l’acteur principal de la pièce qui se joue en classe de langue. » (2011 : 19).

1.3 Input et intake

Il nous semble important de préciser ce que signifieront ces deux notions dans le cadre de cette thèse. R. Rast (2008), citant Corder (1967), distingue entre l’input et l’intake, ou l’entrée et la saisie. « The simple fact of presenting a certain linguistic form to a learner in the classroom does not necessarily qualify it for the status of input, for the reason that input is ‘what goes in’ and not what is available for going in, and we may reasonably suppose that it is the learner who controls this input, or more properly his intake. » (2008 : 3).

« Le simple fait de présenter une forme linguistique particulière à un apprenant dans la salle de classe ne lui donne forcément pas le statut d’input, parce que l’input est ‘ce qui rentre’ et non pas ce qui est disponible et peut rentrer, et nous pouvons supposer raisonnablement que c’est l’apprenant qui contrôle cet input, ou plus précisément sa saisie (intake). »

Citant Hatch (1983), R. Rast (2008) ajoute que « (…) input is what the learner hears and attempts to process. That part that learners process only partially is still input, though traces of it may remain and help in building the internal representation of the language. The part the learner actually successfully and completely processed is a subset called intake. » (2008 : 3).

« (…) l’input est ce que l’apprenant entend et ce qu’il essaie de traiter. La partie que les apprenants ne traitent que partiellement est encore l’input, même si des traces de cette partie peuvent rester et aider dans le développement de la représentation interne de la langue. La partie que l’apprenant a effectivement et complètement traitée avec succès est un sous-ensemble qui s’appelle la saisie (intake). »

L’input signifiera donc les données fournies à l’apprenant, et l’intake signifiera la saisie, ou ce que l’apprenant saisit, traite et acquiert effectivement.

1.4 Acquisition et apprentissage

Il importe de distinguer entre l’acquisition et l’apprentissage, même si ces deux termes sont souvent employés de façon interchangeable dans l’enseignement des langues, pour parler de l’appropriation.

« Acquisition » désigne un processus naturel par lequel un apprenant s’approprie des connaissances ou une langue. Elle se fait de manière inconsciente et implicite par le seul bain linguistique en se focalisant sur le sens. Par opposition, l’apprentissage désigne un processus guidé, conscient et explicite, qui se fait en milieu institutionnel (scolaire ou professionnel) sous une forme artificielle. Il impliquerait une focalisation sur la forme. S. D. Krashen (1982b), oppose « acquisition », processus non conscient qui conduit à une connaissance implicite de la langue, à « apprentissage » (learning), processus conscient qui conduit à une connaissance explicite.

De même, citant Lightbown et Spada (1999), A. Pinter (2011) distingue entre « acquisition » et « apprentissage » d’une langue : « …we acquire as we are exposed to samples of the second language which we understand. This happens in much the same way that children pick up their first language – with no conscious attention to language form. We learn, on the other hand, via a conscious process of study and attention to form and rule learning. » (2011 : 1).

« …nous acquérons puisque nous sommes exposés aux échantillons de la langue seconde que nous comprenons. Cela se passe d’une manière largement semblable à celle dont les enfants s’approprient leur première langue – sans aucune attention

consciente à la forme de la langue. Nous apprenons, par contre, par le biais d’un processus conscient d’étude et d’attention à la forme et à l’apprentissage de règles. » Sur la question de la distinction entre acquisition et apprentissage, C. Hélot (2002) précise que le terme acquisition fait référence au contexte informel de la langue première et au contexte moins informel de la langue seconde dans des écoles bilingues, tandis que le terme apprentissage fait référence au contexte formel, dans lequel la langue est enseignée en tant que matière. Elle rappelle toutefois :

« Obviously, in school, there is also learning of the L1 and acquisition of the FL, this is the reason why specialists of didactics in France prefer to use the generic term ‘appropriation’, to cover the various processes of language learning and acquisition from the linguistic, social, psychological, etc., point of view ». (2002 : 20).

« Evidemment, à l’école, il y a également l’apprentissage de la L1 et l’acquisition de la LE (langue étrangère), c’est pourquoi les spécialistes de didactique en France préfèrent utiliser le terme générique de ‘appropriation’, afin qu’il englobe les différents processus d’apprentissage et d’acquisition de langue du point de vue linguistique, social, psychologique, etc. ».

Dans la partie suivante de la thèse, nous examinerons la théorie et les pratiques de l’enseignement-apprentissage des langues étrangères.

Partie II

De la théorie aux pratiques…

Chapitre 2