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Le profil du jeune apprenant

4.8 Plus on apprend jeune, mieux c’est ? La question de l’âge

4.8.8 L’impact des changements affectifs

S. Krashen (1982a) évoque l’impact des changements affectifs sur les différences entre les enfants et les adultes dans l’acquisition d’une langue seconde. Citant Schumann (1975), il suggère que « As puberty approaches and the individual is concerned with the consolidation of his personality, it apparently becomes more difficult for him to submit to the new norms which a second language requires » et « …language learning difficulties after puberty may be related to the social and psychological changes an individual undergoes at that age. » (1982a : 212).

« A l’approche de la puberté et au fur et à mesure que l’individu pense à la consolidation de sa personnalité, il paraît qu’il devient difficile pour lui de se conformer aux nouvelles normes que nécessite une langue seconde » et « …les

difficultés dans l’apprentissage des langues après la puberté pourraient être liées aux changements sociaux et psychologiques que connaît un individu à cet âge. »

Parmi les variables affectives, S. Krashen (1982a) liste la motivation (intégrative et instrumentale) et la confiance en soi (absence d’anxiété, personnalité extravertie et estime de soi). Selon lui, les variables affectives « affect how much input the acquirer gets, and whether this input ‘gets in’. They thus affect the strength of the ‘affective filter’. » S. Krashen (1982a) suggère que « At around puberty, the affective filter is strengthened. » (1982a : 216). Il signale toutefois que « If the filter is down, the adult can regain many of the advantages the child enjoys. » (1982a : 220).

« ont un effet sur la quantité d’input que l’apprenant reçoit et sur la question de savoir si cet input ‘est assimilé’. Elles influent donc sur la puissance du ‘filtre affectif’. » « Vers l’âge de la puberté, le filtre affectif est renforcé. »

« Si le filtre est baissé, l’adulte peut récupérer de nombreux avantages dont l’enfant bénéficie. »

4.8.9 Conclusions

Après examen d’un ensemble d’études, C. O’Neil (1993) en conclut que « les jeunes enfants apprennent moins vite, au début, que les adolescents et les adultes, sans doute en raison de leur absence de maturité cognitive et des stratégies que celle-ci permet de mettre en œuvre. Toutefois, ils rattrapent leur retard, et dépassent les autres apprenants au bout d’un laps de temps suffisant de contact avec la langue qu’ils apprennent. De plus, seuls les apprenants ayant commencé très jeunes leur apprentissage sont susceptibles d’arriver à une maîtrise équivalente à celle d’un locuteur natif. L’hypothèse d’une période sensible, sinon critique, pour débuter l’acquisition d’une LVE et arriver à une maîtrise parfaite, semble plausible, sinon réellement prouvée. » (1993 : 173).

S. Krashen, M. Long et R. Scarcella (1982) remarquent que la littérature sur la question de l’âge dans l’apprentissage d’une langue seconde montre un consensus sur

trois généralisations concernant la relation entre l’âge, le taux d’acquisition et le niveau maximum de compétence atteint en langue seconde.

-! Les adultes avancent plus rapidement dans les stades initiaux de développement syntaxique et morphologique que les enfants (en supposant que le temps et l’exposition demeurent constants).

-! Les enfants plus âgés acquièrent plus rapidement que les enfants plus jeunes, dans les stades initiaux de développement syntaxique et morphologique (en supposant que le temps et l’exposition demeurent constants).

-! Les apprenants qui commencent une exposition naturelle aux langues secondes pendant l’enfance atteignent en général un meilleur niveau de compétence en langue seconde que ceux qui commencent lorsqu’ils sont adultes.

V. Murphy (2014), qui cite Bortfield et Whitehurst (2001), Hakuta (2001), Snow (2002) et Hakuta, Bialystok et Wiley (2003), explique que « Despite research showing these age-of-acquisition effects, the research community has not universally accepted the view that there is a critical period for language development – for either L1 or L2 learning. This is because there are a number of variables which are typically confounded with age – such as the nature of the linguistic input (both in terms of quality and quantity), the motivation and aptitude of the learner, and whether the learner receives formal instruction in the L2 – where some researchers have argued that these other variables are more influential in determining differences between young and older learners. » (2014 : 5).

« Malgré les recherches montrant ces effets de l’âge d’acquisition, la communauté des chercheurs n’a pas accepté universellement l’opinion selon laquelle il existe une période critique pour le développement langagier – pour l’apprentissage de la L1 ou de la L2. C’est parce qu’il y a de nombreuses variables qui sont typiquement confondues avec l’âge – telles que la nature de l’input linguistique (en termes de qualité et de quantité), la motivation et l’aptitude de l’apprenant, et si l’apprenant reçoit de l’enseignement formel en L2 – pour lesquelles certains chercheurs ont avancé que ces autres variables sont plus influentes dans la détermination des différences entre les jeunes apprenants et les apprenants plus âgés. »

V. Murphy (2010) conclut donc que l’apprentissage précoce de langues étrangères ne semblerait pas être l’approche la plus efficace, à moins que l’enfant ne reçoive une énorme quantité d’input.

Pour R. DeKeyser (2012), le concept de la période critique signifie un déclin des capacités d’apprentissage dans une tranche d’âge particulière ainsi qu’une raison biologique liée à la maturation qui explique ce déclin. Citant Birdsong (2005, 2009) et Hakuta et al. (2003), R. DeKeyser (2012) affirme que certains chercheurs estiment que ces deux caractéristiques d’une période critique sont absentes dans l’acquisition d’une langue seconde, et que le terme plus neutre « effets de l’âge » (« age effects » 2012 : 443) est donc souvent préféré au terme « période critique ».

Pour terminer ce chapitre, nous dirons que l’enfant qui aborde une langue étrangère est effectivement un apprenant particulier, ayant des besoins, des centres d’intérêt et des capacités qui lui sont propres. C’est pourquoi l’enseignement des langues étrangères aux enfants ne pourrait être en aucun cas une simple réduction ou transposition d’un enseignement destiné aux adultes. Nous examinerons dans le chapitre suivant les moyens à mettre en œuvre pour que l’enseignement tienne compte au mieux des spécificités de l’apprenant enfant.

Partie II

De la théorie aux pratiques…

Chapitre 5

L’enseignement du FLE aux enfants : principes et dispositifs