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Quels arguments pour un enseignement des langues étrangères aux enfants ?

L’acquisition-apprentissage précoce d’une deuxième langue Dans le chapitre précédent, nous avons étudié la relation qu’entretient l’enfant dès sa

3.8 Quels arguments pour un enseignement des langues étrangères aux enfants ?

Nous réfléchirons enfin à la question des avantages, s’il y en a, d’enseigner ou d’apprendre une langue étrangère à l’école primaire ou pendant l’enfance.

Lorsque nous plaidons en faveur d’un enseignement des langues étrangères aux enfants, la question fondamentale qui se pose est la suivante : pourquoi commencer l’enseignement avant le moment normal, c’est-à-dire le moment généralement prévu dans le système éducatif pour celui-ci ? Il nous semble important de répondre à cette question en prenant en compte d’un côté les spécificités du public concerné (l’enfant) et d’un autre côté le point de vue des parents.

3.8.1 Les spécificités de l’apprenant enfant

Grâce à certaines caractéristiques des enfants, telles que leur curiosité naturelle et leur mode d’expression qui est à la fois verbal et non verbal, ils sont très réceptifs à une nouvelle langue. Ce qui joue un rôle très important chez l’enfant, c’est la souplesse des organes phonatoires et la meilleure perception auditive dont dispose l’enfant. Son oreille est plus sensible aux différents sons d’une langue et il est donc capable de les distinguer et de les reproduire sans difficulté. De plus, l’apprentissage se fait plus naturellement à cet âge (à travers l’observation, l’écoute et l’imitation, sans recours aux règles de syntaxe ou de grammaire) et favorise le développement cognitif de l’enfant.

J.-M. Morlat (2008) se pose la question de l’intérêt de l’apprentissage précoce : « Pourquoi enseigner les langues le plus tôt possible ? Quels sont donc les avantages à commencer l’enseignement d’une langue de manière ‘précoce’ ? On peut considérer les recherches récentes des psycho-linguistes : les travaux des quinze dernières années montrent que, dès la naissance, l’oreille et le cerveau humains ont la faculté de percevoir et traiter des distinctions très fines entre les phonèmes appartenant aux langues maternelles. Cette sensibilité aux contrastes phonétiques s’amenuise progressivement au profit des seuls phonèmes de la langue de l’environnement. La plasticité du cerveau du jeune enfant est telle qu’il apprendra les langues, et beaucoup d’autres choses d’ailleurs, avec une facilité interdite à l’adulte ; ce fait est reconnu et à

prendre en compte, à l’avenir, si l’on veut donner à l’enseignement des langues étrangères sa juste place dans nos écoles primaires. »

R. Cohen (1991) justifie l’importance de cet apprentissage dès l’école maternelle. Pour elle, le potentiel de l’enfant est énorme à cet âge. « Il est capable d’apprendre beaucoup de choses à travers ce qu’il vit, ce qu’il fait dans cette langue, et parce que les activités proposées répondent à ses besoins. Ses organes phonatoires sont tellement souples que très vite il est capable de répéter sans difficulté et de parler avec l’accent souhaité. Il apprend cette langue étrangère non pour elle-même, mais parce qu’elle lui sert à faire des choses qu’il aime, qui l’intéressent, avec les autres, avec l’enseignant. » (1991 : 52).

Comme le dit R. Cohen (1991), l’enfant apprend la langue non pour elle-même, mais pour en faire des utilisations concrètes : jouer, échanger, découvrir le monde qui l’entoure. A cet âge, l’enfant apprend la langue étrangère de façon plus naturelle par rapport aux adultes. Il suffit de penser à notre propre expérience, en tant qu’adulte, de l’apprentissage d’une langue étrangère. Pour un adulte, la nouvelle langue est souvent appréhendée comme un ensemble de mots et de phrases, régi par des règles (compliquées !) de morphosyntaxe. L’adulte essaie sans cesse de comparer ce nouveau système à celui de sa langue maternelle et à trouver des similitudes, qui le réconfortent. Ce va-et-vient perpétuel entre sa langue maternelle et la langue étrangère qui se passe implicitement dans la tête devient plus visible à l’enseignant grâce aux questions posées ou aux commentaires faits par l’apprenant (par exemple, nos apprenants adultes nous demandent souvent l’équivalent en anglais de l’imparfait ou du subjonctif). De manière générale, ils cherchent à établir des parallèles et des règles explicites pour comprendre le fonctionnement de la langue avant de l’utiliser concrètement ou en situation. Contrairement aux adultes, les enfants, d’après notre expérience, sont capables d’apprendre une nouvelle langue de façon plus naturelle (et ce, non seulement en situation scolaire). Ils apprennent beaucoup en observant, en écoutant et surtout en imitant, non seulement le verbal, mais aussi le para verbal et le non verbal. Par rapport aux adultes, ils posent très peu de questions sur le fonctionnement de la langue et ne se soucient pas de rapprochements ou de règles de syntaxe ou de grammaire.

Nous reviendrons sur les spécificités des apprenants enfants dans le chapitre suivant. Toutefois, la question des avantages de l’enseignement précoce est assez compliquée si l’on prend en compte les résultats très variés des études menées par différents chercheurs et leurs conclusions assez divergentes.

A. Pinter (2011), citant Johnstone (1999), explique qu’il n’y a aucune preuve claire pour confirmer que l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école primaire entraîne de meilleurs résultats à l’école secondaire. Par contre, citant Low et al. (1995), A. Pinter (2011) indique qu’une étude du projet « Scottish Pilot project » a confirmé que les élèves du groupe projet qui avaient commencé plus tôt avaient de légers avantages par rapport aux élèves non-projet qui avaient commencé plus tard. Ces avantages concernaient la prononciation, les schémas intonatifs, la longueur des énoncés, la complexité structurale et l’utilisation des stratégies de communication. Pourtant, les études de García Mayo et García Lecumberri (2003), citées par A. Pinter (2011), n’ont pas trouvé d’avantages chez les jeunes apprenants et ont montré que les apprenants plus âgés avaient de meilleurs résultats en perception phonétique et en production, pour ce qui concerne l’aisance, la précision et la complexité.

Toutefois, A. Pinter (2011) rappelle que l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école primaire pourrait être bénéfique, si les compétences linguistiques ne sont pas considérées comme le seul critère de la réussite. Citant différents chercheurs, elle précise que cet apprentissage aide les enfants à découvrir d’autres cultures (Brunzel 2002 ; Likata 2003), développe la motivation et des attitudes positives vis-à-vis des langues (Nikolov 1999 ; Kennedy et al. 2000) et favorise l’éveil aux langues (Genelot et Tupin 2001).

3.8.2 Le point de vue des parents

Pour les parents, le choix d’enseigner une langue étrangère à un enfant semble tout à fait justifié, compte tenu des caractéristiques évoquées plus haut. Mais à part ces facteurs qui peuvent contribuer au bon déroulement ou au succès de l’apprentissage lui-même, il existe d’autres justifications liées plus particulièrement au rôle des

langues étrangères : ouverture sur le monde et la pluralité des cultures, mobilité et déplacements.

R. Carmel (2009) a analysé le discours des parents et des enfants autour du projet « English for Young Learners » (L’anglais pour jeunes apprenants) en Israël. Il est intéressant de noter que le discours des parents évoque des concepts tels que le consumérisme (les avantages pour les enfants, les meilleures perspectives, le statut social et les avantages financiers) ; l’art d’être de bons parents (« Good Parenting ») (2009 : 412), c’est-à-dire leur volonté d’investir, leur engagement et leur fierté ; et leur position assumée d’experts de langue (les avantages de commencer plus jeunes). R. Carmel (2009) révèle que le discours des enfants est centré sur le plaisir d’apprendre l’anglais et le statut international de l’anglais. Elle estime que la source de ces perceptions pourrait être le discours des adultes qu’ils entendent et qu’ils répètent. Elle cite des exemples de phrases telles que « Mes parents me disent que l’anglais est important. », ce qui montre la pression implicite qu’exercent les parents sur leurs enfants. R. Carmel (2009) souligne aussi les attentes élevées des enfants, attentes qui ne se concrétisent pas en général dans les classes 1 et 2. « Children naïvely believe that learning English in grades 1 or 2 will quickly and effortlessly equip them with ‘knowing English’. » (2009 : 418).

« Les enfants croient naïvement qu’apprendre l’anglais dans les classes 1 et 2 les dotera rapidement et sans effort d’une maîtrise de l’anglais. »

Nous venons ainsi d’examiner les différents contextes dans lesquels un enfant s’approprie une deuxième langue. Dans le chapitre suivant, nous étudierons le profil du jeune apprenant.

Partie II

De la théorie aux pratiques…

Chapitre 4