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Le profil du jeune apprenant

4.2 L’enfant et la motivation

Du point de vue de l’apprenant, la motivation et l’attitude sont deux facteurs clés qui influent sur le déroulement de l’apprentissage et sa réussite. Il est bien connu que chaque enseignant de langue étrangère, quel que soit le public, s’efforce de motiver son public et de faire adopter une attitude positive vis-à-vis de la langue et de la culture cibles.

Si l’attitude désigne une disposition persistante, fondée d’abord sur l’affect et l’émotion, à agir de façon positive ou négative vis-à-vis d’une personne, d’un groupe, d’un objet, d’une situation ou d’une valeur, la motivation désigne ce qui pousse un sujet à agir. La motivation peut être interne, c’est-à-dire venant de l’apprenant lui- même, ou externe, c’est-à-dire stimulée par l’enseignant. En effet, ces deux types de motivation doivent coexister ; d’une part, l’enseignant devrait trouver différents moyens pour motiver les apprenants et d’autre part, ces derniers font telle chose en raison d’une motivation personnelle.

E. Ushioda et Z. Dörnyei (2012), citant Gardner et Lambert (1972), distinguent entre les deux types d’orientations motivationnelles dans l’apprentissage de langues : l’orientation intégrative est liée à un intérêt personnel porté aux locuteurs de la langue

et à leur culture, tandis que l’orientation instrumentale est liée à la valeur pratique et aux avantages d’apprendre une nouvelle langue.

E. Ushioda et Z. Dörnyei (2012), citant Dörnyei (2005, 2009), évoquent une conceptualisation de la motivation (« The L2 Motivation Self System ») centrée sur la vision qu’ont les individus d’eux-mêmes dans l’avenir. Ce système motivationnel fait appel à deux concepts : le soi idéal (« ideal self » 2012 : 400) et le soi devrait-être (« ought-to self » 2012 : 400). Le premier désigne les qualités que l’individu souhaiterait idéalement posséder, c’est-à-dire ses espoirs et ses ambitions. Le second désigne les qualités que l’individu considère qu’il devrait posséder, c’est-à-dire sa perception de ses obligations et de ses responsabilités. Selon E. Ushioda et Z. Dörnyei (2012), si la compétence en langue cible (L2) fait partie intégrante du soi idéal ou du soi devrait-être de l’individu, cela constituera un moteur motivationnel puissant dans son apprentissage de la L2.

D’après E. Ushioda et Z. Dörnyei (2012), pour étudier la motivation des apprenants de langues d’une perspective temporelle, il faudrait distinguer entre la motivation à entreprendre l’apprentissage de la L2, c’est-à-dire les choix, les raisons, les objectifs et les décisions, et la motivation pendant l’apprentissage, c’est-à-dire ses sentiments, son comportement et ses réactions pendant le processus d’apprentissage.

Dans nos cours de FLE pour adultes, nous avons souvent l’occasion d’interroger les apprenants sur ce qui les a poussés à entreprendre l’apprentissage de cette langue étrangère. Les réponses à cette question varient, mais de façon générale, les apprenants adultes apprennent le français pour pouvoir communiquer au travail ou avec des proches, pour améliorer leur curriculum vitae en vue d’un futur travail, pour accompagner des études en cours, pour se préparer à étudier ou à vivre dans un pays francophone, ou par le simple plaisir d’apprendre les langues. Il est donc clair que dans la plupart des cas, l’apprenant adulte décide d’apprendre le FLE ayant en tête un projet bien défini, en fonction de ses besoins.

Réfléchissons maintenant au cas de l’enfant. Dans la plupart des cas, l’enfant n’a pas « choisi » d’apprendre la langue étrangère et n’en éprouve aucun besoin. Qu’est-ce qui pourrait alors motiver un enfant à apprendre une langue étrangère ? Nous avons

vu plus haut, concernant les stades du développement de l’enfant, que l’enfant jusqu’à l’âge de 6 ou 7 ans, pense encore de façon « égocentrique ». Ses notions du temps et de l’espace étant en cours de structuration, l’enfant est fortement ancré dans « l’ici » et « le maintenant ». Quel intérêt pourrait-il donc avoir à apprendre un nouveau code, dont les locuteurs ne sont pas présents dans son environnement social immédiat et dont il n’a pas forcément de représentations ? Comme le dit H. Vanthier (2009), « l’intérêt spontané que l’on prête à chaque enfant pour l’apprentissage des langues est à relativiser, tout pédagogue œuvrant en milieu scolaire ou périscolaire le sait d’ailleurs fort bien ! » (2009 : 24).

Pour C. O’Neil (1993), les attitudes et les motivations jouent un rôle complémentaire dans le processus pédagogique. « On peut, en effet, penser qu’une motivation personnelle positive est, le plus souvent, liée à une attitude favorable. Par ailleurs, le fait de motiver des élèves peut vraisemblablement avoir une influence sur leurs attitudes, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’élèves jeunes – élèves dont on peut faire l’hypothèse que les attitudes ne sont pas encore fixées, mais sont en cours d’élaboration. » (1993 : 141).

C. O’Neil (1993), citant N. Kharma (1977), postule que les composantes de la motivation, dans le cas des jeunes enfants scolarisés, sont multiformes : y figurent par exemple l’âge auquel l’enfant commence l’apprentissage, son environnement linguistique et culturel, le statut de la langue maternelle, l’attitude de l’enfant vis-à-vis de l’école, son attitude et celle de ses parents et de la communauté vis-à-vis des locuteurs de la langue étrangère et de leur pays, le niveau éducatif des parents, le prestige de la langue autant au niveau local qu’au niveau international, le besoin d’apprendre cette langue, la place de cette langue dans le système scolaire et les objectifs de son enseignement, l’attitude de l’école vis-à-vis de la langue étrangère, le type et la personnalité des enseignants, l’attitude de l’enseignant vis-à-vis de sa profession, la relation enseignant – apprenant, les manuels utilisés, les objectifs poursuivis, le mode d’enseignement de la langue, le succès et l’échec dans la langue, et les différences individuelles dans l’aptitude aux langues, l’intelligence et les intérêts.

Selon M. Nikolov (2009), les attitudes, la motivation et l’anxiété des jeunes apprenants de langue ont été étudiées dans plusieurs contextes afin d’examiner les arguments en faveur d’un apprentissage précoce : les recherches ont montré que les enfants ont des attitudes positives, ils sont plus motivés et moins anxieux que les apprenants plus âgés.

Selon V. Murphy (2014), citant Nikolov et Mihaljević Djigunović (2011), dans l’ensemble, la motivation pour apprendre une langue étrangère est raisonnablement élevée et les attitudes vis-à-vis de l’apprentissage de la langue étrangère et des locuteurs de la langue étrangère sont positives. Elle signale toutefois que cette motivation risque de diminuer au fur et à mesure que les enfants (les garçons en particulier) avancent à l’école primaire. Cette diminution pourrait s’expliquer par le fait que les enfants, au fur et à mesure que leur maturité cognitive se développe, ont des attentes plus réalistes sur ce qu’ils seront capables de réaliser en langue étrangère. V. Murphy (2014), citant Muñoz (2006), ajoute que lorsque l’apprentissage de la langue étrangère constitue un cas d’acquisition d’une troisième langue ou L3, par exemple chez des enfants bilingues qui apprennent une langue étrangère, l’anxiété peut être moins élevée par rapport aux contextes où l’apprentissage de la langue étrangère constitue la première expérience qu’ont les enfants d’une autre langue, comme c’est le cas pour la plupart des enfants dans des pays anglophones. Par ailleurs, V. Murphy (2014), citant Barton, Bragg et Serratrice (2009), soutient que la participation à un programme d’enseignement des langues étrangères, voire à un programme d’éveil aux langues (comme le programme « Discover Languages » 2014 : 148), aide à développer chez l’enfant la motivation pour apprendre des langues étrangères.

En ce qui concerne les attitudes et la motivation, J. Mihaljević Djigunović (2009), citant Singleton (2003), explique que contrairement aux apprenants plus âgés, les enfants ne s’efforcent pas de maintenir leur identité linguistique et culturelle, celle-ci n’étant pas encore complètement établie, ce qui constitue leur avantage de départ. Selon J. Mihaljević Djigunović (2009), même s’il est généralement admis que les jeunes apprenants commencent leur apprentissage d’une langue étrangère avec des

attitudes positives, la notion des attitudes vis-à-vis des langues est très complexe, car, comme elle le signale, citant Bartram (2006), les enfants n’ont pas la capacité à exprimer leurs perceptions.

J. Mihaljević Djigunović (2009) remarque également que les jeunes apprenants abordent souvent l’apprentissage de la langue étrangère en adoptant les attitudes de leurs parents et de leurs proches (de leurs amis, de leur famille, de leur enseignant) et que suite à leur expérience directe de l’apprentissage, ils forment leurs propres attitudes. Citant Nikolov (1999) et Vilke (1993), elle précise que leurs attitudes sont façonnées par la salle de classe et que c’est l’enseignant qui constitue le facteur clé dans la formation de leurs attitudes. Citant Marschollek (2002), elle ajoute que le contact direct avec des locuteurs natifs contribue aux attitudes positives.

Il est donc très important que l’enseignant tienne compte de ces facteurs, de leur rôle complémentaire et de leur influence sur la manière dont l’enfant abordera l’apprentissage. Nous aborderons dans le chapitre suivant les stratégies qui peuvent être adoptées pour motiver les enfants en classe de FLE.