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Le développement du langage chez l’enfant

2.2 Les étapes de l’acquisition du langage

Pour ce qui concerne les étapes de l’acquisition du langage, H. Vanthier (2009) distingue trois phases : la communication pré-linguistique, un premier langage d’action (le dire accompagnant le faire) et le langage d’évocation (le dire décroché du faire).

La communication pré-linguistique

Avant que l’enfant ne sache parler, il communique avec l’adulte référent (il s’agit le plus souvent de sa mère). Cette communication préverbale est ancrée dans des situations et mise en mots par l’adulte. H. Vanthier (2009), citant J. Bruner (1983), parle d’un « format d’interaction », qui se met en place au cours d’une action conjointe et qui permet de construire et interpréter l’intention de communication. Très souvent, cette communication a un caractère répétitif et se présente sous forme de jeu ritualisé (par exemple, bonjour/ au revoir). Le regard joue un rôle important dans cette interaction, parce que le captage du regard permet de désigner automatiquement un

« je » et un « tu ». Comme le dit H. Vanthier, « La communication est bien en place dès que l’enfant est capable de regarder sa mère, de regarder où elle regarde, d’avoir des échanges mimiques avec elle, de faire des gestes qui expriment ce qu’il veut. Au cours de la première année, les enfants apprennent ainsi à communiquer avec leur entourage, ils commencent à s’exprimer vocalement (vocalises, babils), puis par des approximations de mots (protolangage), avant les mots proprement dits. » (2009 : 34). V. Boiron, de l’I.U.F.M. d’Aquitaine, cite quelques observations faites par Bruner concernant la communication entre l’enfant et son entourage. Elle note que les adultes parlent au bébé immédiatement et qu’ils lui prêtent la capacité de comprendre. L’enfant est ainsi considéré comme un partenaire de dialogue. Les adultes interprètent tous les signes que leur renvoie l’enfant (grimaces, rictus, sourires, pleurs, cris...). Nous pouvons donc remarquer que la communication se met en place bien avant le langage. V. Boiron note également l’utilisation du « mamanais » (ou « motherese » en anglais), qui signifie le mode d’élocution particulier utilisé par un adulte s’adressant à un nourrisson. Le « mamanais » est caractérisé par un débit ralenti et une prosodie modifiée. Il s’agit d’un mode d’accès à la compréhension et semble être universel.

Un premier langage d’action (le dire accompagne le faire)

Ce qui caractérise l’acquisition du langage à partir de la deuxième année, c’est son ancrage dans le vécu de l’enfant. Le développement du répertoire se fait d’abord lentement pour les cinquante premiers mots, mais on assiste par la suite à une « explosion verbale ». Le langage prend son sens parce qu’il est directement lié à ce que l’enfant perçoit ou à ce qu’il fait dans une situation donnée et correspond à quelque chose de visible, de manipulable, de montrable ou à un sentiment ressenti ou à une action en train de se réaliser.

Pour V. Boiron, l’enfant apprend à parler lors des rituels, tels que le passage aux toilettes, les repas, le coucher, et les jeux, qui constituent des moments de langage spécifiques ayant des scénarios langagiers qui accompagnent l’action. Il apprend également à parler lorsque l’adulte parle avec lui, en faisant quelque chose ensemble.

H. Vanthier (2009) note dans ce premier langage une « forte présence d’éléments déictiques » (souvent accompagnés de gestes de pointage) qui ne prennent leur sens que dans le cadre du contexte d’énonciation, tels que je, tu, celui-là, ici, etc. (2009 : 35).

Il est clair que le contexte de l’acquisition de la langue maternelle est très différent de celui de l’apprentissage d’une langue étrangère. L’enseignant de langue étrangère chez de jeunes enfants peut néanmoins tirer des leçons utiles des recherches faites sur l’acquisition du langage, notamment pour ce qui concerne les concepts tels que « action conjointe, attention conjointe, langage inscrit dans l’expérience, format d’interaction, situation et jeux ritualisés. » (2009 : 35).

Le langage d’évocation (le dire décroché du faire)

Vers quatre ans, l’enfant devient capable d’utiliser un langage qui n’est plus ancré dans la situation ou dans l’expérience qu’il est en train de vivre. Ce langage décontextualisé, lui permettant d’évoquer des situations et de raconter des expériences, donne accès à une compréhension du monde uniquement par les mots, en tout temps et en tout lieu.

C’est en effet dans cette phase que l’action de l’adulte (parent ou enseignant), sous forme de guidage, devient indispensable, parce que le langage d’évocation exige des capacités plus complexes : savoir utiliser un lexique de plus en plus abondant, savoir ordonner les événements dans l’espace et dans le temps et savoir structurer des énoncés plus longs et mieux articulés entre eux.

Comme le dit H. Vanthier (2009), « L’accès à ce langage est par conséquent fortement dépendant du développement sociocognitif de l’enfant puisque, pour parvenir à un langage décontextualisé précis, il faut à la fois être capable de décentration pour anticiper les besoins de l’interlocuteur (se le représenter comme différent de soi et n’ayant pas les mêmes connaissances préalables), être capable d’une mobilisation de sa mémoire pour reconstituer des enchaînements et pouvoir penser des relations de causalité. » (2009 : 35).

Selon H. Haeffele et M. Weiss (2003), les situations que l’enfant doit gérer lui permettent de développer les différentes fonctions de la langue (description, narration, explication, argumentation, instruction, injonction et usages ludiques et poétiques). « Pour que l’enfant développe au maximum toutes ces fonctions du langage, il faut une vie assez riche de sollicitations variées mais régulières pour que la fréquence des rencontres linguistiques puisse jouer, il faut un adulte qui verbalise ou aide à verbaliser et qui fasse réutiliser les nouvelles acquisitions. » (2003 : 34).

Les contes racontés aux enfants et la lecture d’histoires par des adultes offrent une très bonne occasion de donner aux enfants un modèle de la langue du raconté.