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Réduction par l’uranium tétravalent

III Complexes d’uranium

IV.2 Réduction par l’uranium tétravalent

La réduction des ligands nitrites du complexe de thorium 1 par des complexes métalliques tels que ceux stabilisant l’uranium tétravalent pourrait permettre l’obtention de systèmes polyoxopolymétallates intéressants, et notamment à valence mixte ThIV-UVI. Le complexe homoleptique de thorium 1 portant 6 ligands nitrites pourrait ainsi réagir avec un maximum de 3 équivalents d’un précurseur de l’UIV, tel que UCl4, et former une architecture

comme celle décrite en schéma 65. Cette voie de synthèse serait le pendant aux réactions exposées dans le chapitre précédent concernant la synthèse de clusters oxo mixtes à cœur U4Th2O6, obtenus par réduction d’uranium hexavalent par le complexe de thorium(IV)

(tBuNNO)2Th.

schéma 65 : Schéma réactionnel envisagé pour la synthèse d’édifice polyoxopolymétallique à valence et métal mixtes

IV.2.1 Réduction des ligands nitrites du complexe de ThIV 1

L’addition d’un équivalent de UI4(diox)2 dans une suspension de 1 dans le DME

(légèrement jaune) à –40 °C entraîne un fort dégagement gazeux, ainsi qu’une décoloration immédiate de l’UIV (rouge) jusqu’à la moitié de l’addition, la couleur du mélange réactionnel restant rouge-orangé par la suite. Le chauffage à 90 °C pendant 12 h permet l’obtention de cristaux pâles correspondant à PPh4I3 en présence ou non de PPh4I. Malheureusement, aucune

autre espèce indiquant le devenir des ions métalliques n’a pu être isolée malgré de nombreuses tentatives de cristallisation. L’obtention de l’anion I3– témoigne de l’oxydation

par les ions nitrites des ions iodures, très réactifs dans UI4, comme cela est montré par le

dégagement gazeux important de NO. Par ailleurs, le composé 1 fournit également ces deux espèces, dans la pyridine, lorsqu’il est confronté à l’iodure d’uranium trivalent, tandis qu’il est inerte face à PPh4I, signe que la coordination du nitrite à l’uranium est probablement préalable

à l’oxydation d’un ligand iodure.

La substitution de UI4(diox)2 par UCl4 pourrait permettre de contourner ce problème,

Chapitre 5 : Complexes nitrito de l’uranium et du thorium

163 iodures (E0 = 0,54 V). L’ajout d’un équivalent de UCl4 dans le THF à –40° C à une

suspension de 1 dans les mêmes conditions fait apparaître un léger dégagement gazeux, signe d’oxydation par les ions nitrites. Le passage intermédiaire par une coloration orangée, avant que la solution ne devienne verte, plus claire que la solution de UCl4 témoin, témoigne

d’oxydations successives de l’uranium tétravalent vers le degré d’oxydation +V puis +VI. Un précipité abondant et parfaitement blanc est en outre apparu dans le milieu réactionnel (1 étant un solide jaune pâle). Après cristallisation par diffusion de pentane dans le surnageant, le complexe d’uranyle [UO2Cl2(THF)2]252 a pu être identifié, en accord avec les observations

précédentes. La présence de ce composé met en exergue le fait que l’ion nitrite coordiné au thorium ne se substitue pas aux chlorures de l’uranyle, au contraire du nitrite libre de [PPh4][NO2] qui forme avec [UO2Cl2(THF)2]2 le composé 2. Par ailleurs, toute tentative de

réaction et/ou de cristallisation utilisant de la pyridine conduit à l’obtention du composé [PPh4]2[UO2Cl4]•2py.53 En outre, le précipité formé, supposé contenir PPh4Cl et

probablement l’espèce du thorium (« [Th(NO2)4]n » polymérique), a été soumis à deux

équivalents de [PPh4][NO2] pour régénérer 1. Les seuls cristaux convenant à une analyse par

diffraction des rayons X sont encore une fois ceux de [PPh4]2[UO2Cl4]•2py, qui doit être peu

soluble tant dans le THF que dans la pyridine. La substitution du chlorure par un analogue inerte, tel que le triflate, serait peut-être plus adaptée pour étudier ce système.

Les mêmes constats expérimentaux ont été faits avec l’emploi de U(OTf)4. Jusqu’à

deux équivalents de U(OTf)4 réagissent avec le nitrite de thorium 1, correspondant à la

réduction de 4 unités nitrites pour passer de l’UIV à l’UVI. Les essais de cristallisation utilisant la pyridine comme solvant n’ont permis l’obtention que de UO2(OTf)2•3py, témoignant de

l’oxydation de l’uranium(IV) en uranium(VI). Lorsque la réaction est effectuée dans le DME, des cristaux du composé [(UO2(py)4)2(µ2-O)][OTf]254 sont obtenus. Cette espèce O-pontée

reflète la réduction formelle de 5 ions nitrites, tandis que les deux atomes d’uranium n’ont pu être oxydés chacun que deux fois. Aucun autre produit n’a pu être caractérisé dans cette réaction. Par conséquent, aucune suggestion sur son équation-bilan ne peut être formulée, le complexe [(UO2(py)4)2(µ2-O)][OTf]2 pouvant être synthétisé de manière très minoritaire.

Lorsqu’on substitue le DME par l’acétonitrile, l’addition d’un excès de nitrite de thorium 1 sur le triflate d’uranium(IV) a permis d’obtenir le nitrate d’uranyle [PPh4][UO2(NO3)3(THF)],

qui a été caractérisé par diffraction des rayons X et dont la structure est présentée en figure 87.

figure 87 : Vue ORTEP de l’anion [UO2(NO3)3(THF)]–; une seule position des atomes

désordonnés est représentée par souci de clarté; code de symétrie : i = x, y, 1/2 – z; sélection de paramètres structuraux (distances en Å et angles en °) : U1–O1 1,757(4), U1–O2 1,763(3),

Chapitre 5 : Complexes nitrito de l’uranium et du thorium

164 U1–O3 2,705(5), U1–O4 2,610(6),U1–O6 2,532(3), U1–O7 2,524(3), U1–O9 2,358(5), N1– O3 1,261(6), N1–O4 1,304(7), N1–O5 1,234(6), N2–O6 1,265(5), N2–O7 1,260(5), N2–O8 1,207(6), O3–U1–O4 47,29(17), O6–U1–O7 49,80(11), O3–N1–O4 112,5(5), O6–N2– O7 115,0(4).

Pour comparaison, les moyennes et plages de variation de longueurs de liaisons et des angles calculées à partir des cinq autres exemples d’anions [UO2(NO3)3]– avec trois nitrates

chélatants décrits dans la littérature sont U–O 2,50(2) Å [2,45–2,56 Å]; N–O 1,31(3) Å [1,259–1,431 Å]; O–N–O 118(2)° [115–128 °]; O–U–O 52(1)° [50–57 °].55,56 L’anion [UO2(NO3)3(THF)]– est un des rares exemples de complexe dans lequel l’ion uranyle est lié à

sept atomes donneurs, un des ions nitrates adoptant une position perpendiculaire au plan équatorial de manière à limiter l’encombrement stérique.55,57

La formation d’ions nitrate est révélatrice du caractère ambivalent des nitrites, à la fois réducteurs et oxydants, et qui peuvent dans certaines conditions se dismuter en nitrate et monoxyde d’azote selon l’équation illustrée en schéma 66.

schéma 66 : Dismutation des ions nitrites

IV.2.2 Réduction des ligands nitrites du complexe d’uranyle 2

Dans le même esprit, le nitrite d’uranyle [PPh4]2[UO2(NO2)4] 2 a été engagé dans une

réaction de réduction avec le chlorure ou le triflate d’uranium, UCl4 ou U(OTf)4, produisant

respectivement, entre autres produits, les composés [PPh4]2[UO2Cl4]•2py et UO2(OTf)2•3py

caractérisés par diffraction des rayons X. Seule l’émission d’un débit faible de gaz, signe de la libération de NO et donc de la réduction de nitrites, atteste d’un échange électronique dans ces réactions.