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III Synthèse des proligands cationiques dissymétriques de type LX

III.2 Optimisation pour R = tBu

La synthèse de la cétoénamine 6, bien connue dans la littérature2 utilise la 2,6- diisopropylaniline commerciale comme produit de départ. Comme toute amine aromatique, elle est photosensible et comporte une quantité minoritaire de produits de dégradation difficilement éliminables, et pouvant conduire au produit cationique [8b][BF4] impur.

La présence de ces composés parasites a nécessité un ajustement de la quantité du sel de Merweein Et3OBF4 pour activer 6. En effet, 0,85 équivalent molaire suffit pour accomplir

cette transformation, un surplus jusqu’à un équivalent d’agent d’activation conduisant à l’apparition d’autres produits activés (sur la fonction énamine probablement), non désirés pour le deuxième couplage avec l’aminophénol 1b. La réaction de [7][BF4] ainsi généré in

situ avec 1b produit le cation voulu avec un rendement global correct à partir de l’aniline de départ (environ 70 %).

Un processus de purification de la cétoénamine 6 a été recherché et perfectionné pour améliorer ces résultats. Solubilisé dans le pentane, 6 précipite à – 80°C pour donner un solide cristallin blanc tandis que les impuretés jaunes en solution peuvent être éliminées par filtration. Toutefois, l’usage du même mode opératoire qu’avec la version non purifiée, i.e. activation par le sel de Merweein dans le dichlorométhane, générant in situ [7][BF4], puis

condensation de 1b, produit le cation [8b][BF4] avec des rendements encore moindres et une

reproductibilité très faible. Une étude systématique de chaque paramètre a été mise en place de manière indépendante pour les deux étapes de synthèse.

Chapitre 2 : Synthèse des ligands N-aryloxy-β-diiminates

46 L’étape d’activation peut être modulée selon plusieurs critères : le nombre d’équivalents de l’agent d’activation, la température, le temps de réaction et la concentration, le solvant choisi demeurant le dichlorométhane. Comme attendu avec l’emploi de la cétoénamine 6 purifiée, un équivalent de sel de Merweein est bien nécessaire pour faire réagir quantitativement le produit de départ, après une heure de réaction. La température n’influe pas sur l’issue de la réaction, tandis que la concentration du milieu réactionnel et le temps de réaction ont un effet relativement mineur. En effet, la proportion de produits parasites non identifiés devient non négligeable à mesure que le temps de réaction devient important, d’autant plus raccourci par une forte concentration initiale en réactifs, favorisant les transformations intermoléculaires. Une concentration élevée, telle que 1,3 mol/L, permet ainsi de rendre la réaction complète au bout d’une heure avec une quantité de produits parasites négligeable. L’étape d’activation de la cétoénamine 6 est donc relativement neutre, à court temps, quant au rendement du cation β-diiminium final.

L’intermédiaire activé [7][BF4] étant généré quantitativement, une investigation plus

poussée de la deuxième étape, i.e. la condensation de l’aminophénol 1b sur [7][BF4], est

nécessaire pour comprendre les mauvais rendements obtenus à partir de 6 purifié et surmonter les obstacles identifiés.

Une fois encore, la température n’influe pas sur l’issue de la réaction. L’étude a d’abord été menée dans le dichlorométhane, solvant utilisé lors de la première étape et avec lequel de bons résultats étaient obtenus lorsque la cétoénamine de départ 6 n’était pas pure. Après une heure d’activation de la cétoénamine 6 à la concentration de 1,3 mol.L-1, un équivalent d’aminophénol 1b a été ajouté au mélange réactionnel, avant d’ajouter un volume variable de solvant. La concentration en aminophénol ajouté, variant de 1,0 à 0,1 mol.L-1, se révèle être encore une fois le paramètre majeur régissant l’issue de la réaction. En effet, un milieu à forte concentration favorise les réactions intermoléculaires, concourant à la formation prépondérante du cation [8b][BF4], tandis que la formation des produits minoritaires a pu être

favorisée en milieu peu concentré, permettant leur identification (schéma 19).

A faible concentration, une réaction acido-basique menant à la cétoénamine neutre 7 et à l’ammonium [1b-H][BF4] domine la réactivité de ce couplage. [1b-H][BF4] a pu être

identifié par spectroscopie RMN 1H par comparaison avec le spectre de l’espèce [1b- H][OTs], générée par réaction entre l’aminophénol 1b et un équivalent d’APTS. 7 a été synthétisé séparément via déprotonation de [7][BF4] par du carbonate de calcium et

caractérisé par spectroscopie RMN 1H. Ces deux espèces ont ainsi pu être identifiées dans le brut réactionnel lors de nos tentatives de synthèse du composé [8b][BF4]. Le dichlorométhane

étant un solvant très légèrement polaire, la séparation des charges dans l’espèce [7][BF4] est

sans doute trop faible, abaissant sa réactivité vis-à-vis du nucléophile 1b et permettant à l’échange acido-basique générant 7 et [1b-H][BF4] de s’établir. Cet équilibre serait d’ailleurs

d’autant plus favorisé qu’on substituerait le dichlorométhane par un solvant protique. Le THF étant aprotique et bien plus polaire que le dichlorométhane, il a été choisi pour tester cette transformation. Toujours combinée à une forte concentration en réactifs, ce changement de solvant a permis l’obtention unique du cation désiré [8b][BF4], ainsi que de son analogue

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47 Les composés [8a,b][BF4] ont été totalement caractérisés par analyses élémentaires,

spectroscopie RMN 1H et 13C et par DRX sur des monocristaux obtenus par diffusion lente de pentane dans une solution du sel correspondant dans le THF. Leurs structures sont présentées en figure 23 pour ([8a][BF4])2 et en figure 24 pour [8b][BF4].2THF et discutées

simultanément.

schéma 19 : Condensation de l’aminophénol 1b sur la cétoénamine activée [7][BF4]

schéma 20 : Protocole opératoire menant à la synthèse de [8a,b][BF4]

[

figure 23 : Vue ORTEP d'une des deux molécules cristallographiquement indépendantes de [8a][BF4]. Les atomes d’hydrogène, exceptés ceux portés par les fonctions iminiums, ainsi

que les groupements méthyles des substituants iPr et tBu ont été omis. Un seul monomère est représenté. Sélection de paramètres structuraux (distances en Å et angles en °) : N1–C11

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48 1,339(3), C11–C12 1,391(3), C12–C13 1,386(3), C13–N2 1,338(3), N1–C11–C12 119,8(2), C11–C12–C13 128,4(3), C12–C13–N2 120,0(2).

figure 24 : Vue ORTEP de [8b][BF4].2THF. Les molécules de THF, les atomes d’hydrogène

exceptés ceux portés par les fonctions iminiums et les groupements méthyles des substituants iPr et tBu ont été omis. Sélection de paramètres structuraux (distances en Å et angles en °) : N1–C15 1,336(3), C15–C16 1,395(3), C16–C17 1,393(3), C17–N2 1,334(3), N1–C15– C16 120,4(2), C15–C16–C17 127,5(2), C16–C17–N2 120,9(2).

Pour les deux espèces, le squelette β-diiminium N–C–C–C–N, complètement délocalisé comme indiqué par les distances N–C et C–C, est quasi plan. Cette conformation permet aux noyaux aromatiques de se placer quasi orthogonalement par rapport à ce squelette (78° en moyenne). Les distances entre les centroïdes des noyaux aromatiques (5.10 et 5.29 Å dans 8a, 5.30 Å dans 8b) sont trop grandes pour indiquer la présence d'interactions de π- stacking intramoléculaires, bien que les cycles aromatiques soient presque parallèles (angles dièdres de 6.0–18.2°). Des liaisons hydrogène sont formées entre les groupes phénol et iminium et les contre-ions BF4– (entre le groupe phénol et le THF dans 8b). L’encombrement

stérique apporté par le groupement R n’a en outre que peu d’incidence sur la structure cristalline des deux sels.