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Complexes de l’uranium

IV Complexes d’actinides

IV.2 Complexes de l’uranium

La chimie de l’uranium tétravalent et hexavalent a été explorée avec les deux ligands lithiés, pour faire apparaître des différences de comportement drastique des complexes à ces degrés d’oxydation.

IV.2.1 Ligand le plus encombré R = tBu

A l’instar des complexes bis du ZrIV 1b et du ThIV 9b, le complexe bis de l’UIV 13b (schéma 45, éq. 1) a été obtenu à partir d’un mélange de deux équivalents de ligands pour un de UI4(1,4-dioxane)2 ou de UCl4. La structure de ce composé a été identifiée par diffraction

des rayons X sur des cristaux obtenus par simple recristallisation dans le toluène. Ce complexe d’uranium(IV) est isomorphe aux complexes 1b et 9b, et présente des paramètres structuraux tout à fait analogues.

Les distances dans le squelette NacNac sont ainsi quasi identiques à celles de 9b (distances moyennes N–C et C–C de 1,323(3) et 1,417(8) Å et des angles internes proches de 120 ° (122(2) ° en moyenne)). Par ailleurs, on remarquera que l’angle dièdre entre les deux faces triangulaires du prisme évolue dans le même sens que la taille du centre métallique, avec θ(ThIV) = 12,9° > θ(UIV) = 12,1° > θ(ZrIV) = 9.2° (r(ThIV) = 0,94 Å > r(UIV) = 0,89 Å > r(ZrIV) = 0,72 Å pour un ion métallique hexacoordiné). De même, la distance de l’ion actinide à ces faces est plus faible que celle dans l’analogue du ThIV (d = 1,44(1) Å). Le même constat peut être fait pour les distances moyennes U–O et U–N (2,1900(13) et 2,41(4) Å, respectivement), qui sont proches de celles observées pour les liaisons UIV–OAr (2,005-2,458 Å, 2,205(5) Å en moyenne)50 et aux quelques autres exemples de liaisons UIV–N des complexes β-diiminate (2,37(3) Å en moyenne).21 L’ion métallique subit une déviation par rapport au plan moyen du squelette NacNac moindre (1,849(2) Å), tandis que le carbone central est très déplacé hors du plan contenant les fonctions imines (0,315(3) Å), le faisant pointer vers l’ion métallique (3,097(2) Å). La distance moyenne U–C avec le squelette NacNac de 3,07(5) Å ne permet pas de classer le ligand parmi ceux de type η5, par comparaison avec des distances U–centroïde d’un ligand Cp rapportées dans la littérature (2,419-2,591, 2,485(4) Å en moyenne).51

Chapitre 3 : Chimie de coordination des ligands RNNO

98 schéma 45 : Synthèse des complexes de l’UIV 13b et de l’UVI 14b à partir du ligand encombré

tBu

NNOLi2

Toutefois, l’addition d’un demi-équivalent de précurseur d’uranium(IV) sur le complexe bis 13b ne produit pas de complexe mono analogue à celui du thorium (10b). Le mélange équimolaire de ligand lithié et de ce même précurseur produit en fait uniquement le complexe bis 13b et le ligand qui n’a pas réagi. Enfin, même avec une réaction relativement lente, le suivi cinétique par RMN 1H n’a mis en évidence aucune espèce autre que 13b et le réactif carboné. Toutes ces observations laissent ainsi supposer la synthèse directe du complexe bis de l’UIV 13b sans passage intermédiaire par un complexe mono analogue à 10b. L’utilisation d’un solvant coordinant tel que la pyridine n’a pas non plus permis de mettre en évidence un tel complexe, de formule LUX2(Py)n sous sa forme monomérique attendue,

attestant de la forte stabilité de l’édifice bis.

Ayant à disposition un ligand dianionique fortement chargé et donc prompt à stabiliser des centres métalliques à un haut degré d’oxydation, sa réactivité avec de l’uranium hexavalent a été ensuite étudiée. Soumis à 0,5 équivalent du dimère [UO2Cl2(THF)2]2 dans le

THF, le ligand lithié, jaune-orangé, est instantanément transformé en un complexe noir de 14b, dont la formule supposée est présentée en schéma 45 (éq. 2). 14b est inerte face à tout nouvel ajout du ligand lithié, indice attestant la synthèse d’un complexe mono, parfaitement prévisible de par l’encombrement stérique trop important induit par l’incorporation de deux unités de ligands dans le plan équatorial de l’ion uranyle UO22+. En outre, le solvant

coordinant a un rôle prépondérant sur la stabilité de cette espèce. L’évaporation sous pression réduite de manière modérée et le remplacement par un solvant non coordinant tel que le toluène entrainent une réorganisation du complexe, indiquée par la multiplication et la non- équivalence des signaux observés en spectroscopie RMN 1H, tandis que le complexe se reforme dans le THF. Toutefois une évaporation trop longue dégrade de manière définitive ce composé, qui n’a donc pas pu être caractérisé par analyse élémentaire ou par diffraction des rayons X, aucun cristal n’ayant pu être produit par des techniques de double diffusion ou d’évaporation lente dans divers systèmes de solvants.

Chapitre 3 : Chimie de coordination des ligands RNNO

99 IV.2.2 Ligand le moins encombré R = H

Un net contraste est observé lorsqu’on considère le ligand le moins encombré autour de la fonction phénolate. Une transformation est nettement observée lorsque le ligand lithié est mis en présence d’un précurseur de l’uranium(IV) ou de l’uranium(VI), confirmée par la disparition de ces signaux RMN 1H et l’apparition d’un nombre très important de pics de faible intensité, largement déplacés dans la zone paramagnétique dans le cas de l’uranium tétravalent. Cela suggère la présence de nombreux produits et aucune espèce n’a pu être identifiée malgré de nombreuses tentatives de cristallisation. L’influence de la congestion stérique induite par le groupement pendant en ortho de la fonction phénolate est donc critique quant à l’obtention raisonnée et reproductible de complexes d’actinides. Déjà sévère avec le thorium, le complexe tris 11a mettant en lumière l’insuffisante congestion stérique induite par le ligand pour stabiliser un complexe de type bis, elle devient absolument incompatible avec l’uranium. On peut raisonnablement supposer que cette différence de comportement est imputable à la taille de l’ion métallique. Le rayon ionique du cation U4+ ne doit pas être suffisamment grand pour accepter une structure de type tris, telle qu’observée de manière reproductible avec le ThIV, mais trop pour supporter une architecture de type bis, et encore moins mono.