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Réactivité des complexes bis ( tBu NNO) 2 M n–

IV Complexes d’actinides

Chapitre 4 Réactivité des complexes bis ( tBu NNO) 2 M n–

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Chapitre 4 : Réactivité des complexes bis (

tBu

NNO)

2

M

n–

I Introduction

Certains complexes bis présentés dans le chapitre précédent stabilisent des ions métalliques possédant plusieurs degrés d’oxydation stables, comme le cérium, l’ytterbium, le thorium, et l’uranium. La chimie rédox qui leur est associée pourra donc être testée sur certains des complexes bis (tBuNNO)2Mn–. Toutefois, outre l’uranium et ses quatre degrés

d’oxydation stables, la chimie rédox des métaux f reste assez pauvre en comparaison de celle des métaux de transition. Dans ce cadre, le choix de ces ligands NacNac fonctionnalisés par des groupements phénolates pour stabiliser des métaux f n’est ainsi pas innocent, les squelettes NacNac et amidure-phénolates étant connus pour induire des processus multiélectroniques dans des complexes métalliques.

I.1 Ligands rédox-actifs

I.1.1 Squelette NacNac

Outre une grande flexibilité structurale due aussi bien au squelette NacNac qu’aux groupements portés par les atomes d’azote, et qui a contribué à la popularité croissante des ligands β-diiminates, ces derniers ont également montré des propriétés d’oxydo-réduction. En 2003, Lappert et al. ont été les premiers à démontrer le comportement rédox-actif de ces ligands. Le complexe homoleptique de l’ytterbium(II) [HC(C(Ph)N-SiMe3)2]2Yb a été réduit

par un mélange d’ytterbium et de naphtalène, générant l’espèce trimétallique représentée en figure 59a.1 Ce composé présente un ligand NacNac monoanionique habituel (L3), tandis que les deux autres stabilisent une charge négative triple, mettant à contribution les groupements phényls portés par le squelette NacNac. En effet, ce dernier est dianionique tandis que la dernière charge négative est portée par un noyau phényle. On remarquera que dans ces systèmes, ces charges additionnelles ne sont pas portées par les groupements R liés aux atomes d’azote. La présence de ces cycles aromatiques n’est par ailleurs pas nécessaire pour observer la rédox-activité des ligands β-diiminate, comme a pu récemment le montrer l’équipe de Khusniyarov dans les complexes du NiII et du ZnII [HC{(Me)C=NMe}2]M

(figure 59b), dont l’oxydation monoélectronique est centrée sur l’un des ligands.2

figure 59 : (a) Composé trimétallique d’ytterbium comportant deux ligands NacNac trianioniques et un ligand monoanionique ; (b) Complexes [HC{(Me)C=NMe}2]M (M = Ni,

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110 I.1.2 ortho-Amidure-phénolates

Les systèmes de type aminophénol, analogues semi-azotés des catéchols, sont connus pour être des substrats oxydables en ortho-iminocétone (figure 60). Cette propriété a été mise en évidence dans des processus biologiques faisant intervenir des métalloenzymes, comme avec la tyrosinase, responsable entre autres de la synthèse de mélanine. Son site actif, centré sur l’ion CuII coordiné par un hème polyazoté de type porphyrine, catalyse l’oxydation de composés portant des groupements catéchols, ou assimilés, par l’oxygène moléculaire.3 Des polymères ont par ailleurs été synthétisés pour profiter de la réversibilité des échanges électroniques supportés par les ortho-aminophénols, et sont utilisés comme revêtement d’électrodes de carbone, matériau composite plus apte à doser par électrooxydation l’acide ascorbique par exemple.4 Les ortho-aminophénols expriment également leur activité rédox une fois coordinés à un centre métallique. Sous forme de dianions amidure-phénolates, ils peuvent transférer un ou plusieurs électrons au métal, qui peut alors former des liaisons avec d’autres ligands. Les ions métalliques PdII,5 NiII 6ou CoIII ont ainsi pu être stabilisés par ces ligands devenus radicalaires, comme celui développé par Wieghardt et al.(figure 60b).7

figure 60 : (a) Processus rédox d’un ortho-aminophénol; (b) Complexe de CoIII stabilisé par des ligands ortho-semiiminoquinones radicalaires

I.1.3 Ligands β-diiminate fonctionnalisés par des fonctions phénolates

Les ligands RNNO2– conjuguent les propriétés structurales des ligands β-diiminates et des amidure-phénolates. Les complexes organométalliques conçus autour de telles architectures sont par conséquent des candidats potentiels à l’établissement de processus rédox centrés sur les ligands. Dans cette optique, Itoh et al. ont très récemment décrit la synthèse de ligands NacNac symétriques fonctionnalisés par deux fonctions phénolates, proches de ceux développés dans ce travail.8 Le complexe de CuII associé a été oxydé à 1 ou 2 électrons pour montrer que le ligand était le centre d’oxydation, et non l’ion métallique (schéma 46). Le radical généré est stabilisé par délocalisation sur le squelette β-diiminate, conjugué à la semi imino-quinone formée, comme l’ont confirmé une analyse fine de la structure correspondante obtenue par DRX, des expériences d’électrochimie et des calculs théoriques. On notera toutefois que seul l’ion cuivre(II) a été étudié avec cette architecture, et que plus généralement les complexes métalliques présentant des propriétés rédox centrées sur des ligands β-diiminates n’ont été formés qu’autour de métaux de transition (Ni, Zn, Cu), outre le composé trimétallique de l’Yb présenté en figure 59. Ceci est d’autant plus étonnant que certains complexes de métaux f ne sont pas exempts de telles caractéristiques, illustrées à travers quelques exemples ci-dessous.

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111 schéma 46 : Oxydation du complexe de cuivre [CuII(L3–)]– en [CuII(L•2–)]

I.1.4 Complexes de métaux f comportant des ligands rédox-actifs

Les ligands aréniques (Cp*, C8H8 9) et aromatiques carbonés tels que le naphtalène 10 et

le toluène 11 font partie de la famille des ligands dits « réservoirs d’électrons » qui ont été présentés dans le chapitre d’introduction. Ils induisent des réductions de divers substrats (S, Se, PhNNPh, PhCCPh) grâce à leur fort encombrement stérique (Sterically Induced Reduction, SIR)12 dans des complexes de lanthanides trivalents. Cette stratégie a également été étendue aux actinides, permettant ainsi de créer des complexes métalliques à de bas degrés d’oxydation formels peu courants voire inaccessibles. De tels « synthons » d’actinides formellement au degré d’oxydation +II ont ainsi été isolés et caractérisés (Th 10, U 11), composés particulièrement réactifs, comme celui illustré en schéma 47a, dans lequel le toluène dianionique est stabilisé par deux ions UIII et qui est capable d’induire la rupture des liaisons σ et π N═N de l’azobenzène. A l’inverse, les ligands α-diimines,13,14 comme la bipyridine ou les ligands de type BIAN (bis-iminoacénaphtène, schéma 47b),15 peuvent être oxydés en transférant un électron à un ion lanthanide, comme illustré par le complexe de l’Yb développé par Fukin et al. dans lequel le transfert électronique avec le ligand est thermorégulé.

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I.2 Objets d’étude et considérations générales

Dans un premier temps, les propriétés rédox du complexe de cérium trivalent (tBuNNO)2CeIIILi(THF)2 1 seront étudiées, notamment vis-à-vis d’oxydants, l’ion cérium étant

le seul des lanthanides possédant un degré d’oxydation +IV stable. Nous étudierons ensuite les propriétés des complexes bis (tBuNNO)2ThIV 3 et (tBuNNO)2UIV 9. En effet, ceux-ci

présentent un site de coordination vacant et peuvent ainsi former des adduits avec diverses bases de Lewis, avec lesquelles ils pourront procéder dans certains cas à des transferts électroniques basés sur les ligands tBuNNO2– et/ou le métal considéré.

Nous nous attacherons plus particulièrement à l'étude de la réactivité de ces espèces, notamment par l’examen de structures obtenues par DRX. En conséquence, les paramètres structuraux semblables à ceux décrits dans le chapitre précédent (distances et angles du squelette NacNac, liaisons métal–ligand, etc.) ne seront pas discutés en détail.