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Chapitre 6 : Un bon départ dans la vie : doter chaque jeune d’un capital personnel

3. L’entrée dans l’âge adulte : des souffrances évitables ?

3.2. Rééquilibrer les priorités entre formation initiale et formation continue

La notion d’orientation renvoie à plusieurs significations : l’information sur les filières de formation et les métiers, l’aide à l’élaboration d’un projet professionnel et enfin l’affectation dans une filière de formation. L’orientation scolaire a une importance primordiale pour la santé mentale des jeunes en permettant à la fois de répondre à leurs inquiétudes légitimes quant à leur avenir professionnel et également en les aidant à se réaliser dans un métier. Chercher à améliorer l’orientation conduit à s’interroger sur le moyen de trouver un équilibre entre les aspirations professionnelles et personnelles de chacun et les besoins de la société. Vu l’importance du domaine et du niveau d’études pour les jeunes Français, il serait d’autant plus nécessaire d’optimiser les dispositifs d’orientation afin de donner les outils d’une orientation réussie pour tous.

203 Dans le cadre de l’enquête « Génération 2004 », le CEREQ a interrogé, au printemps 2007, 65 000 jeunes parmi les 705 000 sortis pour la première fois de formation initiale en 2004. Les premiers résultats de l’enquête présentés sont présentés dans Joseph O., Lopez A. et Ryk F., « Génération 2004 : des jeunes pénalisés par la conjoncture », Bref n° 248, CEREQ, janvier 2008.

Beaucoup reprochent à l’orientation scolaire française de se faire par défaut : elle tendrait à procéder par exclusions successives des élèves aux résultats scolaires jugés insuffisants vers des voies ou des filières moins considérées que la voie générale. En effet, dans le système éducatif français, les savoirs abstraits et l’intelligence déductive dominent : les élèves qui réussissent mal se retrouvent dans des voies de formation déconsidérées ou font partie des 120 000 jeunes qui sortent chaque année sans diplôme du secondaire. À l’issue du collège, quatre élèves sur dix considèrent que leur orientation a été plus subie que voulue. Une grande partie de ces déçus sont des élèves de l’enseignement professionnel, qui souffre d’une image dégradée. Pour beaucoup d’élèves qui y sont orientés, cela revient à ne pas être jugé digne de la voie générale et cela entraîne un sentiment d’échec. Paradoxalement, c’est précisément certaines de ces formations dépréciées qui répondent le plus aux besoins du marché du travail.

Cette question de l’orientation bénéficie d’une grande attention de la part des pouvoirs publics. Elle est une priorité affichée du ministre de l’Éducation, abordée dans deux récents rapports sur le lycée (Apparu et Descoings) et a dernièrement fait l’objet de nombreux rapports spécifiques, notamment du Haut conseil de l’éducation et du Conseil pour l’Orientation pour l’Emploi.

Paru en mai 2009, le rapport de la commission Apparu, d’initiative parlementaire, fait suite à la polémique autour de la réforme des lycées entreprise par le ministère de l’Éducation. Il propose une refonte complète de la scolarité afin de lutter contre le décrochage avant le bac, de mieux accompagner les choix d’orientation et d’atteindre les taux préconisés par l’UE de 50 % d’une classe d’âge dans le supérieur.

Le rapport de la commission Descoings, quant à lui, rendu en juin 2009, est le second rapport, commandé par le ministre de l’Éducation dans la perspective de la réforme des lycées. Ce rapport a pour but de remettre à plat les objectifs et de rétablir un climat de confiance propice à la réforme. Il tente de répondre aux attentes des lycéens à savoir des demandes d’orientation, de soutien et de stages, le renforcement de la place des langues dans le cursus, ou encore la nécessité de rénover la voie technologique et de rééquilibrer les séries (S, ES et L).

Le Plan « Agir pour la jeunesse » prévoit en ce sens, depuis septembre 2009, une réforme approfondie du système d’orientation (Encadré n° 36). Il convient donc d’attendre 2010 pour en analyser la portée des mesures prévues.

Encadré n° 36 : Amélioration du dispositif d'orientation au sein du système de formation

Le Plan d’action « Agir pour la jeunesse » de septembre 2009 propose de mettre en place « un véritable service public de l'orientation » chargé de l'information des jeunes sur les filières de formation et leurs débouchés professionnels

Les opérateurs nationaux de l'orientation seront rapprochés et dotés d'un portail Internet et d'une plate-forme téléphonique commune pour la rentrée 2010. L'orientation sera placée au cœur de l'éducation nationale. Elle sera intégrée dans les projets des établissements. Au cours de la scolarité, des étapes permettront aux jeunes de bénéficier d'actions de découverte des métiers, d'information sur les filières de formation, de conseil sur les choix possibles.

Un droit à la réorientation sera expérimenté, pour permettre à certains élèves de rompre avec l'enfermement dans des parcours d'échec, tant dans le secondaire que dans le supérieur.

Centre d’analyse stratégique Novembre 2009

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Un livret de compétences élargi au-delà de l'éducation nationale sera expérimenté, afin de valoriser les compétences et potentialités des jeunes sans les limiter aux seuls résultats académiques (aptitudes acquises par l'engagement dans des activités associatives, sportives et culturelles).

Par ailleurs, l’entrée à l’université est une expérience particulière en France, du fait du manque d’accompagnement dédié aux nouveaux arrivants. Les personnes qui parlent aux nouveaux étudiants le jour de leur inscription sont surtout les militants (syndicats étudiants) ou les vendeurs (de mutuelles et de presse), mais aucun personnel direct de l’administration universitaire. Le jeune est lancé dans cette immense nébuleuse, sans sentiers balisés, sans repères, ce qui peut être particulièrement stressant. Il conviendrait donc de systématiser l’accueil des étudiants à l’Université, mesure qui présenterait un coût peu élevé et efficace en termes de diminution du stress, de l’angoisse, du sentiment de solitude etc.

Cette rencontre pourrait être également l’occasion d’une information et d’une sensibilisation auprès des étudiants sur les outils à leur disposition en matière de prévention et de promotion pour une bonne santé mentale être au sein de l’université.

Le Service Universitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SUMPPS) pourrait se charger de cette dernière mission.

D’autres missions en faveur de la santé mentale des étudiants pourrait être portées par les SUMPPS des différentes universités sans frais excessifs. Leurs actions et leurs missions devraient gagner en visibilité et en accessibilité aujourd’hui. En effet, les structures actuelles de médecine préventive sont encore souvent marginalisées au sein des structures universitaires et elles sont de fait délaissées par les étudiants. Il serait donc intéressant de réfléchir aux avantages à retirer d’Internet, moyen de communication et d’information très largement utilisé par les étudiants. La mise en place d’une complémentarité entre Internet et la médecine universitaire pourrait être judicieuse afin de développer l’e-medecine dans le cadre universitaire.

De plus, la multiplicité des acteurs en charge de la santé des étudiants à l’université mériterait d’être simplifiée. Il serait donc utile d’encourager la création de guichets de santé dans chaque université permettant de coordonner l’action de l’ensemble de ces acteurs (services de la médecine préventive universitaire, bureaux d’aide psychologique « BAPU »...) en les rassemblant sur un même site dont les étudiants connaissent l’emplacement et dont les plages horaires d’ouverture sont en adéquation avec leur emploi du temps. Afin d’accroître les capacités d’accueil des étudiants et de rendre possible le passage d’une visite médicale obligatoire pour tous les primo arrivants, il pourrait être envisagé d’intégrer au sein de ces guichets des étudiants issus des filières médicales, qui auraient ainsi la possibilité d’y accomplir une partie de leur formation204.

204 Voir les missions préconisées par le rapport de la mission parlementaire sur « la santé et la protection sociale des étudiants » dit rapport Wauquiez, et rendu en 2006.

Revalorisation de la formation continue

Il est important de revaloriser l’expérience professionnelle et de la formation continue afin de rééquilibrer son poids légitime face au diplôme et à la formation initiale dans la détermination du parcours professionnel.

En effet, un parcours professionnel est aussi question d’expérience, et c’est également un atout qu’il devrait être mis en avant aujourd’hui, autant par les professeurs que par les employeurs. Par exemple, les années de césure professionnalisantes ne devraient pas être considérées négativement ou avec méfiance par les employeurs, car ce sont des années parfois tout aussi constructives que des années universitaires, permettant par exemple de voyager, de se familiariser avec une nouvelle culture, d’apprendre une langue étrangère, d’appréhender le monde du travail et ainsi de se créer une expérience professionnelle. Elles aident à se construire et à définir son choix d’orientation professionnelle.

De plus, l’anxiété face aux choix d’orientation est d’autant plus importante que les jeunes ont le sentiment que les choix qu’ils font sont irréversibles. Si l’offre de formation aménageait davantage de passerelles entre les différentes filières, si elle était conçue pour permettre les allers-retours entre l’emploi et la formation, les choix d’orientation pourraient être moins anxiogènes.

Ce rééquilibrage permettrait enfin de responsabiliser les jeunes et de leur redonner confiance en l’avenir, afin qu’ils arrêtent de penser leur destin déjà tout tracé à la fin de leur formation initiale.

Il convient donc de sensibiliser les recruteurs sur le marché du travail afin de ne pas écarter les parcours moins lisses, et de ne pas faire passer le diplôme avant l’expérience professionnelle. L’alternance et notamment l’apprentissage souffrent encore trop à tort de l’image d’une formation au rabais pour jeunes désœuvrés chez les recruteurs.

Par ailleurs, la multiplicité actuelle des formations (il existe par exemple 215 spécialités de CAP, 50 spécialités de BEP, 63 spécialités de baccalauréats professionnels et 1620 licences professionnelles) tend à augmenter la confusion ressentie par les jeunes. Les besoins d’informations ressentis par les élèves et leurs parents semblent insuffisamment satisfaits même si des progrès ont été accomplis.

Le nombre insuffisant des conseillers d’orientation est souvent incriminé, on dénombre un COP pour 1500 élèves du second degré, ainsi que leur formation trop éloignée des réalités du marché du travail (pour passer le concours de COP une licence de psychologie est obligatoire).

C’est dans cette optique que le Plan pour l'emploi des jeunes, présenté en avril 2009, tente de trouver des solutions. Il a en effet pour but d’améliorer l’emploi et la formation des jeunes. Il fait, entre autres, le pari de la formation en alternance, avec les contrats d’apprentissage (concernent les étudiants qui seront obligatoirement scolarisés dans un CFÀ (Centre de Formation des Apprentis), et les contrats de professionnalisation (s’adressent davantage aux personnes avec une première expérience professionnelle). L’apprentissage est une formation forcément diplômante, tandis que le contrat de professionnalisation permet surtout d’améliorer ses qualifications.

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Si la formation en alternance séduit de plus en plus de jeunes, les mesures prises ne sont pas encore suffisamment concluantes à l’heure actuelle et méritent donc d’être portées plus avant afin d’en retirer l’intégralité des bénéfices que l’on peut en attendre

C’est le but, entre autres, du Plan d’action pour les jeunes « Agir pour la jeunesse » présenté en septembre 2009. Issu des propositions du Livre Vert formulé par la Commission Hirsch, il s'articule autour de cinq axes d'actions prioritaires. Ceux-ci passent notamment encore par le développement, l’accompagnement dans la formation initiale et l’aide à l’entrée dans la vie active : développement des parcours de formation, accompagnement dans les choix d'orientation, aide des jeunes à l’accès à l’emploi et à l’autonomie financière. 500 millions d'euros seront débloqués chaque année dans le cadre de ce plan d'actions, dont les premiers effets sont attendus pour 2010. (voir infra. Sous-chapitre 3.3).