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Chapitre 6 : Un bon départ dans la vie : doter chaque jeune d’un capital personnel

2. Développer les compétences cognitives, émotionnelles et sociales lors

2.2. Pour quels bénéfices potentiels ?

Le développement des sciences cognitives, des neurosciences, des sciences sociales ont amené une connaissance meilleure des modalités d’apprentissage et de développement de l’intelligence. D’aucuns reconnaissent les bienfaits des compétences psychosociales en matière éducative. Une plus grande autonomie, confiance en soi, créativité, capacité d’adaptation sont en effet autant d’éléments clés en vue de la réussite scolaire.

En outre, la mise en place d’un climat scolaire agréable et détendu est propice à l’apprentissage.

Enfin, à l’issue du parcours scolaire, chaque enfant peut espérer avoir acquis d’une part la compétence d’apprendre à apprendre et d’autre part la capacité et la volonté de continuer d’acquérir de nouvelles compétences spécifiques pour pouvoir s’adapter aux évolutions qui jalonneront son parcours universitaire ou professionnel.

… des bénéfices sociaux,

Les habilités sociales acquises pendant la période préscolaire et scolaire, facilitent l’intégration sociale des enfants en développant les normes de civilité, le contrôle et la modulation des émotions ou encore les capacités d’attention et de concentration (Encadré n° 31).

De nombreuses études démontrent par exemple l’importance de savoir maîtriser ses émotions dès le plus jeune âge afin de ne pas encourir un risque élevé de problèmes d’adaptation continuels et intensifs, qui s’accompagnent de processus de rejet par les autres élèves, de victimisation, de découragement vis-à-vis de l’école. Ces parcours se terminent trop souvent par des décrochages scolaires et par des déviances sous l’influence de pairs négatifs.

Enfin, ces compétences sont importantes en termes de cohésion et d’homogénéité sociale, car elles peuvent permettre de compenser l’inégalité des contextes de socialisation des enfants.

Encadré n° 31 : Exemples de programmes visant à développer les compétences cognitives-émotionnelles-sociales menés à l’étranger

L’expertise collective INSERM publiée en 2004 sur « les troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent » dresse un tableau des différents programmes de prévention des troubles des conduites menés dans les pays anglo-saxons. Ces derniers semblent présentés des résultats positifs, mais qu’il faudrait expérimenter en France en prenant soin de les adapter à notre contexte culturel.

Parmi les programmes visant des enfants et des adolescents âgés de 3 à 16 ans, les interventions centrées sur les jeunes cherchent essentiellement à développer les compétences sociales, cognitives et émotionnelles telles que les capacités de résolution de problèmes, les attitudes prosociales, la gestion de la colère, la compréhension des émotions, les capacités de raisonnement.

Cette stratégie d’intervention peut être associée à d’autres méthodes dans le cadre d’un programme multimodal. Ainsi, un certain nombre de ces programmes, comme Fast Track aux États-Unis, incluent des interventions ciblant les parents. Elles correspondent le plus souvent à des formations qui favorisent le développement de capacités de régulation émotionnelle, la mise en place d’une discipline positive et d’une meilleure communication.

En outre, face au constat que les parents ne sont pas les seuls acteurs à avoir un rôle à jouer dans ces stratégies préventives, et d’autant plus lorsque les enfants grandissent et se détachent progressivement d’eux, des formations peuvent aussi être proposées aux enseignants. Celles-ci ont pour but de mettre en place un enseignement coopératif, un management proactif, et de développer les renforcements positifs, les capacités de résolution de problèmes des élèves.

Centre d’analyse stratégique Novembre 2009

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Le Seattle Development Project est ainsi un programme -au cours des six années d’école primaire- qui, en plus de chercher à développer les compétences sociales, cognitives et émotionnelles des enfants d’âge primaire, propose des formations aux enseignants et parents afin d’influer sur les facteurs de risque pour les enfants (problèmes de comportements, rejet des pairs, échec scolaire, pratiques éducatives inappropriées…) par le renforcement des liens avec la famille et l’école. Les enseignants participent à une formation abordant management proactif, enseignement interactif et apprentissage coopératif, développement des capacités cognitives et de refus de l’enfant. De plus, durant tout le cycle du primaire, des enseignements sont aussi offerts aux parents au sein de l’établissement scolaire dans le but d’améliorer leurs capacités de régulation, de support, de soutien scolaire.

Les évaluations du programme ont démontré que les élèves ayant bénéficié de l’ensemble du programme ont obtenu des résultats positifs dès la 5e année de primaire en matière d’engagement, d’attachement à l’école, de lien et de communication familiale, d’implication et parallèlement les capacités éducatives des parents se sont révélées significativement supérieures. Un suivi effectué à l’âge de 17-18 ans permet d’observer des effets significativement positifs sur les comportements violents et délinquants, l’abus d’alcool et l’engagement au niveau scolaire.

Enfin, quelques programmes de prévention cherchent également à agir sur l’environnement.

Deux méthodes ont été validées dans ce cadre : les interventions visant à améliorer l’environnement scolaire, par exemple le School Transitional Environment Project, et la mise en place d’adultes supports, ou « mentoring ».

Ces programmes multi-modaux présentent une plus grande efficacité que les uni-modaux, et d’autant plus lorsqu’ils ne font pas intervenir que les parents et sélectionnent les méthodes d’intervention en fonction de la population ciblée. En outre, les interventions gagnent à utiliser des méthodes interactives s’appuyant sur l’expérience plutôt que de se limiter à une simple transmission d’information. Deux autres critères déterminants pour leur réussite sont qu’ils doivent s’inscrire dans la durée (plusieurs années) et avec une certaine intensité (volume annuel supérieur à 20 heures).

… mais également de nombreux autres bénéfices

Ces aptitudes pourraient développer le « capital bien-être » des plus jeunes par l’acquisition d’un degré élevé de respect et d’estime personnels, d’une bonne connaissance d’eux-mêmes, de leurs capacités, et du sentiment de maîtriser leur vie.

On peut alors considérer la santé mentale comme un bien public qu’il vaut la peine de cibler, une fin en soi.

En outre, une bonne santé mentale peut constituer un levier pour d’autres biens, comme par exemple la prospérité économique. À ce titre, elle devient un moyen de parvenir à d’autres fins valorisées.

Ces compétences peuvent ainsi se révéler dans les années futures un atout de la croissance économique, au même titre que le socle commun des acquis académiques ou les compétences mathématiques et scientifiques.

De nombreux travaux démontrent à quel point il est essentiel de développer ces aptitudes qui se révèlent in fine plus adaptées aux demandes du marché du travail.

Les critères de « recrutabilité » des employeurs ne cessent en effet d’évoluer : les capacités comportementales et relationnelles sont de plus en plus considérées aux côtés des critères professionnels traditionnels. Dans une économie de la connaissance et des services, l’accent est placé sur les dispositions des individus et

une nouvelle manière de travailler, qui privilégie la réactivité et le travail en mode projet. De plus, se doter des capacités nécessaires pour faire face à la rapidité du changement social en sachant comment continuer d’apprendre, savoir faire face à l’afflux massif d’informations et le transformer en connaissances utiles est un atout majeur. Le développement d’un « capital personnel » devient décisif sur un marché de l’emploi où le diplôme seul ne suffit plus (Encadré n° 32).

Encadré n° 32 : Quels sont les critères de recrutement privilégiés par les employeurs ? L’enquête « Offre d’emploi et recrutement » (OFER) menée par la DARES en 2005, a donné lieu à une analyse des critères de recrutement d’un débutant réalisée par le CEREQ190. Cette étude fait apparaître que si le diplôme fonctionne bien comme un filtre à l’embauche, en tant que critère de sélection et comme signal de compétences, l’expérience profession-nelle demeure le premier critère retenu par les recruteurs.

On assiste à une inflation des titres scolaires requis pour obtenir un poste et à des phénomènes de déclassement191. Pour certains, le fait de pourvoir des emplois peu qualifiés à des niveaux de diplômes élevés révélerait, plutôt qu’une dévalorisation des diplômes, un besoin de réassurance et de garanties de la part des employeurs quant à la satisfaction de critères personnels (savoir-être).

Cette analyse concorde avec le constat que les critères de recrutement des employeurs évoluent, non sans lien avec les changements des modes d’organisation du travail. Les capacités comportementales et relationnelles sont de plus en plus considérées aux côtés des critères professionnels classiques (savoir, savoir-faire, expérience). Ces nouvelles compétences recherchées sont alors celles dites « molles », qui ciblent l’appropriation d’une nouvelle manière de travailler, c’est-à-dire de communiquer avec ses collègues et ses clients ou de s’engager dans son activité (réactivité, travail en mode projet). De plus, sont également estimées des compétences sociales (qualités de contacts, de travail en équipe, d’adaptation sociale au contexte humain de l’entreprise ou « social fit », de capacité à supporter le stress, de créativité, de confiance en soi…), voire des qualités « esthétiques », de présentation de soi.

Cette évolution renvoie à celle de l’économie de plus en plus concurrentielle, qui impose des exigences croissantes d’investissement personnel, d’initiative, voire de charisme. De plus, ce souci des garanties personnelles, des qualités sociales du candidat s’explique en grande partie par l’évolution des modèles productifs vers des organisations apprenantes et en lean production qui sont caractérisées par une forte autonomie et un travail en équipe qui impliquent que les salariés aient intériorisé les normes qui seront celles de leur milieu de travail.

Comme le constate Marie Duru-Bellat192, le « capital personnel » est donc aujourd’hui « de plus en plus décisif, c’est à la personne de le valoriser, pour se rendre employable sur le poste désiré, c’est-à-dire capable de l’habiter de manière personnelle et intelligente, et c’est de cela qu’il s’agit de convaincre, dans une situation de compétition».

190 « Recrutement en entreprises : les débutants sont-ils victimes d’un tri trop sélectif ? », CEREQ, n° 250, mars 2008.

191 Marine Boisson et al., La mesure du déclassement : informer et agir sur les nouvelles réalités sociales, La documentation Française, octobre 2009.

192 Marie Duru-Bellat, « L’économie de la connaissance à l’épreuve du recrutement », La vie des idées.fr, 6 décembre 2007.

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2.3. Un modèle éducatif français qui tend à les négliger, contrairement