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Chapitre 2 : La santé mentale et le bien-être, des questions publiques

2. L’importance de la santé mentale pour atteindre les objectifs stratégiques

La conférence d’Helsinki a balisé le chemin pour l'adoption du Livre vert de la Commission européenne sur la santé mentale en 200545. La Commission européenne souligne explicitement que « la santé mentale de la population européenne est l’un des moyens d’atteindre quelques-uns des objectifs stratégiques de l’Union européenne : le retour de l’Europe sur la voie de la prospérité durable, la concrétisation des engagements de l’Union en faveur de la solidarité et de la justice sociale, ou encore, l’amélioration tangible et concrète de la qualité de la vie des citoyens européens »46. Elle cherche à sensibiliser les parties prenantes sur les avantages et les coûts de la santé mentale (2.1.) et à impulser un effort coordonné au travers du « Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être » (2.2.).

2.1 . Une sensibilisation des acteurs aux coûts et bénéfices de la santé mentale

L’objectif du Livre vert était d’amorcer un débat en attirant notamment l’attention sur une objectivation des coûts de la « mauvaise » santé mentale (Encadré n° 9).

45 Commission européenne, Livre vert sur la santé mentale, « Améliorer la santé mentale de la population : Vers une stratégie sur la santé mentale pour l'Union Européenne », 2005.

46 Communication sur les Objectifs stratégiques 2005-2009 – Europe 2010 : un partenariat pour le renouveau européen – Prospérité, solidarité et sécurité, COM(2005) 12 du 26 janvier 2005.

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Encadré n° 9 : les « chiffres choc » du Livre vert sur la santé mentale

Les chiffres fournis par les experts européens sont percutants (même s’ils peuvent être discutés). Un quart des Européens d’âge adulte connaîtraient au moins une forme de mauvaise santé mentale dans une année. Un tiers des travailleurs européens se disent exposés au stress sur leur lieu de travail. Le coût est estimé à 3 % à 4 % du PIB, essentiellement au regard des pertes de productivité dans le secteur économique.

En 2004, le coût des troubles anxiodépressifs était estimé à 235 euros par habitant dans l'Union. Les coûts directs pour les systèmes de santé des États membres sont élevés et posent des problèmes sans cesse plus importants, mais la majorité (65 %) sont engendrés de manière indirecte et résultent notamment de l'absentéisme au travail, de l'invalidité et des retraites anticipées. Ces évaluations rejoignent celles du BIT ou de l’OCDE : parmi les causes de retrait de l’activité - les plus courantes sont les troubles anxieux et la dépression -, voir aussi le risque d’être entraîné dans une spirale de troubles de santé et de chômage.

Les troubles de la conduite et du comportement qui surviennent durant l’enfance entraînent également des dépenses pour les systèmes social, éducatif, pénal et judiciaire. Un enfant qui présente des troubles de la conduite coûterait « à terme » 7 fois plus à la collectivité que celui qui n’en présente pas.

Graphique n° 1 : Répercussions financières de l’exclusion sociale

(suivi de longue durée d’enfants souffrant de problèmes ou de troubles liés à la conduite)

Source :Scott S., Knapp M., Henderson J. et Maughan B, “Financial cost of social exclusion. Follow-up study of anti-social children into adulthood”, British Medical Journal, n° 323, pp. 191-196, 2002

D’autres dépenses invisibles découlent de l’exclusion et de la discrimination des populations atteintes ou ayant été atteintes de troubles de la santé mentale. Les écarts vont de 1 à 12 selon les États membres en matière de décès par suicide : de 3,6 pour 100 000 habitants, en Grèce, à 44 pour 100 000 – taux le plus élevé du monde –, en Lituanie.

Enfin, les pays de l’Union européenne faisant face au phénomène de vieillissement massif de la population doivent se prémunir de la prévalence croissante des maladies mentales parmi la population âgée, qu'il s'agisse de maladies liées à l'âge, telles les démences, ou liées à l'affaiblissement des liens sociofamiliaux, telle la dépression.

2.2. Un Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être

Ce processus a débouché sur le lancement du Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être, lors de la Conférence européenne « Ensemble pour la santé mentale et

le bien-être » organisée à Bruxelles les 12 et 13 juin 2008. Ce pacte souhaitait marquer la détermination des États membres à prendre des mesures visant à améliorer la santé mentale de la population, dans le cadre d'une stratégie transversale, qui dépasse le secteur sanitaire et vise à assurer un niveau élevé de protection sociale et de bien-être mental dans les secteurs de l'enseignement et du travail. Il constitue un appel en faveur d'un partenariat d'actions entre les États membres, les intervenants des secteurs de la santé, de l'enseignement, du travail, des affaires sociales, et de la société civile. Le pacte européen suggère des actions qui recoupent les recommandations par publics de l’OMS, tout en les complétant (Encadré n° 10).

Encadré n° 10 : Orientations du pacte européen pour la santé mentale et le bien-être 1. Prévention de la dépression et du suicide : Alors que les taux de suicide dans les États membres diffèrent d'un facteur de 1 à 12, les décideurs et les intervenants sont invités à prendre des mesures sur la prévention du suicide et la dépression consistant notamment à améliorer la formation des professionnels de santé et les acteurs clés ; prendre des mesures pour sensibiliser le grand public à la santé mentale ; restreindre l'accès à des moyens potentiels pour le suicide ; prendre des mesures pour réduire les facteurs de risque de suicide, dont la toxicomanie et l'exclusion sociale, la dépression et le stress ; prévoir des dispositifs de soutien après les tentatives de suicide et pour les personnes endeuillées par le suicide.

2. Santé mentale chez les jeunes et dans le secteur de l'éducation : Les débuts de l’existence sont distingués comme une période « sensible » ou « critique ». La moitié des troubles mentaux se révèlent dans l’adolescence. Les préconisations sont d’offrir des interventions précoces et des programmes de promotion des compétences parentales ; d’améliorer la formation des professionnels impliqués dans la santé, l'éducation et les autres secteurs pertinents en matière de santé mentale et de bien-être de la jeunesse ; d’intégrer l'apprentissage socio-émotionnel dans les programmes scolaires et les activités périscolaires des écoles maternelles et primaires ; de faire participer les jeunes à l'éducation, la culture, le sport et l'emploi ; de prévenir les abus, l'intimidation et la violence entre et contre les jeunes, ainsi que de limiter leur exposition à la pauvreté.

3. Santé mentale sur le lieu de travail : La santé mentale et le bien-être de la population active sont une ressource clé pour la productivité et l'innovation dans l'UE. L'emploi est généralement bénéfique pour la santé physique et mentale car il augmente le sentiment de participation à la vie sociale. Mais « le rythme et la nature du travail changent, conduisant à des pressions sur la santé mentale et le bien-être », d’où une augmentation de l'absentéisme au travail, du recours à l’invalidité et un potentiel capté par le stress et les troubles de santé mentale. Les parties prenantes sont invitées à améliorer l'organisation du travail, les cultures organisationnelles et le « leadership » ; promouvoir le bien-être mental au travail dont la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ; mettre en œuvre des programmes d'évaluation et de prévention des situations qui peuvent causer des effets néfastes sur la santé mentale des travailleurs (le stress, les comportements abusifs comme la violence ou le harcèlement, le recours à l’alcool et des drogues) et des interventions sur le lieu de travail ; soutenir le recrutement, la réhabilitation et le retour au travail des personnes ayant des problèmes ou des troubles de santé mentale.

4. Santé mentale chez les personnes âgées : L'UE est vieillissante. La vieillesse peut induire des facteurs de risque pour la santé mentale et le bien-être, tels que la perte de soutien social des familles et des amis et l'émergence d'une maladie physique ou neurodégénérative, telles que la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence. Les taux de suicide sont élevés parmi les personnes âgées. Promouvoir le vieillissement actif et en santé est l'une des priorités de l'UE. Sont préconisés la participation active des personnes âgées dans la vie sociale, y

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compris par de l’activité physique et éducative ; le développement des régimes de retraite flexibles qui permettent aux personnes de travailler plus longtemps, à temps plein ou à temps partiel ; des mesures pour les personnes recevant des soins en institutions ; un soutien des aidants familiaux et des soignants.

5. Lutte contre la stigmatisation et l'exclusion sociale : La stigmatisation et l'exclusion sociale sont à la fois des facteurs de risque et des conséquences des troubles mentaux, ce qui crée des obstacles majeurs à l'aide et à la réhabilitation. Sont préconisées des campagnes contre la stigmatisation dans les médias, les écoles et au travail, et l’implication des personnes ayant des problèmes de santé mentale, leurs familles et les soignants dans les processus décisionnels.

Le pacte invite la Commission européenne et les États membres à collaborer avec les organisations internationales et les parties concernées afin de : 1. mettre sur pied un mécanisme d'échange d'informations ; 2. identifier les bonnes pratiques et les facteurs de réussite des politiques et des actions des intervenants ; 3. communiquer les résultats des travaux par le truchement d'un ensemble de conférences sur les thèmes prioritaires du pacte. Ce dernier est mis en application à travers une série de conférences thématiques organisées par l’Union en 2009 et 201047.