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La question de la prévention

Les orientations sexuelles, l’homophobie et l’hétérosexisme

3. La question de la prévention

Au niveau de la prévention, selon V. Martens, la lutte contre l’homophobie et la prévention des discriminations s’est inscrite essentiellement dans le champ de la prévention du sida et a été envisagée à partir d’une action multidimensionnelle qui articule plusieurs axes - cette action visant la reconnaissance des personnes d’orientation homosexuelle par la lutte contre l’homophobie sociale et cognitive etla prévention de l’homophobie intériorisée :

• L’axe politique et institutionnel renvoie à l’inscription de l’action dans le cadre d’une lutte contre le sida et les discriminations.

• L’axe éducation à la santé vise l’acquisition de connaissances sur le sida et la santé en vue de modifier les attitudes, les représentations et stéréotypes.

• L’axe environnemental renvoie aux actions qui visent la promotion d’une image plus positive de l’homosexualité et la production d’un matériel de prévention.

C’est autour de la question de la prévention que se structurera la majeure partie de la discussion et des débats.

Selon V. Martens, le constat actuel au niveau préventif renvoie à des problèmes spécifiques de santé, à la question de l’accessibilité aux soins de santé et aux services de premières lignes ainsi qu’au manque de formation et de compétences spécifiques des professionnels de la santé sur les sujets liés aux homophobies et aux suivis de ces personnes. La prévention ayant jusqu’à présent largement ciblé l’éducation du public homosexuel, elle devrait actuellement davantage cibler l’éducation des autres acteurs qui sont en relation avec le public homosexuel, c’est-à-dire les professionnels de la santé, les éducateurs au sens large (parents, enseignants) et la société dans son ensemble.

3.1. Les axes éducationnel et environnemental

Partant du constat qu’il persiste un degré important d’homophobie sociale et un manque de connaissances sur ces sujets chez les éducateurs, les asbl Magenta et Ex æquo développent des actions aux niveaux éducationnel et environnemental : 1. C’est ainsi que Magenta131 développe actuellement des actions dans l’objectif de faire reconnaître la diversité des orientations sexuelles et les questions de genres en proposant un virage stratégique en termes de prévention. Se composant d’une équipe pluridisciplinaire experte en santé et en promotion de la santé pour ces publics, Magenta présenterait une spécificité par ses approches intégrées. Face au constat d’un manque de formation et de compétences spécifiques des professionnels de la santé sur les sujets liés aux homophobies et aux suivis des personnes homosexuelles, Magenta a développé un projet intersectoriel à l’attention des intervenants VAS et de la Promotion de la Santé. Ce projet vise la réalisation de modules de formation et leur rassemblement en une valise pédagogique. Il s’est élaboré en concertation et avec la participation des publics relais et des publics cibles.

Lors du débat, les interventions confirmeront l’existence d’un « manque de formation d’un public d’intermédiaires ». Il y aurait effectivement des besoins à ce niveau car

« il existe une énorme méconnaissance du sujet. Les intervenants font part d’un réel manque d’outil d’éducation VAS qui aborde les questions d’orientations sexuelles ».

2. Ex Aæquo132 est une asbl qui mène des actions de prévention (réalisation de campagnes et diffusion d’outils de prévention) auprès d’un public identitaire (gays et trans-genres), du milieu associatif et commercial gay, du public général et des relais (secteur psycho-medico-social, enseignement, animateurs socio-culturels). Selon la discutante, N. Peltier, Ex-Aequo réalise un travail de prévention tout en menant une réflexion autour de la question identitaire, de la notion de vulnérabilité et des discriminations subies par les personnes homosexuelles victimes d’homophobie, de rejet et d’hostilité. Ce travail de réflexion a mené Ex-Aequo à réaliser un travail d’évaluation (auprès des relais, des jeunes homosexuels et des jeunes tout venant)

131 Magenta est l’asbl où travaille l’intervenante, R. Horincq.

132 Ex æquo est l’asbl où travaille la discutante, N. Peltier.

et de réflexion critique à partir d’un de ses outils (la brochure William) qui avait été diffusé en individuel, en collectif et en communautaire. Cette brochure visait à aborder de façon humoristique la question de l’identité en rapport à la question de l’orientation sexuelle dans l’objectif de dédramatiser l’homosexualité. Selon N.

Peltier, ce travail d’évaluation et de réflexion a démontré qu’en voulant déforcer certains aspects liés aux stéréotypes sur les gays, la démarche risquait de reconduire d’autres stéréotypes (sur les femmes, les lesbiennes et les couples hétérosexuels). Cette réflexion a mis en évidence la difficulté de travailler sur les stéréotypes et de les déconstruire sans en véhiculer d’autres. Il montre l’importance de mener une réflexion sur les messages que l’on diffuse afin d’éviter de produire des stéréotypes. Ce travail d’évaluation a également confirmé qu’« il y avait une attente des relais face à un manque de connaissance sur l’homosexualité féminine et sur la façon (en général) d’aborder la question de l’homosexualité ».

Par rapport aux problèmes de santé, selon N. Peltier, prévenir l’homophobie intériorisée nécessite cependant d’abord de réaliser un travail de prévention primaire en amont de la prévention secondaire auprès du public homosexuel. Au niveau éducatif, il s’agit de contribuer au bien-être des jeunes en favorisant le développement de l’estime de soi et l’acceptation par l’entourage de leur orientation sexuelle (les amis ou groupes de pairs, le milieu scolaire, les parents). Selon R.

Horincq et N. Peltier, c’est un préalable à l’adoption de comportements sexuels responsables et protégés.

Lors du débat, les interventions vont souligner cette importance de réaliser un travail de prévention primaire. « Il reste difficile de pouvoir discuter ouvertement de ces questions, même dans un milieu professionnel qui est tourné vers le social. Beaucoup de gens vivent ça très difficilement (…) Le milieu ne fait pas le moine. On est parfois très surpris quand on travaille dans un milieu plus ouvert». Les débats convergent vers le constat de l’existence de difficultés à parler de ces sujets, d’un manque de connaissance et de formation des acteurs de premières lignes. Sur la question du genre et des orientations sexuelles, le travail de prévention doit viser les éducateurs au sens large.

Une intervention mettra l’accent sur la difficulté d’aborder cette question avec un public Maghrébin. « Avec le public Maghrébin, on est face à une situation de déni, de rejet. La question de l’homosexualité est tout à fait passée sous silence dans ce public ». Sur ces questions, le Siréas133 réalise un travail de prévention auprès des parents du public migrant - public par rapport auquel ces sujets sont abordés autrement. « On travaille avec un public qui a des tabous placés autrement par rapport à l’homosexualité. Réaliser un travail de prévention en abordant ces questions d’orientations sexuelles, c’est déjà essayer d’aller un peu plus loin que ce qui est socialement acceptable ». Avec ce public, le travail consiste notamment à déconstruire l’idée qu’il s’agirait d’une opposition entre Europe/Afrique. « Dans cette démarche, il est important de ne pas marginaliser un autre groupe ».

3.2. L’axe politique et institutionnel

La question de la reconnaissance de la diversité des orientations sexuelles renvoie à celle des droits humains. Au niveau de la politique internationale, on observe un

133 Le Siréas est une asbl qui développe des actions de prévention de lutte contre le sida auprès de publics migrants originaires d’Afrique.

contraste radical entre certains pays. Selon R. Horincq, sur 80 pays dans le monde, dans au moins 7 Etats, les relations entre personnes consentantes de même sexe est un délit, un crime, passible de mort. Par contre, dans certains autres pays, l’homosexualité est reconnue, les discriminations sur base de l’orientation sexuelle sont punies, le mariage et l’adoption sont autorisés. Au niveau européen, l’orientation sexuelle fait partie de la liste des motifs de discrimination interdits dans la Chartre européenne des droits humains.

Selon le débat, contrairement au Canada où l’on observe des avancées grâce à des décideurs politiques qui ont donné des incitants, au niveau des politiques en Belgique, « il n’y a pas de vraie volonté de s’occuper de ces questions ; il existe un clivage total ». Lors du débat, l’accent sera mis sur l’existence d’une réelle méconnaissance sur ces sujets, sur un problème de déni, d’évitement et d’ambivalence politique face à des sujets « calfeutrés, délicats». « Concernant les discriminations à ce niveau, il y a une méconnaissance ; ils ne considèrent pas l’action comme prioritaire à ce niveau ; ils évitent le sujet ; il y a une forme de déni ».

Il existerait ainsi une inquiétude politique à aborder ces questions et le thème de la sexualité des jeunes. « S’intéresser à la sexualité des jeunes ? On ne se pose pas le problème chez les décideurs et les acteurs de santé ; on ne se pose pas la question.

Dès qu’on présente un projet qui propose de travailler avec les jeunes sur des questions relatives à la sexualité, c’est refusé. Des réflexions du genre : On va parler d’homosexualité, de genre avec des enfants ? On ne va pas subventionner des projets pour les homosexuels, pour une si faible part de la population ! » « C’est aux hommes politiques que devraient s’adresser ces séminaires ! ». Face à quoi, les interventions dans le cadre du débat vont s’opposer à l’attitude politique d’évitement ou de déni en mettant l’accent sur le militantisme. Il sera question de la normativité politique, de la démocratie et du militantisme : « Oui, il faut être militant.

Parfois on n’a pas le choix face aux hommes politiques. Il faut militer pour les groupes plus fragilisés, plus vulnérabilisés ». « C’est la température d’une démocratie. Y a-t il une ouverture vers les publics plus vulnérables et une envie de mettre en place des actions à leur intention ? »

3.3. Face à l’évitement politique : la question du lobbying et des actions éducatives

Le débat critiquera l’absence de volonté politique d’agir face au tabou qui entoure les questions sexuelles et les discriminations que subissent certains publics. Vu l’absence de l’acteur politique sur ce terrain, au niveau éducatif, la mise en œuvre de projets sur la sexualité et le bien-être à l’attention des jeunes nécessite d’abord de réaliser un travail de terrain au niveau du lobbying politique, des formateurs et des enfants.

« Aller voir des pièces de théâtre sur la sexualité, sur l’homophobie, etc. ? Aller voir

« Les monologues du vagin » ?, les professeurs n’iront pas avec leurs élèves ; ce serait suicidaire. Je les comprends ». (Débat, Public)

« Nous devons interroger la lecture des manuels scolaires et les places données aux représentations. Il est important de se questionner sur ce qu’est un parent, un enfant, un adolescent. Il faut réaliser un travail de lobbying et réagir par rapport à ces manuels. C’est une façon d’entrer dans l’école ». (Débat, Public)