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Le concept de vulnérabilité

Cette annexe propose une synthèse du concept de vulnérabilité présenté par F.

Delor et M. Hubert dans leur texte : « Un ré-examen du concept de « vulnérabilité » pour la recherche et la prévention du VIH/Sida » (2003).

S’intéressant aux situations de vulnérabilité, F. Delor et M. Hubert définissent le concept de vulnérabilité afin de l’appliquer au domaine de la prévention du Sida.

Trajectoire, interaction, contexte

Selon ces auteurs, pour comprendre toute situation de vulnérabilité, trois niveaux d’analyse doivent être envisagés : la trajectoire, l’interaction et le contexte social.

• La trajectoire sociale signifie que chaque individu a une trajectoire propre mais que plusieurs individus peuvent partager une partie de la même trajectoire. Par exemple, beaucoup de jeunes homosexuels passent à un moment de leur vie par une phase de « coming out » (révélation de son homosexualité à soi-même et à l’entourage). Cette phase de coming out a des implications en termes de comportements sexuels et d’attitude face au risque du VIH.

• Le niveau de l’interaction renvoie au fait que pour qu’il y ait un risque, la rencontre d’au moins deux individus et donc deux trajectoires doit avoir lieu. Ces individus peuvent adopter différents comportements liés au risque en fonction de leur position ou leur statut dans l’interaction. Par exemple, souvent le « nouveau-venu » au sein d’un groupe d’usagers de drogue intraveineuse sera le dernier à

« se shooter », alors que le fournisseur aura le « premier choix ». Leurs chances d’être infectés par le VIH en utilisant la même seringue seront donc différentes (Delor, 1997).

• Les interactions entre les individus et leurs itinéraires n’existent pas en dehors du monde où ils sont plongés. Le contexte social exerce une influence sur les moments, les enjeux et les modalités de rencontres entre diverses trajectoires.

On peut citer comme exemple les normes et impératifs liés à la sexualité dans une société donnée, ou encore le développement des moyens de transport sur la mobilité des personnes et les modalités de rencontres.

Ces trois niveaux décrits s’articulent dans un double point de vue : la signification

« objective » ou communément admise par tous, d'une part, et la signification particulière élaborée par chaque individu, d'autre part. Ainsi, si porter un préservatif semble aujourd’hui être communément considéré comme un comportement de protection, cependant, dans certaines situations, les individus peuvent percevoir le préservatif comme une menace, parce qu’il évoque le risque du sida ou parce qu'il sous-entend une méfiance à l’égard du partenaire ou encore parce qu’il est attaché, pour certains, à l’image d’une sexualité débridée.

Face à la confrontation à une multiplicité de risques (tels que le risque du VIH ou de maladies sexuellement transmissibles, mais également le risque de vivre seul ou d'être abandonné, par exemple), chaque sujet réalise un travail identitaire qui

consiste à opérer une synthèse toujours provisoire des trois dimensions décrites ci-dessus.

Le schéma ci-dessous illustre les trois niveaux d’analyse d’une situation sociale :

Les situations de vulnérabilité sont les circonstances (moments spécifiques et espaces déterminés) au cours desquelles cet exercice vital est plus particulièrement pénible, difficile ou périlleux.

Exposition, capacité, potentialité

Au niveau de la prévention du Sida, trois niveaux de vulnérabilité doivent être pris en compte.

• L’exposition concerne l’amont de l’événement, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs qui accroissent le risque d'infection par le VIH. Seront par exemple considérés particulièrement exposés au risque du VIH ceux et celles qui auront des « comportements à risque » dans des contextes où la prévalence du VIH est déjà élevée ou le devient.

• La capacité concerne la possibilité de mobiliser dans de tels contextes les ressources adéquates pour faire face à la situation. Peuvent ainsi être considérées comme particulièrement vulnérables au risque du VIH les personnes socio-culturellement défavorisées (migrants, etc.) ou les jeunes en phase de recherche de leur identité sexuelle.

• La potentialité concerne davantage l’aval de l’événement ou ses conséquences, dont l’importance variera en fonction de l’endroit où l’infection a lieu (dans un pays industrialisé ou dans un pays du tiers monde où les soins sont quasi inexistants), de la présence ou absence de structures de soutien aux victimes du VIH/sida et leur entourage, etc.

Tableau et commentaire

Le tableau ci-joint reprend les diverses composantes de la vulnérabilité en croisant les trois niveaux. Des exemples ou explications sont proposés ainsi que des exemples de pistes d’intervention (en italique). Il permet de mieux comprendre les

Contexte

Trajec toire A

Trajec toire B Interac tion

niveaux d’intervention pertinents pour chaque situation de vulnérabilité. Il permet aussi de mettre en évidence les cumuls de vulnérabilité.

Par exemple, en ce qui concerne les migrants, des interventions qui visent le moment de l’exposition ne sont possibles que si un travail de prévention dans les pays d’origine est réalisé. Par ailleurs, un meilleur accès à l’information, qui vise à augmenter les ressources personnelles (capacité), ou un renforcement des capacités de négociation (dans le cadre du counselling par exemple) n’ont de sens que si un travail sur le contexte est effectué (accès au dépistage volontaire, accès aux soins en général, politique d’accueil respectueuse des droits de l’homme, etc.).

Il permet aussi de mieux comprendre les écarts et leur cause : par exemple un homme homosexuel bien informé sur le Sida sera plus vulnérable à l’infection s’il évolue dans un réseau où la prévalence est élevée qu’un homme hétérosexuel dont les connaissances au sujet du Sida sont faibles mais qui évolue dans un milieu à faible prévalence.

Tableau récapitulatif des niveaux de lecture de la vulnérabilité au VIH (exemples et pistes d’intervention)

TRAJECTOIRE INTERACTION CONTEXTE

EXPOSITION (amont)

Honte liée à la sexualité, sentiment d’urgence et de temps perdu.

Différence d’âge et/ou d’expérience et/ou d’origine entre les partenaires.

Discrimination effective ou ressentie.

Exemples d’intervention :

Amélioration de l’estime de soi, accompagnement psychologique de l’individu lors de la phases difficiles, offre de services spécifiques d’écoute et d’accueil, etc.

Accroissement de la capacité de négociation et de dialogue entre les partenaires. Travail en amont de la relation elle-même, dans le champ de l’éducation affective.

Lutte contre la discrimination

CAPACITE (ressources)

Ressources personnelles : capital socio-culturel, connaissances par rapport au risque, expériences antérieures, etc.

Capacité de négociation entre les

partenaires, similitude des langues ou des références culturelles ou, au contraire, écarts, rapports de forces, etc.

Reconnaissance du couple homosexuel ou, au contraire, mépris et permanence d’injures.

Politique d’accueil des migrants.

Politique d’accès aux soins, au dépistage, à la prévention.

Exemples d’intervention :

Amélioration des connaissances, formation et information, accroissement des capacités de mobilisation des connaissances et des acquis, renforcement de l’assertivité et à la confiance en soi.

Travail de counselling avec les partenaires. Information au sujet des modalités d’adaptation aux différences

Suite à la contamination d’un des partenaires : rupture, contamination de l’autre partenaire, adaptation progressive au risque, modification du rapport au temps, etc.

Renforcement ou assouplissement des normes en matière de sexualité A l’extrême : criminalisation de la contamination

Exemples d’intervention :

Counselling adapté, accompagnement, inclusion des personnes atteintes dans le travail de prévention, reconnaissance de leur statut de personnes à part entière, etc

Travail de counselling avec les

partenaires au sujet de l’adaptation aux risques

Renforcement de la solidarité avec les séropositifs et malades du sida

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