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Sixième chapitre : le projet de traduction

II- Le projet de traduction à travers les péritextes du Cantique des cantiques Ces principes théoriques étant esquissés, nous examinerons dans quelle mesure les

1- La question du littéralisme

Dans un premier temps, nous aborderons la question du littéralisme, à travers ses avatars lexicaux que sont la traduction « littérale » ou « selon la lettre », et les concepts de « littéralisme » ou de « littéralité ». Il ne saurait être question de faire ici un panorama complet des traducteurs utilisant ces notions dans les péritextes de leur traduction du Cantique des cantiques, tant ils sont nombreux. Nous nous bornerons donc à relever les exemples les plus frappants de la polysémie de ce terme. Le terme « littéral », dans le contexte spécifique de la traduction biblique, a des implications complexes, dans la mesure où dans une perspective linguistique moderne, telle que celle de Nida, la notion de lettre s’oppose à celle de sens, ou de message ; historiquement cependant, on constate que la notion de lettre renvoie au sens premier du texte, à son sens historique, et s’oppose cette fois au sens spirituel du texte.

a- Les deux sens du littéralisme en traduction biblique

Un constat tout d’abord : le mot « littéral » est utilisé parfois jusque sur la page de titre, ou en tête de la traduction, à l’intérieur de l’ouvrage. On rencontre ainsi dans notre corpus, dans l’ordre chronologique, les mentions suivantes :

- Anonyme (1690) : Le Cantique des cantiques de Salomon, traduit en françois, avec une Paraphrase selon le sens littéral630

- Carrières (1741) : Commentaire littéral sur la Sainte Bible, contenant l’ancien et le nouveau Testament, inséré dans la traduction françoise631

- Armand de Gérard (1767) : Le Cantique des cantiques, idylle prophétique, […], Interprétés sur l’Hébreu, dans le sens littéral632

.

- Cardonnel et Debar (1841) : Le Cantique des cantiques, traduit littéralement sur la Vulgate, en vers français633

- Darnault (1849) : Le Cantique des cantiques de Salomon, traduit littéralement de l’hébreu634

- Bonnefon (1905) : Le Cantique des cantiques, traduit littéralement et remis à la scène635

.

- Mardrus (1931) : Pages capitales. La Genèse, Ruth et Booz, Le Livre des Rois, Le livre d’Esther, Le Cantique des cantiques, La Djanna, transcription littérale des textes originaux636

630 Anonyme, Le Cantique des cantiques de Salomon, traduit en françois, avec une Paraphrase selon le sens

littéral, faite sur les Versions du Texte Hébreu, du Grec des Septante, & du Latin de la Vulgate ; et une autre selon le sens historique de Jesus-Christ & de l’Eglise. A quoi on a joint une explication selon le sens Literal & Historique, et une autre selon le sens spirituel, Paris, chez Hilaire Foucault, 1690. [37]

631 Carrières, Commentaire littéral sur la Sainte Bible, contenant l’ancien et le nouveau Testament, inséré dans

la traduction françoise, Paris, chez Jean-François Moreau, 1741. [53]

632 Armand de Gérard, Le Cantique des cantiques, idylle prophétique, le Pseaume XLIV, et la célèbre Prophétie

d’Emmanuel, fils de la Vierge, aux chapitres VII, VIII et IX d’Isaïe, Interprétés sur l’Hébreu, dans le sens littéral, La Rochelle, chez P. Mesnier, 1767. [58]

633 Pierre-Salvi-Félix de Cardonnel et C. Debar, Le Cantique des cantiques, traduit littéralement sur la Vulgate, en vers français ; Toulouse, Bon et Privat, Paris, Gaume frères, 1841. [70]

634 Alphonse Darnault, Le Cantique des cantiques de Salomon, traduit littéralement de l’hébreu, et précédé de Considérations sur la poésie biblique, Nantes, imprimerie L. Guéraud, 1849. [75]

635 Jean de Bonnefon (traduction) et F. Kupka (illustrations), Le Cantique des cantiques, traduit littéralement et remis à la scène, Paris, Librairie universelle, 1905. [124]

- Junès (1932)637

: contient une « traduction en prose rythmée » et une « traduction littérale ».

- Cazeaux (2008)638 : on lit juste avant le début de la traduction : « Au service de ce commentaire, la traduction se veut littérale ».

La chronologie de l’emploi du mot « littéral » dans les titres et sous-titres des publications du corpus est révélatrice. On constate en effet une évolution du sens du mot entre les XVIIIe et XIXe siècles. Les trois occurrences des XVIIe et XVIIIe siècles ont recours au terme « littéral » afin de qualifier le sens du texte ; en d’autres termes, ce n’est pas la traduction qui est littérale, mais la traduction (ou la paraphrase) est selon le « sens littéral », par opposition au sens mystique. Le commentaire de Carrières est pensé dans cette optique : c’est un « commentaire littéral » parce que c’est un commentaire sur le sens littéral. En revanche, le mot « littéral » aux XIXe et XXe siècles prend une autre signification. Il ne signifie plus le sens de l’Ecriture considéré par la traduction, mais le mode de traduction lui-même. La récurrence de la formule « traduit littéralement », qui revient à trois reprises, semble témoigner de l’existence d’une expression consacrée. C’est d’autant plus intéressant que les traductions mentionnées ici sont sans exception des traductions publiées séparément. Cela ne signifie en aucun cas que les traductions intégrales de la Bible ne sont pas des traductions littérales, mais plutôt, au contraire, que dans le cas des traductions séparées, il est nécessaire de préciser la nature de la traduction, puisque les éditions séparées du Cantique montrent une variété de rapports au texte source (commentaire, paraphrases, adaptations, réécritures) inexistante dans le cas des Bibles intégrales. En effet, si les traducteurs et éditeurs estiment nécessaire de préciser que la traduction est littérale, c’est sans doute qu’une traduction peut être autre chose que littérale. L’ouvrage de Junès, qui contient deux traductions, l’une « littérale » et l’autre « en prose rythmée » en est la preuve : la traduction littérale, en prose, sans inserts, s’oppose chez lui à une traduction disposée en lignes, qu’on pourrait considérer comme des vers libres. Néanmoins, l’équation traduction littérale = traduction en prose ne fonctionne pas absolument, si l’on considère que la traduction de Cardonnel et Debar porte la mention « traduit littéralement sur la Vulgate, en vers français ». Il semblerait donc que « traduction littérale » signifie soit traduction par opposition à paraphrase, dans le cas par exemple de Cardonnel et Debar, soit traduction prosaïque, sans travail de la forme française.

À ces traductions faisant apparaître le mot « littéral », on ajoutera celle de Trigano et Vincent639

, qui fait appel à la notion de « lettre hébraïque ». Cela dit, la proposition « lettre hébraïque » ne désigne pas tant le support de la traduction que celui du commentaire, dans la lignée des « paraphrases selon la lettre », qui ne qualifient pas le mode de transfert interlinguistique, mais le fait que c’est le sens littéral qui est paraphrasé.

b- Le mot « littéral » qualifiant le sens littéral du texte, par opposition au sens spirituel

Dans une perspective historique, le premier contexte dans lequel on trouve le mot « littéral » est celui de la différenciation des sens des Ecritures ; le sens littéral s’oppose alors aux différents sens spirituels. Fillion, dans la préface qui précède le Cantique dans sa Bible

636 J.-C. Mardrus, Pages capitales. La Genèse, Ruth et Booz, Le Livre des Rois, Le livre d’Esther, Le Cantique

des cantiques, La Djanna, Paris, Fasquelle éditeurs, 1931. [139]

637 Emile Junès, Le Cantique des Cantiques de Salomon, Tunis, Éditions « Orient et Occident », 1932. [141]

638 Jacques Cazeaux, Le Cantique des cantiques. Des pourpres de Salomon à l’anémone des champs, Paris, les éditions du Cerf, 2008. [246]

639 Pierre Trigano et Agnès Vincent, Le Cantique des Cantiques ou la psychologie mystique des amants (toute la

intégrale, schématise ainsi les différents sens, dans le but de dégager les principales traditions d’interprétation du Cantique :

Le sens qu’il faut attacher au Cantique est l’objet de vives controverses. On peut rapporter à trois écoles principales tous les modes d’interprétation qui ont été proposés : l’école littérale, l’école mystique ou typique, et l’école allégorique.

1- L’école littérale, qu’on pourrait aussi appeler réaliste, s’en tient purement et exclusivement à la lettre du Cantique, c’est-à-dire à l’idée d’un mariage tout humain. […] D’ailleurs, les auteurs de ce système ont pris soin, nous venons de l’indiquer, de se réfuter les uns les autres par la multiplicité de leurs explications discordantes. Le fond même du livre les contredit aussi à chaque instant ; car de nombreux traits du poème ne conviennent ni à Salomon ni à d’autres personnages purement terrestres, et deviennent par là même incompréhensibles, si l’on ne s’élève pas au-dessus du sens littéral : ainsi le héros est tour à tour, et sans transition, berger, chasseur, roi glorieux, pour redevenir subitement berger ; sa fiancée erre seule la nuit dans les rues de la ville, et se voit maltraiter par les gardiens, etc. Même en admettant que le récit, interprété simplement à la lettre, avait un but didactique et une portée morale, – par exemple, de mettre en relief l’idée de « l’unité essentielle du lien conjugal, la notion de l’amour vrai comme base de l’amour conjugal », et de condamner la polygamie admise en Orient et même chez les Juifs, – le système demeure faux et condamnable, car ce n’est là qu’un palliatif insuffisant.640

Le sens littéral, c’est ici tout bonnement le sens perceptible par une lecture du texte au premier degré, ne cherchant pas à voir dans le texte la figure d’un autre sens. Pour Fillion néanmoins, ce sens littéral du Cantique est insuffisant en raison de son incohérence. Le sens mystique et le sens allégorique, en d’autres termes le sens spirituel, sont en revanche porteurs pour Fillion d’un plus grand degré de vérité. Le sens littéral du Cantique n’est que la coquille devant être brisée afin d’en extraire le noyau exégétique, mystique ou allégorique, qui est le porteur du sens réel : voilà la théorie partagée par bon nombre des traducteurs du Cantique dont la traduction est le support d’un travail exégétique effectué dans la lignée d’une tradition religieuse, catholique essentiellement. C’est perceptible dès les titres de certaines publications. Ainsi l’ouvrage de Marolles est-il intitulé : Le Cantique des cantiques de Salomon. Traduction en vers selon le sens Litteral, qui se doit expliquer par un sens mystique, tirée de la Version en Prose641

. Les développements dans les péritextes expliquent comment le sens littéral est inférieur au sens spirituel. Le traducteur anonyme du Cantique paru chez Desprez en 1689 (selon la notice FRBNF30143995 de la BnF il s’agit de Michel Bourdaille) le décrit en ces termes, qui ont de plus le mérite de décrire le rapport du traducteur à ce sens littéral du texte :

Pour garder ce juste tempérament, quand j’ay trouvé qu’il y avoit des difficultez dans la lettre, j’ay commencé par les éclaircir, afin de former un sens raisonnable & intelligible. Et regardant ensuite ce sens littéral ou grammatical comme l’image d’une vérité spirituelle que l’auteur a voulu nous représenter par cette image, j’ay développé la vérité soit maxime de Morale, ou mystère de Religion : & non seulement je n’ay jamais parlé d’aucune vérité spirituelle, que je n’aye vûë, ou que je ne me sois imaginé voir à travers l’écorce de la lettre, mais même j’ay affecté de ne proposer les véritez

640 Fillion, La Sainte Bible : texte de la Vulgate, traduction française en regard, avec commentaire, Paris, P. Lethielleux, 1888-1904, p. 595. [106]

641 Marolles, Le Cantique des cantiques de Salomon. Traduction en vers selon le sens Litteral, qui se doit

expliquer par un sens mystique, tirée de la Version en Prose […], Paris, de l’imprimerie de Jacques Langlois,

dont j’ay parlé, que dans le point de vûë où conduit directement l’analogie & le rapport de l’image à la chose que l’image represente.642

Le traducteur semble ici se situer dans un équilibre complexe entre la lettre, qu’il traduit, et la conscience que la lettre n’est que « l’écorce », et que le sens dont la traduction doit permettre l’expression est le sens spirituel, dont la lettre est « l’image » ; ce sens néanmoins ne doit pas être rendu arbitrairement par le traducteur. Ce statut du sens littéral comme écorce, image, du sens spirituel, est évoqué chez d’autres traducteurs. La préface de l’édition séparée du Cantique dans la traduction de Port-Royal643

en porte la trace :

Et cependant, […] non seulement les fidelles, mais les Juifs mêmes, qui expliquent ordinairement les Ecritures d’une manière charnelle et grossière, n’ont jamais songé à donner un autre sens qu’un allégorique à ces paroles, & ils ont tous regardé ce sens, comme celuy qui étoit vraiment le sens littéral de cet endroit, tel qu’on peut le voir dans les explications qu’on a données de ce saint Prophète.644

Cette idée que le sens littéral n’est pas le sens réel n’est pas propre aux traducteurs catholiques, même si c’est essentiellement chez eux que cette idée s’exprime. On lit en effet chez David Martin :

Le Livre des Cantiques est, sans contredit, un des plus difficiles de l’Ancien Testament. Tous les termes en sont figurez & allégoriques, rien de propre & de litteral.645

Ce qui est particulièrement intéressant chez ces traducteurs, c’est l’idée d’un effacement complet du sens littéral. Au point que pour Pierre Thomas du Fossé, dans la préface du Cantique, le sens allégorique est « vraiment le sens littéral » ; le sens littéral ayant alors pour seule fonction de servir de médiation à la révélation du sens allégorique, mais n’ayant pas de valeur par lui-même. En la matière, il semble bien qu’un sort particulier soit réservé au Cantique des cantiques. Ni Martin, ni les traducteurs de Port-Royal, ni Marolles ne diraient évidemment la même chose des Psaumes ou même des livres qu’ils considèrent historiques, comme celui de Ruth, par exemple. Si le sens littéral du Cantique est perçu comme une « écorce », une « image », contenant le seul vrai sens, c’est sans doute en raison de deux difficultés de ce livre : d’une part, son contenu érotique, et d’autre part, sa forme décousue. Le sens littéral, dans un système de pensée qui considère la description du corps et du désir sexuel comme incompatible avec la moralité, n’est acceptable que dans la mesure où il est perçu comme métaphore, comme figure du sens spirituel.

Le rejet du sens littéral du Cantique des cantiques semble néanmoins reculer avec le temps. Au XXIe siècle, alors que progresse dans les Églises une valorisation de la sexualité dans le cadre conjugal, le sens littéral du Cantique est réinvesti d’une certaine valeur par les traducteurs qui par ailleurs affirment l’importance des sens spirituels. On lit ainsi chez Buzy une légitimation du sens littéral :

642 Anonyme attribué à Bourdaille, Explication du Cantique des cantiques, tirée des Saints Péres & des Autheurs

Ecclésiastiques, par D. M B. S., à Paris, chez Guillaume Desprez, 1689, p. 5-6. [35]

643 La traduction est sans doute due à Isaac Le Maistre de Sacy, en revanche les péritextes sont de Pierre Thomas du Fossé.

644 Cantique des cantiques traduit en françois, avec une explication tirée des saints Pères & des Auteurs

Ecclésiastiques, Paris, chez Guillaume Desprez, 1694, ici n.p. [39]

645 David Martin, La Sainte Bible, qui contient le Vieux et le Nouveau Testament […], Amsterdam, chez Henry Desbordes, Pierre Mortier, Pierre Brunel, Libraires, 1707. [42]

Le présent commentaire ne vise pas premièrement à être un livre de piété ; il veut être d’abord un livre de science, servant la vérité et non la fantaisie, recherchant le sens littéral, qui est le sens voulu par le Saint esprit, à l’exception du sens accommodatice.646

Et dans l’introduction du carme Lucien-Marie de Saint-Joseph à la première traduction de Chouraqui :

Nous voudrions montrer la base traditionnelle qui permet de comprendre le sens littéral du Cantique des Cantiques dans son ensemble et, à partir de là, en suggérer une utilisation spirituelle à l’école de saint Bernard et de Saint Jean de la Croix.647

Buzy fait de la recherche du sens littéral le centre de son travail de traduction, en rappelant que, dans une perspective chrétienne, ce sens « est voulu par le Saint esprit ». Lucien-Marie de Saint-Joseph passe quant à lui outre le sens littéral, qui est un tremplin vers une « utilisation spirituelle », mais sans pour autant que le sens spirituel ne vienne rétrospectivement invalider la lettre du texte.

Dans tous les cas, quelle que soit la valeur accordée au sens littéral, il est incontournable : la traduction en effet a pour objet et fonction la restitution en français du sens littéral du texte. Il ne peut y avoir de traduction selon le sens allégorique648

; une traduction selon le sens allégorique est une paraphrase, dans la mesure où elle ne rend pas compte de la lettre du texte de départ. C’est là une tension que l’on retrouve dans la question de la traduction littérale opposée à la traduction paraphrastique ou à l’adaptation : le passage par une forme de littérarité, non suffisante, mais nécessaire, semble une médiation incontournable aux traducteurs des textes bibliques.

c- Le mot « littéral » qualifiant la traduction mot-à-mot, par opposition à l’adaptation et à la traduction libre

Le premier sens que revêt le mot « littéral » dans notre corpus, est celui qui qualifie le rapport avec le texte source, envisagé dans une certaine mesure comme un mot-à-mot. La prise de position des traducteurs sur ce sujet est complexe, puisque si tant est qu’une traduction « littérale » soit une traduction s’efforçant de restituer la lettre du texte source, les méthodes, tout comme les techniques traductives consécutives à la décision de traduire littéralement, sont très variées.

Une traduction littérale, spécifiquement en contexte biblique, c’est tout d’abord une traduction qui prend en compte l’intégralité de la lettre du texte, n’en étant ni une paraphrase, ni une sélection. Cela ne suppose pas nécessairement autre chose que cela. Le privilège de Charles Quint, inséré dans la première Bible de Louvain, dit qu’il a « esté ordonné faire traduyre [la Bible] de mot à mot, premieremnt en Flameng, & aprés en François, sans adiouxter, ou diminuer, tant que les proprietez des languaiges peuuent souffrir »649

; la notion de « mot à mot » n’est pas ici à prendre dans le sens où l’entend Jérôme par verbum e verbo

646 Denis Buzy, Le Cantique des Cantiques, traduit et commenté par D. Buzy, Paris, Éditions Letouzey et Ané, 1950. [153]

647 Lucien-Marie de Saint-Joseph O.C.D., dans son introduction à la première traduction du Cantique par André Chouraqui, Le Cantique des cantiques, Desclée de Brouwer, Paris, 1953, p. 13. [159]

648 Sinon, et c’est le seul cas qui se donne réellement pour traduction, dans les traductions cabalistiques, qui ont un rapport à la lettre hébraïque que n’ont pas les paraphrases allégoriques du texte.

649 La Saincte Bible Nouvellement translatée de Latin en François, selon l’edition Latine, dernierement imprimée

exprimere650

, ni n’équivaut à calquer le texte source en français et en flamand, mais à effectuer une traduction intégrale « sans ajouter ni diminuer ».

Dans cet esprit, l’un des usages faits par les traducteurs du Cantique de la notion de littéralisme ou de traduction littérale intervient dans la revendication d’une traduction non paraphrastique ; la notion est alors connotée positivement. La préface de la Bible de Lausanne affirme ainsi : « La traduction sera littérale et non paraphrastique »651

; semble ici se dessiner aux yeux des traducteurs une définition du littéralisme non pas tant par un contenu méthodologique, mais par opposition à un autre type de traduction, procédant par reformulations, et par ajouts à la lettre du texte de départ. Une série de précisions intervient ensuite :

Pour reproduire l’original dans toute sa vérité, on ne craindra pas certaines hardiesses de style ; pourvu toutefois que les lois de la grammaire soient respectées. On n’aspirera pas à rendre clairs, dans la traduction, les passages décidément obscurs dans l’original. D’un autre côté, l’on évitera de rendre incompréhensibles par un littéralisme