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Quatrième chapitre : éditeurs et diffusion des traductions du Cantique des cantiques

III- Inserts dans le texte biblique

4- Contenu et fonction des illustrations

Le contenu des illustrations accompagnant les traductions du Cantique est très varié ; il semble refléter dans les grandes lignes la diversité des interprétations du Cantique, et de fait, c’est le contenu des illustrations, davantage que la technique utilisée, qui nous permet de saisir quelle lecture est faite du Cantique des cantiques. Dans cette section du chapitre, nous tenterons donc d’établir une typologie qui permette d’articuler contenu et fonction des illustrations. Nous étudierons différentes catégories, dans l’ordre chronologique de leur apparition dans corpus, et représentatives des lignes de force qui apparaissent dans les éditions illustrées du Cantique.

a- Représentation en lien avec le Nouveau Testament

Les publications comportant des illustrations en lien avec le Nouveau Testament sont concentrées au tout début de la période couverte. Il s’agit des publications numérotées [1] et [2]577

. On y trouve respectivement une représentation du Christ, et, entre autres gravures, une représentation de la Vierge en pietà. Dans la mesure où aucune de ces publications ne comporte de traduction de livres du Nouveau Testament, l’adjonction aux textes attribués à Salomon d’une iconographie christique et mariale tend à ancrer la traduction des livres concernés dans une lecture typologique. Dans le cas du recueil de livres attribués à Salomon, on peut peut-être voir un rapprochement iconographique de la figure du roi Salomon avec celle du Christ couronné, en majesté. Dans le cas de la pietà qui accompagne une traduction du Cantique, on peut supposer que l’introduction de la figure de la Vierge est préparée par des siècles d’iconographie mariale construite sur les éléments du texte du Cantique578

, et sur la tradition de lecture percevant derrière le sponsus et la sponsa les figures du Christ et de la Vierge. Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, les gravures présentes orientent la lecture de la

575 Il s’agit de En ce temps-là la Bible Publication hebdomadaire éditée par S.A. Femmes d’Aujourd’hui, Bruxelles, n° 51, octobre 1970 [176], et de Tobie et Sarra. Le Cantique des cantiques. Roman d’amour et chants

de mariage, dans L’histoire du peuple de Dieu, n° 20, Aix en Provence, les Éditions du Bosquet, 1981. [189]

576 Henri Renoux, Variation sur le chant des chants, Paris, Éditions Alternatives, 2000 [226] ; et Le Cantique des

cantiques calligraphies de Franck Lalou, avec une traduction de Patrick Calame, Paris, Albin Michel, 2000

[228].

577 [Sans titre] Lyon, Martin Huss, Ca 1481 [1]. Contient les Proverbes, la Sagesse, le Cantique et l’Ecclésiaste ; et Les Cantiques Salomon translatez de latin en françoys. Imprime nouvellement a Paris, 1512 [2].

578 Essentiellement la figure du jardin clos dans les Annonciations, mais aussi la grenade dans la main de la Vierge, etc.

traduction dans le sens d’une interprétation allégorique du Cantique, alors même que, paradoxalement, aucun commentaire allant dans ce sens n’est inclus dans ces ouvrages.

b- Représentations de scènes pieuses sans lien avec le texte biblique

Deux publications du corpus comportent des gravures représentant des scènes pieuses sans lien avec le texte biblique. Il s’agit de deux traductions séparées du Cantique, traduit par Guillemin579

en 1839 et Delaborde580

en 1842. Cette dernière est précédée d’une gravure unique, représentant deux enfants en prière devant une croix, à la croisée de chemins de campagne. Ces deux publications ont une orientation clairement catholique, d’après la péritextes. Elles sont très proches dans le temps ; on peut peut-être les rapprocher d’éditions catholiques contemporaines. L’imagerie saint-sulpicienne incluse dans ces publications indique – au-delà de la lecture allégorique du Cantique qui est proposée dans les péritextes – un usage possible de ces traductions, davantage tournées vers la dévotion que vers l’exégèse. En tout cas, les images contenues dans ces publications ne sont aucunement des illustrations issues des traductions du Cantique, et aucun lien avec le Cantique ne peut être établi, fût-ce par le biais de l’allégorie.

c- Un cas de représentation polysémique : les figures pastorales et bucoliques.

Les figures qui reviennent le plus souvent dans les illustrations du Cantique au sein de notre corpus sont les figures pastorales, au sens large du terme (figures représentant effectivement bergers et troupeaux, mais également paysages bucoliques, représentations de la végétation et du bestiaire). Ces figures sont également les plus polysémiques. Elles sont, avec les nus, celles qui représentent le plus directement le texte du Cantique, dans la mesure où celui-ci abonde en références aux bergers, au petit bétail, aux champs, etc. Cela dit, dans la mesure où ces éléments sont précisément les principaux supports de l’allégorie, leur représentation picturale en marge des traductions peut aussi bien souligner l’interprétation allégorique que la lecture littérale du texte. L’interprétation de ces représentations dépend donc essentiellement du contexte.

La Bible de Calmet581

, qui comporte une grande gravure au début de chaque livre, et dont la gravure introduisant le Cantique est une représentation de scène pastorale, est l’exemple d’une traduction comportant un important appareil exégétique explicitant les sens allégoriques du texte, et dont l’illustration ne s’appuie pas sur le support allégorique, mais sur le sens littéral du texte.

L’ouvrage consacré par F.-A. David582

au Cantique583

contient quatre planches, illustrant chacune des passages précis du Cantique, identifiables grâce à la légende figurant sous les planches. On y voit notamment la bien-aimée du Cantique, vêtue d’une toge à la grecque, parcourir la campagne. La traduction est précédée d’une introduction plaidant pour

579 Alexandre Guillemin, Le Cantique des cantiques en vers français d’après l’hébreu […], Paris, Gaume frères, libraires, 1839, [67].

580 J.-B. Delaborde, Le Cantique des cantiques, traduit du latin de la Vulgate, Paris, Debécourt, 1842, [71].

581 Augustin Calmet, Commentaire litteral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament […], Paris, Emery, 1724, [48].

582 À ne pas confondre avec le peintre Jacques-Louis David.

583 François-Anne David, Cantique des cantiques, attribué à Salomon, roi d’Israël, an du monde 3020, orné de quatre peintures orientales et du portrait de Salomon, Paris, chez l’auteur David, 1819, [61].

la moralité du sens littéral du Cantique, qui se termine par un paragraphe concernant les gravures, dont leur auteur écrit :

ces tableaux, composés d’après des dessins conformes au génie oriental, plairont sans doute aux personnes qui, en nourrissant leur cœur de la lecture des livres saints, ne renoncent point aux innocents plaisirs de l’imagination et des yeux.

On se trouve ici avec David à un moment de transition, qui caractérise aussi bien les illustrations du Cantique que la lecture du texte telle qu’elle apparaît dans les péritextes des traductions et les traductions elles-mêmes. On quitte en effet l’ère des représentations pastorales, qui s’inscrivaient à la fois dans la vogue de la littérature pastorale et dans la tradition des interprétations allégoriques du Cantique ; on entre dans la période des représentations orientalisantes d’un texte perçu comme témoignage littéraire de l’Orient ancien. David articule en effet dans son introduction la méditation sur la « lecture des livres saints » et l’émergence d’une lecture du Cantique comme fleuron de la poésie érotique orientale, lecture que l’allégorie se devait d’atténuer, sinon d’oblitérer, mais qui se développe abondamment dans la deuxième moitié du XIXe siècle, conjuguant imagerie pastorale, orientale et érotique.

d- Représentation de la nudité

Représenter le corps humain dénudé dans les illustrations du Cantique n’est en rien une projection de la rêverie érotique des illustrateurs, dans la mesure où le texte lui-même fait la part belle à la nudité584

. Les descriptions de la beauté de l’amante aux quatrième et septième chapitres, de l’amant au sixième, mentionnent ainsi, entre autres, les seins, le nombril, les cuisses de la femme ; les jambes, le ventre de l’homme.

Les premières représentations de la nudité dans les publications du corpus se font essentiellement dans le cadre d’une esthétique orientaliste. Cette congruence s’observe surtout à la toute fin du XIXe siècle et dans les premières décennies du XXe siècle. Nous mesurons l’orientalisme pictural au recours à une iconographie spécifique585

, commune aux représentations d’un Orient réel ou rêvé par les peintres qui précèdent cette période586. De façon tout à fait significative – quoique non surprenante – ces illustrations accompagnent des traductions qui s’effectuent dans une perspective non-confessionnelle, accompagnées de péritextes ou d’escortes véhiculant une lecture littérale du texte, dans laquelle les intrigues amoureuses sont mises au premier plan587

. La traduction accompagnant les illustrations de Barbier588

, les traductions de Jean de Bonnefon589

, Franz Toussaint590

, Paul Vulliaud591

, André

584 En ce sens, les illustrations de type pastoral avec leurs représentations de bergers en toge rhabillent en quelque sorte les protagonistes.

585 Parmi ces éléments iconographiques, nous incluons des éléments morphologiques (nez busqué ou à la rigueur grec), vestimentaires (variations sur la toge grecque, tirant vers la robe perse, fréquence des rayures), capillaires (chevelure bouclée pour les femmes, longue barbe en pointe à la perse pour les hommes. En quelque sorte, pour les peintres de la fin du XIXe siècle, le Juif antique est perse.), architecturaux (vastes espaces clos évoquant le harem notamment, d’autant qu’ils sont peuplés de femmes nues et alanguies) .

586 Qu’on songe notamment aux œuvres d’Ingres, de Delacroix…

587 Cela explique peut-être le succès qu’a la traduction de Renan auprès des éditeurs faisant paraître des éditions avec illustrations érotiques du Cantique.

588 Georges Barbier, Le Cantique des cantiques. Dix-sept dessins de George Barbier avec une traduction de 1316, Paris, La belle édition, 1914. [129]

589 Jean de Bonnefon, Le Cantique des cantiques, traduit littéralement et remis à la scène, illustrations de F. Kupka, Paris, Librairie universelle, 1905. [124]

Suarès592

, Fortuné Paillot593

qui accompagnent respectivement les illustrations de Kupka, Zworykine, Kupka de nouveau, Louis Jou, et Edouard Lajudie, sont formellement et génériquement très différentes, mais elles ont en commun, outre leur refus des allégories habituelles, une valorisation de l’aspect amoureux du texte. Les traductions de Toussaint et de Suarès sont dépourvues de péritextes, mais comportent, sans être des traductions dramatiques au sens strict, les noms des locuteurs, et sont rédigées avec une mise en relief des affects amoureux. C’est essentiellement dans ce sens que vont l’avant-propos de la traduction de Paillot et l’ « argument » de la traduction de Bonnefon ; celle de Vulliaud quant à elle est précédée d’une préface du traducteur, rapprochant le Cantique de la poésie amoureuse arabe. Bien plus tard, on trouve avec les lithographies de Chapelain-Midy594

une résurgence orientaliste, alors même que l’orientalisme n’est plus en vogue au sein des avant-gardes picturales. Significativement, il ne semble pas du tout illustrer le Cantique, mais plutôt s’inspirer de l’imaginaire érotique oriental595

. Du reste, les images incluses dans ces publications ne sont pas au sens strict les illustrations596

des traductions, mais il semble bien qu’images et textes convergent, chacun selon ses propres modalités, dans une perspective d’attention à l’Orient ancien.

La représentation de la nudité est également présente en l’absence d’esthétique orientaliste. C’est le cas des dessins de Matisse qui accompagnent la traduction de Grégory597

. Dans le cas des dessins de Matisse, on reconnaît le style des silhouettes des nus bleus du peintre, qui ne sont pas non plus des illustrations réelles du Cantique. La traduction de Grégory est manifestement non-confessionnelle ; le traducteur dans l’avertissement voit dans le Cantique « un grand poème qui a toute l’apparence d’une incantation érotique ».

e- Realia palestiniens

La question de la nature illustrative des images accompagnant la traduction du Cantique se pose différemment lorsque les illustrations en question s’avèrent des représentations des realia palestiniens évoqués directement ou non dans le Cantique. Dans cette catégorie, nous regroupons des illustrations réalisées par des techniques très diverses. La Bible polyglotte de Vigouroux598

comprend, parmi les notes infrapaginales, de petites gravures représentant les realia évoqués dans la traduction. Parmi les illustrations du Cantique, on compte ainsi la représentation d’une grenade, d’un nard, d’une mandragore, d’une porte comportant une serrure à la mode de l’époque du Cantique. Ici, il s’agit véritablement d’illustration : dans la mesure où un certain nombre de termes employés par le

590 Franz Toussaint, Le Cantique des cantiques, avec des miniatures et ornementations de B. Zworykine, Paris, L’édition d’art H. Piazza, 1919. [133]

591 Le Cantique des cantiques, illustré par François Kupka, traduction de Paul Vulliaud. Paris, L’édition d’art H. Piazza, 1931. [140]

592 Le Cantique des Cantiques, traduction d’André Suarès, illustrations de Louis Jou, Paris, Les Médecins bibliophiles, 1938. [147]

593 Fortuné Paillot, Dans les jardins du roi, poème dramatique adapté du Cantique des cantiques, qui est de

Salomon, Saint Raphaël, s.d. [250]

594 Le Cantique des cantiques, dans une traduction inédite due à Pierre Mariel, illustré de lithographies originales par Chapelain-Midy. Paris, Typographie de l’Imprimerie Nationale, 1977. [186]

595 La cinquième planche est manifestement inspirée de l’odalisque d’Ingres.

596 Au sens où chaque illustration aurait sa source dans un verset du Cantique et où la lettre de la traduction serait fondamentale, par exemple parce que si le traducteur met « grenade », c’est une grenade qui est représentée, et non une orange ou une pomme.

597 Claude Grégory, Cantique des cantiques, avec quinze illustrations de Henri Matisse, Paris, le club français du livre, 1962. [166]

traducteur renvoient à des référents étrangers aux lieux et aux temps familiers des lecteurs contemporains de la publication, quelques illustrations en donnent une image, de telle sorte que le lecteur puisse se représenter le fruit exotique qu’est la grenade, la plante rare qu’est la mandragore, l’étrange trou de la porte par lequel on passe la main en Ct 5,4. Ces illustrations ont un rôle de support visuel aux notes explicatives qui les accompagnent et qui précisent le fonctionnement de ladite porte, l’usage du henné, etc.

Les deux traductions de la Bible publiées en fascicules illustrés dans les années 1970 et 1980599

ont des caractéristiques communes, et au-delà, un fonctionnement similaire à celui de la polyglotte de Vigouroux en ce qui concerne le rapport aux illustrations, même si pour le reste elles en diffèrent. Les deux traductions du Cantique sont illustrées par des photographies en couleur ; une d’entre elles, représentant une danseuse yéménite, est d’ailleurs commune aux deux fascicules, alors que la traduction est très différente. Les photographies n’ont pas une fonction illustrative aussi précise que dans la polyglotte de Vigouroux ; néanmoins elles participent tout de même d’une perspective semblable : il s’agit de rendre perceptible visuellement au lecteur le cadre référentiel du texte du Cantique, à travers la représentation des paysages palestiniens, et également des visages, des costumes des habitants du Proche-Orient. Dans ce dernier cas, le décalage temporel avec l’époque de la rédaction du texte est très important ; soit les éditeurs ont considéré600

que l’étude de l’Orient contemporain était la base d’une reconstruction de la vie quotidienne au temps de Salomon ; soit, plus vraisemblablement, qu’ils aient estimé que les types physiques n’avaient pas excessivement changé en vingt-cinq siècles, et que l’effet de dépaysement serait un premier jalon dans la représentation imagée des personnages évoqués dans le Cantique.

Le lien avec le mot à mot des traductions n’est pas direct, mais il l’est davantage avec les péritextes, notamment avec le texte de Froissard601

, qui affirme le caractère nuptial du texte, aussi bien littéral qu’allégorique. Ce caractère nuptial est également mis à l’honneur dans Tobie et Sarra. Le Cantique des cantiques. Roman d’amour et chants de mariage, comme le souligne le sous-titre de la publications, et les illustrations représentant des noces.

Conclusion- Impact des péritextes et inserts sur la lecture de la traduction

L’impact des péritextes et des inserts sur la traduction est complexe, et difficile à mesurer avec précision. Il faut en tout cas distinguer le cas des péritextes, clairement distincts de la traduction grâce à la mise en page employée, et celui des inserts, introduits dans le texte même de la traduction, et pouvant ainsi passer aux yeux du lecteur francophone pour le texte même.

Les inserts peuvent être considérés, sinon par les critiques, du moins par les traducteurs, comme procédant de l’acte même de traduire. Certaines traductions ne font que reproduire des inserts présents dans le texte source. D’autre part – et c’est tout de même le cas le plus fréquent – le traducteur peut estimer qu’introduire des inserts dans le texte français relève de sa tâche, afin que les lecteurs francophones puissent clairement identifier, entre autres, la répartition des locuteurs et la construction du Cantique. En creux, on perçoit alors l’idée que la traduction se doit d’être dans une certaine mesure une explicitation ; en tout cas

599 Les fascicules comportant la traduction du Ct sont En ce temps-là la Bible, Publication hebdomadaire éditée par S.A. Femmes d’Aujourd’hui, Bruxelles, n° 51, octobre 1970 [176] et Tobie et Sarra. Le Cantique des

cantiques. Roman d’amour et chants de mariage. L’histoire du peuple de Dieu, n° 20, Aix en Provence, les

Éditions du Bosquet, 1981.

600 Comme beaucoup de philologues du XIXe siècle.

qu’une traduction littérale du texte reçu, avec ses zones d’ombres, sans parti pris générique, serait insuffisante ; qu’une traduction ne proposant pas par exemple d’identification des locuteurs échouerait à rendre compte du texte. Quoi qu’il en soit, pour le lecteur n’ayant pas accès aux textes sources, les inserts sont reçus comme participant de la traduction, et non comme des ajouts.

L’interaction de la traduction et de ses escortes se fait différemment dans le cas des commentaires, de certaines paraphrases et de certains sommaires dont le statut péritextuel apparaît clairement via la mise en page exhibant leur hétérogénéité, et la secondarité des péritextes.

Nous partirons pour développer ce point de l’exemple de Hopil602

. La distinction dans l’espace concret du livre entre traduction et commentaire, qui s’accompagne du contraste entre « deux interprétations du Cantique, la charnelle et la spirituelle »603

, (c’est-à-dire la traduction faisant état du sens littéral du texte, et le commentaire, qui en explicite le sens spirituel, en l’occurrence l’allégorie qui voit dans le Cantique, selon les mots de Hopil, « un amoureux Colloque de Dieu auec l’ame ») a pour conséquence la nécessité d’un choix entre ces deux interprétations, qui ne peuvent être simultanément valides. Au-delà du cas particulier de Hopil, il est évident que la coexistence dans la même publication de la traduction et d’un ou plusieurs commentaires, de la traduction et d’une ou plusieurs paraphrases, permet une multiplication des lectures du texte. Que le choix de l’une soit, ne serait-ce que temporairement, exclusif des autres ne va cependant pas de soi. En témoignent, à des degrés divers, les propos mêmes des traducteurs et commentateurs. Claude Hopil écrit ainsi dans l’adresse aux lecteurs :

Je m’asseure que si vous prenez la peine de le lire avec attention, & de bien mediter les secrets & sacrements cachez sous les fueilles des paroles, vous en retirerez quelque fruict et contentement spirituel : ce qui vous obligera d’admirer l’infinie bonté de Dieu, les delices duquel (comme le dit le mesme Salomon) font d’estre avec les enfans des hommes, & de converser & parler familièrement auec les simples, comme il fait en ce Cantique, lequel n’est autre chose qu’un amoureux Colloque de Dieu auec l’ame, & de l’ame auec Dieu, qui parlant auec elle luy cause mille sainctes extases.604

Les propos de Hopil n’indiquent pas ici tant le possible choix de l’interprétation, que