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Quatrième chapitre : éditeurs et diffusion des traductions du Cantique des cantiques

III- Inserts dans le texte biblique

3- Inserts soulignant le découpage du texte

3- Inserts soulignant le découpage du texte

Le texte reçu du Cantique (que ce soit le texte massorétique du Cantique ou sa traduction dans la Vulgate sixto-clémentine) est réparti en huit chapitres (qui concordent imparfaitement entre le TM et la Vulgate). Cette répartition n’est sans doute pas originelle. Cela dit, c’est cette division qui est adoptée dans la grande majorité des publications du corpus. Les chapitres sont alors simplement numérotés, ou annoncés en toutes lettres (Premier chapitre, deuxième chapitre, etc.). Néanmoins cette répartition en chapitres est à l’occasion remise en question par les traducteurs qui distinguent dans le Cantique une articulation différente ; de nouveaux inserts viennent alors s’insérer dans la traduction. Ce type d’inserts

523 Il s’agit de traductions contenues dans les publications auxquelles correspondent les numéros de notice suivants : [143], [154], [160], [193], [196], [217], [224].

524 Dans les publications [96], [147], [166].

525 Dans les publications [164], [189].

526 Voir, dans le onzième chapitre, la section consacrée à la traduction des appellatifs.

527 Dans le neuvième chapitre, consacré à la question du genre littéraire du Cantique.

528 Ces trente dernières années, ce ne sont pas moins de dix traductions qui utilisent le couple « lui – elle » pour désigner les locuteurs, dans les publications [194], [201], [204], [212], [213], [223], [233], [236], [242], [245].

varie fortement en fonction de la compréhension du genre littéraire du Cantique529

. Il peut coexister avec la numérotation des versets selon l’une ou l’autre tradition530

. Nous abordons ci-dessous les publications du corpus présentant des traductions du Cantique avec insertion d’explicitation du découpage du texte, en fonction du type de lecture opérée sur le Cantique531

.

a- Découpage poétique

Nous appelons « découpage poétique » les découpages du texte en plusieurs unités dont la cohérence est définie par des critères poétiques et littéraires. Ce type de découpage repose occasionnellement sur une lecture générique du texte source, et s’inscrit a posteriori dans la traduction. La plupart du temps, l’utilisation d’inserts annonçant le découpage du Cantique coexiste, voire coïncide, avec la numérotation des chapitres. Nous dénombrons quarante-six publications comprenant ce types d’inserts ; nous les évoquons ci-dessous en fonction de la terminologie employée.

Seul Pierre de Courcelles (1564, [11]) utilise le terme de « cantique » pour désigner les unités distinguées dans le texte. Il distingue ainsi huit « cantiques », qui suivent la répartition des chapitres dans la Vulgate ; le terme « cantique » semble emprunté au texte traduit.

Des termes renvoyant à des genres poétiques bien identifiés sont employés par quelques rares traducteurs. Rémy Belleau (1578, [13]) distingue huit « eclogues » qui suivent les chapitres. Marcellus (1840, [69]) quant à lui voit dans le Cantique dix-huit cantates532

, rapprochant le texte du cantique du genre musical de la cantate d’Église, ce qui a l’intérêt de mettre l’accent à la fois sur l’aspect musical et sur la nature composite du Cantique. Winandy (1960, [164]), plus d’un siècle plus tard, distingue un prologue, six « stances », un dénouement, un aphorisme sapientiel, une première énigme, une deuxième énigme, des versets erratiques. Cette construction très élaborée est l’héritière de la tradition lancée par la Bible de Jérusalem en 1955 ; la majeure partie du texte est couverte par les six « stances », sorte de variation terminologique sur les « poèmes » de la Bible de Jérusalem.

Le terme « chant » est quant à lui utilisé par onze traducteurs ; qui plus est, les chants distingués dans le Cantique ne suivent pas la répartition traditionnelle en chapitres, sauf dans le cas de Suarès. La liste en est la suivante :

- Fornelles (1885, [103]) : dix-huit « chants »533 . - Taoussi (1919, [132]) : six « chants ».

- Mardrus (1931, [139]) : huit « chants », ne suivent pas strictement les chapitres. - Suarès (1938, [147]) : prélude, huit chants correspondant aux chapitres, épilogue.

529 C’est le cas assez systématiquement pour les traductions dramatiques, qui comportent l’insertion d’un appareil dramatique (numérotation d’actes et de scènes ou de tableaux, didascalies, évidemment locuteurs)

530 Dans la mesure où la numérotation des versets diverge légèrement dans le texte massorétique et la Vulgate.

531 Nous reviendrons dans le neuvième chapitre, dédié au genre du Cantique, sur la lecture générique dont témoignent ces inserts.

532 L’auteur écrit : « Le Ct étant un drame pastoral et lyrique, mes dix-huit cantates, qui en sont la traduction, présentent aussi en forme d’églogues, un drame en récitatif entremêlé de petites odes sacrées ». On perçoit là combien l’utilisation du lexique des genres littéraires ne s’inscrit pas chez Marcellus dans une perspective scientifique d’analyse littéraire du texte.

533 L’auteur écrit : « Nous avons divisé un peu arbitrairement le Cantique en dix-huit chants, trouvant des suspensions là où d’autres n’en auraient pas vu. Nous avons aussi touché à l’économie du dialogue, intervertissant quelquefois les rôles par là transposition des pronoms personnels. En cela nous avons suivi une tradition déjà consacrée, mais c’est, croyons nous, notre seul point de contact avec l’exégèse moderne ».

- Soubigou (1951, [157]) : six chants titrés534

; des subdivisions départagées par un titre.

- Allan (1990, [207]) : prologue, cinq « chants », épilogues.

- Le Pichon (1993, [211]) : prologue, cinq « chants », dénouement, aphorismes d’un sage.

- Bible des communautés chrétiennes (1994, [214]) : cinq « chants ». - Bible des peuples (1999, [223]) : cinq « chants » ; additions.

- Michaux (2004, [237]) : cinq « chants » ; un épilogue.

- Simoens (2004, [239]) : huit « chants », dont seuls les deux derniers ne coïncident pas avec les chapitres traditionnels.

Le terme de « chant » est une des solutions traditionnelles pour traduire littéralement le mot hébreu ריש535

. En hébreu, le terme semble indiquer une dimension musicale, chantée, bien que les traductions choisissant le mot « chant » ne soulignent pas ce point dans les péritextes ; le mot « chant » semblant être entendu par les traducteurs dans un sens davantage poétique (cf. les chants de l’Enéide qui ne sont pas destinés à la mise en musique). Le nombre de chants varie entre cinq et dix-huit ; ce sont néanmoins le plus souvent cinq ou huit chants qui sont distingués. Notons la distinction dans plusieurs traductions d’un « prologue » et d’un « épilogue ». André Suarès semble le premier à faire ainsi ; c’est une solution qui sera par la suite reprise par André Robert et par la Bible de Jérusalem et qui s’imposera dans un nombre important de traductions.Une variante au terme « chant » est proposée par Jean Lahor (1885, [104]), qui identifie seize « chansons » dans le Cantique.

Le terme de « poème » est utilisé dans un nombre assez important de traductions ; il intervient en effet dans les inserts du Cantique dans douze publications du corpus, dont la liste suit :

- Buzy (1949, [153]) : les chapitres sont appelés « poèmes », des titres viennent effectuer des subdivisions, rythmant notamment les « contemplations » et les « mutuelles possessions » des époux.

- Robert (1951, [156]) : prologue, cinq « poèmes », dénouement, monition, appendices.

- Bible de Jérusalem (1955, [160]) : prologue, cinq « poèmes », dénouement ; appendices : deux épigrammes, dernières additions.

Robert (1963, [168]) : prologue, cinq « poèmes », dénouement, aphorismes, appendices.

- Robert, Tournay, Nicolaÿ (1967, [171]) : prologue, cinq « poèmes » avec des titres536

, épilogue – le dénouement, additions, première épigramme, deuxième épigramme, deux additions.

- Schweitzer (1968, [174]) : prologue, cinq « poèmes », appendices. - Violette d’André (1981, 190]) : prologue, sept « poèmes ».

- Bible en français courant (1982, [191]) : l’introduction annonce sept « poèmes » ; ils ne sont pas numérotés dans la traduction, mais de fait le texte présente sept parties annoncées chacune par un titre537

.

534 La rencontre désirée ; L’invitation printanière ; Solennité nuptiale ; Les épreuves de l’amour ; Le don de soi ; Finale.

535 Le dictionnaire de Sander et Trenel donne comme premier sens du mot : « Chant, action de chanter, cantique (sacré et profane) ».

536 Epreuves passées et rêves d’avenir ; Recherche réciproque ; Retour des exilés et fiançailles messianiques ; Recherche et portait du bien-aimé ; Vers l’union définitive

- Tournay (1982, [194]) : prologue, dix « poèmes », épilogue, additions. - Arminjon (1983, [196]) : cinq « poèmes », dénouement.

- Barsotti traduit par Solms (1983, [197]) : prologue, cinq « poèmes », épilogue, appendice.

- Bot (1994, [213]) : prologue, cinq « poèmes », épilogue, notes finales.

- Spick (2000, [230]) : quatre « poèmes », épilogue, première énigme, deuxième énigme, conclusion.

- Bible parole de vie (2000, [231]) : sous-ensembles caractérisés par des titres538 , non numérotés.

L’utilisation du terme « poème » pour désigner les subdivisions du Cantique dans les inserts est relativement récente. Buzy semble être le premier à l’utiliser ; il sera par la suite popularisé par la traduction d’André Robert et la Bible de Jérusalem, à la suite de laquelle bon nombre de traducteurs le reprennent. Contrairement au terme « chant », « poème » n’a pas de source dans la traduction de l’hébreu ריש. Il dénote une lecture poétique, littéraire du texte, curieusement répandue chez les ecclésiastiques catholiques que sont Buzy, Robert, Schweitzer, Tournay, Arminjon, Solms et Spick. Ces traductions par ailleurs ne traduisent pas le mot ריש dans le premier verset par « poème ». On constate par ailleurs que bon nombre des traductions divisant le Cantique en « poèmes » distinguent également un prologue et un épilogue.

La terminologie abordée jusqu’ici soulignait l’appartenance du Cantique au genre poétique, ou encore son aspect musical. Certains traducteurs cependant insèrent dans le Cantique des inserts indiquant une division du texte qu’ils ont eux-mêmes repérée, sans pour autant subordonner cette division à la reconnaissance de poèmes ou chants. Les termes utilisés indiquent alors le fractionnement du Cantique en « parties » ou « morceaux ». En voici la liste :

- Renan (1860, [80]) : division du texte en seize « morceaux » - Théodore Paul (1863, [88]) : cinq « parties »539

.

- Saint-Maur (1870, [104]) : neuf chapitres (suit l’ordre des chapitres selon la Vulgate ; le neuvième contient les derniers versets du chapitre VIII)

- Blua (1975, [183]) : prologue, deux parties, appendices.

Enfin, un nombre assez important de traductions témoigne d’un découpage du texte en sous-parties, en unités distinctes, mais ne nomme pas ces parties d’un nom générique qui indiquerait la reconnaissance d’un genre littéraire dont chaque partie serait un exemple unitaire. Ce sont l’insertion d’une numérotation des parties, ou des titres insérés dans le texte du Cantique, et distincts du texte traduit grâce à l’usage d’une typographie spécifique (caractères gras, italiques, petites majuscules), qui distinguent les différentes parties du texte les unes des autres.

537 Elle et lui. Le dialogue amoureux ; C’est lui qui arrive ; Elle rêve qu’elle part à sa recherche ; Elle ouvre sa porte, mais trop tard ; Portrait de la bien-aimée ; Le bonheur d’être aimé ; La force de l’amour.

538 Les deux amoureux ; Le jeune homme arrive ; Elle rêve qu’elle part le chercher ; Elle lui ouvre la porte, mais trop tard ; Portrait de la jeune fille aimée ; Le bonheur d’être aimé ; L’amour est fort comme la mort.

539 L’auteur écrit : « L’ouvrage peut se diviser en cinq parties distinctes qui représenteraient autant de différentes époques. Toutefois l’unité des temps ne paraît pas toujours suivie. Il est telles portions du Cantique qui n’admettent pas une application directe et littérale à l’Eglise dans sa condition actuelle ».

- Thuret (1860, [82]) : cinq parties sans titre ; le système de versification change d’une partie à l’autre.

- Reuss (1874, [98]) : seize parties sans titre, mais numérotées540. - Halévy (1901, [120]) : vingt fragments numérotés.

- Lebeau (1925, [136]) : subdivision en trois parties: « l'amie », « la fiancée », « l'épouse ».

- Junès (1932, [141]) : dix-sept parties, avec des titres à chacune, dans la traduction en ligne.

- Bible de Maredsous (1949, [151]) : insertion de titres non numérotés qui viennent distinguer neuf parties541

.

- Rech (1950, [154]) : sept parties, les péritextes précisent la répartition, rappelée par une numérotation542

.

- Steinmann (1961, [165]) : parties caractérisées par des titres543

, sans mention des versets et chapitres.

- Gilbert (1987, [201]) : parties non numérotées portant des titres544 .

- Blanchard (2000, [27]) : parties caractérisées par des titres545 et numérotées ; ne correspondent pas aux versets et chapitres.

- Bible parole de vie (2000, [231]) : sous-ensembles caractérisés par des titres546 , non numérotés.

- Nouvelle Bible Segond (2002, [233]) : sous-ensembles caractérisés par des titres547 , non numérotés.

- Bible expliquée (2004, [236]) : sous-ensembles caractérisés par des titres548 , non numérotés.

L’insertion d’une numérotation fonctionne comme un système parallèle et concurrent de la numérotation des chapitres et des versets. Ces inserts sont relativement discrets, mais sont néanmoins fondamentaux dans la mesure où ils affectent le rythme de la lecture du Cantique. L’insertion de titres a un autre effet : sans concurrencer directement la numérotation des chapitres et des versets, elle dégage des unités dans le textes, les titres ayant une fonction

540 L’auteur écrit p. 51 : « Ensuite nous soutenons que le livre se compose d’un certain nombre de morceaux détachés, que c’est un recueil de petits poëmes lyriques ».

541 Introduction, Dialogue, Epithalame, Les charmes de l’épouse, Le songe de la fiancée, Eloge de la fiancée, Compliment de l’époux, Réponse de la fiancée, Dialogue.

542 L’auteur décrit leur répartition : Voici enfin comment les subdivisions de mon poème correspondent aux versets du Cantique :

I : 1, 1 – 2, 7 ; II : 2, 8 – 2, 17 ; III :3, 1 - 3, 5 ; IV :3, 6 – 5, 1 ; V : 5, 2 – 8, 4 ; VI : 8, 5 – 8, 7 ; VII : 8, 8 – 8, 14 ».

543 L’appel à l’amour ; La fille noire ; Dis-moi toi que mon cœur… ; Dialogue ; Entre les cèdres ; Qui est comme mon chéri ? ; Le temps de chanter est venu ; Ma colombe ; L’amour ; Le drame de l’amour perdu ; Chant de noces pour Salomon ; Mon chéri est parfait ; L’appel de la montagne ; La magie de l’amour ; Les barrières de l’amour ; Epreuves et triomphe de l’amour ; Le pouvoir de la beauté ; La seule ; Au verger ; La danse des filles ; Délices de l’amour ; L’amour promis ; Je voudrais que tu sois mon frère ; Sous le pommier ; Le sceau de l’amour ; Les remparts de l’amour ; La plus belle vigne ; Ecoute ma voix.

544 Désirs brûlants ; L’arrivée du bien-aimé ; Rêves d’amour ; De la présence à l’absence ; L’objet du désir.

545 Exemples de titres chez Blanchard : la première partie, intitulée « L’appel à l’amour » comporte les sous-parties « Première rencontre » et « L’élection des amant »s ; les sous-parties suivantes s’intitulent « Les premières épreuves » ; « Envoi : L’union accomplie et l’androgyne réalisé ».

546 Les deux amoureux ; Le jeune homme arrive ; Elle rêve qu’elle part le chercher ; Elle lui ouvre la porte, mais trop tard ; Portrait de la jeune fille aimée ; Le bonheur d’être aimé ; L’amour est fort comme la mort.

547 Le dialogue des amoureux ; Il vient ; Elle rêve qu’elle part à sa recherche ; Elle lui ouvre sa porte, mais trop tard ; Portrait de la bien-aimée ; Le bonheur d’être aimé ; L’amour est fort comme la mort.

548 Elle et lui. Le dialogue des amoureux ; C’est lui qui arrive ; Elle rêve qu’elle part à sa recherche ; Elle lui ouvre sa porte, mais trop tard ; Portrait de la bien-aimée ; Le bonheur d’être aimé ; La force de l’amour.

descriptive, programmatique, servant dans une certaine mesure à présenter un sommaire de l’action. Singulièrement, ils ne fonctionnent pas comme des sommaires allégoriques, mais s’en tiennent à une lecture littérale du texte.

Notons enfin la grande parenté des titres utilisés par la Bible Parole de Vie, la Nouvelle Bible Segond et la Bible expliquée. Dans la mesure où il s’agit là de traductions publiées par l’Alliance Biblique universelle, on suppose que l’initiative d’introduire ces titres provient d’un choix éditorial.

Quelques mots enfin sur les traductions mentionnant un prologue, un épilogue et éventuellement d’autres textes finaux (dénouement, aphorismes, additions…). André Suarès549

est le premier à distinguer un prélude (jusque Ct 1,5 exclu) et un épilogue (à partir de Ct 8,8 inclus) dans le Cantique. André Robert550

puis la Bible de Jérusalem551

distinguent à leur tour un prologue, un dénouement et d’autres pièces finales. Leur découpage du Cantique semble avoir fait des émules, puisque Winandy, la deuxième traduction de Robert, cette même traduction revue par Tournay, Arminjon, Allan, Le Pichon, la Bible des Peuples, Spick, Michaux distinguent sinon un prologue, du moins un dénouement et/ou un épilogue, commençant selon les cas en Ct 8,6 ou en Ct 8,8. Les péritextes qui accompagnent ces versions rendent compte dans certains cas de ce découpage du texte. Globalement, quelque soit le détail du découpage, il revient à considérer les premiers versets comme une introduction, et donc à les séparer dans une certaine mesure du corps du texte, lui-même constitué d’un certain nombre (le plus souvent cinq) de « poèmes » ou « chants » ; de même, la fin du Cantique est tenue pour un ajout, éventuellement dû à des scribes ayant ajouté leur touche personnelle au texte. Les portions de texte placées à partir de Ct 8,6 sont parfois extrêmement courtes (« aphorisme d’un sage » limité à 8,7 par exemple), montrant une volonté de décomposer au maximum les différents addenda, alors que l’essentiel du texte du Cantique est découpé en des unités beaucoup plus longues. On peut voir ici sans doute l’effet de la prise d’importance de la critique littéraire de la Bible telle qu’elle est pratiquée par l’École Biblique de Jérusalem, ainsi que, dans un second temps, l’influence de la parution de la Bible de Jérusalem, dont les solutions ont été adoptées par bon nombre de traducteurs, essentiellement catholiques.

b- Découpage temporel

Un autre type de découpage récurrent est celui qui consiste à fractionner le texte du Cantique en unités temporelles, énumérées par les inserts introduits le texte. La liste qui suit identifie les traductions qui recourent à ce type de découpage :

- Anonyme (1708, [45]) : division du texte en dix jours, qui ne concernent pas tant l’argument du Cantique que la lecture méditative du texte.

- Avrillon (1714, [46]) : division du texte en cinquante-deux semaines, chacune divisée en sept jours, qui ne concernent pas tant l’argument du Cantique que la lecture méditative du texte.

549 André Suarès, Le Cantique des Cantiques, traduction d’André Suarès, illustrations de Louis Jou, Paris, Les Médecins bibliophiles, 1938. [147]

550 André Robert, Le Cantique des cantiques, Paris, les éditions du Cerf, 1951. [156]

551 La Bible de Jérusalem, traduite en français sous la direction de l’école biblique de Jérusalem, Paris, les Éditions du Cerf, 1956. [160]

- Genoude (1820, [62]) : division du texte en huit jours, qui ne correspondent pas aux huit chapitres.

- Cardonnel (1841, [63]) : division du texte en sept jours ; correspond à l’argument du Cantique.

Quatre traductions opèrent un découpage temporel ; il faut ajouter à ces traductions celle de Darnault, qui au sein d’une traduction théâtrale organise son drame en sept « journées ». Ces découpages temporels prennent comme unité de base la journée. Chez Avrillon552

, les jours sont regroupés en semaines, afin de répartir le texte sur une année entière ; le rythme temporel insufflé au texte n’est pas issu d’une perception de la diégèse du Cantique étalée sur plusieurs jours, mais est plutôt celui de la lecture ou plutôt de la méditation par le lecteur, à qui est soumis un fragment du texte à méditer chaque jour de l’année. En revanche, les traductions de Genoude et Cardonnel comprennent sous le terme de « journée » une unité temporelle à distinguer dans la succession des actions et des dialogues du texte du Cantique, qui s’étalerait donc sur sept ou huit journées, les épisodes mentionnant le sommeil manifestant la fin de chaque journée. Ils ne sont pas les inventeurs de cette théorie ; Cardonnel cite explicitement ses sources : la division en sept jours est reprise de Bossuet553

. Notons que le découpage temporel n’intervient plus à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle.

c- Découpage théâtral

Les inserts indiquant un découpage théâtral fonctionnent de façon un peu différente, dans la mesure où, contrairement aux traductions poétiques du Cantique, les traductions dramatiques semblent nécessiter l’insertion d’un appareil théâtral ; c’est même un des critères permettant de les distinguer des traductions mentionnant simplement les noms des locuteurs, sans pour autant faire du Cantique un texte destiné à la scène. Les publications de notre corpus comprenant des inserts mentionnant un appareil théâtral sont énumérées dans la liste qui suit. Après avoir identifié la publication, nous relevons le type de découpage théâtral (actes, scènes, tableaux, etc.) ainsi que le nombre de sous-ensembles ainsi distingués au sein du Cantique.

- Hersent (1635, [22]) : trois paraphrases en cinq actes, et plusieurs scènes ; le découpage en actes, scènes, répliques est identique dans les trois cas.

- Anonyme (1843, [72]) : huit tableaux, qui ne correspondent pas aux chapitres. - Darnault (1849, [75]) : sept « journées », elles-mêmes divisées en plusieurs scènes554

.

552 Avrillon, L’Année affective, ou Sentiments sur l’amour de Dieu, tirez du Cantique des cantiques. Pour chaque

jour de l’année, Paris, chez Pierre-Augustin le Mercier, 1714. [46]

553 Voir Le Cantique des cantiques de Salomon, dans Œuvres inédites de Bossuet, publiées d’après les manuscrits originaux par F. Lachat, Paris, Librairie de Louis Vivès, éditeur, 1862. Cette version française du