• Aucun résultat trouvé

Quatrième chapitre : éditeurs et diffusion des traductions du Cantique des cantiques

II- Rapport de la traduction à l’appareil péritextuel

2- Préfaces et introductions

1- Absence totale de péritextes

Les traductions publiées sans aucuns péritextes402

sont minoritaires à l’échelle de notre corpus. Il s’agit des publications suivantes : Anonyme (1481, [1]), Corbin (1641, [23], Desmarets (1669, [31]), Hector de Saint Maur (1870, [93]), Emmanuel Constantin (1897, [115]), Jules Besse (1907, [125]), Djenane Gazanhe (1921, [134]), Mardrus (1931, [139]), Anonyme paru aux éditions Tchou (1966, [170]), Magdalith (1976, [185]), André Lévy (1997, [222]). Parmi ces publications, on compte deux Bibles intégrales (Corbin, Desmarets) et un recueil de livres bibliques (Besse). Dans les cas des publications où les traductions sont les seuls textes publiés (abstraction faite des pages de titre), il est clair que la traduction est le seul but de la publication.

2- Préfaces et introductions

Nous regroupons sous ces termes l’ensemble des péritextes situés en avant de l’œuvre, quel que soit leur dénomination dans la publication (dédicaces, épîtres, préface, avant propos, introduction, liminaire, etc.) Préfaces et introductions précèdent l’œuvre (que l’œuvre soit constituée de la seule traduction ou du commentaire du texte biblique), dont elles sont distinctes, mais dont elles peuvent éventuellement orienter la lecture. Les préfaces et introductions permettent de situer globalement les objectifs et les présupposés de la publication, et notamment de la traduction. Elles contiennent des informations de nature extrêmement variée et sont elles-mêmes très diverses en longueur.

401 Il est d’usage dans les cours de version ancienne ou moderne préparant aux concours universitaires d’entendre que les notes de bas de page sont le signe de l’échec du traducteur. C’est une position argumentable ; mais on peut à l’inverse soutenir que lorsque les ressources du lexique française ne permettent pas, par exemple, de rendre compte de la polysémie de la terminologie du texte source, les notes du traducteur donnent la possibilité de faire référence au texte source ; le fait par ailleurs qu’elles exhibent le statut second du texte issu de la traduction peut, d’un point de vue éthique, être intéressant : c’est bien une traduction que l’on lit, et non l’original.

402 C’est à dire sans introductions, sans notes, sans illustrations ; nous ne considérons pas dans le cadre de cette étude la page de titre comme un péritexte.

a- Préfacier différent du traducteur

L’identité du préfacier nous apporte un certain nombre d’informations. S’il est distinct du traducteur, on peut supposer qu’il vient apporter son autorité à la publication en la cautionnant. Son éventuelle autorité intellectuelle se double, dans le cas des publications orientées confessionnellement, d’une autorité religieuse.

Le développement de préfaces écrites par une personne autre que le principal auteur ou traducteur de l’ouvrage est ainsi un phénomène relativement tardif. Il semble dans une certaine mesure remplacer les épitres dédicatoires qui disparaissent progressivement du corpus à partir du XVIIIe siècle, et qui permettaient de mettre la publication sous le patronage d’une autorité403

.

Au sein de notre corpus, les publications suivantes contiennent une préface ou autre texte introductif rédigé par un auteur autre que le traducteur :

- Vian (1861, [93]) : contient une lettre de Méry.

- Segond (1877, [100]) : Préface de la compagnie des pasteurs de Genève. - Bible de Lienart (1951, [155]) : Introduction générale par Daniel Rops.

- Chouraqui (1953, [159]) : Introduction et notes du R.-P. Lucien-Marie de Saint-Joseph O.C.D.

- Winandy (1960, [164]) : Préface courte de Dubarle O.P.

- Genin (1968, [173]) : Préface d’« Armand Toussaint, cabaliste ».

- En ce temps-là, la Bible (1969, [176]) : contient « Le théâtre sacré des sublimes amants », de Nicole Brisse Canivet et Patrice de Clinchamp ; un paragraphe d'André Frossard ; un texte de Chouraqui.

- Chouraqui (1970, [178]) : contient des préfaces d'André Neher et de René Voillaume. - Arminjon (1983, [196]) : contient une lettre-préface du Cardinal Henri de Lubac.

- Keustermans (1991, [208]) : contient un portrait de l'auteur par Marie-Clotilde Rooser, une préface par Serge Tarassenko, un prélude par Edmond Radar.

- Le Pichon (1993, [210]) : préface de Jean Guitton.

- Jean-François Six (1995, [217]) : préface de Françoise Verny. - Carlo Suarès (1995, [219]) : préface de Marc Thivolet.

- Jacques Pierre (1996, [221]) : introduction par René-Régis de Corniac.

- Grand Livre du Cantique des cantiques (1999, [225]) : contient trois préfaces de Julia Kristeva, Marc-Alain Ouaknin et Dom Pierre Miquel.

- Henri Renoux (2000, [226]) : Préface de Salah Stétié.

- Bible Médiaspaul (2000, [229]) : Introduction de Stan Rougier. - Spick (2000, [230]) : préface de Père Paul-Laurent Carle, op. - Parmentier (2005, [242]) : préface de Jean Cardonnel.

Le choix de ces préfaciers est un indicateur de l’orientation donnée à la publication : les préfaciers cautionnent les textes qu’ils introduisent de leur autorité. Cette autorité est essentiellement littéraire ou religieuse – voire les deux. L’autorité religieuse se manifeste lorsque les préfaciers écrivent en tant qu’ecclésiastiques. Elle vient soit ancrer la publication

403 Autorité politique le plus souvent : des publications sont ainsi dédiées « A Monseigneur le duc d'Orléans » (Lancelot de Carles, 1562, [10], à « Louis de Bourbon, Prince de Condé » (Pierre de Courcelles, 1564, [11]), au Roi (Chamvallon, 1601, [16]), à la Reine (Belleau, 1576, [13] ; Geuffrin, 1618, [19]), à Richelieu (Hersent, 1635, [22]), etc.

dans une appartenance confessionnelle marquée404

, soit au contraire souligner sa dimension œcuménique. C’est le cas dans la première traduction de Chouraqui, précédée d’une longue préface du carme Lucien-Marie de Saint-Joseph ; l’éditeur insiste d’ailleurs sur l’importance du dialogue interreligieux dans la publication, à travers une note qui précède la traduction : « La rencontre dans ce volume d’un traducteur juif et d’un préfacier chrétien s’inspire d’un esprit d’amitié aux sources communes de leur foi respective »405

. La deuxième traduction de Chouraqui406

est préfacée par un rabbin, André Neher, et un prêtre, René Voillaume. Une démarche similaire est à l’œuvre dans Le Grand Livre du Cantique des cantiques407

, qui s’ouvre par les trois préfaces de Julia Kristeva, Marc-Alain Ouaknin et Dom Pierre Miquel ; respectivement donc une philosophe qui s’affirme non-croyante, un rabbin et un ecclésiastique catholique. L’autorité religieuse peut s’accompagner d’une dimension littéraire, lorsqu’un homme de lettres notoirement catholique est l’auteur de la préface. Jean Guitton cautionne ainsi l’ouvrage de Yann le Pichon408

, Daniel Rops la Bible de Liénart409 . Les préfaces d’écrivains ou d’éditeurs peuvent apporter à la publication une autorité plus exclusivement littéraire ; cela vient, sinon affirmer la nature non-confessionnelle de la traduction concernée, du moins appuyer sa valeur littéraire. Le poète Salah Stétié, l’éditrice Françoise Verny préfacent ainsi des traductions du Cantique. On notera également la préface de la traduction de Genin par le cabaliste et occultiste Armand Toussaint410

. Ainsi, l’identité des préfaciers interagit-elle avec l’orientation de la traduction (et éventuellement du commentaire) du Cantique.

b- Les préfaces et introductions des traducteurs, lieu d’exposition d’une lecture du texte

Les choses sont un peu différentes lorsque c’est le traducteur qui est l’auteur de la préface, de l’introduction, et en général des textes précédant la traduction et/ou le commentaire. Il ne s’agit pas tant de cautionner que de justifier la traduction ; cela dit les préfaces des traducteurs sont loin de se borner à expliciter les choix de traduction, puisque leurs contenus sont d’une très grande diversité.

Une première remarque concerne la différence des péritextes en fonction du type de publication dans laquelle est incluse la traduction du Cantique des cantiques observée. Les introductions placées au début des Bibles intégrales ne fonctionnent pas comme celles qui introduisent une édition séparée du Cantique ; elles s’appliquent en effet à l’ensemble de la Bible ou à l’Ancien Testament, et non pas spécifiquement au Cantique, même si elles peuvent éventuellement consacrer quelques lignes à chaque livre biblique. Dans les Bibles intégrales ou les recueils, le Cantique peut comporter une introduction propre ; elle sera généralement

404 La « compagnie des pasteurs de Genève » préface la Bible de Segond ; le cardinal de Lubac préface la traduction du Cantique du jésuite Arminjon, le dominicain Dubarle préface celle du bénédictin Winandy, le dominicain Carle celle du bénédictin Spick.

405 André Chouraqui, Le Cantique des cantiques, Desclée de Brouwer, Paris, 1953, p. 76. [159]

406 André Chouraqui, Le Cantique des cantiques suivi des Psaumes, Paris, Presses Universitaires de France, 1970. [176]

407 Patrick Calame et Franck Lalou, Le Grand Livre du Cantique des cantiques : le texte hébreu, les traductions historiques et les commentaires selon les traditions juive et chrétienne, Paris, Albin Michel, 1999 [225].

408 Yann Le Pichon, Le Cantique des cantiques, Dit du Roi Salomon, traduction-adaptation et méditation, avec une préface de Jean Guitton, Paris, Droguet et Ardant/ Mercure de France, 1993 [210].

409 La Sainte Bible, Nouvelle Edition publiée sous le patronage de la ligue catholique de l’Evangile et la direction de S. Em. le cardinal Lienart, Paris, 1951 [155].

plus courte411

, plus synthétique ; les remarques concernant la traduction auront quant à elles tendance à ne pas précéder directement le Cantique, mais à figurer dans l’introduction générale, si tant est que ce soient les mêmes principes traductifs qui aient présidé à la traduction de la Bible intégrale.

Par ailleurs, la place occupée matériellement dans les publications par les préfaces et introductions varie fortement, et n’est pas nécessairement corrélée au type de publication. Leur longueur peut aller de quelques courtes pages412

à plusieurs dizaines, voire plus d’une centaine de pages413

.

Leur contenu est également très variable ; logiquement, il est d’autant plus riche que préfaces et introductions sont longues. Les tendances principales que l’on observe dans les préfaces des traducteurs sont essentiellement les suivantes : analyse du texte du Cantique ; description de l’histoire de l’analyse du Cantique ; justification des choix de traduction.

C’est le plus fréquemment dans les préfaces et introductions des traducteurs que l’on rencontre des éléments d’analyse du texte du Cantique. Ils sont eux-mêmes très variés, du fait sans doute de la pluralité des lectures qui peuvent être faites du texte. Ils peuvent s’intéresser au sens littéral du texte, mais également à sa lecture allégorique. Ils rendent compte d’une analyse du texte source, opérée en amont de la traduction, et que la traduction reflète dans une certaine mesure. C’est tout spécialement le cas lorsque l’introduction traite de la question du genre littéraire du Cantique, puisque l’identification d’un genre littéraire se traduit en général par une forme de la traduction qui permette de l’identifier dans le texte français également.

Le type d’informations contenues dans l’introduction permet de situer l’ensemble de la publication. Tout d’abord, l’affirmation d’une lecture allégorique du texte dans le cas d’une traduction confessionnelle414

, ou au contraire d’une lecture littérale et littéraire, le Cantique étant considéré comme un texte poétique profane415

, induit une prise en considération du texte différente lors de sa traduction ; cela dit, le fait que le texte soit considéré comme sacré ou profane ne joue pas nécessairement sur la lettre de la traduction. Ensuite, l’exposition de l’histoire de l’interprétation du Cantique, qui s’appuie fréquemment sur la citation et la critique de traductions précédentes, mène à l’inscription de la publication de la nouvelle traduction dans le cadre d’une tradition dont l’importance est reconnue ainsi par le traducteur, mais dont les apports sont estimés insuffisants puisqu’une nouvelle traduction est entreprise et légitimée416

.

411 On le constate à l’occasion de l’édition de Bibles intégrales qui reprennent, en les révisant éventuellement, des traductions déjà parues en éditions séparées : les péritextes, et singulièrement les introductions, sont assez systématiquement plus synthétiques. C’est le cas déjà pour la Bible de Port Royal [39] et [40] ; dans la Bible de Jérusalem [156] et [160], dans la Bible des écrivains [232] et [234].

412 Le plus court texte introductif de notre corpus est certainement celui qui précède la mise en vers du Cantique par Gilardeau : le « préambule » qui précède le texte du Cantique est le suivant (nous le citons intégralement) : « Mon ambition était de publier un volume de vers formant tout un ensemble et intitulé « légendes sacrées ». Mais, comprenant bien qu’un débutant ne peut trop solliciter l’attention du lecteur, j’ai simplement rassemblé la matière de cette plaquette », dans Cantique des cantiques. Poésies, Lamalou-les bains, Éditions de la « Revue du Languedoc », 1934, p. 5. [143]

413 L’introduction au Cantique des cantiques dans l’ouvrage de Paul Joüon (1909, [127]) comprend ainsi plus de cent pages ; elle est suivie de la traduction puis d’un commentaire linéaire, ce qui tend à montrer que l’introduction remplit véritablement des fonctions introductives. L’introduction de Jean Guitton (1934, [144]), précédée d’une préface, comporte également une centaine de pages.

414 Ce type d’introductions se retrouve dans l’intégralité de la période étudiée, dans bon nombre des traductions confessionnelles, dont il est du reste un des critères de reconnaissance.

415 Ces introductions sont pour la plupart postérieures à la deuxième moitié du XIXe siècle, et témoignent de l’émergence d’une lecture strictement littérale du texte, dans une perspective non-confessionnelle.

416 Entre autres, René Dussaud, Le Cantique des cantiques, essai de reconstitution des sources du poème attribué

à Salomon, Paris, éditions Ernest Leroux, 1919, [131] ; A. Butte, Le Cantique des Cantiques, Paris, Pierre

Seghers éditeur, 1947, [149] ; Daniel Buzy, Le Cantique des Cantiques, traduit et commenté par D. Buzy, Paris, Éditions Letouzey et Ané, 1950, [153] consacrent une bonne partie de l’introduction dont ils font précéder leur

Si le style des traductions – et notamment les choix lexicaux et génériques – évolue au cours de la période étudiée, si les diagnostics effectués par les traducteurs sur le texte portent la marque de leur époque, en revanche on constate que les interrogations soulevées dans les introductions sont globalement de même nature, et témoignent d’une permanence des difficultés rencontrées par les traducteurs du Cantique, ainsi que des intérêts de ce texte. C’est ce qui apparaît si l’on confronte le plan de plusieurs introductions d’époques différentes.

Les quatre discours précédant La Pastorale sacrée, ou périphrase du Cantique des cantiques selon la lettre417

de Charles Cotin se déroulent selon le plan suivant :

Premier Discours. De l’oeconomie du Cantique des cantiques. II. Discours. Du style, & des comparaisons.

III. Discours. Du sens litteral de l’Ecriture sainte, sur le sujet du Cantique.

IV. Discours. Du dessein de l’Autheur, où est justifié que le Cantique des Cantiques est un Poëme Dramatique, ou une Poësie représentative.

L’introduction rédigée par Jean Guitton à la traduction du Cantique réalisée d’après les entretiens avec Guillaume Pouget418

suit un plan relativement similaire, en traitant toutefois spécifiquement le « problème mystique » :

- le problème littéraire - le problème historique - le problème moral - le problème mystique

De même, Denis Buzy dans l’introduction qui précède sa traduction et son commentaire du Cantique examine les points suivants :

1- Canonicité 2- Date 3- Auteur 4- Métrique 5- Intégrité 6- Nature du Cantique 7- Messianisme 8- Nature du commentaire

Toutes les introductions ne sont certes pas aussi complètes et aussi structurées que celles de ces traducteurs. Ce que nous constatons toutefois, c’est que les problèmes rencontrés par les traducteurs ne connaissent guère de variation à travers les siècles ; malgré l’accumulation des traductions et des commentaires, le Cantique semble résister à toute analyse définitive.

traduction à un panorama des traductions et des interprétations précédentes. Ils ne sont évidemment pas les seuls ; et par ailleurs, les introductions ne sont pas le seul lieu de tels panoramas ; on note ainsi chez Renan (Le

Cantique des Cantiques, traduit de l’hébreu avec une étude sur le plan, l’âge et le caractère du poème. Paris,

Michel-Lévy frères, 1860 [80]) et Réville (« Le Cantique des cantiques », in Essais de critique religieuse, Paris, Joel Cherbuliez, éditeur, 1860 [81]) la part importante prise par l’évaluation des travaux précédents dans des textes qui ne sont plus introductifs, mais qui constituent le fondement des publications qu’ils proposent.

417 Charles Cotin, La Pastorale sacrée, ou périphrase du Cantique des cantiques selon la lettre, Paris, chez Pierre Le Petit, 1662.

L’existence d’introductions extrêmement longues et extrêmement développées pose le problème suivant : en quoi sont-elles intrinsèquement distinctes des commentaires et des études sur le Cantique ? En effet, des introductions extrêmement complètes et construites comme celle de Guitton décrite ci-dessus ou celle de Joüon419

remplissent le même cahier des charges que, par exemple, l’« étude sur le plan, l’âge et le caractère du poème » comprise dans l’ouvrage de Renan420

. Ce n’est donc pas tant le contenu qui distingue les introductions développées des traductions avec commentaire, que le fait que le traducteur ou l’éditeur donnent aux considérations comprises dans l’introduction un statut introductif. Cela signifie que ce qui est au centre de la publication, c’est la traduction, et non ses péritextes, et ce même si la traduction occupe un nombre de pages bien moins important que l’introduction – ce qui est très souvent le cas étant donné la grande brièveté du texte du Cantique. Ces introductions auront peut-être un impact moindre sur la réception de la traduction par le lecteur, d’autant que le fait qu’elles soient disposées dans l’espace matériel du livre avant le texte traduit (et non en alternance avec lui, ou en notes de bas de page) les en séparent distinctement. En un sens, ces introductions fonctionnent dans une certaine mesure comme les introductions du traducteur précédant les traductions de textes littéraires ; ces dernières ont un contenu similaire dans le sens où elles décrivent les caractéristiques principales de l’œuvre et, non systématiquement, les partis pris de traduction.

3- Commentaires

L’interaction des traductions du Cantique des cantique avec les commentaires au sein d’une même publication ne se fait pas sur les mêmes modalités. Nous considérons ici comme « commentaires » les textes comportant une explication du Cantique des cantiques, distincts de l’introduction, déplaçant ainsi le centre de gravité de la publication, dont la raison d’être n’est pas la seule traduction, mais le commentaire qui est fait du texte biblique. Les rapports de la traduction nouvelle au commentaire publié avec elle sont complexes, tant d’un point de vue de la présentation matérielle au sein de l’ouvrage que du travail traductif à proprement parler.

a- Identification des publications contenant des commentaires

Sur la base du relevé proposé dans le répertoire bibliographique, nous considérons que notre corpus comprend 53 publications comportant une traduction nouvelle du Cantique, et centrées autour d’un commentaire du texte biblique. Il s’agit des publications suivantes : Hopil (1627, [20]) ; Marie de l’Incarnation (1683, [33]) ; Jeanne Guyon (1688, [34]) ; Attribué à Bourdaille (1689, [35]) ; Attribué à Aurat (1689, [36]) ; Innocent Le Masson (1692, [38]) ; Abbé de Bellegarde (1701, [41]) ; Hamon (1708, [43]) ; Avrillon (1714, [46]) ; Anonyme (Jean Thomas ?) (1717, [47]) ; Calmet (1724, [48]) ; Carrières (1741, [53]) ; Briand (1848, [74]) ; Renan (1860, [80]) ; Réville (1860, [81]) ; Anonyme publié à Toulouse (1862, [86]) ; Théodore Paul (1863, [89]) ; Godet (1873, [97]) ; Brevet (1890, [108]) ; Le Hir (1890, [109]) ; Doreau (1904, [122]) ; Joüon (1909, [127]) ; Lebeau (1925, [136]) ; Des planches (1933, [142]) ; Hazan (1936, [146]) ; Claudel (1948, [150]) ; Buzy (1950, [153]) ; Soubigou

419 On peut également citer parmi les auteurs de longues introductions Buzy (1950, [153]), Butte (1947, [149]).

420 Le Cantique des Cantiques, traduit de l’hébreu avec une étude sur le plan, l’âge et le caractère du poème. Paris, Michel-Lévy frères, 1860. [80]

(1951, [157]) ; Longpré (1963, [167]) ; Robert (1963, [168]) ; Robert, Tournay et Nicolaÿ (1967, [171]) ; Schweitzer (1968, [174]) ; Monléon (1969, [175]) ; Grad (1970, [179]) ; Violette d’André (1981, [190]) ; Tournay (1982, [194]) ; Arminjon (1983, [196]) ; Barsotti traduit par Solms (1983, [197]) ; Philippe André (1986, [199]) ; Ceronetti traduit par Devoto et Van de Velde (1989, [203]) ; Nouss (1989, [206]) ; Faessler et Carillo (1995, [216]) ; Six (1995, [217]) ; Speyr traduit par Laforcade (1995, [218]) ; Suarès (1995, [219]) ; Margreth (1996, [220]) ; Blanchard (2000, [227]) ; Spick (2000, [230]) ; Patier (2004, [238]) ; Simoens (2004, [239]) ; Dehem (2004, [240]) ; Sœur Marie-Ancilla (2008, [244]) ; Darmon (2009, [246]).

Notons tout d’abord que ces publications sont relativement rares dans les premiers siècles couverts par notre étude ; l’ouvrage de Hopil421

paru en 1627 fait exception en présentant le cas d’un commentaire alternant verset par verset avec la traduction, à une époque où ce sont davantage des paraphrases du Cantique qui sont produites. En revanche, au tournant du XVIIe et du XVIIIe siècle, ce type d’ouvrages se multiplie, à tel point qu’entre 1683 et 1741, 11 publications sur les 21 contenant une traduction du Cantique publiées à cette époque en contiennent un commentaire ; entre 1688 et 1701, cinq traductions sur sept paraissent accompagnées d’un commentaire, témoignant d’une grande vitalité de ce type de production.

Dans les siècles qui suivent, la proportion de publications motivées par la parution d’un commentaire diminue ; mais le nombre de commentaires du Cantique accompagnés d’une nouvelle traduction reste cependant assez élevé. La proportion est la suivante : au

XIXe siècle, 8 publications sur 59, soit 13,5 % du total pour cette période, contiennent un commentaire du Cantique. Ces publications sont concentrées dans la deuxième moitié du siècle et comprennent pour la première fois un nombre important de commentaires rédigés par des théologiens protestants (Paul, Réville) ou ne visant pas à une explication théologique du texte (Renan). Au XXe siècle, 28 publications sur 112, soit 25 %, contiennent un commentaire