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3.4 Bilan

4.1.3 Quels taux de mélange pour les paramétrisations ?

Un des éléments clés des paramétrisations de convection nuageuse est donc de spécifier un taux d’entraînement et un taux de détraînement à la périphérie du nuage. Une partie de la confusion qui règne dans la littérature sur ce sujet provient du fait que ces taux dépendent de la façon dont on définit le système considéré. Par exemple, si les subsidences à la périphérie des nuages sont englobées dans la définition du nuage, le mélange s’effectue entre l’environnement et ces subsidences. Par contre, si elles sont exclues du nuage, le mélange s’effectue de fait entre l’ascendance nuageuse et les subsidences nuageuses. La plupart des études définissent le nuage comme un ensemble de particules pour lesquelles

rl > 0 et w > 0. Mais nous reviendrons sur cette question complexe tout au long du chapitre.

Nous allons partir ici de l’équation de conservation de la masse en conditions stationnaires :

∂f

∂z = e − d (4.1)

oùe et d sont les taux d’entraînement et de détraînement en kg m−3

s−1

.

La question de la définition du taux d’entraînement est presque toujours traitée indépendemment de celle du taux de détraînement. En effet, l’équation donnant la variation verticale d’une variable thermodyna- miqueΨ le long d’un panache ascendant

∂(f Ψu)

∂z = eΨ − dψu (4.2)

peut être combinée à l’éq. 4.1 pour donner :

∂Ψu

∂z = e

f(Ψ − Ψu) (4.3)

Ainsi, si e est proportionnel à f, les caractéristiques thermodynamiques dans l’ascendance sont indé- pendantes du taux de détraînement. Le taux de détraînement n’a alors qu’une influence sur la fraction couverte par l’ascendance. C’est pourquoi on définit plutôt les taux de mélange normalisés par le flux de masse, encore appelées taux d’entraînement et de détraînement fractionnés :ǫ = e/f et δ = d/f en

m−1

. Si e n’est pas proportionnel à f et dépend des caractéristiques thermodynamiques du panache, alors les rétroactions entre e et d peuvent devenir complexes.

Taux de mélange et géométrie des nuages

Les observations ayant montré que le taux d’entraînement des petits cumulus relativement au flux de masse à la base était plus fort que celui des gros, la première définition du taux d’entraînement fractionné utilisée dans les modèles de panache entraînant suppose ce taux inversement proportionnel au rayon du nuage (Malkus, 1960). On a ainsi :

ǫ = 1 f ∂f ∂z = 2α R (4.4)

oùα est une constante proche de 0.1, déterminée en laboratoire par le rapport entre la vitesse horizontale

à laquelle l’air entre dans le nuage et la vitesse verticale dans celui-ci.R est une largeur caractéristique

du nuage, généralement prise à sa base.

Commence alors un débat sur la pertinence de prendre ǫ constant sur la verticale. En utilisant un en-

semble de modèles basés sur l’hypothèse d’un rayon constant sur la verticale, Randall et Huffman (1982) concluent que le taux ǫ, calculé par ailleurs, moyenné sur le cycle de vie varie en effet peu sur la ver-

ticale. Mais d’autres, comme Esbensen (1978), soutiennent que cette hypothèse n’est pas raisonnable. Aucune observation ne va effectivement réellement dans le sens d’un taux fractionné constant de la base

108 CHAPITRE 4. ENTRAÎNEMENT ET DÉTRAÎNEMENT DANS LES CUMULUS au sommet des nuages. Il propose une définition qui dépend de la distance entre le niveau considéré et le sommet du nuage : ǫ(z) = cǫ 2zt zt− z [ 1 zt− z ln(zt z) − 1 zt ] (4.5)

oùcǫest une constante etztest le sommet de la couche de nuages.

La définition du taux de détraînement fractionné δ repose sur des bases encore plus incertaines.

Tiedtke (1989) propose par exemple de représenter le mélange entre un cumulus peu profond et son environnement par :

δ = ǫ = 3 × 10−4

m−1

(4.6) Cependant, peu d’études peuvent justifier le fait de prendre δ constant sur la verticale. L’étude de Ran-

dall et Huffman (1982) précédemment citée soutient par exemple qu’en moyenne sur le cycle de vie des nuages, le taux de détraînement fractionné est non nul sur toute l’épaisseur de la couche nuageuse, et croît assez fortement de sa base vers le sommet. Si ces résultats ne sont pas vraiment confirmés par d’autres études, ils suggèrent en tous cas qu’il n’y a pas de relation de proportionalité entreǫ et δ dans le

nuage.

Cette hypothèse simple est cependant à la base de la définition deδ dans de nombreuses paramétrisa-

tions. En évaluant la paramétrisation de Tiedtke (1989) sur le cas BOMEX à partir de LES, Siebesma et Holtslag (1996) montrent que l’hypothèses de taux ǫ et δ constants donne des résultats cohérents avec

les LES, à condition de prendre des taux d’un ordre de grandeur plus fort et un taux de détraînement supérieur au taux d’entraînement dans le nuage, afin d’avoir un flux de masse décroissant de la base vers le sommet. Ils proposent alors des valeurs corrigées deǫ et δ :

ǫ ≈ 1.5 − 2.5 × 10−3 m−1 (4.7) δ ≈ 2.5 − 3 × 10−3 m−1 (4.8) Ce sont des valeurs de cet ordre de grandeur qu’utilise Soares et al. (2004) pour représenter le mélange dans les cumulus. Ils choisissentǫ ≈ 2 × 103

m−1

,δ ≈ 3 × 103

m−1

. Dans le modèle du thermique nuageux, le réglage effectué sur le cas EUROCS petit cumulus nous a amené à prendre des valeurs inter- médiaires,ǫ ≈ 8 × 104

m−1

etδ ≈ 2 × 103

m−1

.

Ainsi, déjà en 1978, Esbensen (1978) soutenait que prendre un taux d’entraînement fractionné constant dans le nuage n’était pas suffisamment réaliste, et en 1982, Randall et Huffman (1982) soulignaient l’in- existence d’une relation de proportionalité entre les taux d’entraînement et de détraînement. Ces deux remarques rejoignaient les observations disponibles (Raymond et Wilkening, 1982; Nitta, 1975). Mais les observations du mélange entre un cumulus et son environnement ne sont pas suffisantes pour en dé- duire des définitions adéquates de ces taux de mélange dans un nuage, et encore moins pour établir des définitions pertinentes pour les paramétrisations. Pour cela, il faudrait réussir à relier de façon générale les définitions deǫ et δ aux conditions dans lesquelles se développent les nuages. En attendant des taux

de mélange fractionnés constants, basés sur l’image que l’entraînement d’air dans un cumulus se fait à un taux inversement proportionnel à son rayon, et le détraînement à un taux proportionnel au taux d’entraî- nement, ont longtemps été exploités. De plus en plus, les études récentes tentent de redéfinir ces taux de façon différente, en faisant intervenir parfois la géométrie des nuages, mais aussi leurs caractéristiques thermodynamiques et celles de l’environnement.

Taux de mélange et caractéristiques des nuages et de l’environnement

Siebesma et al. (2003) se basent sur les observations disponibles de la campagne BOMEX pour évaluer différentes hypothèses à la base des paramétrisations, notamment la définition du taux d’en- traînement dans le nuage. Sans partir dans des considérations physiques sophistiquées, ils trouvent que

prendre ǫ ≈ 1/z avec une valeur initiale à la base des nuages de l’ordre de 2 × 103

m−1

donne des résultats relativement cohérents avec les LES.

Mais d’autres études ont cherché à exprimer ce taux de façon plus physique. Elles se basent souvent sur deux théories contradictoires. D’un côté certains considèrent qu’une particule qui monte rapidement entraîne moins, n’ayant pas le temps de se mélanger avec l’air environnant. De l’autre, certains sou- tiennent que l’entraînement est favorisé dans les zones de flottabilité forte, voire croissante.

Une définition deǫ basée sur la première de ces théories a par exemple été proposée par Neggers et al.

(2002). Ils utilisent un modèle ’multi-particules’ présentant des similitudes avec l’étude de Arakawa et Schubert (1974), chaque sous-ensemble étant défini par une particule nuageuse au lieu d’un nuage. ǫ

dans chaque sous-ensemble n’est pas constant comme dans Arakawa et Schubert (1974). Le taux d’en- traînement fractionné de chaque particule dépend de sa vitesse verticalewpet d’une constante de temps

τc de ’turnover’, estimation du temps mis par l’ascendance la plus forte pour aller de la base au sommet

du nuage :

ǫ = η τcwp

(4.9) oùη est le rapport entre une constante de temps de dilution τp etτc. La constanteτc est évaluée à partir

des LES par une constante, mais elle dépend du cas d’étude considéré. Cela limite l’application de cette approche dans un GCM. Neggers et al. (2002) trouvent un bon accord de leur modèle avec des LES sur le cas BOMEX, notamment pour la représentation de la vitesse verticale, la fraction couverte et l’eau liquide. Le fait de considérer un ǫ variable sur la verticale comparé à un ǫ constant dans le modèle

améliore considérablement les résultats des variances de θl, rt etw. Les auteurs attribuent cela à une

rétroaction dynamique introduite dans la définition deǫ par l’intermédiaire de la vitesse verticale.

Gregory (2001) propose une estimation du taux d’entraînement fractionné à partir de la production d’énergie cinétique turbulente par flottabilité. Il montre en effet à partir de l’équation de l’évolution de la vitesse verticale que l’entraînement tend à réduire l’accélération due à la flottabilité positive. De façon similaire à Simpson et Wiggert (1969) qui supposent que l’augmentation de la turbulence au cours de l’ascendance d’une particule réduit la flottabilité de la particule d’un certain facteur, Gregory (2001) suppose que l’entrainement réduit la flottabilité positive d’une particule d’un facteurCǫ:

ǫ = Cǫag w2 c (T ′ v Tv − l)c (4.10) où Tv est la température virtuelle, l l’eau condensée et g l’accélération de la pesanteur. Le ’ désigne

l’écart à une valeur moyenne représentée par la barre horizontale, lec faisant référence à la moyenne sur

le nuage. Les valeurs des coefficientsCǫ eta sont déduites de comparaisons à des simulations LES ou

CRM (0.5 et 1/6 respectivement).Cǫ représente la fraction d’énergie créée par flottabilité utilisée pour

les processus d’entraînement. Les taux d’entraînement obtenus sur les cas BOMEX et ASTEX sont d’un ordre de grandeur raisonnable (autour de2 × 103

m−1

) mais plus faibles que les valeurs diagnostiquées dans les LES. Notamment unǫ fort à la base des nuages est obtenu dans les LES, là où la flottabilité des

particules est relativement faible. Ce maximum ne peut pas être obtenu avec la formulation proposée. Von Salzen et McFarlane (2002) se basent eux sur le gradient vertical de flottabilité pour définir ǫ.

Leur paramétrisation des cumulus peu profonds se distingue par plusieurs aspects, puisqu’ils considèrent à la fois des processus de mélange latéraux, mais aussi au sommet des nuages au cours de leur exten- sion, et font intervenir le caractère non stationnaire d’un nuage au cours de son cycle de vie. Le taux d’entraînement latéral fractionné est relié au gradient de flottabilité par :

ǫ = µ max(∂B

∂z, 0) (4.11)

oùB est la flottabilité des particules et µ une constante à déterminer.

Les réglages de la simulation pour représenter au mieux les caractéristiques des nuages, ne permettent cependant pas de représenter leurs effets sur la circulation grande échelle de façon satisfaisante, avec une

110 CHAPITRE 4. ENTRAÎNEMENT ET DÉTRAÎNEMENT DANS LES CUMULUS surestimation des taux de chauffage et d’humidification sous l’inversion et une forte sous-estimation au dessus.

Moins d’attention a été consacré à la définition du taux de détraînement. Mais là encore plusieurs pistes émergent. Certains se basent sur les résultats de Bretherton et Smolarkiewicz (1989) pour dire que le détraînement est favorisé dans les régions de flottabilité décroissante. D’autres insistent davantage sur l’humidité de la troposphère dans laquelle les nuages détraînent.

Par exemple, dans leur schéma, Von Salzen et McFarlane (2002) définissent le taux de détraînement fractionné latéral de façon symétrique àǫ par :

δ = µ max(−∂B

∂z , 0) (4.12)

En revanche, dans une étude récente, de Rooy et Siebesma (2006) mettent en avant l’influence sur le détraînement de la hauteur du sommet des nuages considérés, ainsi que de l’humidité de l’environnement, traduisant le fait que le détraînement est plus fort dans un environnement plus sec. Ils proposent ainsi la définition deδ suivante, qu’ils testent sur les expériences BOMEX et ARM :

δ = ln( z∗ zbot.m∗) z∗ − zbot (4.13) oùzbotest la hauteur de la base du nuage, etm∗la valeur du flux de masse normalisé par le flux de masse

à la base du nuage à une hauteurz∗

choisie à mi-hauteur du nuage. Au dessus dez∗

le détraînement est imposé de façon à avoir une décroissance linéaire du flux de masse dez∗

au sommet du nuage. Fixer la valeur de m∗

à une constante revient à avoir un taux de détraînement constant sur la verticale, mais qui varie dans le temps. Ils proposent ensuite de faire dépendre δ de l’humidité dans l’environnement

par l’intermédiaire du paramètre Ψc, fraction critique de l’air environnant, qui correspond à la fraction

d’air environnant nécessaire afin de faire atteindre à l’air dans le nuage un état de flottabilité neutre. Ils déduisent de simulations LES une corrélation entrem∗

etΨc(moyennés sur la verticale) :

m∗

= 5.5Ψc− 0.17 (4.14)

Cette étude a le mérite de se détacher de l’image d’un taux de détraînement constant qui ne rejoint aucune observation en introduisant des considérations plus physiques. Cependant, on peut s’interroger d’une part sur la pertinence de faire dépendreδ de la hauteur de nuage, quand on pourrait se dire que c’est plutôt la

hauteur du nuage qui dépend deδ, et d’autre part sur la possible généralisation de la relation entre m∗

et

Ψcà tous les nuages peu profonds.

De cet état de l’art non exhaustif des connaissances sur l’entraînement et le détraînement dans les cu- mulus, on peut dresser un bilan mitigé. Si la caractérisation des processus de mélange entre un ensemble de cumulus et leur environnement suscite un grand intérêt et beaucoup d’énergie, elle est freinée par les limitations rencontrées par les moyens de mesure actuels pour déduire les taux de mélange d’observa- tions. De plus en plus, les simulations LES se substituent aux observations pour étudier les nuages de couche limite, ces simulations ayant l’avantage de fournir des champs 3D et se révélant adéquates pour la représentation des phénomènes observés (Stevens et al., 2001; Brown et al., 2002; Siebesma et al., 2003). Ces études se basent directement sur un ensemble de cumulus, afin de mieux comprendre leurs interac- tions avec leur environnement, se rapprochant ainsi de la problématique des paramétrisations. Dans la suite de ce chapitre, nous allons mener une étude de ce type. Afin d’essayer de se faire une image des processus de mélange mis en jeu, nous considérons dans un premier temps les échanges de masse entre un cumulus isolé et son environnement, et cela à tous les stades de son cycle de vie. Nous essayons en- suite d’en déduire le mélange mis en jeu entre un ensemble de cumulus, en phase de formation, extension ou dissipation, et son environnement.