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4.3 Des LES à la paramétrisation

4.3.1 Analyse conditionnelle des thermiques de couche limite dans les LES

Pour caractériser les thermiques, il faut choisir différents critères, en s’assurant que ces critères ne sélectionnent pas d’autres structures existantes. C’est ce que l’on appelle l’analyse conditionnelle. Trois critères sont nécessaires afin d’effectuer une telle sélection :

- une variable permettant d’identifier les structures (généralementrt,θvouw),

- une valeur seuil de cette variable (par exemple 0 pour la vitesse verticale afin de distinguer les mouve- ments ascendants et subsidents, ou souvent un seuil proportionnel à la variance de la variable considé- rée),

- une longueur caractéristique minimum afin d’écarter les fluctuations de petite échelle (Berg et Stull, 2004). En effet, pour être considérée comme un panache ascendant, la structure doit avoir une dimension horizontale plus large qu’une longueur spécifique. De plus, si deux structures sont séparées par une dis- tance inférieure à cette longueur caractéristique, alors on considère qu’elles ne forment qu’une structure. Nous cherchons ici à caractériser les structures cohérentes ascendantes de la couche limite ou thermiques, mais il est aussi possible d’utiliser cette méthode pour définir d’autres structures de la couche limite, comme par exemple les intrusions d’air sec (Couvreux et al., 2005).

Caractérisation des structures cohérentes de la couche limite sèche

Nous avons vu dans le chapitre 3 qu’il existait différents critères afin de caractériser les structures de la couche limite convective. Suivant les critères utilisés, les caractéristiques des structures diffèrent, mais pour l’instant aucun critère n’est vraiment désigné comme le meilleur pour définir les thermiques de couche limite. Nous rappelons ici brièvement les avantages et inconvénients de différents critères : - Un critère basé uniquement sur la vitesse verticale (Lenschow et L., 1980) ne permet pas de distinguer clairement la turbulence organisée de la turbulence de petite échelle (cf Williams et Hacker, 1992). De plus, les champs observés de vitesse verticale sont souvent très bruités.

- Un critère basé sur la température potentielle virtuelle est pertinent jusqu’au milieu de la couche limite. Mais au-dessus, la flottabilité devient faible, voire négative, et l’anomalie positive de θv utilisée pour

dessus de la couche limite qui a été entraîné à son sommet.

- Un critère basé sur l’anomalie de la vapeur d’eau (Greenhut et Khalsa, 1982; Couvreux, 2005) est plus cohérent sur la verticale, puisqu’il permet de distinguer l’air plus humide provenant du bas de la couche limite de celui plus sec provenant de la zone d’entraînement à son sommet.

Pour avoir une caractérisation plus robuste, on utilise souvent une analyse conditionnelle basée sur deux de ces variables. La problématique est la même dans les observations que dans les simulations LES. En effet, en appliquant les critères proposés par Young (1988) ou encore Greenhut et Khalsa (1982) à des simulations LES, Schumann et Moeng (1991) montrent que les mêmes critères que ceux appliqués aux champs d’observations peuvent être appliqués aux LES et que les simulations donnent alors des caractéristiques des structures similaires à celles observées.

Caractérisation des nuages

Pour caractériser les nuages dans les LES, le critère le plus simple est de se baser sur la présence d’eau liquide. Différentes analyses conditionnelles de la partie nuageuse des thermiques ont été cepen- dant introduites par Siebesma et Cuijpers (1995) :

- La décomposition ’nuage’ (ou ’cloud decomposition’) : tous les points de grille dans lesquelles l’eau liquide est positive (rl> 0). Cette décomposition inclue sans distinction tous les points nuageux, qu’ils

soient ascendants ou subsidents, à flottabilité positive ou négative. Afin de se rapprocher des ’thermiques’ représentés par les paramétrisations, on peut modifier cette définition.

- La décomposition ’panache’ (ou ’updraft decomposition’) : tous les points de grille pour lesquelsrl> 0

etw > 0. Cette définition est plus restrictive puisqu’elle élimine les subsidences au sein du nuage.

- La décomposition ’coeur’ (ou ’core decomposition’) : tous les points de grille pour lesquels rl > 0,

w > 0 et ∆θv > 0. Cette décomposition est la plus restrictive, puisqu’elle ne conserve que les particules

à flottabilité positive (supprimant notamment la zone d’overshoot au sommet de la couche limite, où les particules non flottantes montent par inertie).

Siebesma et Cuijpers (1995) appliquent ces différents critères sur le cas BOMEX. Ils essaient d’es- timer dans quelle mesure les flux turbulents peuvent être estimés par la prise en compte d’un simple panache ascendant caractérisé par les critères précédemment définis. Ils concluent que les flux turbu- lents sont les mieux approximés avec la décomposition ’core’, même si les valeurs obtenues sont trop faibles. Cela est dû au fait qu’une telle approximation ne prend pas en compte la contribution de la turbu- lence intra-structure et de l’environnement. Cela est particulièrement vrai pour la température potentielle virtuelle. Mais le profil du flux correspondant étant en assez bon accord avec les LES, ils suggèrent de corriger cela par l’introduction d’un coefficient de proportionalité. La décomposition ’cloud’ sous- estime beaucoup les flux turbulents. Ils étudient aussi la contribution des flux subsidents, mais ils sont négligeables sur ce cas.

Caractérisation des structures cohérentes de la surface jusqu’au sommet des nuages : Evaluation du modèle du thermique de la surface au sommet de la couche limite

Il est donc possible de caractériser de différentes manières les structures de la couche limite sèche d’une part, et les nuages d’autre part. Existe-t-il un moyen de caractériser les thermiques de la surface jusqu’au sommet des nuages à partir d’une même analyse conditionnelle ? C’est ce que nous avons tenté d’établir (Couvreux & al, article en préparation) afin d’apporter un nouvel outil de validation des para- métrisations des structures cohérentes de la couche limite. L’analyse conditionelle proposée par Fleur Couvreux se base sur les variablesrtetw. Les seuils choisis sont les suivants : w > 0 pour sélectionner

les structures ascendantes et rt > σrt afin de ne garder que les structures les plus humides. Un lon-

gueur caractéristique minimum est également introduite pour s’abstraire des structures de petite échelle (l=150m). Les champs LES sont issus de simulations réalisées avec le modèle Méso-NH utilisé en mode LES et mis à notre disposition par Fleur Couvreux.

136 CHAPITRE 4. ENTRAÎNEMENT ET DÉTRAÎNEMENT DANS LES CUMULUS 8 12 16 rt (g/kg) 0 500 1000 1500 2000 altitude (m) 298 300 302 304 306 thetal (K) 0 500 1000 1500 2000 struc rt struc cld struc core TH 302 304 306 308 thetav (K) 0 500 1000 1500 2000 altitude (m) 0 1 2 3 4 w (m/s) 0 500 1000 1500 2000

FIG. 4.27 – Profils verticaux du rapport de mélange de l’eau totale rt (en g kg−1), de la température

potentielle liquideθl(en K), de la température potentielle virtuelleθv (en K) et de la vitesse verticalew

(en m s1

) dans le panache ascendant pour la 6ème heure de simulation du cas BOMEX : comparaison de la simulation TH avec les résultats obtenus avec les LES en définissant de plusieurs façons le nuage (’cld’ et ’core’) et le thermique (’rt’).

Les caractéristiques du thermique obtenus à la 6ème heure de simulation du cas BOMEX sont repré- sentés sur la fig. 4.27 pour trois analyses conditionnelles différentes (’rt’ pour la décomposition présentée précédemment, ’cld’ pour la décomposition ’cloud’, ’core’ pour la décomposition ’core’) et pour la si- mulation TH. On s’aperçoit sur cette figure que l’analyse conditionnelle ’rt’ donne des résultats assez proches des analyses en ’cld’ et ’core’ dans la partie inférieure de la couche nuageuse. Dans les 2/3 su- périeurs de la couche nuageuse cependant, le critère semble sélectionner des structures trop chaudes et trop humides, ne correspondant pas uniquement à des particules pour lesquellesrl > 0. On peut penser

qu’au-dessus des océans, l’environnement étant très humide, le contraste en humidité entre le thermique et l’environnement est trop faible pour être révélateur des structures. Pour ce cas, l’utilisation d’un tra- ceur serait peut-être le moyen le plus correct pour détecter les thermiques de couche limite. Par exemple, en émettant un traceur en surface subissant une décroissance exponentielle en fonction de son temps de vie, on pourrait détecter les structures par un critère sur l a concentration de traceur détecté dans chaque maille. Ce travail est en cours pour (Couvreux & al., en préparation), mais pas encore disponible. Dans la suite de notre étude, nous allons utiliser le cas ARM pour valider le modèle du thermique par le critère en ’rt’, qui devrait être plus pertinent au-dessus des continents.

Les mêmes caractéristiques du thermique, pour les LES et la simulation TH, que sur la fig. 4.27 sont présentées sur les fig. 4.28, 4.29 et 4.30 à différentes heures de la journée pour le cas ARM. Cette fois, les résultats obtenus avec le critère ’rt’ sont très proches de ceux obtenus avec le critère ’cld’ dans la couche

nuageuse. Le critère proposé sélectionne donc bien les points nuageux, sauf vers la fin de l’après-midi dans les 2/3 supérieurs du nuage, où le même problème que sur le cas BOMEX est présent. Cela est peut- être dû au fait que le détraînement d’air plus humide du thermique vers l’environnement humidifie peu à peu l’environnement au niveau de la couche d’inversion, rendant le critère enrtmoins sélectif en fin de

journée. Autrement, la concordance dans les premières heures de simulation entre les critères ’rt’ et ’cld’

suggère que les points sélectionnés dans la couche sous-nuageuse correspondent bien aux points qui vont condenser, et les caractéristiques du panache sous le nuage apparaissent être une bonne base pour évaluer le modèle du thermique dans la couche sous-nuageuse. La comparaison avec les résultats donnés par le modèle du thermique mettent en avant des faiblesses déjà citées : une couche sous-nuageuse trop chaude

4 8 12 16 rt (g/kg) 0 500 1000 1500 2000 2500 altitude (m) 304 306 308 310 312 314 thetal (K) 0 500 1000 1500 2000 2500 struc rt struc cld struc core TH 308 310 312 314 thetav (K) 0 500 1000 1500 2000 2500 altitude (m) 0 1 2 3 w (m/s) 0 500 1000 1500 2000 2500

FIG. 4.28 – Profils verticaux du rapport de mélange de l’eau totale rt (en g kg−1), de la température

potentielle liquide θl(en K), de la température potentielle virtuelle θv (en K) et de la vitesse verticale

w (en m s1

) dans le panache ascendant à 12 :00 heure locale pour le cas ARM : comparaison de la simulation TH avec les résultats obtenus avec les LES en définissant de plusieurs façons le nuage (’cld’ et ’core’) et le thermique (’rt’).

et trop sèche, une couche nuageuse trop froide et trop humide en fin d’après-midi, une vitesse verticale trop forte, avec un minimum et un maximum sous le nuage situés trop haut.

La contribution top-hat aux flux et les variances des différentes variables sont comparés sur la fig. 4.31 à 15h30. On retrouve la bonne correspondance dans le nuage entre les résultats des critères ’rt’ et ’cld’. La simulation TH sous-estime les variances, sauf celle en w sous le nuage mais sous-

estime également les flux, surtout dans la couche nuageuse. Le flux en θv est le mieux représenté. La

sous-estimation de la variance est attendue, du fait de la contribution petite-échelle. Cependant, la sous- estimation des flux est plus surprenante, un tel modèle devant pouvoir les représenter convenablement (Wang et Stevens, 2000) d’une part, et les profils thermodynamiques obtenus avec le modèle du ther- mique nuageux étant très proches des LES d’autre part. Le flux deθv étant proche des LES, il semblerait

que ce soit la contribution de l’eau liquide qui induise les différences obtenues pour les flux dertetθl.

Cela est peut-être dû à la prise en compte de la microphysique des nuages dans les LES, qui pourrait induire des flux locaux à l’intérieur du nuage, non représentés dans le modèle du thermique. Mais ces différences devront être expliquées plus précisément dans le futur.

La mauvaise représentation des flux et variances par le modèle du thermique pourrait être reliée aux défauts déjà cités du modèle, notamment au sujet de la vitesse verticale et de la fraction couverte. Les flux entrant sortant du thermique jouant certainement un rôle dans tout ça, nous allons évaluer maintenant les différents termes du bilan de masse.

4.3.2 Calcul de l’entraînement et du détraînement à partir de l’état moyen dans les LES