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2.4 Evaluation des GCMs

3.1.3 Formation des nuages en sommet de couche limite

Quelle est la relation entre les structures de la couche limite et l’occurence des nuages ? LeMone et Pennel (1976) utilisent des observations faites dans les environs de Puerto Rico en décembre 1972 pour étudier le lien entre structures de la couche sous-nuageuse, flux et caractéristiques des nuages. Ils étudient deux types de situations : un cas de petits cumulus ne dépassant pas l’inversion, avec une base uniforme, et un cas de cumulus isolés plus profonds, atteignant jusqu’à 2 km. Les processus associés à chacun de ces cas sont schématisés sur la fig. 3.12. Les interactions entre couche sous-nuageuse et nuageuse apparaissent différentes dans ces deux cas. Dans le cas des petits cumulus, l’écoulement dans la couche sous-nuageuse est dominé par la présence de rouleaux. Les nuages se forment lorsque les particules turbulentes qui montent dans la partie ascendante des rouleaux atteignent leur niveau de condensation (noté 2 sur la figure). Ce sont des nuages forcés. Ces particules ont été amenées dans la source d’air alimentant les nuages par convergence latérale près de la surface (notée 1 sur la figure). Leur flottabilité devient négative dès lors qu’elles forment un nuage. Les processus observés sont un peu différents dans le cas où des cumulus plus développés sont observés. Les nuages se forment clairement au sommet de panaches ascendants localisés (“roots”), et le dégagement de chaleur associé à la condensation est tel que le nuage suit une dynamique propre. C’est un nuage actif. Par des mesures de flux, cette étude confirme l’importance du rôle des nuages dans le transport de chaleur, d’humidité, de masse et de moment, les flux et l’intensité turbulente étant beaucoup plus forts juste sous la base des nuages que dans l’air clair environnant. Cette corrélation s’observe jusqu’à 100 voire 300 m au-dessous de la base des nuages (cf fig. 3.13).

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CHAPITRE 3. LA COUCHE LIMITE ATMOSPHÉRIQUE CONVECTIVE ET SA PARAMÉTRISATION DANS LES GCMS : LE MODÈLE DU THERMIQUE NUAGEUX

FIG. 3.13 – Evolution des flux de moment et de température à 531 m observée lors de la formation de cumulus bien développés par un vol avion parcourant 20 km en 5 min (indicateur 1-0 CNC de la présence de cumulus) (issu de LeMone et Pennel, 1976).

La nature de la circulation thermique à l’intérieur des nuages a été étudiée par Blyth et al. (2005) à partir d’observations et de simulations CRM de cumulus en Floride. Il apparait qu’un nuage peut-être constitué de plusieurs panaches thermiques à différents stades de son développement. L’écoulement est dominé par un panache ascendant entouré de subsidences. L’air à l’intérieur du panache est divergent et est détraîné dans les subsidences. Ces subsidences peuvent être situées à l’intérieur même du nuage. Les conclusions de leur étude rejoignent celles d’études antérieures : le coeur du nuage est composé de particules avec un contenu très fort en eau liquide, parfois proche de la valeur d’une particule non diluée depuis la base du nuage et la largeur de ce coeur diminue avec l’altitude. Cependant, ils mettent également en avant un phénomène apparemment fréquent mais qui n’avait jamais été révélé auparavant : l’existence de plusieurs régions de très faible contenu en eau liquide au centre du panache, proches des endroits où la vitesse verticale et la divergence horizontale sont maximum.

Dans quels conditions les cumulus se forment-ils au sommet des thermiques convectifs ayant pris naissance en surface ?

Conditions favorables à la formation des nuages

Nous avons vu que les interactions avec la surface jouent un rôle fondamental sur les processus de couche limite. Cependant, il n’y a pas de corrélation directe entre les conditions en surface et l’occurence ou non de nuages. C’est l’interaction entre différents processus atmosphériques et de surface qui va être à l’origine de l’apparition de nuages. Par exemple, sur océan, où les conditions de surface sont relativement uniformes, différentes structures nuageuses peuvent être observées dans la même zone.

Une condition nécessaire à la formation des nuages

L’effet de l’entraînement sur le développement de la couche limite et des nuages est triple : il ré- chauffe la couche limite, l’assèche ou l’humidifie selon les caractéristiques de la troposphère libre, et

épaissit la couche limite. Pour qu’un nuage se forme, il faut que les effets de l’entraînement défavorables à la formation de nuages (réchauffement et assèchement) soient inférieurs aux effets de l’entraînement favorables à la formation des nuages (humidification et épaississement) (Zhu et Albrecht, 2002). Ainsi, si la stratification au-dessus de la couche limite est faible, le réchauffement via l’entraînement est faible et la formation de nuages est favorisée. La subsidence, en réduisant l’humidité au sommet de la couche limite défavorise généralement la formation des nuages. Quand les effets combinés de tous ces proces- sus donnent une humidité relative de plus de 80% en sommet de couche limite, le nombre de nuages augmente significativement.

Formation des premiers nuages

Souvent, l’heure d’apparition des premiers cumulus ne correspond pas à la prévision qu’on peut en faire à partir des caractéristiques moyennes de la couche limite et de la surface sur le domaine considéré. Cela est dû au fait qu’une partie du thermique, vraissemblablement son coeur, atteint le sommet de la couche mélangée sans se diluer. Ce sont ces particules, moins diluées, qui ont le niveau de condensation la plus bas et qui sont à l’origine de la formation des premiers nuages. Wilde et al. (1985) expliquent cela en définissant deux zones :

- une zone d’entraînement, dont le sommet correspond à la hauteur du plus haut thermique sur le do- maine considéré, et la base correspond au niveau où la fraction moyenne d’air de la couche mélangée par rapport à celui de la troposphère libre est de 90%.

- une zone “LCL” (pour ’Lifting Condensation Level’), dont le sommet est défini par le niveau de conden- sation le plus élevé obtenu à partir de conditions locales de surface, et la base par le niveau de condensa- tion le plus faible.

Le moment où les nuages apparaissent correspond à celui où le sommet de la zone d’entraînement at- teint le bas de la zone LCL (c’est-à-dire le niveau de condensation du thermique le plus humide). Les observations montrent que la zone “LCL” est moins épaisse le matin, car l’intensité turbulente et les va- riations d’humidité en surface sont plus faibles à ce moment-là de la journée. Cette méthode repose sur l’hypothèse selon laquelle le thermique le plus haut a le niveau de condensation le plus bas. Cela n’est pas évident puisqu’un thermique plus chaud devrait plutôt avoir un plus haut niveau de condensation.

Pour étudier plus en avant les conditions de formation et de maintien des cumulus, Zhu et Albrecht (2003) utilisent des simulations LES de 100 m de résolution sur l’horizontale et de 15 à 40 m de ré- solution sur la verticale avec un pas de temps de 3 s. Ils étudient les processus mis en jeu lors de la formation de cumulus forcés au dessus d’un continent par une forte flottabilité, simulations construites à partir d’observations faites sur le site ARM. Contrairement aux études antérieures, ils choisissent un cas présentant une forte discontinuité en humidité au sommet de la couche limite, ce qui n’est pas le cas au dessus des océans. Leurs résultats rejoignent les conclusions de Wilde et al. (1985) sur l’initiation des cumulus. La fig. 3.14 montre les caractéristiques de la couche limite vers 10h30 heure locale, lorsque les cumulus commencent à se former. Les résultats confirment que c’est le thermique le plus vigoureux, celui qui pénètre le plus haut au-dessus de l’inversion, qui va être à l’origine de l’apparition des premiers nuages. Ce thermique est peu affecté par les processus d’entraînement et son ascension peut être considé- rée comme adiabatique. Leur étude montre également que le thermique le plus vigoureux est bien associé au niveau de condensation le plus bas comme supposé par Wilde et al. (1985). Même si ce thermique est plus chaud que les autres, il est aussi beaucoup plus humide, et l’effet net est de réduire le niveau de condensation.

Développement et maintien des cumulus

Les simulations LES de Zhu et Albrecht (2003) permettent également d’étudier l’influence de cer- tains paramètres sur le développement et le maintien des cumulus. Ainsi, ils montrent que si le flux de chaleur sensible à la surface des continents est un facteur clé contrôlant l’initiation des nuages et leur base (apparition des nuages plus tôt avec un flux plus fort et base plus élevée pour un flux plus fort),

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CHAPITRE 3. LA COUCHE LIMITE ATMOSPHÉRIQUE CONVECTIVE ET SA PARAMÉTRISATION DANS LES GCMS : LE MODÈLE DU THERMIQUE NUAGEUX

FIG. 3.14 – Coupe verticale montrant la structure de la couche limite lors de la pénétration du plus fort thermique et l’initiation des nuages. (a) Température potentielle virtuelle et champ de vent, (b) humidité spécifique et champ de vent, la partie blanche au sommet du thermique le plus fort représentant l’initiation des nuages, (c) covariancew′θ′v, (d) covariancew′q′ (issu de Zhu et Albrecht, 2003).

il a peu d’influence sur les propriétés des nuages formés (fraction nuageuse, épaisseur optique, vitesse verticale maximale). Pour un flux de chaleur sensible donné, c’est le flux de chaleur latent qui va affecter ces caractéristiques, un flux latent plus fort entraînant des cumulus plus puissants. Le développement des nuages est également affecté par le saut d’humidité dans la couche d’inversion et la stratification au-desssus de la couche mélangée. Un saut d’humidité plus faible donnera une fraction et une extension nuageuse plus fortes, sans affecter l’initiation des nuages. Lorsque la stabilité de la couche au dessus de la couche mélangée diminue, la convection est favorisée et la fraction nuageuse, l’eau intégrée et la vitesse verticale augmentent. Enfin, les rétroactions radiatives ne pouvant être étudiées avec des simulations for- cées en flux de surface, Zhu et Albrecht (2003) réalisent des simulations couplées avec un schéma de sol. Ils constatent alors un réchauffement radiatif à la base de la couche nuageuse qui tend à stabiliser la couche sous-nuageuse, réduisant ainsi l’énergie cinétique turbulente. Associé à cela, un refroidissement radiatif a lieu dans la partie supérieure de la couche limite, où l’énergie cinétique turbulente s’intensifie et où les cumulus se forment.

Différence de développement des couches limites sèches et nuageuses

L’apparition de cumulus influence grandement l’évolution de la couche limite. La présence des nuages modifie en effet le flux radiatif atteignant la surface, et donc les flux de chaleur latente et sensible. Mais la couche limite est aussi affectée par la circulation dans les thermiques nuageux et les proces- sus de condensation. Les différences dans l’évolution d’une couche limite sèche et d’une couche limite nuageuse ont été étudiées récemment par Stevens (2006) dans un cadre idéalisé. L’étude porte sur le développement de couches limites dans une couche de stratification uniforme, avec un profil d’humidité décroissant exponentiellement et un flux de flottabilité en surface maintenu constant dans le temps. Elle est menée à la fois à l’aide de LES et de modèles analytiques de la couche limite type ’bulk’ modèles (nous reviendrons sur ce type de modèle dans le paragraphe 2.2.3). Lorsque des cumulus se forment en sommet de couche limite, le transport d’eau liquide à travers l’inversion est contre-balancé par une sub- sidence plus marquée d’air chaud et sec vers la surface, expliquant un réchauffement et un assèchement de la couche de surface plus important qu’en l’absence de nuages.

Le bilan énergétique de la couche sous-nuageuse est très proche de celui d’une couche limite sèche. La couche nuageuse, elle, peut-être décomposée en deux parties : une partie inférieure, conditionnellement instable, où on observe condensation et réchauffement ; et une partie supérieure, stable, la couche d’in- version, où a lieu l’évaporation et le refroidissement associé. Dans le cadre idéalisé de l’étude, la couche sous-nuageuse et la partie inférieure du nuage se réchauffent de la même manière, et ce sont les pro- cessus d’évaporation et de refroidissement de la partie supérieure du nuage qui expliquent l’évolution différente de la hauteur de la couche limite dans le cas nuageux. La hauteur d’une couche limite sèche évolue alors proportionnellement à la racine carrée du temps, tandis que la hauteur d’une couche limite nuageuse évolue proportionnellement au temps, soit plus rapidement.