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4.3 Des LES à la paramétrisation

5.1.2 Lien entre convection peu profonde et profonde dans les GCMs

Les différentes approches de la paramétrisation de la convection nuageuse ont déjà été evoquées dans le chapitre précédent, en se focalisant plus particulièrement sur la convection peu profonde. Ici, on rappelle différentes approches en flux de masse appliquées à la convection profonde en expliquant plus en détails le fonctionnement de trois paramétrisations très répandues dans les GCMs : celle de Tiedtke (1989) (TD), de Kain et Fritsch (1990) (KF) et d’Emanuel (1991) (KE).

Un schéma pour la convection peu profonde et profonde : TD

Le schéma de Tiedtke (1989) représente un ensemble de cumulus par un seul panache ascendant sa- turé moyen, comme dans un modèle de type ’bulk’. Le mélange entre l’air ascendant et l’environnement a lieu à chaque niveau, en définissant un taux d’entrainement fractionné turbulent constant, et égal au taux de détrainement fractionné turbulent (ǫ = δ). Le schéma prend également en compte une colonne

d’air subsidant saturé à flottabilité négative qui redescend jusqu’à la base du nuage. Le flux de masse au sommet de la subsidence est proportionnel au flux de masse montant à la base des nuages (avec un facteur de proportionnalité égal à 0.2 dans la version initiale).

La fermeture repose sur l’hypothèse de convergence en humidité déjà évoquée. Ainsi, le flux d’air en- trainé à la base des nuages est déterminé en imposant un équilibre de l’humidité dans la couche sous- nuageuse, de telle sorte que son contenu en humidité soit maintenu en présence de transport grande- échelle, turbulent et convectif. De même, un entrainement organisé est ajouté dans la partie inférieure du nuage, proportionnel à la convergence grande-échelle d’humidité, tandis qu’un détrainement organisé a lieu dans la maille contenant le niveau de flottabilité neutre des nuages les plus profonds.

Dans le schéma de Tiedtke (1989), la convection peu profonde et la convection profonde sont prises en compte séparément. Les taux de mélange fractionnés turbulents sont plus élevés dans le cas peu profond (ǫ = δ = 3 × 104

m−1

), que dans le cas profond (ǫ = δ = 1 × 104

m−1

). La même fermeture de convergence en humidité est utilisée dans les deux régimes : la source d’humidité provient de la conver- gence grande-échelle dans le cas profond, alors qu’elle provient de l’évaporation en surface dans le cas peu profond (pour lequel la convergence grande-échelle est quasi nulle). Le déclenchement de la convec- tion se base sur l’inhibition convective.

Ce schéma, utilisé dans de nombreux GCMs, a souvent été modifié, comme par exemple en introduisant une fermeture en CAPE (Gregory et al., 2000).

Schémas de convection profonde dans les GCMS : KF et KE

Kain et Fritsch (1990) proposent un schéma original à l’interface entre modèle de type panache en- trainant et modèle de type EMBS (Episodic Mixing and Buoyancy Sorting). Leur schéma se base sur la définition d’un panache entrainant qui détraine également à chaque niveau en fonction de la flottabilité des particules issues du mélange entre le panache et l’environnement. Le taux d’entrainement est défini

de façon traditionnelle en supposant le taux d’augmentation du flux de masse sur la verticale inverse- ment proportionnel au rayon du panache. Cependant, les observations montrent que la flottabilité des particules individuelles dans un nuage peut être différente de la flottabilité du nuage dans son ensemble. C’est pourquoi une distribution de la composition des mélanges entre particules nuageuses et air envi- ronnant à chaque niveau est imposée. A partir de cette distribution, on peut déterminer les taux auxquels les particules se mélangent avec l’air environnant en donnant une flottabilité positive d’une part (air en- trainé) et négative d’autre part (air détrainé). Cette distribution est prise de forme gaussienne mais peut être discutée. En supposant de plus un mélange homogène entre l’air entrainé et le panache ascendant entre chaque niveau vertical, les caractéristiques du panache sont ensuite déduites en conservant la tem- pérature potentielle équivalente et le contenu en eau totale.

Ce schéma est une version modifiée d’un modèle de panache entrainant dans lequel une sélection par flottabilité permet de répartir les différents mélanges entre le panache et l’air environnant en un entrai- nement et un détrainement. Contrairement aux modèles EMBS, l’évolution de chaque sous-particule n’est pas considérée, l’intégration sur une distribution donnée de la masse dans les particules mélangées permettant de déduire des taux d’entrainement et de détrainement moyens à chaque niveau. L’avantage de cette paramétrisation par raport à un modèle de panache entrainant classique est qu’elle introduit un mécanisme physique réaliste pour estimer le taux de détrainement à chaque niveau, et qu’elle permet de rendre le flux de masse dépendant des caractéristiques de l’environnement.

Le schéma de convection profonde proposé par Emanuel (1991) repose sur une sélection des parti- cules par flottabilité et fait partie des modèles EMBS. Le schéma rejoint ainsi celui proposé par Raymond et Blyth (1986), mais il est de plus adapté aux nuages précipitants. Le schéma repose sur l’image idéalisée suivante : l’air issu d’une couche proche de la surface monte adiabatiquement jusqu’à son niveau de flot- tabilité neutre. Une fraction de l’eau condensée est convertie en précipitations, dont l’évaporation donne naissance à une descente d’air insaturé. A chaque niveau, l’air nuageux restant se mélange avec l’air de l’environnement en formant un spectre uniforme de mélanges de flottabilités différentes. Ces différents mélanges atteignent de façon adiabatique leur niveau de flottabilité neutre respectif, où ils sont détrainés dans l’environnement (après que tout leur contenu en eau liquide se soit converti en précipitations puis évaporation). Le schéma représente donc plusieurs ascendances de flottabilités différentes, une descente saturée, ainsi qu’une descente d’air insaturé paramétrisée par un simple panache entrainant de fraction constante (1% de la grille du modèle), engendrée par l’évaporation des précipitations. Le déclenchement et la fermeture du schéma reposent sur la stabilité de la troposphère (par l’intermédiaire de la CAPE) et l’inhibition convective (la CIN). En effet, la convection profonde se déclenche si la flottabilité dans l’ascendance est positive dans la première maille au-dessus du niveau de condensation. Le flux de masse à la base des nuages est lui déterminé par :

Mb= α p0 Z pb pLN B (max(Bmin(p), 0.) B0 )2ρq(CAP E(p))dp (5.6)

oùpb est le niveau situé au-dessus du niveau de condensation etpLN Best le niveau de flottabilité neutre,

Bmin(p) est la limite inférieure de la flottabilité d’une particule montée adiabatiquement de pb à p et

CAP E(p)est le travail des forces de flottabilité entrepb etp. Les constantes p0 etB0sont prises égales

à 105Pa et 1 K respectivement, etα est un facteur d’échelle pris égal à 0.03.

Contrairement au schéma de Tiedtke (1989), dans le schéma d’Emanuel (1991), les ascendances adiaba- tiques ne sont pas sensibles à l’humidité troposphérique. Une troposphère sèche peut réduire la convec- tion en donnant des mélanges ascendant plus secs, mais la convection monte toujours jusqu’au niveau de flottabilité neutre. Ainsi, dans le schéma d’Emanuel (1991), la convection peu profonde n’est pas vrai- ment représentée.

Les paramétrisations prennent ainsi en compte un certain nombre des processus mis en avant : des ascendances convectives dont les caractéristiques dépendent du mélange d’air avec l’environnement, les

162 CHAPITRE 5. LA TRANSITION VERS LA CONVECTION PROFONDE

précipitations, les caractéristiques de la couche limite (par l’intermédiaire de la CIN) et la température de la moyenne troposphère (par l’intermédiaire de la CAPE). Le schéma de Emanuel (1991) est un des rares schémas à représenter explicitement une descente insaturée. Cependant, il s’avère que la plupart des schémas utilisés dans les modèles de climat présentent une sensibilité insuffisante à l’humidité tro- posphérique, et des profils de flux de masse très différents suivant les schémas (Derbyshire et al., 2004). L’amélioration de la prise en compte de l’entrainement entre nuages et environnement fait partie des pistes à exploiter pour rendre les schémas plus sensibles à l’humidité troposphérique (Grandpeix et al., 2004). De plus, les poches froides que nous évoquions précédemment ne sont pas prise en compte dans les paramétrisations. Quant à la convection peu profonde, elle n’est pas toujours explicitement représen- tée par les paramétrisation de convection nuageuse.

Vers un schéma unifié ou un couplage de la convection peu profonde et de la convection profonde ? Certaines paramétrisations existantes tentent de représenter à la fois la convection peu profonde et la convection profonde quand d’autres traitent plus spécifiquement la convection profonde. Dans ce cas, une autre paramétrisation est nécessaire pour représenter la convection peu profonde. Ces deux approches traduisent une vision différente des processus de convection. Est-il raisonnable de traiter convection peu profonde et convection profonde à partir d’un même schéma ou les processus en jeu sont-ils à ce point différents que deux paramétrisations sont préférables ?

Kuang et Bretherton (2006) tentent d’apporter des éléments de réponse à cette question. Ils mettent en place une simulation CRM de transition entre convection peu profonde et profonde en modifiant les forçages de l’expérience BOMEX. Cette transition a donc lieu sur océan, et se déroule lentement sur deux à trois jours, avec des précipitations faibles. La situation présente donc des différences avec un cas de transition au-dessus d’un continent, qui peut se faire en une à deux heures. Les résultats donnent une structure thermodynamique qui évolue de façon continue au cours du temps, sans irruption brutale de convection profonde. De plus, les propriétés thermodynamiques à la base des nuages, qt etθv, pré-

sentent une distribution jointe étroite à la fois lors de la convection peu profonde et lors de la convection profonde. Ils en concluent qu’il est possible de représenter la convection peu profonde et la convection profonde de façon unifiée par un même schéma, en considérant un spectre de panaches nuageux entrai- nant à différents taux. Pour avoir un flux de masse décroissant lorsque l’on se rapproche du niveau de flottabilité neutre, ils proposent de prendre également en compte le détrainement, comme par exemple dans les modèles EMBS. Ils proposent de faire dépendre l’entrainement de la taille des nuages à leur base. Leurs résultats suggèrent qu’il n’y a pas de corrélation directe entre l’évolution dans le temps de la CAPE et du flux de masse à la base des nuages au cours de la transition. La fermeture en CAPE ne semble donc pas adaptée. Ils proposent une fermeture en CIN où le flux de masse à la base des nuages s’exprime à partir dew exp(−kCIN/w2) (Mapes, 2000), où w est une vitesse verticale typique à la base

des nuages, qu’on peut estimer à partir de l’énergie cinétique turbulente (Bretherton et al., 2004), etk

une constante.

Cependant, dans les cas de convection au-dessus des continents, une transition aussi continue entre le régime peu profond et le régime profond est en contradiction avec les études de Chaboureau et al. (2004) ou Khairoutdinov et Randall (2006). De plus, les fortes précipitations ainsi que la formation de poches froides peuvent influencer grandement l’évolution du système. Dans notre étude, nous avons choisi de différencier clairement la convection peu profonde (non précipitante) et profonde (précipitante) par l’intermédiaire de deux paramétrisations différentes. Nous considérons que cumulus et cumulonim- bus correspondent à deux régimes distincts de convection, dont le régime profond est fortement contrôlé par les précipitations. La prise en compte des rétroactions entre cumulus et cumulonimbus va devoir passer par un couplage entre ces deux schémas.