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5.3 Validations à l’aide du CRM MESO-NH

6.1.3 Caractéristiques des feux

Les émissions associées aux feux de biomasse ainsi que la hauteur à laquelle ces émissions sont injectées dans l’atmosphère dépendent de plusieurs facteurs caractéristiques du feu étudié. Nous allons décrire ici ces caractéristiques à l’aide de feux bien documentés : un feu de forêt canadien (le feu Chi- sholm du 28 mai 2001) et un feu de savanne en Afrique du Sud provoqué dans la parc national Kruger le 24 septembre 1992 lors de la campagne SAFARI. Les caractéristiques des feux dans les régions qui nous intéressent sont moins bien connues. Nous allons essayer de les estimer à partir d’informations prises dans différents articles au sujet de la saison sèche 1989 en Afrique tropicale Sud (mai à septembre). Le type de végétation

La quantité de combustible disponible dépend du type de végétation. Les feux boréaux ont souvent lieu dans des forêts denses, alors qu’en Afrique du Sud, la savanne a une densité de 1 à 5× 106 kg ha−1

. En Afrique tropicale Sud, la végétation est essentiellement constituée de savannes sèches ou humides, dont la densité varie de 3 à 7× 106 kg ha−1

. Les émissions vont dépendre aussi de l’efficacité de la combustion, à savoir quelle quantité de végétation disponible brûle effectivement. Dans le cas du feu de forêt Chisholm, la quantité de combustible consommée était de 76000 kg ha−1

et dans le cas du feu de savanne Kruger, elle était de 3786 kg ha−1

. Pendant la saison sèche 1989, l’aire totale brûlée en Afrique tropicale Sud fut de 1 541 000 km2, et la biomasse brûlée correspondante de 456 Tg (Barbosa et al., 1999). Cela fait une densité moyenne de biomasse brûlée de 2960 kg ha−1

. L’aire brûlée

Comme le démontre l’exploitation des observations satellite, le nombre et la taille des feux sont des éléments essentiels de l’étude des feux de biomasse. L’aire brûlée notamment va permettre de déduire l’intensité du feu considéré. Par exemple, le feu Chisholm au Canada s’est déclenché le 23 mai et a brûlé jusqu’au 29 mai, dévastant une surface de 100 000 ha. L’aire brûlé par le feu Kruger en quelques heures a été de 2333 ha. En Afrique tropicale Sud, le nombre de feux par jour entre mai et septembre 1989 est estimé à 5085 par Justice et al. (1996). Korontzi et al. (2003) estiment que 12% de l’aire brûlée pendant la saison sèche 1989 en Afrique tropicale sud l’a été dans les régions semi-arides. Ils constatent que : - 43% de ces feux ont une taille comprise entre 0 et 1 km2. Ils constituent 2% de l’aire brûlée. - 42% de ces feux ont une taille comprise entre 1 et 10 km2. Ils constituent 13% de l’aire brûlée. - 12% de ces feux ont une taille comprise entre 10 et 100 km2. Ils constituent 25% de l’aire brûlée. - 2% de ces feux ont une taille comprise entre 100 et 1000 km2. Ils constituent 27% de l’aire brûlée. - 1% de ces feux ont une taille supérieure à 1000 km2. Ils constituent 33% de l’aire brûlée.

Cela signifie que 60% de l’aire brûlée l’a été par 3% des feux (ceux dont la taille est supérieure à 100 km2). Ainsi, pendant la saison sèche de 1989, en région semi-aride :

- 184 920 km2ont été brûlés (12% de l’aire totale).

- 110 952 km2sont brûlés par des feux d’une taille supérieure à 100 km2(60% de l’aire brûlée). - environ 740 km2sont brûlés par jour (150 jours entre mai et septembre).

Pour aller plus loin, on est obligé de faire certaines hypothèses. Si on considère par exemple qu’on observe 2 ou 3 feux de taille supérieure à 100 km2par jour en région semi-aride, alors les feux respon- sables de 60% de l’aire brûlée ont une taille de l’ordre de 300 km2.

La vitesse de propagation

La vitesse de propagation du feu est proportionnelle à la hauteur de la végétation et au vent moyen à 2 m, et inversement proportionnelle à la teneur en eau du combustible. Pour le feu Chiholm, cette vitesse est évaluée à 1.5 m s−1

; dans le cas du feu Kruger, elle est de 1.62 m s−1

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CHAPITRE 6. APPLICATION DU MODÈLE DU THERMIQUE À LA CONVECTION INDUITE PAR LES FEUX DE BIOMASSE il est difficile d’estimer la vitesse de propagation de gros feux étendus de savanne en Afrique Tropicale Sud, qui peut potentiellement être plus élevée que la vitesse observée au cours du feu Kruger. On suppose dans un premier temps que la savanne en Afrique tropicale Sud a des propriétés similaires à la savanne en Afrique du Sud, avec une teneur en eau plus élevée, et on suppose pour la suite une vitesse de propagation de l’ordre de 1.5 m s−1

.

Puissance du feu et énergie convective

L’énergie fournie par la combustion est définie par :

E = Cω (6.2)

où C est la chaleur de combustion (de l’ordre de 17 781 kJ kg−1

) etω est la quantité de combustible

consommé (en kg m−2

). E s’exprime en J m−2

. La puissance du front du feu I (en kW m−1

) correspond à la quantité d’énergie dégagée le long du front de flamme, et est donnée par (Lavoué et al., 2000) :

I = Cωr (6.3)

où r est la vitesse de propagation du front (en m s−1

). La connaissance de la profondeur du frontp permet

de déduire le flux de chaleur dégagé par le feu (en kW m−2

) : F=I/p.

Ainsi, dans le cas du feu Chisholm, l’intensité du front du feu est de I=202 703 kW m−1

. Avec un front de 300 m de profondeur (Trentmann et al., 2006), on obtient un flux de chaleur F=675 kW m−2

. Dans le cas du feu Kruger, on obtient I=10 906 kW m−1

et F=15.6 kW m−2

avec une profondeur de front de 700 m (Stocks et al., 1996). En Afrique tropicale Sud, on obtient une puissance de front de l’ordre de I=7 894 kW m−1

. Suivant la profondeur du front, cela équivaut à une énergie de l’ordre de F=78 kW m−2

pour un front de 100 m de profondeur, ou encore de l’ordre de F=39 kW m−2

pour un front de 500 m. La part de l’énergie dégagée par le feu effectivement disponible pour la convection est incertaine. Une partie de cette énergie est perdue par l’intermédiaire de processus radiatifs. Trentmann et al. (2006), dans une étude numérique du feu Chisholm avec un modèle haute résolution, relatent des pertes allant de 0 à 50%.

La hauteur d’injection

La hauteur d’injection de la colonne convective issue du feu joue un rôle déterminant dans l’évolu- tion de la concentration des gaz émis dans l’atmosphère. Les gaz émis dans la haute troposphère sont transportés plus loin que ceux émis dans la couche limite, et ils ont un temps de résidence plus long. Plu- sieurs panaches issus de feux ont été observés dans la haute troposphère, voire dans la basse stratosphère dans les régions boréales. Par exemple, le feu canadien Chisholm étudié ici a injecté des gaz jusqu’à plus de 12 km, traversant la tropopause. Si des pyro-nuages ont également été observés au-dessus du bassin amazonien en Amérique du Sud, aucune étude ne relate un tel phénomène en Afrique, où il est souvent suggéré que les injections des feux de biomasse restent confinées dans la couche limite. Par exemple, la hauteur mesurée du feu Kruger en Afrique du Sud est de 2200 m. Labonne et al. (2007) ont déduit la hauteur d’injection des feux de biomasse à l’aide d’une analyse combinée des observations MODIS et CALIPSO (Cloud Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observations) pendant les mois de juillet et août 2006. En comparant la présence d’aérosols avec la hauteur de la couche limite calculée par ECMWF sur plusieurs régions du globe, ils déduisent que dans la grande majorité des cas, les émissions issues des feux de biomasse restent confinées dans la couche limite. Cela est particulièrement vérifié en Afrique du Sud où le temps souvent clair a permis un échantillonage important (130 cas). Les mesures utilisées sont des mesures de nuit, alors que le pic des feux a lieu vers 15h, les mesures de jour étant plus bruitées. Mais Labonne et al. (2007) tirent les mêmes conclusions avec des analyses de jour. Cependant,

leur étude ne permet pas d’identifier d’émissions directement injectées par les feux dans la haute tropo- sphère, ni dans les régions tropicales, ni dans les régions boréales. Si ces résultats vont à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle les injections pourraient atteindre la haute troposphère en Afrique tropicale Sud, des incertitudes subsistent, et cette question mérite d’être approfondie.

Il n’existe pas de moyen simple de calculer la hauteur d’injection des émissions. A partir de 4 cas de feux documentés différents (Canada, Sibérie et Afrique du Sud), Lavoué et al. (2000) proposent une relation linéaire entre la hauteur d’injection et la puissance du front du feu :

Hi= 0.23 I (6.4)

avec I en kW m−1

. Si cette relation donne une hauteur d’injection autour de 2500 m pour le feu Kruger et autour de 1800 m pour les feux d’Afrique tropicale Sud, elle donne une hauteur d’injection de 46 km pour le feu Chisholm. Il n’est vraissemblablement pas possible de définir la hauteur d’injection à partir de la puissance du front seule. D’autres facteurs vont avoir un rôle à jouer, comme la teneur en eau de l’atmosphère, la force de l’inversion en sommet de couche limite, ou encore l’aire instantanée brûlée par le feu.

Rappel des caractéristiques des feux étudiés

Nous rappelons pour finir dans le Tab. 6.1 les caractéristiques des trois types de feux étudiés : le feu de forêt canadien Chisholm, le feu de savanne dans le parc naturel Kruger en Afrique du sud, et un feu potentiel en Afrique tropicale Sud d’après les observations de la saison sèche 1989.

feu Chisholm feu Kruger feu Afr. trop. sud

densité de végétation 76000 kg ha−1

3786 kg ha−1

2960 kg ha−1

aire 1000 km2en 6 jours 23.3 km2en qqs heures 300 km2 sur 24 heures

vitesse 1.5 m s−1 1.62 m s−1 1.5 m s−1 énergie dégagée 135135 kJ m−2 6794 kJ m−2 5264 kJ m−2 puissance du front 202703 kW m−1 10906 kW m−1 7894 kW m−1 profondeur du front 300 m 700 m 100 à 500 m flux de chaleur 675 kW m−2 15.6 kW m−2 de 39 à 78 kW m−2 hauteur d’injection 14 km 2.2 km ?

TAB. 6.1 – Récapitulatif des caractéristiques des feux étudiés : le feu de forêt canadien Chisholm, le feu de savanne dans le parc naturel Kruger en Afrique du sud, et un feu potentiel en Afrique tropicale Sud d’après les observations de la saison sèche 1989.