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2.4 Evaluation des GCMs

3.1.1 La couche limite atmosphérique

La couche limite atmosphérique convective est structurée et se situe sous l’atmosphère dite “libre”. On en distingue les différentes parties en considérant un profil typique de température potentielle dans la couche limite (fig. 3.1). Près de la surface, on reconnaît une couche dans laquelle le profil de tempé- rature potentielle est instable : c’est la couche de surface. C’est dans cette couche plus chaude près de la surface que prennent naissance les cellules turbulentes, dont les plus puissantes alimentent les cellules convectives. Ces cellules, dont la partie ascendante est souvent appelée ’thermique’, sont à l’origine du

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CHAPITRE 3. LA COUCHE LIMITE ATMOSPHÉRIQUE CONVECTIVE ET SA PARAMÉTRISATION DANS LES GCMS : LE MODÈLE DU THERMIQUE NUAGEUX

mélangée couche couche surface de couche d’inversion LH SH θ troposphère libre q

FIG. 3.1 – Vue schématique d’une couche limite convective avec formation de cumulus ne dépassant pas l’inversion. SH et LH sont les flux de chaleur sensible et latent en surface,θ est la température potentielle

etq l’humidité spécifique.

profil neutre de température potentielle dans la couche dite mélangée. Au dessus de la couche mélangée, la température potentielle augmente brutalement, définissant une couche stable appelée couche d’inver- sion. Au niveau de l’inversion, l’air de la troposphère libre, plus sec, est entraîné dans la couche limite, ce qui assèche les thermiques et stoppe leur ascension. Dans la couche mélangée, l’humidité n’est pas toujours aussi homogène que la température potentielle. Un gradient d’humidité subsiste parfois malgré le mélange convectif. Mahrt (1976) explique cela par une advection différentielle d’humidité particuliè- rement les jours de fort cisaillement positif, mais aussi par une croissance rapide de la couche mélangée dans de l’air très sec situé au-dessus. L’existence de ce gradient d’humidité peut influer sur l’apparition des nuages, puisque le niveau de condensation est très sensible à des changements d’humidité. Quant au vent, il est en général relativement constant au milieu de la couche mélangée, et connait une décroissance logarithmique dans la couche de surface avant de s’annuler en surface.

La couche limite convective continentale présente un cycle diurne très marqué. Après le lever du so- leil, lorsque la température de l’air en surface devient supérieure à celle de l’air dans les basses couches de l’atmosphère, la convection se déclenche. De 9h à 13h la couche limite se développe souvent très rapi- dement, puis plus lentement jusqu’à atteindre un état quasi-stationnaire quelques heures avant le coucher du soleil. Un peu avant le coucher du soleil, lorsque l’air en surface refroidit, la turbulence faiblit et les thermiques disparaissent. Mais les caractéristiques thermodynamiques des basses couches restent proches de celles de la couche mélangée en fin de journée. On est en présence d’une couche résiduelle. Au cours de la nuit, le bas de la couche résiduelle se stabilise. Parfois les vents forcissent, donnant nais- sance à un jet nocturne aux environs de quelques centaines de mètres au-dessus de la surface. Ces vents peuvent eux-mêmes regénérer de la turbulence près de la surface. L’humidité transportée dans la couche mélangée dans la journée se retrouve dans la couche résiduelle, ce qui peut donner des conditions plus favorables à la formation de nuages dans la couche mélangée le jour suivant. Pendant la nuit également, une forte inversion se développe dissipant tous les nuages. La hauteur de la couche limite varie donc au cours de la journée : de quelques centaines de mètres pendant la nuit, lorsque l’atmosphère est stable, à quelques 2 à 4 km dans l’après-midi. Cela est moins vrai au-dessus des océans, où elle varie peu au cours de la journée, à cause des faibles variations de température en surface.

La fig. 3.2 montre l’évolution de la couche limite au dessus du SIRTA pendant trois jours consécutifs. A droite, le signal lidar matérialise la présence d’aérosols, et la couche limite correspond à la partie bleu clair. Epaisse de quelques centaines de mètres le matin, elle s’épaissit au cours de la journée pour at-

FIG. 3.2 – Profils verticaux de température potentielle et d’humidité relative enregistrés par les radio- sondages de Trappes à midi pour trois jours successifs, les 26, 27 et 28 mai 2003, et les échos enregistrés au cours de la journée par le lidar aérosol LNA du SIRTA (issu de Hourdin, 2005).

teindre 2 km en fin d’après-midi. Cette croissance s’accompagne de la présence de panaches ascendants, plus clairs que l’air environnant (car davantage chargés en aérosols provenant de la couche de surface), au sommet desquels apparaissent des cumulus au cours de la journée (plus sombres avec la palette uti- lisée). Les radiosondages montrent une température potentielle uniforme dans la couche mélangée. On constate également que la couche mélangée s’humidifie jour après jour au cours de cette période.

La couche limite convective est donc le siège de mouvements ascendants, qui correspondent aux thermiques générés par un excès de flottabilité dans la couche de surface, et qui sont associés à une sub- sidence compensatoire dans l’environnement. A cause des fortes hétérogénéités de température dans la couche de surface, ces thermiques sont plus ou moins vigoureux. Dans la matinée, certains n’atteignent même pas leur niveau de flottabilité neutre, et les particules redescendent vers la surface. Certains se mélangent avec d’autres thermiques (Williams et Hacker, 1993), pour former des thermiques plus puis- sants qui traversent l’inversion en sommet de couche limite. L’anomalie d’humidité dans les thermiques est généralement positive. Mais la couche limite est aussi le siège de mouvements subsidents d’origines diverses, toujours en lien avec une instabilité, qui transportent de l’air du niveau de l’inversion vers la couche mélangée. Certains correspondent aux subsidences compensatoires associées aux thermiques, d’autres sont générés par le passage d’une onde de gravité ou la génération de turbulence inertielle (Grossman et Gamage, 1995). La plupart de ces structures ne pénètrent que dans la partie supérieure de la couche mélangée avant de remonter. Nommées ’intrusions d’air sec’ par Couvreux et al. (2005), certaines atteignent cependant la surface. L’anomalie d’humidité dans ces structures est négative et celle de température potentielle positive, impliquant l’existence d’un forçage dynamique au niveau de l’inver- sion. L’utilisation de différents traceurs émis soit en surface, soit dans la couche d’inversion, soit dans la troposphère libre permet de mettre en évidence que l’air constituant ces intrusions d’air sec provient de

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CHAPITRE 3. LA COUCHE LIMITE ATMOSPHÉRIQUE CONVECTIVE ET SA PARAMÉTRISATION DANS LES GCMS : LE MODÈLE DU THERMIQUE NUAGEUX la couche d’inversion. Initialement forcé à descendre, cet air a acquis une flottabilité négative au cours de sa descente, vers0.6zi. Couvreux et al. (2005) associe ce gain de flottabilité négative à l’aspect insta-

tionnaire de la couche limite continentale, qui se réchauffe sans affecter les intrusions plus isolées. Le développement de la couche limite dépend donc à la fois des conditions de surface et de l’entraî- nement d’air troposphérique au niveau de l’inversion.

Interactions au niveau de la surface et de l’inversion

L’influence de la surface sur l’atmosphère se fait par friction, évaporation, transfert de chaleur et émission de polluants, parfois en dépendance avec des hétérogénéités de terrain. Une partie du flux ra- diatif solaire qui atteint la surface est absorbée dans le sol, mais la majorité est transférée à nouveau dans l’atmosphère sous forme de rayonnement thermique, en flux de chaleur sensible (ρCpw′θ′s) et latente

(ρLvw′q′s), les flux conductifs ne jouant un rôle qu’au voisinnage immédiat de la surface. Au-dessus

des continents, cette partition entre flux sensible et latent joue un rôle majeur. Le rapport de Bowen – rapport entre le flux de chaleur sensible et le flux de chaleur latent en surface – est plus petit au-dessus des surfaces humides où l’énergie est transmise par évaporation, et plus grand au-dessus des surfaces sèches où l’énergie est transmise par chauffage. Il est de l’ordre de 5 dans les régions semi-arides, de 0.5 dans les forêts, de 0.2 dans les zones irriguées et de 0.1 sur la mer.

Au-dessus des océans, le flux de chaleur sensible en surface et l’entraînement relativement faible de chaleur à la base des nuages s’équilibrent avec le refroidissement radiatif dans la couche sous-nuageuse. L’évaporation et le transport d’eau dans la couche nuageuse compensent l’effet assèchant de la subsi- dence grande échelle à ce niveau (Betts, 1975). Les précipitations ont peu d’effet sur le flux de chaleur latent en surface.

Au dessus des continents, les processus sont plus complexes, à cause du fort cycle diurne de la couche li- mite, contrôlé par le réchauffement progressif du sol. Pendant la journée, la température potentielle près de la surface augmente rapidement, tandis que l’humidité spécifique varie moins fortement (elle aug- mente puis rediminue), l’évaporation en surface étant contre-balancée par l’entraînement d’air plus sec en sommet de couche limite. De plus, au-dessus des continents, les précipitations modifient localement les caractéristiques du sol, le rendant plus froid et plus humide.

L’importance des processus d’entraînement d’air en sommet de couche limite au-dessus des conti- nents à été étudiée par Betts et al. (1996) par l’analyse des variations deθe. Les flux de surface tendent à

augmenterθetandis que l’entraînement en sommet de couche limite tend à la diminuer. La fig. 3.3 montre

les valeurs prises parθ et q à différentes heures de la journée à 2 m en fonction du contenu en humidité

du sol (SM) pour des mesures effectuées en été en Amérique du Nord. Sur le graphe, les isolignes de

θesont représentées en pointillés. La température potentielle la plus forte est obtenue au-dessus du sol

le plus sec (SM=13%) tandis que le maximum d’humidité reste faible avec dans l’après-midiθe=352 K.

Au-dessus d’un sol plus humide, la température potentielle est plus faible mais l’humidité plus forte, et dans l’après-midiθeatteint 361 K. Cette valeur élevée deθeest due en partie à une humidité plus forte

en surface, mais également à un plus faible entraînement d’air àθefaible en sommet de couche limite.

En effet, un sol plus humide conduit à un flux de chaleur sensible plus faible, ce qui réduit la croissance de la couche limite et l’entraînement d’air à son sommet. L’étude de cette rétroaction entre humidité du sol, évaporation et précipitations sur continents est encore l’objet de nombreuses recherches.

Les grandeurs caractéristiques de la couche limite

On présente ici brièvement les grandeurs utilisées pour caractériser la couche limite, son caractère turbulent, l’intensité turbulente, et les différentes échelles de longueur, de vitesse et de temps (cf Stull, 1988).

FIG. 3.3 – Evolution de la température potentielleθ en fonction de l’humidité spécifique q à 2 m moyen-

nées sur 28 jours entre juillet et août 1987 en Amérique du Nord pendant la campagne FIFE (First International Satellite Land Surface Climatology Project Field Experiment). Les points correspondent à des valeurs horaires entre 11 :15 et 23 :15UTC, les différents symboles à différentes humidité du sol (SM pour soil moisture). Les pointillés sont des isolignes deθe(issu de Betts et al., 1996).

- Nombre de Reynolds et régime de turbulence :

Le nombre de Reynolds est le rapport entre les forçages inertiels et visqueux.

Re = V L

ν (3.1)

Dans la couche limite, la vitesse horizontaleV est de l’ordre de 5 m s−1

, la longueur caractéristique L

supérieure à 100 m, et la viscosité de l’air est deν = 1.5×10−5

m2s−1

. Le nombre de Reynolds est donc de l’ordre de3 × 107, correspondant toujours à un régime turbulent. L’intensité de la turbulence s’étudie

à partir de l’énergie cinétique turbulente et le régime de turbulence à partir du nombre de Richardson. - L’énergie cinétique turbulente :

L’énergie cinétique turbulente permet d’estimer l’intensité de la turbulence. Elle correspond à la somme des variances des fluctuations de vitesse dans les trois directions (x,y,z).

e = 1 2(u ′2 + v′2 + w′2 ) (3.2) oùe s’exprime en m2 s−2

. L’intensité de la turbulence conditionne le transport de moment, de chaleur et d’humidité dans la couche limite. Pour étudier l’évolution de l’intensité de la turbulence, on dresse l’équation bilan d’énergie cinétique turbulente et on compare les valeurs relatives des termes de produc- tion et de destruction dee (cf paragraphe 2.1.3).

- Nombre de Richardson et effet relatif de la flottabilité et du cisaillement :

Le nombre de Richardson correspond au rapport entre la génération de turbulence par flottabilité et par cisaillement. Ainsi : Rf = g θvw ′ θv ′ u′ w′∂u ∂z + v ′ w′∂v ∂z (3.3)

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CHAPITRE 3. LA COUCHE LIMITE ATMOSPHÉRIQUE CONVECTIVE ET SA PARAMÉTRISATION DANS LES GCMS : LE MODÈLE DU THERMIQUE NUAGEUX En régime instable, le numérateur est positif etRf < 0. En régime stable, les deux flux sont négatifs et

le numérateur correspond à une inhibition plutôt qu’à une source. SiRf = 0, le régime est dit neutre.

Ce nombre s’exprime souvent en fonction des gradients, plus faciles à mesurer que les flux, en supposant que les flux sont proportionnels aux gradients. Ainsi, le nombre de Richardson “gradient” se définit comme : Ri = g θv ∂θv ∂z ∂u ∂z 2 +∂v∂z2 (3.4)

On constate qu’un écoulement laminaire devient turbulent typiquement lorsque Ri < Rc avec Rc de

l’ordre de 0.21 à 0.25 ; et qu’un écoulement turbulent devient laminaire lorsqueRi > Rt avec Rt = 1.

Lorsque les forces de flottabilité dominent, on parle de convection libre. Lorsque les forces de ci- saillement dominent, on est en présence de convection forcée. Pour chacun de ces deux régimes, on définit plusieurs échelles caractéristiques :

- Les échelles caractéristiques de convection libre :

En présence de convection libre, l’écoulement se caractérise par des cellules convectives d’une hau- teur comparable à celle de la couche limite, contrôlées par le flux de chaleur sensible en surface. Ainsi l’échelle de longueur caractéristique est zi, la hauteur de la couche mélangée. L’échelle de vitesse se

définit en fonction de la force de flottabilité liée au flux de chaleur sensible :

w∗

= (gzi θv

(w′

θv′)s)1/3 (3.5)

Cette vitesse est du même ordre de grandeur que les fluctuations de vitesse verticale dans les thermiques (quelques m s−1

). On peut aussi définir une échelle de temps comme le temps que met une particule pour aller du bas au sommet de la couche limite :

t∗

= zi

w∗ (3.6)

t∗

est de l’ordre de 5 à 15 min. A partir de w∗

, on peut aussi définir des échelles de température et d’humidité dans la couche mélangée (ML pour mixed layer) :

θ∗M L = (w′θv ′ )s w∗ ,q ∗M L = (w′q′)s w∗ oùθ∗

est du même ordre de grandeur que l’excès de température dans les thermiques (de 0.01 à 0.3 K), etq∗

est du même ordre de grandeur que l’excès d’humidité dans les thermiques (de 0.01 à 0.5 g kg−1

). - Les échelles caractéristiques de convection forcée :

En présence de convection forcée, l’écoulement est contrôlé par le cisaillement de vent, et on définit la vitesse de frictionu∗ : u∗2 = (u′ w′ )s2+ (v′ w′ )s2 (3.7)

qui permet de même de définir des échelles de température et d’humidité dans la couche de surface (SL pour surface layer) :

θ∗SL = (−w ′ θ′)s u∗ ,q ∗SL = (−w ′ q′)s u∗

Citons pour finir d’autres longueurs caractéristiques importantes dans la couche limite : - l’échelle de Kolmogorov :

Il s’agit d’une mesure de la plus petite échelle de turbulence.

η = (ν

3

ǫ )

où ν est la viscosité de l’air et ǫ la dissipation d’énergie cinétique turbulente. En 3D, la turbulence se

dissipe des grands tourbillons vers les plus petits,η étant de l’ordre du mm.

- La longueur d’Obukhov :

Elle est proportionnelle à la hauteur à laquelle la production de turbulence par flottabilité dépasse pour la première fois celle par cisaillement. Les deux termes s’égalisent àz ≈ 0.5L avec L :

L = −θvu ∗3 κg(w′ θv ′ )s (3.9)

où κ est la constante de Von Karman (de l’ordre de 0.4). Le jour, L est typiquement comprise entre

-150 m et 0, la nuit entre 0 et 200 m. Pourz << L, les effets de la stratification ne sont pas sensibles.

- La hauteur de la couche limite :

Il existe plusieurs façons de définir la hauteur de la couche limite. Celle-ci est souvent associée à la hauteur de la couche mélangée, soit la hauteur de l’inversion deθ. La hauteur de la couche limite peut

aussi être définie comme l’altitude à laquelle le flux de chaleur est minimum. Une autre façon de définir la hauteur de la couche limite est de faire l’hypothèse que la production turbulente doit s’annuler à son sommet, qui dépend alors d’un nombre de Richardson critique. La méthode dite de la parcelle détermine le sommet de la couche limite comme le niveau d’équilibre d’une particule d’air ascendante matérialisant un panache (Mathieu, 2000). Dans notre étude, on définira aussi la hauteur de la couche limite comme l’altitude moyenne à laquelle la vitesse verticale s’annule dans un panache ascendant sous l’effet de sa flottabilité puis par inertie.

3.1.2 Les structures organisées de la couche limite