2.2 Contexte général de la recherche
2.2.4 Quelques indicateurs sanitaires généraux au Burkina Faso
Les pays les plus pauvres, notamment en Afrique, sont ceux, en général, pour lesquels la part que constituent les dépenses privées dans les dépenses de santé est la plus élevée.
D’une manière générale, on estime qu’en 1994, les contributions gouvernementales constituaient en Afrique subsaharienne, 37% des dépenses totales de santé; cette proportion était de 43% pour les contributions privées et de 20% pour les donateurs (Shaw et Ainsworth 1995). L’enquête prioritaire de 1998 au Burkina a chiffré à 6 300 F CFA par personne et par an les dépenses de santé en moyenne dans l’ensemble du pays, soit 3,2% des dépenses totales annuelles (Banque mondiale 2003). On a estimé que les ménages de la région de Kossi dépensent 6,2% de leurs revenus annuels en frais liés aux soins de santé (Sauerborn, Adams et al. 1996). La part que constituent les dépenses publiques hors dons semble en légère augmentation au Burkina Faso, puisqu’en 1990 elle était de l’ordre de 25% alors qu’en 1999 elle dépassait légèrement les 30% (World Bank 2001). Le tableau suivant permet de comparer le niveau des dépenses de santé entre le Burkina Faso, quelques-uns des pays voisins et le Canada.
Tableau 9 : Évolution des dépenses de santé au Burkina Faso comparativement à deux pays voisins et au Canada
Dépenses totales de santé en US$ (taux de change moyen)
Dépenses gouvernementales de santé en US$ (taux de change moyen)
Per capita 1997 1998 1999 2000 2001 1997 1998 1999 2000 2001 Burkina Faso 7 8 8 6 6 5 5 5 4 4 Côte d'Ivoire 48 54 51 42 41 9 10 10 6 7 Mali 10 11 10 10 11 5 4 3 4 4 Canada 1864 1835 1949 2102 2163 1305 1297 1372 1490 1533
Dépenses totales de santé en % du PNB
Dépenses gouvernementales de santé en % des dépenses totales
de santé 1997 1998 1999 2000 2001 1997 1998 1999 2000 2001 Burkina Faso 3,5 3,5 3,8 3,5 3,0 67,1 65,3 66,6 63,5 60,1 Côte d'Ivoire 6,2 6,4 6,3 6,2 6,2 19,0 19,2 20,0 15,4 16,0 Mali 4,2 4,2 4,1 4,7 4,3 43,3 37,5 32,6 38,9 38,6 Canada 8,9 9,1 9,1 9,1 9,5 70 70,7 70,4 70,9 70,8 Source : OMS 2003
Les trois premiers donateurs d’aide publique au développement pour le Burkina Faso, par ordre décroissant, sont la Banque mondiale, la France et l’Union Européenne. En 2002, le total de l’aide représente 473 millions de dollars US. En moyenne sur la période 1998- 2000, seulement un peu plus de 4% de l’ensemble de l’aide est consacré au domaine de la santé dont près de la moitié (49%) pour le secteur « politique de santé et administration ».
Les trois premiers bailleurs de fonds sont l’Allemagne, la Banque africaine de développement et la France (OCDE 2004).
L’allocation réservée au MS dans le budget global de l’État ne répond, ni aux recommandations habituelles de l’OMS, ni à l’engagement de l’État en 1996 (ministère de la Santé 1996d), soit un minimum de 10%. En 2002, selon les statistiques du MS, seulement 7,09% du budget national est consacré au MS30. Il faut se souvenir que selon
Traoré et Sondo (1997), cette proportion était de 11,2% sur la période 1960-64 et 9,3% pour 65-69. En 1999, 11% du budget de la santé a été destiné à la lutte contre le VIH-sida (Boily, Martin et al. 2003). Malgré une augmentation du budget nominal du MS (ministère des Finances et du Budget 2003), cette proportion est en baisse constante depuis quatre ans après avoir connu une hausse pendant les années 96-99 accordant un peu de réconfort aux agents de santé à la suite d’une très nette baisse pendant plus de 20 ans, tel que l’illustre le graphique suivant. Selon la loi de finance 2004, la part du budget de l’État consacrée à la santé serait de 9,2% (Ministère de l'économie et du développement 2004b). Nous sommes encore en dessous des 10% préconisés par l’OMS ou des 12% prévus par le gouvernement dans l’application des mesures d’ajustement structurel 2000-2002 (IMF 1999) et des 13% que l’on souhaite atteindre en 2006 (Ministère de l'économie et du développement 2004b). L’objectif de 8% pour l’an 2000 (ministère de la Santé 1996c) a été dépassé… mais immédiatement oublié une fois atteint. Il faut ici ajouter que contrairement à l’analyse de certains membres du MS, cette faible allocation budgétaire ne trouve aucunement ses origines dans le « sous-développement » (CHR Ouahigouya 2003, p. 25) mais plutôt dans des choix de société (voir la note de bas de page n° 28), tels que les exemples de Cuba, du Costa Rica ou encore de l’État du Kerala tendent à le montrer (Sen 2000b).
30 La proportion du budget consacrée à la Défense serait, quant à elle, de 7% en 1999 (Ministère de
l'économie et des finances 2000). En 2002, le budget militaire serait de 33,3 milliards de F FCA (IMF 2003) alors que celui de la santé de 37,3. Selon la loi de finance 2004, le budget national consacré à la Défense (34 700) est quasiment le même que celui pour la santé (34 434), soit environ un peu plus de 9%.
Figure 7 : Évolution de la part du budget du MS (en %) dans le budget de l’État entre 1974 et 2002 4,00 5,00 6,00 7,00 8,00 9,00 10,00 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 % b u d g et san té/ É tat
Sources : rapports annuels de la DEP/MS compilés par l’auteur
De surcroît, d’une manière générale, « on observe que les régions les plus pauvres
bénéficient de subventions publiques les plus faibles par habitants » (PNUD 2000, p. 126)
et, dans le domaine de la santé, les déséquilibres persistent en ce qui concerne l’allocation attribuée aux différents échelons de la pyramide sanitaire. Le tableau suivant illustre cet état de fait pour l’année 1998.
Tableau 10 : Répartition du budget de l’État du Burkina Faso en 1998 (sans les salaires) par niveau
Distribution % Hôpitaux centraux (2) 22 Administration centrale 29 Hôpitaux régionaux (9) 9 Administration régionale (11) 1 Districts sanitaires (53) 14
Autres dépenses (école de santé publique,
laboratoire national, formation…) 25
Total 100
Source : Bodart, Servais et al. 2001
En 1999, le MS a octroyé 3,9 milliards de FCFA pour les deux CHN, 2,8 milliards pour les neuf CHR et 1,7 milliards pour les 53 districts sanitaires du pays (Banque mondiale 2003). Les coûts totaux prévus dans le PNDS pour la période 2003 à 2010 pour l’organisation des programmes spécifiques (la moitié du budget total du PNDS) sont répartis à 55% pour le
niveau central, 6% pour les régions et 39% pour les districts (ministère des Finances et du Budget 2003).
Entre les périodes 1987-1991 et 1992-1999, l’effectif du personnel du réseau sanitaire public a augmenté de plus de 40%. Les effectifs par habitant ont également crû pour la plupart des catégories de personnel puisque le ratio total (personnel/population) est en augmentation de 20% (Nougtara, Ouedraogo et al. 2001). Selon le MS, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso (16% de la population) bénéficiaient en 1998 de 57% des médecins et 55% des sages-femmes, alors que les autres régions du pays (84% de la population) se partageait le reste (Bodart, Servais et al. 2001). Outre cette inégalité régionale de la répartition des ressources humaines, nous savons que l’utilisation des services traduit également la présence d’iniquité. L’analyse produite par le MS en 2000 atteste largement ces problèmes d’équité et d’accessibilité (ministère de la Santé). Par exemple, alors que 86,2% des femmes du quintile des ménages les plus riches du pays ont la chance de pouvoir accoucher avec du personnel de santé qualifié, ce taux n’est que de 25,8% pour celles du quintile le plus pauvres (World Bank 2000). Le tableau de la page suivante, produit à partir de la base de donnée de la Banque mondiale (World Bank 2000), permet de constater l’ampleur des inégalités au regard de quelques indicateurs significatifs, ce qui n’est pas un trait constitutif du Burkina Faso31, devons-nous souligner. Il faut ajouter que le taux de mortalité infantile
est environ deux fois plus élevé dans la majeure partie des régions rurales que dans la capitale (Lachaud 2002). Quelques détails spécifiques aux inégalités de santé dans la région où s’est déroulée cette recherche sont donnés plus bas.
31 Pour deux synthèses récentes sur les inégalités de santé, voir : (Leclerc, Fassin et al. 2000; Mackenbach et
Tableau 11 : Distribution de quelques indicateurs sanitaires en fonction du quintile de revenu des ménages
Quintiles de revenu Moyenne Ratio
Indicateurs Le plus bas Second Troisième Quatrième Le plus haut Population + Bas/ + Haut Mortalité des moins de 12 mois pour 1000
naissances
113,6 113,0 129,8 98,6 79,7 107,6 1,425
Mortalité des moins de 5 ans pour 1000
naissances 199,2 223,9 237,3 198,6 156,4 204,5 1,274
Naissances par femmes de 15-49 ans 7,5 6,7 7,1 7,0 4,6 6,5 1,630
Couverture vaccinale enfants 12-23 mois (%)
Rougeole 46,1 57,8 58,7 60,4 75,4 59,6 0,611
DPT3 22,6 36,6 32,5 46,6 66,3 40,6 0,341
Toute 17,6 31,1 28,2 38,9 58,6 34,6 0,300
Aucune 20,3 14,3 17,5 10,5 2,1 13,1 9,667
Accouchement (%)
par une personne formée 25,8 25,8 30,7 47,1 86,2 41,4 0,299
par un médecin 0,6 0,3 0,8 1,0 4,6 1,3 0,130
dans un centre public 27,5 28,3 30,3 49,8 83,1 42,3 0,331
dans un centre privé 0,1 0,1 0,0 0,3 3,3 0,7 0,030
à la maison 72,0 70,9 68,6 49,3 12,6 56,3 5,714
Sur le plan national, on observe une amélioration substantielle de la couverture théorique en infrastructures sanitaires périphériques de premier niveau (CSPS), puisque le ratio est en baisse constante jusqu’au début des années 1990, passant de 28 000 en 80 à 16 000 habitants par CSPS en 91.
Les défis sanitaires restent cependant immenses (voir tableau32), pour faire en sorte que le
pays puisse respecter les trois principes guidant sa politique de santé, tels que définis aux premiers « États Généraux de la Santé », soient : l’équité, la participation communautaire et la collaboration intersectorielle (Ouedraogo 1999).
Tableau 12 : Quelques indicateurs de santé au Burkina Faso de 1985 à 2003
1985 1990 1995 2000 2003 Prévalence de la malnutrition (% d'enfants de moins de
5 ans) ~ 32.7 32.7* ~
Espérance de vie á la naissance (an) 45 45 45 44 43
Enfants avec un petit poids de naissance (%) 19
Taux de mortalité infantile (pour 1000) 129 118 110 107 107 Taux de mortalité des moins de 5 ans (pour 1000) 229 210 202 207 207 Taux de mortalité des adultes femmes (pour 1000) ~ 338 ~ 507
Taux de mortalité des adultes hommes (pour 1000) ~ 429 ~ 559
Taux d'accroissement annuel (%) 2 2 2 2
Taux de fertilité (naissance par femme) 7.3 7.0 6.8* ~ Taux de mortalité maternelle (pour 100.000) # ~ 939 930 Taux de vaccination contre la rougeole (% d'enfants de
moins de 12 mois)
38 79 43 46 46
Taux de vaccination DTP (% d'enfants de moins de 12 mois)
9 66 34 41 41
Note : * = données pour 1998 ; ~ = données non disponibles ; # l’objectif 2014 est de baisser ce taux à 450/100.000 (Ministère de l'économie et des finances 2000), certaines estimations contredisent ces nombres avec un taux de 480.
Sources : World Bank 2001, 2003a, 2004
32 Compte tenu de la difficulté d’obtenir des données fiables dans les pays du Sud et de l’incohérence
potentielle des données entre différents rapports consultés (il y a par exemple presque 10 ans d’écart pour l’espérance de vie entre les données ministérielles et celles de sources externes), nous avons privilégié une seule source d’information pour la réalisation de ce tableau, la Banque Mondiale. Sur cette question, voir l’excellent article de (Naudet 2002) qui légitime, en partie, notre choix (p. 52).