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De l’anthropologie du développement à la science politique pour comprendre le rôle des acteurs

2.3 Cadre d’analyse

2.3.2 L’importance des acteurs dans la mise en œuvre

2.3.2.2 De l’anthropologie du développement à la science politique pour comprendre le rôle des acteurs

Pour entreprendre cette démarche, il faut dépasser la « simple » stakeholder analysis (Reich 1996; Brugha et Varvasovszky 2000). Il nous semble qu’une cartographie des acteurs permettant de les positionner relativement à leur adhésion/opposition à l’égard du changement introduit ne suffit pas. Il est intéressant d’avoir recours aux analyses et de tenter de comprendre pourquoi de telles attitudes se manifestent et comment un programme d’origine exogène est « internalisé », ou pas, et « réinterprété » par les acteurs sociaux (Long et Long 1992). Pour ce faire, nous pouvons nous inspirer des théories du changement social, puisque le système de santé, dans notre acception, est « un système social d’activités

politiques » (Dufour et Lamothe 1999. p,321).

La socio-anthropologie du développement, de plus en plus utilisée en santé publique (Lefèvre et de Suremain 2002), nous semble particulièrement appropriée pour poursuivre en ce sens compte tenu du contexte particulier de la mise en œuvre de l’IB. En effet, il s’agit bien là de la mise en œuvre d’une politique de santé spécifique aux pays du Sud, d’origine largement exogène, où l’interaction entre les agents de développement (expatriés ou non) et les populations bénéficiaires est intense. Trois principaux courants se distinguent au sein de l’anthropologie du développement (Olivier de Sardan 2002b).

Le premier, appelé approche déconstructionniste, étudie principalement le discours du développement en mettant l’accent sur les écarts entre cette rhétorique et les pratiques et en présentant le développement sous l’angle de la domination des habitants des pays du Sud par ceux du Nord.

Le deuxième courant, qualifié d’approche populiste, accorde une importance capitale et utopique aux « savoirs indigènes » prêtant aux populations locales et aux acteurs « d’en bas » toutes les compétences et capacités imaginables.

Enfin, la dernière école se situe entre les deux ; elle cherche à étudier et à comprendre les relations entre ces deux courants précédemment décrits. Olivier de Sardan (2002b) qualifie

cette troisième approche de « néo-interactionniste », trouvant une partie de ses racines dans l’interactionnisme de l’université de Chicago. Cette école de pensée n’est pas la seule dans ce domaine puisqu’un sociologue anglais développe depuis plus de 20 ans une approche comparable, orientée vers les acteurs. Norman Long nous explique que des conditions structurelles identiques peuvent développer des formes sociales différentes engendrées par les acteurs, socialement construits. Pour lui, il est donc essentiel, pour analyser l’implantation d’une intervention (conçue comme un processus permanent, socialement construit et négocié) « d’identifier et de caractériser les différentes stratégies et rationalités

des acteurs, les conditions dans lesquelles elles émergent, leur viabilité ou efficacité à résoudre des problèmes spécifiques, et leurs résultats structurels » (Long 1994, p.21)».

Olivier de Sardan trouvant cette approche trop fermée, assez peu renouvelée et ne s’adaptant pas toujours aux conditions locales propose, avec ses collègues francophones de l’APAD39, une perspective différente et complémentaire. Ils mentionnent qu’il est

nécessaire de se concentrer sur l’analyse des interactions entre les acteurs sociaux dont les cultures sont différentes (Olivier de Sardan 1995a). Pour eux, il est important de faire l’inventaire des contraintes subies par les uns et les autres et de décrypter les stratégies déployées par ceux-ci. Ils précisent, reprenant en partie le concept d’agencéité de Giddens et ce que Strauss nomme « le potentiel créatif des individus » (Strauss 1992, p.270), que les acteurs disposent d’une marge de manœuvre et qu’ils ne sont pas uniquement sous la dépendance de déterminants sociaux ou de pesanteurs culturelles. Le paradigme d’une certaine sociologie des organisations (Crozier et Friedberg 1977) est très proche de cette approche à tel point que certains membres de l’APAD s’y réfèrent largement (par ex : Berche 1998). Ils ajoutent qu’il faut « décrire les représentations et systèmes de sens

mobilisés par les groupes en interaction et [étudier] les dynamiques de transformation de ces représentations et systèmes de sens » (p. 6). Dans le contexte du développement où,

comme nous l’avons vu, les innovations sont souvent d’origine exogène, il est fondamental d’analyser le décalage entre les divers intérêts et rationalités des «développeurs» mais également des «développés». Il est ainsi essentiel de ne pas limiter notre analyse à la compréhension des groupes sociaux en tant que tels, mais il faut déplacer notre réflexion

vers «l’élucidation des liens d’échange, d’alliance, de rejet ou d’exclusion » (Berche 1998, p.27) pour finalement tenter de comprendre comment les acteurs d’un projet de développement sanitaire en sont arrivés à cet ordre négocié (Strauss 1992). Dans une autre sphère que celle de l’anthropologie mais plus proche de notre approche de santé publique et en phase avec le néointeractionnisme, Navarro (2004) demande à ce que la vision de la domination du Nord par le Sud soit écartée au profit d’une compréhension d’un monde dominé par des alliances sociales tant au Nord qu’au Sud, dans le but de contrer les velléités de redistribution des ressources — et nous verrons plus loin la pertinence de son propos lorsqu’il s’agit d’évoquer le concept de pouvoir — à leur détriment.

On le constate, J-P. Olivier de Sardan ne met aucunement en avant de théories ou de modèles d’explication. Il préfère plutôt construire et analyser ses études de cas autour des concepts exploratoires40 que sont les savoirs-techniques populaires, les logiques, la notion

de courtage, l’arène et les groupes stratégiques. Nous passerons en revue ces cinq concepts en les adaptant au contexte de notre étude et en donnant des précisions, lorsque nécessaire, à partir des connaissances développées dans le champ de la recherche sur les politiques publiques.

ƒ Les savoirs-techniques populaires s’opposent et se confrontent aux savoirs-technico- scientifiques apportés par les agents de développement. Ces derniers se retrouvent à jouer la médiation entre ces deux types de savoirs. Précisons que ces savoirs populaires ne sont aucunement figés, ils sont différents en fonction des contextes et des individus. Dans le cas de l’IB, il semble important de prendre en compte les savoirs populaires de gestion, enchâssés dans les normes sociales exigeant l’ostentation et la redistribution (Olivier de Sardan 1991) pour comprendre ces pratiques de thésaurisation que nous avons décrites plus haut.

ƒ « Évaluer les politiques […] c’est aussi identifier les logiques sociales, bureaucratiques

et technocratiques, qui provoquent des décisions à responsabilité très limitée » dit

Bernard Hours (2001, p.18). Olivier de Sardan (1995) nous explique que « au-delà

d’une infinie variété potentielle des actions et réactions individuelles, on a affaire à un

nombre relativement fini de comportements » (p. 126). Dans une note de bas de page, il

définit le terme de logique comme « les diverses lignes de cohérences que l’observateur

déduit à partir d’une observation empirique d’ensembles de pratiques particulières différentielles, sans préjuger d’une théorie » (p. 127). Ainsi, en ce qui concerne les

logiques déployées lors de la mise en œuvre de l’IB en général ou de projets de développement visant son organisation en particulier, nous pouvons nous référer aux logiques habituellement rencontrées dans ce type de contexte par l’ensemble des acteurs sociaux. Il s’agit notamment de celles de la sélection des éléments, des messages ou des politiques, du détournement des actions vers d’autres objectifs que ceux initialement fixés, de la recherche de la sécurité ou plus exactement de la réduction des risques, de «l’assistancialisme» autrement compris comme la volonté de maximiser les aides apportées de l’extérieur, ou encore de l’accaparement et de l’appropriation de cette aide par certains groupes particuliers (Olivier de Sardan 1990). On a aussi récemment mis au jour, à l’aide de données empiriques concernant les politiques publiques africaines, la présence de logiques, d’ignorance (entre des systèmes de valeurs, par exemple), de compétition et d’exclusion ou encore de convergence (Winter 2001). C’est notamment sur ce point de l’approche de l’anthropologie du développement, celui de l’interaction entre les acteurs, que nous avons un intérêt heuristique à introduire la question du pouvoir et du contrôle des ressources par les acteurs politiques, le pouvoir étant compris comme la source et la cause sous-jacente de l’émergence de ces logiques (que nous pourrions aussi qualifier de stratégies). Effectivement, « c’est par l’exercice du pouvoir

que se réalisent ou non les politiques publiques, bien loin de se dérouler d’elles- mêmes » (Lemieux 2002, p.22). Dans l’analyse concernant l’interprétation des réformes

sanitaires par les acteurs sociaux, le concept de pouvoir doit être pris en compte (Collins, Green et al. 1999). En Afrique, un anthropologue nous explique que « les

inégalités reflètent le pouvoir des acteurs sociaux » (Levy 2001). La définition des

politiques publiques sur laquelle s’appuyait notre présentation de l’IB au début du premier chapitre était descriptive et générale. Ici, une politique publique est définie comme une tentative de régulation des problèmes publics par des acteurs qui veulent contrôler des décisions concernant leurs propres ressources (Lemieux 2001). La question de la distribution des ressources au profit des campagnes et des plus pauvres

est un enjeu majeur de l’IB. Dans notre cas, l’accès aux soins et l’efficacité des services sont les deux problèmes à régler. Pour résoudre ces deux difficultés, il faut que les acteurs disposent d’une capacité à contrôler les décisions qui porte sur des enjeux et qui leur permette de satisfaire leurs propres préférences. Il s’agit là, du concept de pouvoir selon Lemieux (2002), qui doit constituer la pierre angulaire de « toute analyse sérieuse

de l’action collective » (Crozier et Friedberg 1977, p. 25), telle qu’appliquée, par

exemple, par les chercheurs français du centre de sociologie des organisations lors de l’étude d’une politique publique dans les années 1970 (Dupuy et Thoenig 1979). Les enjeux concernent les décisions prises à propos des ressources dont les acteurs en question disposent, car finalement « use of resources is a direct function of intensity of

preference » (Pressman et Wildavsky 1984, p. 117). Il existe de nombreux types de

ressources, que nous pouvons sérier, suivant ainsi la typologie de Lemieux (2002), en sept catégories permettant conséquemment de les considérer, à la suite de Crozier et Friedberg (1977), comme des attributs positifs des acteurs (atouts) ou des dispositions d’un caractère mobilisable (enjeux). Il s’agit des ressources normatives (normes), statutaires (postes), « actionneuses » (commandes), relationnelles (liens), matérielles (supports), humaines (effectifs) et enfin les ressources informationnelles (informations). Évidemment, d’une part, dans l’exercice du contrôle, plusieurs ressources sont en mesure d’être employées en même temps, et d’autre part, les ressources dont dispose un acteur sont à comparer avec celles des autres acteurs concernés puisque le pouvoir est toujours relationnel. De plus, il faut voir ces ressources comme des atouts permettant aux différents acteurs de faire en sorte que les décisions soient prises en fonction de leurs préférences personnelles. Si nous nous référons à cette typologie, le détournement ou la thésaurisation de l’argent correspondent au désir de contrôler les ressources matérielles (ou support) ; la sélection des messages à transmettre aux villageois et aux indigents renvoie aux ressources informationnelles (ou informations), la réticence à organiser un processus démocratique pour l’élection des comités de gestion des centres de santé équivaut aux ressources statutaires (ou postes).

ƒ Le concept exploratoire de l’arène provient des travaux d’analyse anthropologique du jeu politique et de la compétition entre les acteurs (Bailey 1971). Dans le contexte de l’anthropologie du développement, l’arène est entendue au sens de lieu où les acteurs

sociaux s’affrontent et sont en interaction permanente à propos d’enjeux particuliers qu’ils ont en commun. En ce qui concerne notre étude, un projet de coopération bilatérale ayant pour but d’appuyer une direction régionale de la santé du Burkina Faso dans la mise en œuvre de l’IB pourrait être assimilé à une arène.

ƒ Quant aux groupes stratégiques41, ils se situent principalement au niveau local. Ils

doivent être conçus comme une hypothèse de travail pour les chercheurs. En effet, il arrive bien souvent que les groupes préalablement déterminés par les responsables d’un projet de développement, par exemple, soient bien différents des groupes qui se constitueront au gré des enjeux et conflits liés aux projets (Lavigne Delville 2000; Bako-Arifari et Le Meur 2001). Ces groupes sont constitués d’acteurs sociaux qui a

priori partagent une vision commune et une stratégie semblable à propos d’un objet

particulier. Dans l’analyse de son projet de coopération allemande au Mali, Berche (1998) a identifié les groupes suivants : le personnel sanitaire, la clientèle, les administrateurs de commandement et l’organisation-projet. Ces groupes empiriquement construits sont en phase avec la typologie de Lemieux (2002), ajoutant à la distinction de Kingdon (1995) entre les acteurs agissant à l’intérieur de l’appareil gouvernemental et ceux situés à l’extérieur, le fait qu’ils soient spécialisés ou non. Ainsi, quatre groupes d’acteurs seraient à distinguer, selon le tableau suivant, qui est également appliqué au cas de l’IB dans un district africain. Il faut, en revanche, préciser que ces catégories représentent des rôles à un moment donné et qu’une personne est en mesure d’occuper, dans un système politique donné, plusieurs rôles.

Tableau 16 : Les groupes d’acteurs dans la mise en œuvre de l’IB Par rapport à

l’appareil gouvernemental

Définitions Caractéristiques Exemples liés à l’IB

Responsables Non spécialisés Politiques Maire, Préfet, Ministre de la santé DEDANS

Agents Spécialisés Bureaucrates Infirmier chef de poste, médecin chef du district Particuliers Non spécialisés Électeurs, patients Utilisateurs et non-utilisateurs DEHORS

Intéressés Spécialisés Experts, groupes professionnels Comité de gestion, Experts internationaux, responsables ONG Sources : Kingdon (1995) et Lemieux (2002)

Cette différenciation peut être pertinente dans la compréhension des résultats de la mise en place de l’IB, au regard de la théorie des courants, puisque nous savons, a priori, que certains groupes d’acteurs interviennent plus que d’autres selon les étapes et les courants qui traversent le processus des politiques. Par exemple, les responsables sont les principaux acteurs intervenant dans la phase de la formulation (Nakamura et Smallwood (1980) cité par Rist 2000), les experts seront plus enclins à intervenir dans le courant des solutions tandis que les groupes d’intéressés seront plus à même de guider le courant des orientations (Lemieux 2002). Nous oserions avancer l’idée bicéphale que si l’IB a échoué en ce qui a trait à l’objectif d’équité c’est que, d’une part, aucune de ces quatre catégories d’acteurs, en tant que groupe et en tant qu’individu entrepreneur politique, ne s’est sentie préoccupée par la question de l’absence d’équité, et, d’autre part, le groupe d’intéressés habituellement au premier plan dans le courant des orientations n’est pas non plus intervenu pour rapprocher ce courant des deux autres (en favorisant ainsi la mise en place) afin de soutenir cet objectif ou de trouver une nouvelle solution à un problème non résolu (en permettant une re- formulation). Aussi, les deux dernières hypothèses qui émergent sont les suivantes :

• Hypothèse 5 : L’échec de la mise en œuvre de l’IB en ce qui concerne son

objectif d’équité s’explique notamment par le fait qu’aucune des quatre catégories d’acteurs ne s’est sentie préoccupée par l’absence d’équité ;

• Hypothèse 6 : L’échec de la mise en œuvre de l’IB en ce qui concerne son

objectif d’équité s’explique notamment par le fait que le groupe des intéressés n’est pas intervenu pour favoriser la mise en œuvre ou la re-formulation de la politique.

Notre proposition a récemment été en partie vérifiée dans le contexte ougandais. Malgré une volonté politique claire de poursuivre un objectif d’équité dans la décentralisation du système de santé, les responsables des centres de santé locaux, obligés d’assurer un financement récurrent de leurs activités par l’intermédiaire du paiement direct, n’ont rien fait pour permettre aux plus pauvres d’avoir accès aux soins (Kivumbi et Kintu 2002). ƒ Enfin, le concept de courtage évoque le rôle joué par des intermédiaires, au sein d’une

arène locale, entre les projets de développement et les populations bénéficiaires. Dans

un contexte africain où l’État n’est plus le seul récipiendaire de l’aide internationale et où cette aide crée une dépendance certaine, les médiateurs et autres «courtiers locaux du développement » ont un rôle prépondérant dans l’implantation des interventions extérieures (Bierschenk, Chauveau et al. 2000). Ces courtiers définissent les besoins des populations, adaptent leurs discours à l’ouïe des « développeurs » (Jaffré 1999a), et s’accaparent l’aide pour des raisons politiques ou bassement matérielles. En fonction de sa position dans l’arène locale, l’intermédiaire agira selon des stratégies particulières lui permettant de s’implanter, de s’affirmer, de renforcer son pouvoir ou de tenter de sortir de cette arène (Olivier de Sardan 1995a; Bako-Arifari et Le Meur 2001). Nous pouvons même avancer que ces courtiers du développement sont conceptuellement assez proches42 des entrepreneurs politiques de Kingdon (1995) puisqu’ils cherchent à coupler

les trois courants mais également à défendre leurs propres solutions et intérêts. Ces personnages disposeraient de qualités spécifiques, comme celles d’être en position d’être écoutés et reconnus, de disposer de compétences en négociation ou d’avoir un réseau politique et enfin celle d’être obstiné (Kingdon 1995). Pour reprendre la théorie des courants utilisée précédemment et appliquée dans ce cas à la mise en œuvre de l’IB dans un district africain, ces courtiers s’arrangent pour que des projets s’implantent (courant des solutions) afin de répondre à des problèmes de la communauté qu’ils sont censés représenter (courant des problèmes).

Bien que cette perspective nous laisse un peu à notre propre sort au niveau de l’explication des interactions, elle présente l’avantage de ne pas nous cantonner dans un modèle trop structuré. En outre, la pertinence de suivre, tout ou partie, des concepts d’Olivier de Sardan (1995) est renforcée par la définition qu’il donne à l’objet de son ouvrage de référence : « comment des propositions de changement induites de l’extérieur se confrontent-elles à

des dynamiques locales ? » (p. 22). Utilisant ce type d’approche dans l’écriture de son

ouvrage doctoral à propos d’un projet de santé publique au Mali, Thierry Berche émet

42 Ce rapprochement conceptuel mériterait plus de réflexion que nous pouvons lui accorder dans cette thèse

car si certains auteurs ont dit que « le courtier est un « entrepreneur » » (citant les travaux de Boissevain (Bierschenk, Chauveau et al. 2000), p. 20), la fonction de courtier en développement nous semble très spécifique dans le sens où elle concourt uniquement à la rencontre des projets de développement avec les populations bénéficiaires.

l’hypothèse suivante « l’élucidation des logiques et des stratégies d’action des acteurs

sociaux pertinents permettra de connaître, au moins partiellement, la nature, le degré, les raisons et les conditions de la dynamique d’appropriation éventuelle ou de non- appropriation » (Berche 1998, p.35).

Eu égard aux appréciations émises dans les chapitres précédents, il est important de comprendre que l’influence des acteurs et du contexte évolue au cours des différents sous- processus des politiques de santé. Cette question des contraintes apposées au processus a également été mise en avant par Kingdon (1995) et précisée dans la dernière édition de son ouvrage « empiriquo-théorique ». Ainsi, adaptant le cadre d’analyse utilisé pour l’évaluation et l’explication de la mise en œuvre de l’IB dans trois pays africains par Gilson et al. (2000), nous proposons une représentation schématique de notre cadre d’analyse de recherche (figure 27) par l’entremise de l’emboîtement des approches de l’anthropologie du développement et de l’étude des politiques publiques. Il s’agira donc de s’intéresser

particulièrement, en considérant les cinq hypothèses émises à partir de la théorie des courants, au jeu des acteurs et de l’exercice du pouvoir dans la mise en œuvre de l’IB, compris comme la rencontre du courant des problèmes avec celui des solutions (étant entendu que le courant des orientations n’est pas loin), afin d’élucider les raisons, dans le contexte d’un district sanitaire, expliquant pourquoi les acteurs se sont focalisés sur l’efficacité et non sur l’équité. L’hypothèse avancée concernant les effets de

l’IB est également présentée dans ce schéma, puisqu’il permet de mieux visualiser la théorie des courants.

D’un point de vue épistémologique, ces hypothèses doivent être comprises comme des propositions de départ (et non d’arrivée), nous permettant d’orienter notre recherche empirico-inductive, et non comme des hypothèses à vérifier selon une approche positiviste. Si le terme « hypothèse » est essentiellement employé dans les recherches hypothético- déductives, certains auteurs l’emploient également à l’occasion de recherche qualitative