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2.2 Contexte général de la recherche

2.2.2 Les politiques de santé et leurs instruments

L’évolution du système de santé burkinabé, compris selon la définition de l’OMS, comme étant « toutes les activités dont le but essentiel est de promouvoir, restaurer ou entretenir la

santé » (OMS 2000), est le reflet des changements socio-économiques et politiques qui ont

jalonné l’histoire récente du pays. Cette évolution, selon nous (Nitièma, Ridde et al. 2003), peut se subdiviser en quatre grandes périodes.

Pendant la première période (1960-1979), la Haute-Volta, actuel Burkina Faso, à l’instar de la plupart des pays au sud du Sahara, a opté pour la gratuité des soins proposés par les services publics. La stratégie principale d’action dans le cadre de ce système post-colonial consistait à lutter contre les grandes endémo-épidémies de l’époque (variole, méningite, etc.) par l’intermédiaire d’équipes de santé mobiles et d’infrastructures socio-sanitaires localisées dans les grands centres urbains. La lecture des différents rapports annuels statistiques des années 1970 permet de se rendre compte d’activités des « équipes mobiles de prospections »28, au nombre d’une vingtaine dans le pays. Il faut ici ajouter, et cela nous

paraît une donnée importante pour comprendre le contexte de cette recherche sur l’équité, que l’offre de soins, telle que mise en œuvre à cette époque, n’est pas organisée en fonction des besoins des populations mais au regard de critères d’importance numérique de la population, de satisfaction de normes internationales ou encore de rentabilité des investissements (Meunier 1999). Puis, la nécessité d’une meilleure planification pour faire face à la récession économique et à la détérioration de la situation sanitaire a donné naissance à la création des premiers outils de planification : les plans quinquennaux de développement sanitaire. Bien évidemment, ces derniers mettaient l’accent sur les programmes de contrôle des grandes endémies, mais également sur le développement des services de base, notamment à destination des populations rurales. Le système de santé est organisé en 10 secteurs médicaux. Au cours de cet intervalle temporel, les orientations politiques en matière de santé sont présentées, après le premier plan cadre de développement 1967-1970, dans le plan quinquennal (1972-1976) et également au sein du « discours programme » du Chef de l’État prononcé le 30 mai 1978 (Direction de la santé publique 1973; Drabo 2002).

La deuxième période correspond à celle des auto-ajustements macro-économiques (1980- 1990). C’est au cours de cette période qu’est intervenue, à la faveur d’un soulèvement populaire le 4 août 1983, la révolution démocratique et populaire (RDP) dirigée par le capitaine Thomas Sankara. Ce régime, très autoritaire, accordait tout de même beaucoup de

28 Il faut noter ici une surprenante « continuité administrative » puisque les colons avaient créé ce type de

services dès les années 40 avec les fameux services généraux d’hygiène mobile et prophylaxie (Van Lerberghe et de Brouwere 2000).

pouvoir au peuple¸ à travers la mise en place de comités de défense de la révolution (CDR) dans les villages, les secteurs et les lieux de travail. Ces comités avaient un pouvoir décisionnel important, jadis détenu par les chefs de village et autres chefs coutumiers et religieux. Le discours d’orientation politique du 2 octobre 1983 permettait aux « révolutionnaires » d’identifier les quatre axes forts de leur politique de santé : une santé à la portée de tous, une assistance et une protection maternelle et infantile, une politique d’immunisation à l’aide de la multiplication des campagnes de vaccination et enfin, une sensibilisation « des masses » à l’acquisition de bonnes habitudes d’hygiéne (ministère de la Santé 1987). Le 15 octobre 1987, un coup d’État sanglant, et sans précédent dans l’histoire du pays, mit fin à ce régime. C’est durant la RDP qu’a été lancée, en 1985, l’opération « un village, un PSP ». L’ambition de cette opération était de contribuer à l’atteinte de l’objectif : « la santé pour tous en l’an 2000 » à travers l’implantation, dans chaque village du pays, d’un poste de santé primaire (PSP). L’échec de cette politique a été récemment analysé (Nitièma, Ridde et al. 2003). De même, du 25 octobre au 10 novembre 1985, l’opération « vaccination commando » permit de vacciner plus d’un million d’enfants contre la rougeole, 2,6 millions contre la méningite et 2,1 millions contre la fièvre jaune. Auparavant, à partir de 1983, s’était opérée une réorganisation administrative du territoire national en provinces. Trente directions provinciales de la santé, considérées comme des niveaux déconcentrés du système sanitaire, furent créées en 1984 avec le mandat d’implanter la politique définie par le ministère de la Santé, au niveau central. Il y a donc une concordance entre le dispositif d’organisation sanitaire et celui du découpage politico- administratif, selon un analyste burkinabé (Drabo 2002). Cette période, qui correspondait à celle couverte par la première planification sanitaire décennale29, a offert une place de choix

à la participation communautaire en matière d’organisation et d’offre de services. Les unités mobiles disparaissent graduellement. Un plan quinquennal de développement sanitaire est adopté pour la période 1986-1990, dont l’une des stratégies, selon Drabo (2002), aurait été la recherche d’une meilleure équité dans la répartition des ressources. C’est en 1985 que la Direction nationale de la santé publique était supprimée et toutes les directions, en phase avec les orientations politiques de l’époque, furent directement

rattachées au Secrétariat général du ministère de la Santé (MS). C’est également au cours de cette période, en 1987, que le pays adhéra, sans encore l’appliquer, à l’IB.

Puis, la décennie des années 1990 avec l’implantation des premiers programmes d’ajustements structurels, a vu naître une réflexion sur la mise en place d’un système intégré de santé de district en 1991. Un plan quinquennal de développement sanitaire fut adopté pour la période 1991-1995 de même qu’une politique de population. Cette décennie a été marquée par l’élaboration du document national de renforcement des soins de santé primaires, déterminant ainsi le démarrage de l’initiative de Bamako (Ministère de la santé 1992). Puis, l’État adopte définitivement l’IB en 1993. Nous détaillons le processus de l’IB, tant au plan national que local (district de Souna) dans la partie réservée au contexte spécifique, lors de la présentation des résultats de la thèse. Dans le même mouvement, l’État accorde une autonomie de gestion aux hôpitaux et aux formations sanitaires périphériques de l’État (1991) ; 53 districts sanitaires (DS) sont crées en 1992 et c’est peu après (1993) que commença à apparaître la notion de comité de gestion (COGES) des centres de santé (ministère de l'Administration territoriale 1995). Puis, après la décentralisation de 1993, l’État décide de déconcentrer ses services. Un niveau intermédiaire au système de santé apparaît, les onze directions régionales de santé, (DRS) (1996), qui supervisent les activités dans 53 DS, alors qu’il subsiste seulement 45 provinces administratives. Deux districts supplémentaires sont créés en 2003, dont un (Toumi) dans la région sanitaire de Souna, nouvellement qualifiée « du Nord ». Il faut ici noter que contrairement au Mali (Samaké, Dakono et al. 1997), ce découpage en district est essentiellement un découpage administratif et qu’il ne prend aucunement en compte les caractéristiques sociales de ces régions. De l’aveu même du MS : « l’adoption de la carte

sanitaire n’est pas faite selon une approche populationnelle mais beaucoup plus selon une démarche très normative et parfois basée sur des éléments historiques » (CADSS 2000a,

mod 1 p.50). Dans la conclusion de sa thèse, Meunier (1999) écrit « la politique sanitaire

burkinabé est calquée sur une conception théorique de l’espace, privée de sa composante sociale » (p. 267). Ce choix aurait été fait essentiellement pour des raisons de commodité

(Meunier 1999). En 1995, le gouvernement exprime le souhait de s’engager dans une politique de développement humain durable par l’intermédiaire d’une lettre d’intention.

Pour ce qui est des médicaments essentiels, un cadre de politique nationale d’approvisionnement a été adopté en juillet 1991, suivi en mai 1992 par la divulgation d’une liste nationale des médicaments essentiels. Puis c’est au cours du même mois de mai 1992 que la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques (CAMEG) fût créée. Ses activités n’ont réellement commencé qu’en mai 1994 (ministère de la Santé 1996b). En juillet 1996, le pays s’est doté d’une politique pharmaceutique nationale à travers un document cadre (ministère de la Santé 1996a). Le développement de cette politique pharmaceutique doit, semble-t-il, beaucoup à l’OMS (ministère de la Santé 1999), preuve supplémentaire de l’importance des grandes institutions internationales dans la formulation des politiques publiques.

Enfin, la dernière période de notre subdivision correspond au début des années 2000. La politique sanitaire nationale (PSN) a été instituée durant cet intervalle et adoptée par le gouvernement en septembre 2000. La formulation de cette politique a été rendue possible grâce à la réalisation, i) des États Généraux de la Santé en juin 1999 (Ouedraogo 1999), ii) de nombreuses rencontres, dont un atelier de consensus en février 2000, et iii) d’un document sur l’analyse de la situation sanitaire (ministère de la Santé 2000). L’objectif général de la PSN est d’améliorer l’état de santé des populations et trois objectifs spécifiques ont été déterminés : i) réduire la morbidité et la mortalité, ii) renforcer la lutte contre le VIH/SIDA, iii) améliorer le contrôle des facteurs de risque. Alors que les politiques des années 1980 s’orientaient essentiellement vers l’amélioration de la couverture sanitaire, celle du 21ème siècle semble prendre acte des problèmes d’accessibilité financière et géographique. Cette évolution reflèterait, selon un observateur local, la prise en compte de « l’apparition des valeurs universelles […] (droit à la santé) […] qui

deviennent partout des préoccupations des populations et des décideurs » (Drabo 2002 p.

22). Cette politique nationale est traduite opérationnellement par la rédaction d’un plan national de développement sanitaire (PNDS) pour la période 2001-2010. Il a été adopté en juillet 2001. Puis, pour faciliter la mise en œuvre et le suivi de ce PNDS, des plans triennaux sont élaborés régulièrement. Le PNDS dispose de huit objectifs généraux et de 22 objectifs spécifiques (ministère des Finances et du Budget 2003). Au moment où nous rédigeons cette thèse, le MS s’est engagé dans son plan triennal couvrant la période 2003-

2005, la période précédente (2001-2003) ayant servi de transition. Le coût total de ce plan triennal est estimé à plus de 246 milliards de F CFA tandis que celui permettant de répondre aux objectifs du PNDS entre 2003 et 2010 est de 649 milliards de F CFA (ministère des Finances et du Budget 2003).

À la suite de cette description minutieuse de la chronologie des politiques de santé au Burkina Faso, il nous paraît utile de présenter au lecteur une vision synoptique de l’ensemble de cette histoire par l’intermédiaire de la figure suivante.

Tableau 8 : Chronologie des politiques et décisions dans le secteur de la santé au Burkina Faso à partir de 1980

80-84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06-10 Programmation Sanitaire Nationale

Déconcentration (30 DPS) 84

Opération « un village, un PSP »

Plan quinquennal de développement sanitaire Adhésion à l'Initiative de Bamako

Politique de population

Autonomie de gestion CSPS et CMA juil

Plan quinquennal de développement sanitaire

Création de la CAMEG mai

Stratégie nationale de relance des soins de santé

primaires par l’IB juil

Décentralisation (53 districts) nov

Accélération de la mise en œuvre de l'IB Code de santé publique

Cellule d'appui à à la décentralisation du système de

santé août

Lettre d'intention pour une politique de développement humain durable

Table ronde sur le développement des secteurs sociaux

Politique pharmaceutique nationale juil.

Déconcentration (11 DRS)

Loi hospitalière mai

Etat généraux de la santé juin

Politique sanitaire nationale sep.

Plan national de développement sanitaire Plan triennal 2001 - 2010 2003 - 2005 86 - 90 91 - 95 Source : auteur