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5.1 La mise en œuvre dans le pays

5.1.1 L’émergence

Alors que l’IB a été adoptée en 1987 à l’échelle de l’Afrique, il faudra attendre 1993 pour que son implantation soit effective au Burkina Faso. Près de cinq années, au cours desquelles plusieurs actions se sont déroulées, séparent la phase de l’émergence de celle de la mise en œuvre. Ainsi, « le gouvernement du Faso avec l’OMS/FISE se sont mis d’accord

pour prévoir une période transitoire préalable à la mise en œuvre de l’IB. La planification détaillée sera effectuée en 1989 et 1990 » (OMS/FISE 1989a, p.13).

Dans le but de vérifier la pertinence du concept de recouvrement des coûts pour améliorer la qualité et l’utilisation des services (objectifs de l’IB) dans le contexte du Faso73, un projet

pilote (ou recherche opérationnelle selon les auteurs des rapports consultés) a été mis en œuvre dès 1988 dans une partie du district sanitaire de Tenkodogo (zone de Garengo). Ce projet est financé par la coopération américaine (USAID) et la Banque mondiale. Trois ans plus tard, une évaluation de ce projet démontrait que les recettes issues de la vente des MEG et de la tarification des actes s’élevaient à 45% des dépenses de fonctionnement des CSPS sans prendre en compte les salaires des fonctionnaires et les investissements nécessaires (McLees 1994; Compaoré 2003). Les documents de gestion de ce projet ont beaucoup inspiré les créateurs des supports de gestion produits au démarrage de l’IB (ministère de la Santé 1994) et les résultats ont permis au MS de proposer une estimation des besoins financiers par centre de santé (Ministère de la santé 1992). L’étude montrait notamment que le coût moyen de la prescription des médicaments de spécialités était de 1 500 F CFA au niveau des CSPS et 2 500 F CFA dans les CM. En ce qui concerne l’amélioration de l’utilisation des services, les informations dont nous disposons sont contradictoires. En effet, les auteurs d’un rapport citent une évaluation du projet avançant que le taux d’utilisation est passé de 0,22 à 0,26, mais ils ne donnent pas la période évaluée et en plus, ils citent un autre rapport précisant que les données et la méthodologie sont de piètre qualité et « n’ont pas permis des mesures exactes des changements dans les niveaux

d’utilisation avant et après l’étude » (McLees 1994, p.8).

En mai 1988, une mission s’est rendue au Bénin afin de profiter de l’expérience du fameux projet Pahou74. En juin de la même année, un séminaire permet de réfléchir au scénario du

développement sanitaire du pays au cours duquel le rôle des districts de santé et la mise en œuvre de l’IB sont largement discutés (Ministère de la santé 1992).

73 Il faut cependant souligner que c’est dans les années 70 que le paiement direct a été introduit pour la

première fois dans le pays au sein des hôpitaux, des maternités urbaines et des centres médicaux. En 1984, ces fonds sont reversés au Trésor Public dont 25% sont intégrés dans les recettes générales et 75% pour la Caisse Maladie gérée par le MS. Puis, en 1991, les hôpitaux nationaux et régionaux disposent de la capacité de conserver les recettes et c’est en 1993 que les CSPS et CMA auront aussi ce droit (McLees 1994). Ajoutons que bien avant l’IB des expériences de « recouvrement des coûts » sont organisées dans l’Ouest du pays, notamment par exemple pour trouver les moyens financiers de faire fonctionner la stratégie avancée du PEV (EF16).

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Puis, un certain nombre de structures administratives sont créées (figure 45). En juillet 1988, est mis sur pied le comité national de mise en œuvre de l’IB75, présidé par la DEP du

ministère de la Santé et de l’Action sociale. Ce comité est en fait une structure interministérielle (10 départements) au sein de laquelle certains partenaires au développement siègent. Son objectif est d’orienter et de diriger la mise en place de la politique publique. Puis, un secrétariat permanent IB est mis en place, composé de représentants de la DEP, de l’OMS et de l’UNICEF, montrant combien ces deux institutions internationales jouent un rôle important. Enfin, une cellule IB, conçue comme une unité opérationnelle intégrée à la DEP, s’organise76. C’est à elle, finalement, que

revient l’ensemble du travail de planification, de suivi, d’évaluation et de recherche concernant cette politique de santé (Ministère de la santé 1992; ministère de la Santé 1994, 1999).

Figure 16 : Structures de conception et d’orientation de l’IB en avril 1994

Ministère de la santé, de l’action sociale et de la famille

Direction des études et de la planification OMS UNICEF Autres partenaires au développement Centre de formation des personnels de santé Autres ministères : de l’économie, des finances, du plan, de l’administration territoriale Cellule IB Secréta riat pe rmanen t IB Autres directions (DGSP, DSPH, DSF, etc.) Comité national IB

Fusion au sein de la CADSS en août 1994

Source : ministère de la Santé 1994

75 D’autres documents laissent à penser que le comité national a été institué en août 1994. Nous pouvons

émettre l’hypothèse que l’arrêté ministériel entérinait une structure déjà officieusement en place.

76 Il a même été question en 1992 lors de l’Atelier National à Bobo-Dioulasso de créer une direction du

Après quelques mois de travail, le comité national propose au MS de sélectionner certaines provinces pilotes au regard de trois critères : « l’accessibilité, la situation géographique et

les facteurs socio-culturels » (Ministère de la santé 1992, p. 7). Nous n’en savons

malheureusement pas plus sur ces critères ayant permis au comité national de sérier les provinces du pays en trois catégories : bonnes, moyennes ou peu de chance de « réussir

l’Initiative de Bamako » (p. 7). Cependant, c’est en avril 1989, à la suite de la proposition

de ce comité, que le ministère décide que six provinces pilotes mettront en place l’IB : Ganzourgou, Mouhon, Tapoa, Houet, Poni et Séno.

Pendant que l’IB se met en place, d’autres activités connexes perdurent. Un peu avant l’adoption de l’IB puis au cours des années suivantes, de 1985 à 1989, le gouvernement italien a fourni le financement nécessaire à l’UNICEF pour l’organisation d’un programme concernant les médicaments essentiels. À la suite d’une évaluation réalisée par l’OMS, face aux résultats peu encourageants de ce programme et à l’absence d’une politique pharmaceutique nationale, la coopération italienne décida de suspendre son soutien à ce programme (HERA 1994). De surcroît, en 1991, il semble que plusieurs organismes internationaux (Banque mondiale, FNUAP, OMS, UNICEF) aient fortement critiqué cette absence de politique pharmaceutique qui se concrétisait par le fait que « les médicaments

essentiels génériques sont pratiquement introuvables dans le pays » (HERA 1994, p. 10).