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Quelle incidence possible de la bibliothèque sur les façons de

2. Action culturelle et formation : quelle formule ?

2.3. Valoriser l'après-voyage

1.3.2. Quelle incidence possible de la bibliothèque sur les façons de

Illustration 4 : Les destinations des interviewés.– visuel inspiré et adapté de l'enquête d'OrangeLabs122 Sur les 93 personnes rencontrées123, 19 personnes préparaient un voyage en

France lors de leur passage à la bibliothèque. 6 d'entre elles projetaient de faire de la randonnée, un couple cherchait de la documentation sur les itinéraires dans les monts d'or à Lyon (pour un week-end), une famille planifiait trois semaines de

121Voir définitions supra.

122Diapositive n°5 de l'enquête d'OrangeLabs (précédemment citée), nous avons repris le visuel et adapté les

chiffres à notre propre enquête.

123Sept personnes n'ont pas de voyage prévu (flâneurs) ; 4 personnes déclarent ne pas se servir de la bibliothèque

camping dans la Vanoise en juillet, une personne s'inspirait d'un récit de voyage pour découvrir un GR des Cévennes qu'elle fera dans quelques mois. Une personne cherchait des guides de balades en Île de France, un homme se renseignait sur les stations de ski. Une jeune active et un étudiant ont fait du tourisme à Rennes et à Strasbourg, un couple d'une cinquantaine d'années cherchait des maisons d'hôte accessibles en transports en commun. Un jeune homme, avec peu de moyens financiers, planifiait un périple de trois semaines à vélo, de Lyon à la Bretagne. Du voyage (1 à 3 semaines – pour 9 personnes) à l'escapade (2 ou 3 jours – pour 10 personnes), du tourisme urbain à la randonnée et au camping en passant par les projets pratiques, la France est la destination des opportunités de courte durée ou des modèles alternatifs de départ.

47 personnes préparaient un voyage en Europe : le partage des destinations signifie souvent le partage d'une certaine façon de mener à bien son voyage. Deux jeunes filles se rendaient en Turquie, en choisissant des formules à petits prix pour quelques jours (1 semaine). 4 couples projetaient de partir en Irlande et de louer une voiture sur place. Les îles grecques (1 homme) mais surtout l'Italie sont des destinations pour de longues vacances fondées sur la découverte de la richesse du patrimoine historique, culturel et naturel (1 à 3 semaines) dans les Pouilles et en Sicile pour une famille et deux couples âgés, mais aussi pour des week-ends courts pour des publics divers (jeunes et moins jeunes, CSP+ ou CSP-) à Florence (3 couples), Rome (2 hommes), ou Venise (1 jeune femme). Les week-ends étendus sont pratiqués dans toutes les grandes villes touristiques européennes : Lisbonne (1 couple), Madrid (1 jeune femme), Barcelone (1 jeune homme), Amsterdam (1 jeune femme), Munich (1 femme), Budapest (1 foyer), Copenhague (1 femme). Il s'agit alors de prêter attention au cadre urbain et à son histoire. D'ailleurs les agences de voyage culturelles sont spécialistes de cet aspect touristique, et une femme nous a parlé de la formule « escapade » dans les villes européennes proposée par une agence comme Arts et Vie, dont une excursion en Lettonie et Bulgarie (1 couple âgé). C'est une agence qui a d'ailleurs été citée pour un autre type de voyage en Europe : une croisière en Norvège pour voir les aurores boréales (1 femme âgée), un projet partagé par un couple (la cinquantaine) mais sans formule d'agence. Enfin certains jeunes actifs avaient des projets plus exotiques, un couple projetait 3 semaines de traversée estivale de l'Albanie et du Kosovo en train, partant à la recherche d'une Europe peu connue ; un couple souhaitait s'envoler vers les Açores pour le soleil d'hiver, et un jeune homme a décidé de faire Lyon-Roumanie à vélo pendant 5 semaines en suivant les fleuves. Le temps moyen de voyage en Europe est de 15 jours.

Les autres parties du monde rassemblent moins de futurs usagers- voyageurs : 17 individus. Parmi eux, 4 personnes ont prévu un voyage en Amérique du Nord (une femme a prévu une escapade à New York, trois autres personnes vont traverser plusieurs États pour faire de la photographie, portées par un projet personnel). 5 personnes ont déclaré se rendre en Amérique du Sud, pour deux semaines (2 personnes), ou pour 3 mois (3 personnes). Un couple a privilégié l'Afrique du Nord, et plus précisément la Tunisie pour un séjour en hôtel en famille, une documentaliste a profité de l'IFLA en Afrique du Sud pour visiter le pays, et enfin 6 personnes préparaient un voyage sur le continent asiatique et indien : 3 personnes souhaitaient se rendre au Cambodge, une jeune femme en Thaïlande et au Japon pour une exploration en solo, une autre jeune femme se rendait en Chine, et une randonneuse aguerrie préparait une excursion au Népal. Pour deux, trois semaines, à plusieurs mois de voyage, se rencontrent ainsi la préparation d'un tourisme classique de découverte urbaine et culturelle et la

préparation de projets lointains et spécialisés : photographie et randonnée, qui changent le prisme du voyage.

Ces pratiques de voyage sont-elles propres au statut d'usagers de la bibliothèque ? À en croire l'étude économique de la DGE de juillet 2015124, les

destinations plébiscitées et choisies par les lecteurs interrogés sont partagées par une grande part des Français partant en vacances en France et à l'étranger. Par contre, en raison de leur rapport direct à la culture, de leur fréquentation de la bibliothèque et de leur lien documentaire au voyage, on peut supposer que les choix des usagers sont différents de ceux des voyageurs totalement étrangers aux médiathèques.

OrangeLabs, dans son enquête qualitative « Les pratiques des voyageurs avant, pendant et après le voyage », dresse une typologie répondant à la question : « pourquoi voyage-t-on ? ». Sur les 27 entretiens menés par OrangeLabs auprès de voyageurs, les motivations du voyage sont les suivantes : le besoin de ne rien faire, celui de « vraies vacances » qui se traduisent par des choix de départ en hôtels club ou des séjours balnéaires ; voyager « entre soi » (familles, amis, comité d'entreprise et hôtels club) ; voyager pour rencontrer l'autre (ou le « voyage initiation » pour sortir de son quotidien et se confronter à une autre culture) ; voyager pour vivre un moment exceptionnel, une expérience unique (par exemple un voyage sur mesure avec un recours aux agences locales) ; et enfin le voyage comme performance ou le « voyage trophée » intensif, dont le but est de voir un maximum de choses en un temps réduit, d'être exhaustif. OrangeLabs note également le refus général d'être un « simple touriste » même en hôtel club (les individus développent des parades, on sort manger à l'extérieur, on loue une voiture, on négocie les tarifs à plusieurs avec d'autres clients...).

Si ces tendances sont pour la plupart partagées par les usagers-voyageurs de la bibliothèque, on peut remarquer que ceux-ci vont plus loin, sur certains plans, que leur homologues non-usagers. D'abord si les retraités interrogés à la bibliothèque partent presque tous, au moins partiellement, avec une agence de voyage proposant des formules, aucun d'eux ne se satisfait de la documentation fournie par l'agence : ils la complètent systématiquement par une documentation papier de la bibliothèque, et ils réservent souvent des ouvrages dans ce but quand ceux-ci ne sont pas disponibles en rayon. D'ailleurs il s'agit toujours d'excursions et jamais de séjours en hôtels club. Nous n'avons pas rencontré d'usagers documentant un projet de vacances « farniente », dont le but serait de profiter d'un moment de repos. De plus, les usagers, surtout étudiants et jeunes actifs, partagent souvent un but de voyage non répertorié par OrangeLabs : mener à bien un projet particulier et personnel.

Comme nous l'avons exposé plus haut, ce projet peut prendre différentes formes : privilégier un moyen de transport sportif ou itinérant qui incarne une forme d'aventure, comme le voyage à vélo (4 usagers), le train et le stop (2 usagers), la randonnée (au moins 6 usagers, dont une randonneuse des chemins de Saint-Jacques de Compostelle, et un adepte des GR) ; cela peut également passer par un projet personnel artistique (la photographie, 3 usagers) ou identitaire, via le voyage initiatique en solitaire (3 usagers, dont deux jeunes femmes seules). Un tel projet peut aussi avoir un sens politique fort, avec le choix d'une thématique

124DGE, « Le tourisme des Français en 2014 : toujours plus de voyages à l’étranger », Etudes économiques, n°45

juillet 2015 [en ligne], [consulté le 03 octobre 2015], disponible sur :

http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/4p-DGE/2015-07-4p-45-tourisme- des-francais.pdf

particulière comme le volontariat, ou le développement durable (1 usager). Enfin il peut reposer sur des moyens d'hébergements non marchands : plusieurs jeunes actifs m'ont ainsi indiqué avoir essayé le couchsurfing (dormir gratuitement chez l'habitant) et le woofing (être hébergé et nourri gratuitement en échange d'une force de travail dans des exploitations biologiques). Le refus d'être un simple « touriste » a été souvent souligné en particulier par les personnes ayant fait le choix de destinations exotiques ou des projets de voyage longs (plus d'un mois), deux personnes ont également mis en avant leur volonté de partir avec des guides papiers alternatifs, insistant sur l'écologie et les découvertes hors des sentiers battus.

Le type de voyage préparé ou sa philosophie peuvent ainsi être mis en rapport avec la question de la fréquentation de la bibliothèque125. On peut, à la

suite de ce constat, se demander quelle utilisation générale est faite de l'établissement par les voyageurs, dans le cadre de cette préparation. Cette utilisation est-elle différente de celle des autres usagers ?

2. Q

UELLE UTILISATIONGÉNÉRALE DELABIBLIOTHÈQUE

?

En lecture publique, les enquêtes permettent généralement de produire des informations sur la satisfaction et la fréquentation. Ainsi, lorsqu'une attention particulière est portée aux usagers et à leurs itinéraires et pratiques de la bibliothèque, c'est, le plus souvent, pour établir le degré de contentement, la durée ou la fréquence d'utilisation. On peut ainsi citer la segmentation des lecteurs de la BmL par Bertrand Calenge, en 2003, en « trois groupes : les fidèles (une fois par

semaine au moins), pour la plupart inscrits et très souvent emprunteurs ; les habitués (une fois par mois au moins), parfois inscrits ; les épisodiques, rarement inscrits, et très butineurs »126. En 2010, les médiathèques d'Albi ont établi quatre

idéaux-types d'usagers, là encore, en fonction de leur niveau de fréquentation de la bibliothèque : l'usager très assidu, l'usager assidu, l'usager occasionnel et l'usager très occasionnel. Les portraits croisent ces habitudes de fréquentation avec l'âge moyen de chaque catégorie, leur statut familial et leurs catégories socio- professionnelles127. Or si l'on se focalise sur ce type de données (la fréquence des

passages, le temps accordé et passé à la bibliothèque), on n'interroge jamais les buts des lecteurs : viennent-ils à la bibliothèque avec un seul objectif ? Cet objectif est-il exclusif ? Ou bien, au contraire, les usagers en question effectuent- ils des itinéraires éclectiques au sein de la médiathèque ? 66 de mes entretiens ayant été menés auprès de lecteurs présents dans les rayons consacrés au tourisme et au voyage, nous avons pu leur poser directement ces questions. Nous avons également tenté d'établir comment les collections tourisme influencent leurs itinéraires spatiaux dans la bibliothèque, et quelle place détient la médiathèque dans leur processus de préparation d'un voyage ou d'une escapade touristique.

125 Quel que soit le lien de causalité entre cette fréquentation et le voyage lui-même, difficile à établir.

126CALENGE, Bertrand. « Du comment au pour quoi ». Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 6,

2006 [consulté le 17 décembre 2015]. Disponible sur : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-06-0047-009>.

127DESACHY, Matthieu, FIJALKOW, Ygal et JALAUDIN, Christophe. « Le vieil homme et la mère, ou l'assidu

et l'occasionnelle ». Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 5, 2010 [consulté le 17 décembre 2015]. Disponible sur : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-05-0040-007>.

2.1. Préparer un voyage, un but parmi d'autres ? La bibliothèque,

entre éclectisme et exclusivité

Tout d'abord, les usagers interrogés en situation dans les rayons tourisme se sont-ils déplacés intentionnellement, ce jour là, à la bibliothèque, dans le but de consulter (et/ou emprunter) ces collections ?

C'est en effet la motivation première et unique, déclarée, de 55 individus (sur les 87 interviewés en situation, 3 non-préparants), 2 de mes connaissances interrogées confirment cette pratique et s'ajoutent à ce décompte (qui atteint 57 individus). 13 personnes (sur les 87) sont venues, entre autres, pour accéder à ces collections touristiques, mais elles avaient, par ailleurs à rapporter des documents (6 personnes), ou souhaitaient consulter également d'autres types de collections (7 personnes). Enfin, 16 personnes (sur 87) en sont venues à fréquenter les rayons tourisme sans l'avoir planifié.

On peut remarquer que, parmi les 93 personnes interrogées, 8 ne sont pas inscrites à la bibliothèque : elles sont des fréquentantes, parmi eux trois accompagnent leur conjoint inscrit et sont actives dans la recherche de documents (une seule carte de bibliothèque est ainsi utilisée pour 2) ; les autres profitent des espaces et des documents sur place, dont un couple de personnes âgées venant systématiquement et exclusivement pour préparer leur voyage en faisant du repérage de livres à acheter.

2.1.1. Ils sont venus dans l'intention délibérée de consulter (et/ou