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Les bibliothèques universitaires et la thématique du voyage

2. Action culturelle et formation : quelle formule ?

2.3. Valoriser l'après-voyage

2.2.1. Les bibliothèques universitaires et la thématique du voyage

La France et ses territoires d'Outre-mer comptent environ 75 Universités et autant de SCD. En 2006 on pouvait apparemment compter 157 Bibliothèques Universitaires sur le territoire français (93 en 1995).

Parmi celles-ci, une vingtaine propose des formations sur le tourisme : on compte deux DUT (Université de Bordeaux, Université de Nice-Sophia-Antipolis), au moins cinq licences professionnelles (Université de Bretagne à Lorient, Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand, Université de Bourgogne à Dijon, etc), et une dizaine de masters (Université de Marne-la-Vallée, Paris 1, Paris 3, Avignon, La Rochelle ou Nice, Aix-Marseille Université, Angers, Toulouse 2,

85CREDOC : BIGOT, R. et alii, « les français veulent vivre plus intensément », juillet 2014, n°268 [en ligne].

Lyon 2, Montpellier 3, etc.). Autant d'établissements proposent des formations en Géographie (Paris IV, Rennes 2, Paris 13, Paris 7, Paris 8, Bordeaux Montaigne, Toulouse 2, Lyon 2, Savoie...). Le rôle premier des bibliothèques universitaires étant d'accompagner et de soutenir les activités d'enseignement et de recherche, on peut penser que toutes les BU de ces Universités ont un fonds consacré à ces disciplines, dont, potentiellement, des guides ou de la littérature de voyage pour les illustrer. Par ailleurs, chacune de ces universités recevant des étudiants étrangers et envoyant ses propres étudiants par delà les frontières, un fonds ou un espace documentaire pourrait être consacré à ce sujet. Néanmoins ces ressources, quand elles existent, n'ont pas été pensées et acquises dans la perspective d'une utilisation « pour préparer un voyage ou une escapade touristique », mais bien comme des supports d'appui à l'enseignement ou de formation professionnelle.

En revanche, depuis les années 1990, des espaces documentaires de détente sont mis en place « alors que se développe l'idée d'encourager la diversification

des lectures chez les étudiants »86. D'abord sous forme de fonds dits de « culture

générale », ou « d'actualité » (presse), ces espaces ont souvent été reconvertis et consacrés à la lecture de loisirs, avec à disposition des DVD, parfois des bandes- dessinées, et quelquefois d'autres collections telles que les romans en langues étrangères, et les guides de voyage. Partant de ce constat, on peut s'interroger sur la présence de guides touristiques à la BU dans de tels espaces : sont-ils systématiquement présents ? Si oui, sont-ils utilisés ? Sont-ils réclamés ? Les étudiants font-ils des voyages d'agrément avec l'aide de la BU ou seuls les personnels sont-ils vraiment concernés par ces collections ?

En tout cas cette tendance à l'installation d'un fonds « loisirs » se retrouve à l'étranger. Par exemple le McPherson College aux États-Unis illustre son projet de lutte contre la baisse de fréquentation de la bibliothèque par l’installation d’un espace détente avec des collections « loisirs »87, par l’organisation d’événements

conviviaux dans la bibliothèque ou encore par la décoration des locaux avec des travaux artistiques d'étudiants. Mathilde Riot, dans son mémoire d'étude explique que ces espaces documentaires sont destinés à « favoriser la pluridisciplinarité et

[à] développer la culture générale de l’étudiant. Mais cela s’accompagne également d’une réflexion sur le confort des bibliothèques. Afin d’encourager les étudiants à fréquenter la bibliothèque universitaire et d’y passer du temps, il est nécessaire de mettre en place des espaces de décompression, des espaces où l’étudiant peut prendre une pause et lire pour le plaisir dans un environnement chaleureux, car les étudiants sont en quête de convivialité et de confort (…). Les fonds de culture générale peuvent être une manière de pallier l’éloignement de certaines bibliothèques publiques, éloignement physique – campus souvent excentrés – ou tout simplement éloignement intellectuel du fait du peu de fréquentation des bibliothèques publiques de la part des étudiants »88. Mais le

confort des étudiants est d'abord un confort physique et aujourd'hui la tendance semble être plus à la construction d'espaces de restauration et de discussion (avec un mobilier confortable) qu'à la constitution de collections censées aider à la récréation de l'esprit. Les projets de nouvelles bibliothèques ou Learning Center semblent plutôt privilégier une telle conception de la détente. Sur ce modèle, la bibliothèque universitaire finlandaise Kaisa Talo, située en plein cœur d'Helsinki,

86ASTIER, Sophie. La bande dessinée en bibliothèques aujourd’hui : évolutions, mutations et perspectives.

Mémoire d’étude : DCB 18, sous la direction d'Emmanuelle Payen. Enssib, 2010.

87UPSON, Matt, HALL, C. Michael, « Zombie attacks : How they can contribute to the success of your library »,

College & Research Libraries News, vol. 72, no. 7, July 2011.

88RIOT, Mathilde, La bande dessinée en bibliothèque d'enseignement supérieur, Mémoire de Master PBD, sous

est souvent citée en exemple. Elle offre des espaces de restauration à part, des salons de discussion séparés des espaces de travail, dont une terrasse en pleine air. La BU ne compte aucune collection loisirs, renvoyant aux bibliothèques de quartier pour remplir cette mission. La problématique du loisir semble donc à la marge en bibliothèque universitaire, mais néanmoins, puisqu'elle n'est pas nécessairement inexistante, nous avons tenté de mesurer et d'interroger cette dimension marginale via la thématique du voyage. Nous avons demandé leur avis aux professionnels des BU par le biais d'un questionnaire en ligne : le questionnaire ainsi que son analyse sont situés en annexes 4 et 5, les données récoltées en entretiens particuliers sont également disponibles en annexe 6.

À la lecture de ces données, on peut souligner la pertinence d'une offre complémentaire et différenciée de celle de la lecture publique sur le territoire universitaire : par exemple, un prêt longue durée de guides touristiques peut être particulièrement apprécié (souvent réservé aux personnels de l'Université) là où la bibliothèque de quartier ne permet d'emprunter un guide que 15 jours. Il donne aux étudiants et universitaires une liberté appréciable et sans équivalent pour une préparation de voyage soutenue à peu de frais, symboliquement, par l'Université. Celle-ci hérite alors d'un rôle d'accompagnement et de médiation par le seul prêt de ces collections, alors même que ce fonds n'a pas besoin d'être très développé. Ce « petit plus » de valorisation et de confort a été bien saisi par les BU dont les collections touristiques rencontrent un franc succès : citons entre autres Lyon 1 (et son fonds « Quartier Libre »), Orsay, Perpignan, et certaines bibliothèques d'écoles de l'enseignement supérieur. La directrice de la bibliothèque de l'ENS Cachan explique ainsi que 234 exemplaires du Routard actuellement en rayons (entretenus avec un budget de renouvellement de 500 euros par an), suffisent à participer à la valorisation générale des collections, à attirer un nouveau public et à satisfaire l'ensemble des usagers de l'école.

On peut par ailleurs émettre l'hypothèse que les ressources culturelles et pratiques nécessaires à la préparation d'un voyage ou d'une escapade touristique peuvent tout particulièrement trouver leur place dans les petites bibliothèques universitaires spécialisées en langue (souvent bibliothèques associées ou intégrées) : c'est ce dont témoignent la bibliothèque américaine de Nancy (bibliothèque associée de l'Université, dont les collections sont en langue anglaise, et où beaucoup d'usagers apprécient de pouvoir préparer un voyage) ou encore le Centre de ressources des langues de l'université Toulouse Jean-Jaurès89, qui a

fait part du succès de ses guides touristiques sur internet (sur son blog90,

voir l'illustration 2) l'an dernier.

89« Littératures et Civilisations » a ouvert à la rentrée universitaire 2012. Après avoir suivi l’avancée du projet

(travail effectué en amont pour réunir les quatre bibliothèques et le centre multimédia de l’UFR de langues en un centre de ressources unique).

90Le blog du Centre de Ressources en Langues de l'Université Toulouse Jean-Jaurès : http://blogs.univ-

Quoi qu'il en soit, si le tourisme est un thème et une pratique marginaux en BU, il semble être beaucoup plus porteur dans d'autres bibliothèques où le loisir et la détente prennent une place de plus en plus importante dans les projets d'établissement, c'est le cas de la BnF et de la Bpi.