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2. Action culturelle et formation : quelle formule ?

2.3. Valoriser l'après-voyage

1.1.1. Les guides touristiques

Les guides touristiques sont les premières ressources attendues dans un fonds consacré au tourisme. À Paris et à Lyon, lorsque l'on demande frontalement aux usagers quelles sont leurs attentes ou leurs critiques par rapport au traitement de la thématique du voyage à la bibliothèque, les guides sont la première chose, voire l'unique chose à laquelle ils pensent. Nous avons exposé, dans notre enquête, le goût partagé des usagers pour un fonds riche, varié, de guides de voyage d'éditions et de modèles différents, couvrant de préférence la totalité de l'espace mondial, ou du moins les grandes aires géographiques continentales. Les doléances exprimées concernaient une non-disponibilité des ouvrages déjà empruntés ou une

136La plupart sont des exemples d'actions menées dans des bibliothèques de lecture publique (bibliothèques

municipales ou intercommunales), néanmoins nous citerons également quelques exemples d'actions de valorisation documentaire et d'actions culturelles de Bibliothèques Universitaires. Enfin, nous avions évoqué en annexe la rencontre organisée en juillet par la BPI, nous ne reviendrons pas sur cet exemple.

certaine pauvreté des rayons concernant certaines éditions (voir supra, chapitre II). La question de la fraîcheur des guides est également une préoccupation possible, toute mesure gardée : lorsque je demande à Claire et Jonathan (36) s'ils ont toujours trouvé ce qu'ils souhaitaient dans le 15e arrondissement, ils me répondent,

« oui, pas toujours la dernière édition, souvent réservée, mais après ça ne change

pas beaucoup, même si on préfère avoir la dernière pour les adresses et les prix mais après pour les lieux à visiter, les musées, les plans, 2013 ça reste correct. Mais 2008 c'est trop ancien. Il y a une limite de 3 ans à ne pas dépasser » (36 - 24

et 25 ans, première visite à la BTV). Les réponses recueillies auprès des professionnels (BM) via le questionnaire en ligne allaient également dans le sens d'un grand succès des collections de guides.

Dès lors, quel type d'offre développer en bibliothèque pour répondre aux aspirations des usagers, tout en faisant un choix budgétaire pertinent ? Nous avons déjà présenté les cas des bibliothèques de Saumur et d'Epinay sur Seine (Chapitre I), nous pouvons noter que les guides touristiques font quelque peu débat dans la profession : j'ai lancé le sujet sur le forum de l'ABF « Agorabib » en août 2015. Si plusieurs personnes m'ont à nouveau confirmé leur constat du succès des guides de voyage, « Ferris », bibliothécaire dans un contexte territorial de « ruralité profonde », ne considère pas les guides touristiques comme des ressources à privilégier : « [ici] le public cible est (...) plus large pour les beaux

livres (…). Les guides n'ont pas ou peu d'illustrations et leurs informations sont périmées parfois dès la parution. Leur actualisation devrait donc être annuelle, donc très coûteuse. Les collections de référence sont en plus très coûteuses (Guides verts, guides bleus...). Certaines chartes des acquisitions pratiquent d'ailleurs l'exclusion de ce type d'ouvrage (…). Je n'ai pas retrouvé de charte excluant les guides, que j'avais pourtant repérée au moment de rédiger la mienne. Mais il est clair que c'est une option plus générale qui est à considérer concernant tout ce qui est "guides" (guides juridiques, guides d'orientation scolaire et professionnelle etc...). Le fait nouveau c'est la présence d'internet dans les bibliothèques. Et pas mal de chartes devront ou auraient déjà dû être revues en fonction de cela. En sus du phénomène de réduction budgétaire »137. Après lecture

de ce commentaire, j'ai aussi cherché, en vain, de telles chartes documentaires, ce qui semble plutôt indiquer que peu d'établissements on fait le choix radical de « Ferris ». D'ailleurs comment savoir si les guides touristiques seraient une ressource pertinente si on ne la propose pas ? Des choix, de destination, mais aussi de renouvellement partiel des fonds peuvent certainement être faits afin de limiter les dépenses tout en proposant une offre minimum à peu de frais.

Nous voudrions présenter ici le choix, mesuré, adopté par le réseau des bibliothèques de Grenoble. Il s'agit d'une grande ville française, comptant 155000 habitants, et un réseau de 14 bibliothèques, réparties dans tous les quartiers de la commune. La situation de ce réseau est donc sans équivalent avec la situation présumée de « Ferris ». Néanmoins le nombre d'habitants et le territoire couvert par un réseau ne sont pas les seuls critères pertinents pour expliquer une politique d'achats exhaustive de guides de voyage : des choix peuvent être faits pour répartir les dépenses liées à ces collections pratiques sans nécessairement en limiter la diversité.

137Ferris messages du 14 et 15 aout 2015, Ferris souhaite garder l'anonymat, son établissement ne peut donc être

clairement situé ni décrit. Sujet sur le forum Agorabib : http://www.agorabib.fr/index.php?/topic/2491-histoire-et-succ %C3%A8s-du-rayon-tourisme-dans-votre-biblioth%C3%A8que/, [en ligne], [consulté le 01/01/2015].

À Grenoble, une répartition des dépenses s'accompagne d'une répartition physique des ouvrages : sur les 14 bibliothèques du réseau municipal, deux grandes bibliothèques de prêt sont chargées des acquisitions de guides de voyage : la bibliothèque du Centre Ville et la bibliothèque Kateb Yacine, située en périphérie, dans un centre commercial (Grand Place). Les acquéreurs du secteur 900 de chacune de ces deux bibliothèques sont en dialogue régulier (un point est fait avant chaque commande), et les établissements se sont, littéralement, répartis les éditions de guides touristiques (voir le tableau synthétique de cette répartition en Annexe 12138) : par exemple les Lonely Planet sont disponibles à Kateb Yacine,

quand les Petit Futé sont acquis uniquement par la bibliothèque du Centre Ville. Les deux bibliothèques couvrent, toutes les deux, toutes les régions du monde, mais avec des éditions différentes. À l'origine la bibliothèque du Centre Ville avait un fonds plus complet sur les différentes régions de France, mais cela tend à s'atténuer aujourd'hui.

Une telle répartition, originale, permet d'offrir une couverture géographique mondiale maximale aux usagers, et ce à deux endroits différents dans la ville de Grenoble, tout en amenant à une spécialisation et à un déplacement des publics adeptes d'une édition particulière. Cela permet également de se répartir les coûts : les Lonely Planet sont plus onéreux que les guides du Routard, mais ils sont également actualisés moins souvent. Les acquéreurs deviennent spécialistes de leur offre, ils sont d'autant plus réactifs aux changements saisonniers du marché éditorial. Face à un tel système, les bibliothèques de quartier peuvent se permettre d'être plus axées sur l'accueil de la jeunesse et ne posséder que très peu de guides touristiques, même en l'absence de navettes permettant de déplacer les documents. Les médiathèques de quartier peuvent renvoyer les usagers aux deux grandes bibliothèques de la ville en cas de demande ou de recherche particulière. Les usagers-voyageurs sont d'autant plus encouragés à se déplacer par eux-mêmes qu'il existe un partenariat du réseau municipal avec la Maison de la Montagne, bibliothèque associée. Un usager nous a d'ailleurs parlé avantageusement de ce partenariat lors de notre enquête : Thomas (6 - BmL) précise en effet « j'étais à

Lyon il y a 4 ans, je suis parti, je suis revenu il y a 6 mois (…), avant j'étais à Grenoble et là il y a un fonds documentaire à la Maison de la Montagne, enfin c'est un partenariat entre la Maison de la Montagne et la bibliothèque, du coup ils ont beaucoup d'ouvrages de randonnée, de voyage, des choses techniques sur l'escalade, la montagne, l'alpinisme et il y a beaucoup de choses, plein de cartes aussi, et ça je m'en servais, j'y allais souvent pour préparer des sorties, plutôt de l'escalade mais un petit peu de randonnées aussi ». La ville de Grenoble possède

ainsi une offre de guides optimale : grâce aux choix documentaires effectués au sein du réseau, et de par le partenariat développé avec une structure documentaire spécialisée sans équivalent. Même si on peut remarquer que les guides alternatifs « écotourisme », « tourisme solidaire » ou « tourisme durable » ‒ dont les éditions Viatao incarnent le renouveau ‒ ne font pas systématiquement partie de leur catalogue. Les bibliothèques auraient certainement un positionnement général à adopter par rapport à cette littérature pratique « responsable » et à sa promotion.

138Ces éléments, ainsi que le tableau ont été transmis et expliqués par Stéphane Charvet, en charge du domaine