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§1 Les actes du procureur de la République

B. La qualification retenue

72. Si l’intervention de l’autorité judiciaire permet en principe de qualifier l’acte de

substitution de judiciaire (1), d’autres critères peuvent être pris en compte (2).

1. Le critère déterminant de l’intervention de l’autorité judiciaire

73. Le législateur ne définit pas l’acte judiciaire. Du latin « judiciarius » dérivé de

« judex », juge, cet acte peut revêtir plusieurs acceptations. Dans un sens large, celui-ci correspond à un acte qui appartient à la justice par opposition à l’acte législatif ou l’acte administratif.

74. L’acte législatif désigne, stricto sensu, à un acte qui se rapporte aux lois et non à la

Constitution ou au règlements. Or, l’acte de substitution opéré par le procureur de la République peut être considéré comme un tel acte dans la mesure où le mécanisme constitue

un pouvoir légal. Aussi, l’injonction thérapeutique est issue de la loi du 31 décembre 1970362,

la composition pénale et les alternatives aux poursuites de la loi du 23 juin 1999363 De même,

l’acte législatif se distingue des actes autorisés par la coutume, la jurisprudence ou la doctrine. Enfin, l’acte du procureur peut être considéré comme un acte législatif entendu comme un acte qui se rapporte au droit ou qui s’en occupe. Toutefois, la notion d’acte législatif renvoie plutôt à la compétence de l’auteur de l’acte. Aussi, un acte est considéré comme législatif lorsqu’il est réalisé par le pouvoir législatif. Dans un tel cas, l’acte de substitution réalisé par le procureur ne peut être qualifié ainsi dans la mesure où le procureur n’est pas un organe législatif, c’est-à-dire ayant le pouvoir de faire des lois, mais comme un organe habilité à

361 Art. 495-2 C. proc. pén.

362 Loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970, op. cit.

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appliquer les lois. Dans un tel cas, il convient de vérifier si l’acte de substitution peut être considéré comme un acte administratif.

75. Celui-ci désigne un acte qui relève de l’administration, à savoir les institutions ou

services soumis à un régime de droit public par opposition à ceux de droit privé. Le procureur de la République relevant d’un statut particulier, il ne peut être considéré comme un organe administratif. Néanmoins, il est également délicat de le considérer comme une autorité judiciaire. Or, cette qualification n’est pas nécessaire lorsque l’acte de substitution nécessite l’intervention d’une autorité judiciaire. Aussi, en matière de composition pénale, l’article 41-2 du Code de procédure pénale dispose que, lorsque le délinquant a accepté la proposition du procureur, celui-ci doit saisir par requête le président du tribunal aux fins de validation de la composition. Il en est de même en cas de contravention. L’article suivant prévoit que la requête en validation est portée, selon la nature de la contravention, devant le juge du tribunal de police ou devant le juge de la juridiction de proximité.

76. Il convient ainsi de vérifier si cette validation permet de donner à l’acte de substitution

un caractère judiciaire et suffit à justifier cette qualification. En effet, le législateur ne précise pas si la nature de l’acte de substitution dépend de la nature de l’acte de validation. Cela ne pose toutefois pas problème dans la mesure où la validation est une condition de validité de l’acte de substitution de sorte que celui-ci n’existe uniquement grâce à cet acte de validation. La nature de ce dernier est donc déterminante du caractère de l’acte de substitution. Le législateur ne définit pas la notion de validation. Celle-ci peut être entendue comme l’opération de vérification, consistant pour une autorité judiciaire ou administrative ou une

assemblée à reconnaître la véracité d’un fait ou le régularité d’un acte364. Aussi, la validation

a pour but de régulariser l’acte sans pour autant lui donner un caractère judiciaire. Néanmoins, le fait qu’elle régularise l’acte permet à celui-ci de produire des effets de droit. L’intervention de l’autorité permet donc de donner à l’acte de substitution un plein effet et de revêtir un caractère judiciaire ou non.

Il est alors nécessaire de distinguer selon que l’autorité à l’origine de la validation est judiciaire ou administrative. En matière de composition pénale, la validation est opérée par le juge du tribunal de police ou le juge de proximité. Dans les deux cas, il s’agit bien d’une

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autorité judiciaire. L’acte de composition pénale peut donc être considéré comme judiciaire. En revanche, l’injonction thérapeutique n’est pas soumise à une telle validation. De même, la mise en œuvre des alternatives aux poursuites de l’article 41-1 du présent code ne nécessite pas l’intervention de l’autorité judiciaire. Aussi, il est important de regarder si l’autorité à l’origine de l’acte de substitution, à savoir le procureur de la République, peut être considéré comme une autorité judiciaire.

L’acte judiciaire peut être entendu comme l’acte rendu par le corps judiciaire, c’est-à-dire l’ensemble des magistrats de l’ordre judiciaire de carrière comprenant les magistrats du siège

et du parquet ainsi que les auditeurs de justice365. Aussi, le procureur constitue un organe

judiciaire. De plus, la doctrine rappelle que l’acte judiciaire désigne non seulement les actes relatifs à la justice rendue par les tribunaux judiciaires, mais aussi par les autorités dotées du pouvoir judiciaire. Or, si le procureur ne correspond pas à un tribunal, celui-ci rend la justice dans la mesure où il met fin définitivement à un litige conformément au droit. En outre, l’article R 3413-10 du Code de la santé publique dispose expressément que l’autorité judiciaire informe le préfet des mesures d'injonction thérapeutique prononcées par elle dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la mesure et lui transmet la copie des pièces de la procédure qu'elle estime utiles. Le législateur considère donc le procureur comme une autorité judiciaire.

77. Toutefois, cette analyse n’est pas confirmée par la jurisprudence européenne et

française. Aussi, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé dans un arrêt du 10

juillet 2008366 que le procureur de la République ne constituait pas une autorité judiciaire au

sens de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette décision a été entérinée par la cour de cassation le 5 décembre

2010367. Il convient alors de vérifier s’il n’existe pas d’autres critères permettant de qualifier

l’acte du procureur de la République de judiciaire (2).

365 Art. 1er de l’Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant Loi organique relative au statut de la magistrature, NOR: ECOX0500184R, JO du 23 décembre, p. 11551.

366 CEDH, 10 juillet 2008, n° 3394/03, Medvedyev et autres c./ France, A.D.L. du 2 septembre 2008 ; CEDH, 5e

sect., 23 novembre 2010, n° 37104/06, Moulin c./ France, A.D.L. du 23 nov. 2010 et A.D.L. du 1er décembre 2010.

85 2. Les autres critères déterminants

78. Le caractère judiciaire de l’acte ne dépend pas seulement de la nature de l’autorité qui

est en à l’origine. Aussi, la doctrine a mis en évidence un autre critère permettant de définir un tel acte. Celui-ci suppose une procédure, une intervention de la justice. Or, l’acte de substitution intervient au cours de la procédure judiciaire mise en œuvre en cas de commission d’une infraction. Il a lieu après le dépôt de plainte de la victime auprès des

services de police judiciaire et non administrative368. Ce critère n’est néanmoins pas suffisant

pour donner à l’acte de substitution un caractère judiciaire dans la mesure où celui-ci n’est pas réalisé par les membres de la police judiciaire mais par le procureur de la République dont la qualité d’autorité judiciaire a été remise en cause par la jurisprudence.

79. En revanche, la détermination des juridictions compétentes en matière de contentieux

peut permettre de déterminer le caractère administratif ou judiciaire de l’acte de substitution. Aussi, si le délinquant ne dispose d’aucun recours contre la composition pénale ou l’injonction thérapeutique, un pourvoi en révision reste toujours envisageable. En effet,

l’article 622 al 1er du Code de procédure pénale dispose que la révision d’une décision pénale

définitive peut être demandée, au bénéfice de toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit. Celle-ci ne peut donc concerner les contraventions ayant fait l’objet d’une composition pénale. De plus, la révision n’est ouverte que si la décision porte sur le fond et que celle-ci est irrévocable. Or, tel est le cas de l’acte du procureur de la République. Enfin, s’il ne peut y avoir révision des arrêts de la chambre criminelle, cette exclusion ne concerne pas les actes de substitution du procureur de la République. Toutefois, la révision fait l’objet d’une procédure devant une commission auprès de la Cour de cassation. Dès lors, il est possible de considérer que l’acte du procureur de la République est judiciaire.

80. De plus, le législateur prévoit que l’inexécution de la mesure de substitution entraîne

l’extinction de l’action publique. Or, seul un acte judiciaire peut avoir un tel effet. De même, l’inexécution d’une mesure alternative aux poursuites de l’article 41-1 du Code de procédure pénale peut entraîner la mise en œuvre d’une composition pénale ou de l’action publique. Il peut être opposé que l’acte de substitution du procureur de la République qui consiste à

368 CE, 11 mai 1951, Baud, S. 1972, II, 13, 1ere espèce, concl. P. Delvolvé, note R. Drago ; Trib. confl., 7 juin 1951, S. 1952, III, 13 ; Trib. confl., 19 octobre 1998, Bull. civ., n° 11, L.P.A. 7 juillet 1998, concl. J. Arrighi de Casanova ; Cass. crim., 10 juin 1996, J.C.P. 1986, II, 20683 ; Trib. confl. 12 juin 1978, AJDA 1978, p. 455.

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imposer une mesure alternative aux poursuites de l’article 41-1 du Code de procédure pénale correspond à un classement sans suite sous condition et donc à une décision administrative. Néanmoins, il est délicat de retenir une telle qualification dans la mesure où le classement sans suite sous condition conduit au prononcé d’une réponse pénale. Dès lors, la nature judiciaire de l’acte du procureur peut être retenue au regard du contenu de l’acte. Il en est de même concernant les actes de substitution réalisés par l’administration (§2).