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Le cas de la transaction pénale

§1 Les contrats civils

B. La notion similaire de transaction

1. Le cas de la transaction pénale

108. Du latin « transigo » signifiant « finir, régler »414, la transaction désigne « le contrat

par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître415 ». D’origine civile, la transaction est également utilisée en matière pénale. Il convient alors de vérifier si les deux mécanismes se confondent ou non. A priori l’assimilation de la transaction civile et pénale n’est pas envisageable. En effet, si le procès civil tend à résoudre un conflit en apportant une éventuelle réparation au préjudice subi, le

412 Cass., avis, 6 avril 2009, n° 09-00001, Bull. crim., n° 2 ; Rev. pén. 2009, note X. Pin, p. 441.

413 Si Xavier Pin utilise le terme de « novation judiciaire » pour désigner le remplacement de la peine prononcée par une autre, le législateur préfère parler de « conversion ». V. X. Pin, Droit pénal général, Dalloz, Cours, 8e

éd., 2015, 8e éd., n° 514. Anne Ponseille emploie l’expression « commutation judiciaire », tandis que Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec utilisent le terme de « transmutation ». V. A. Ponseille, La fongibilité des peines, technique d’application des peines pour un juge alchimiste, op. cit., p. 137 ; F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 17e éd., 2011, n° 1010-1.

414 B. Auzanneau, Y. Avril, Dictionnaire latin de poche, op. cit.,v° Transigo, p. 627.

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procès pénal a pour but d’apaiser un trouble social né d’une atteinte portée à la société par la commission d’une infraction. La réparation du préjudice subi par la victime n’est donc qu’accessoire. De plus, le procès civil est conçu comme un dernier recours pour les parties

alors que le procès pénal est fondé sur le modèle de la nécessité416. Ce dernier se caractérise

par le principe de l’indisponibilité de l’action publique, ce qui s’oppose à l’idée même de

transaction. Toutefois, le législateur emploie expressément la notion de « transaction » en

matière pénale. Aussi, l’alinéa 3 de l’article 6 du Code de procédure pénale dispose que

« l’action publique peut, en outre, s’éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ou par l’exécution d’une composition pénale ». Cette disposition permet de préciser le domaine de la transaction. La transaction pénale consiste en un mode d’extinction de l’action publique ce qui permet d’exclure les actes de substitution qui n’ont pas cette fin. La transaction constitue, en effet, un acte de disposition qui implique de renoncer

définitivement à exercer l’action en justice relative au litige417. Aussi, le prononcé d’une peine

de substitution, d’un régime d’exécution de la peine autre que celui prévu par le législateur, le recours à l’ordonnance pénale ou encore à la CRPC, ont pour objectif d’apporter une réponse pénale adaptée à la situation concernée, après mise en mouvement de cette action et non de renoncer à cette dernière. Elles ne peuvent donc être qualifiées de transaction.

109. En revanche, les substitutions ante actio qui permettent d’éviter l’exercice de l’action

publique, peuvent a priori constituer un tel acte. Il s’agit de l’injonction thérapeutique, la

composition pénale, l’amende et l’indemnité forfaitaires, la convention judiciaire d’intérêt public ainsi que les transactions pénales. Sont néanmoins exclues les mesures alternatives aux poursuites prévues à l’article 41-1 du Code de procédure pénale dans la mesure où leur exécution conduit à un simple classement sans suite, l’action publique pouvant alors être mise en œuvre. Il convient néanmoins de réaliser certaines distinctions. Tout d’abord, le législateur précise que la transaction pénale est un mode d’extinction de l’action publique au même titre que la composition pénale. Celle-ci n’est donc pas assimilée à la transaction pénale. D’ailleurs, si elle ne constitue pas une condamnation pénale susceptible de constituer le premier terme de la récidive, la composition pénale est inscrite au casier judiciaire, ce qui n’est pas le cas de la transaction pénale. De plus, la transaction pénale désignée comme telle par le législateur, fait référence aux transactions opérées par l’administration et non par le

416 A.-S. Chavent-Leclère, La transaction existe-t-elle en droit pénal ?, in La transaction dans toutes ses dimensions, sous la direction de B. Mallet-Bricout et C. Nourrissat, D. 2006, p. 148.

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procureur de la République. En effet, si celui-ci s’est vu confier l’exercice de l’action

publique, aux termes de l’article 1er du Code de procédure pénale, il n’en a pas la

disposition418. A ce propos, Roger Merle et André Vitu enseignent qu’il paraît de prime abord

impossible que l’action publique s’éteigne par une transaction intervenue entre le coupable et

des représentants de la société419. La seule exception à l’indisponibilité de l’action publique

concerne certaines administrations. L’article 1er du Code de l’instruction criminelle disposait

d’ailleurs que l’action pour l’application des peines n’appartient qu’aux fonctionnaires auxquelles elle est confiée par la loi. Ces considérations permettent donc d’écarter l’injonction thérapeutique à l’initiative du procureur de la République. Cette exclusion se justifie également par le fait que cette mesure n’est pas consentie par le délinquant mais imposée, ce qui fait obstacle à la qualification de transaction. Il en est de même concernant l’amende forfaitaire. Si ce mécanisme mis en œuvre par l’administration, permet d’éteindre l’action publique lors du paiement de la sanction, il n’est pas accepté par le délinquant, ce qui s’oppose à la substance même de la transaction qui repose sur un accord de volonté entre les

parties. Peuvent donc être a priori qualifiées de transactions, celles désignées comme telles

par le législateur, à savoir l’indemnité forfaitaire et les transactions pénales proposées par certaines administrations. Le domaine n’est pas pour autant limité. En effet, le législateur a

étendu considérablement le champ d’application de la transaction pénale420. Il convient alors

de vérifier si celle-ci remplit les conditions applicables à la transaction civile.

110. Outre les règles relatives à la formation du contrat, la transaction civile doit avoir pour

objectif de mettre fin à une contestation ou de prévenir une contestation à naître. En matière pénale, la transaction a également pour but de mettre fin à un différend entre le ministère public et le délinquant. En revanche, elle n’a pas pour objectif de prévenir une contestation dans la mesure où la transaction pénale intervient en réponse à la commission d’une

418 R. Gassin, Transaction, Rép. Pén., n°3.

419 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel. Procédure pénale, Tome 2, Cujas, 5e éd., 2001, p. 82, n° 65.

420 V. par ex., Décret n° 2014-368 du 24 mars 2014 relatif à la transaction pénale prévue à l'article L. 173-12 du code de l'environnement, JO du 26 mars, n° 0072, p. 5957 : le décret met en œuvre l’extension de la transaction pénale à l'ensemble des infractions prévues par le Code de l'environnement, hormis les contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire en application de l'article 529 du Code de procédure pénale, conformément à ce que prévoyait l' article L. 173-12 du CE, issu de l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du CE. Est ainsi créé un titre VII dans le livre Ier de la partie réglementaire du CE qui détermine l'autorité administrative habilitée à établir la proposition de transaction, fixe le contenu de la proposition de transaction, définit les modalités de son homologation et de sa notification . Jusqu’à présent la transaction pénale était prévue dans les seuls domaines de l'eau, de la pêche en eau douce et des parcs nationaux.

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infraction. Si elle peut permettre de prévenir des infractions futures, elle doit obligatoirement porter sur un fait matériel constaté, ce qui exclut le deuxième élément de la définition de la transaction civile. Cela n’empêche pas pour autant d’envisager la qualification en tant que mécanisme mettant fin à une contestation. Quant à la formation de la transaction, l’article 2045 du Code civil dispose que, « pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction ». En matière pénale, l’objet de la transaction est l’action publique.

Concernant l’administration, il a été rappelé que celle-ci bénéficie d’une exception au principe de l’indisponibilité de l’action publique. En revanche, la disposition de l’action

publique par le délinquant paraît a priori inenvisageable. Si celui-ci peut adhérer à une

décision concernant cette action, il ne peut en disposer, celle-ci relevant de l’ordre public. La jurisprudence civile , a d’ailleurs exclu du bénéfice de la transaction, toutes les matières qui relèvent de près ou de loin de l’ordre public. Aussi, ne peuvent faire l’objet d’une transaction, les droits hors du commerce, tels que l’état des personnes421, les droits alimentaires422, les

intérêts protégés de façon absolue tels que le contrat de travail423 ou encore les donations424. Il

apparaît d’ailleurs étonnant d’envisager une transaction pénale alors que l’infraction est définie comme une atteinte à l’ordre public. De plus, l’article 2046 du Code civil dispose

expressément que « si l’on peut transiger sur l’intérêt civil qui résulte d’un délit, la

transaction n’empêche pas la poursuite du ministère public425 ». Toutefois, cette disposition n’exclut pas la possibilité d’une transaction pénale. En effet, elle signifie simplement que cette transaction ne pourra être effectuée que dans un domaine extérieur à l’action publique ou dans un domaine où le ministère public est privé de la maîtrise de cette action, ce qui est le cas lorsque l’administration le remplace. Cela ne résout cependant pas la question de la disponibilité de l’action publique concernant le délinquant. Cette condition n’est pas remplie.

421 Cass. civ. 2e, 21 mars 1988, n° 86-16598, Bull. civ. II, n° 74, p. 39, Gaz. Pal. 1989, p. 1, note J. Massip ; Cass. civ. 1ère, 17 décembre 1996, n° 95-12956, Bull. civ. I, n° 450, p. 316.

422 Cass. civ. 2e, 30 janvier 1985, Bull. civ. II, n° 88 ; Cass. civ. 2e, 23 juin 1967, Bull. civ., II, n° 234.

423 Cass. soc., 2 décembre 1997, n° 42981, Bull. civ. V, n° 416, p. 299 ; Cass. soc. 13 janvier 1998, n° 95-41592, Bull. civ. V, n° 12, p. 10.

424 Cass. civ. 1re, 12 juin 1967, Bull. civ. I, n° 208, D. 1967, p. 584, note A. Breton.

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111. Il en est de même concernant la condition jurisprudentielle admise unanimement par la

doctrine426. La cour de cassation a en effet ajouté un élément constitutif de la transaction,

l’existence de concessions réciproques427. Cette notion n’a pas été définie par la

jurisprudence. Elle peut consister en engagements428 ou en une renonciation de la part de

chacune des parties à une prétention429. Les concessions réciproques sont d’une grande

diversité. A priori, cette condition est remplie en ce qui concerne la transaction pénale. En effet, l’administration renonce à l’exercice de l’action publique en cas d’exécution de la mesure transactionnelle par le délinquant. Quant à ce dernier, en avouant sa culpabilité et en exécutant la mesure transactionnelle, renonce à l’exercice de l’action publique et aux règles relatives au procès pénal. Il y a donc bien une renonciation de part et d’autre, ce qui peut constituer une transaction. Toutefois, la concession du délinquant n’est pas importante dans la mesure où il s’agit souvent d’infractions matérielles qui ne nécessitent pas la preuve d’un élément intentionnel et dont la culpabilité est donc rarement contestée. De plus, il fait généralement l’objet d’une amende ce qui rappelle la peine d’amende encourue en matière contraventionnelle.

En outre, le déséquilibre originel existant entre les parties fait a priori obstacle à la réciprocité

des concessions430. En effet, l’administration publique, partie à ce contrat, bénéficie d’une

clause exorbitante de droit commun dans la mesure où le cocontractant est menacé de

poursuites pénales s’il ne contracte pas431. Toutefois, les juges de ne contrôlent pas

l’équivalence des concessions. Certes, cette exigence est vérifiée par les juges et par le

professionnel qui rédige l’acte, sous peine de voir sa responsabilité pénale engagée432. De

plus, celles-ci peuvent être conditionnelles mais non potestatives433. Toutefois, elles ne sont

pas obligatoirement de même importance434.

426 V° not. Ch. Jarrosson, Les concessions réciproques dans la transaction, D. 1997, p. 267 à 273 ; L. Boyer, La notion de transaction (contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif), thèse, Toulouse, Sirey, 1948.

427 Cass. civ. 1ère, 30 mai 2000, n° 98-15242, Bull. civ. I, n° 169, p. 109 ; Cass., ass. plén., 24 février 2006, n° 04-20525, Bull. A.P., n° 1, p. 1, R.L.D.C. 2006/27, n° 5, note B. Mallet-Bricout.

428 Cass., ass. plén., 24 février 2006, préc.

429 Cass. civ., 3 janvier 1883, Dr. pén. 1883, 1, 457.

430 A.-S. Chavent-Leclère, La transaction existe-t-elle en droit pénal ?, op. cit., p. 157.

431 M. Dobkine, La transaction en matière pénale, D. 1994, p. 137.

432 Cass. civ. 3e, 4 février 1976, n° 74-13064, Bull. civ. III, n° 50, p. 39.

433 B. Fages, Equilibre et transaction : l’exigence de concessions réciproques, in La transaction existe-t-elle en droit pénal ?, in La transaction dans toutes ses dimensions, sous la direction de B. Mallet-Bricout et C. Nourrissat ,Dalloz, 2006, p. 55.

434 Cass. soc., 13 mai 1992, n° 89-40844, Bull. crim. V, n° 307, p. 192, R.T.D. civ. 1992, p. 783, obs. P.-Y. Gautier.

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Cela n’empêche pas pour autant de sanctionner le caractère dérisoire de la concession. Il faut que la concession puisse être contrôlée par le juge c’est-à-dire qu’il puisse se faire une idée de sa consistance, sans qu’elle soit nécessairement chiffrée ou chiffrable. Aussi, une concession contraire à l’ordre public, notamment économique, est nulle. De même, une concession impossible ne permet pas à la transaction d’exister. En revanche, en cas de pluralité de concessions, le contrat de transaction n’est pas annulé. En matière pénale, il existe bien des concessions, mais celles-ci sont minimes ce qui peut faire obstacle à la qualification de

contrat de transaction435. De plus, il n’y a pas une pluralité de concessions empêchant

l’annulation du contrat lui-même. La transaction pénale ne peut donc pas être assimilée à une

transaction civile436. Il en est de même concernant la comparution sur reconnaissance

préalable de culpabilité.