• Aucun résultat trouvé

Le contrat en matière pénale

§2 Les autres contrats

B. Le contrat en matière pénale

125. Si la thèse du contrat pénal ne peut être retenue (1), celle de contrat en général ne peut

être utilisée en matière pénale (2).

1. La thèse du contrat pénal

126. Certains auteurs penchent pour la qualification de « contrat pénal », mettant ainsi

l’accent sur le caractère répressif de la substitution plus que sur son aspect contractuel. Certes, la substitution peut résulter d’un accord de volonté entre une autorité publique et le délinquant mais celui-ci ne peut s’analyser en contrat civil ou administratif. Plusieurs arguments permettent de conforter cette analyse. Tout d’abord, s’il a été remarqué que l’une des parties est une autorité publique et plus précisément une autorité administrative, celle-ci n’agit pas en tant que tel mais en tant que ministère public. Or, ce dernier ne constitue ni un organe judiciaire ni un organe administratif à proprement parler. Il constitue un magistrat au statut particulier. Si celle-ci peut agir en tant victime, elle devra respecter la procédure civile et non agir par le biais d’une transaction pénale. De plus, si la jurisprudence admet parfois la compétence du juge administratif, celle-ci n’est pas constante et la nécessaire homologation de l’autorité judiciaire devrait conduire, comme en matière de composition pénale, à rendre les juridictions répressives compétentes. Celui-ci est certainement pénal. La commission d’une infraction et le prononcé d’une sanction relève de la matière pénale. De même, la cause de la transaction n’est pas seulement de mettre fin à un litige mais surtout d’apporter une réponse pénale appropriée à un comportement. Elle ne concerne pas seulement les relations

474 X. Pin, Le consentement en matière pénale, op. cit., n° 390.

475 J.-B. Perrier, La transaction en matière pénale, op. cit., n° 223 et s.

117

entre l’autorité et le délinquant mais elle prend en compte l’intérêt général ce qui caractérise la matière pénale. Si la matière civile ne concerne que les rapports entre personnes et la matière administrative ne porte que sur les relations entre l’administration et l’administré, le droit pénal présente la particularité de toucher les deux, ce qui est bien le cas en matière de substitution. De plus, le droit pénal reste incompatible avec l’idée même de contrat (2).

2. La qualification contractuelle générale

127. Le développement des modes alternatifs de règlement des litiges est généralement

perçu par la doctrine comme une sorte de « contractualisation » de la justice pénale. Dès lors

il convient de vérifier si l’acte de substitution peut être analysé comme un véritable contrat.

Du latin « contrahere » qui signifie « rassembler, réunir »477, le contrat peut être défini

comme une espèce de convention ayant pour objet de créer une obligation ou de transférer la

propriété478.Si le second objet ne concerne pas la substitution, la création d’une obligation

doit être étudiée. Généralement, l’obligation désigne tout devoir auquel le citoyen est astreint en vertu des règles les plus diverses. Juridiquement, elle correspond à un devoir résultant d’une règle de droit, c’est-à-dire assorti d’une sanction juridique, impliquant l’intervention étatique et, au besoin, de la force publique, pour en assurer le respect. Cette définition qui permet de distinguer le contrat de la convention, peut être reprise en matière de substitution. En effet, celle-ci a pour objet d’apporter une réponse pénale individualisée, plus précisément une sanction, à un comportement qui n’a pas respecté la loi pénale. Cette réponse nécessite l’intervention d’une autorité administrative ou judiciaire et peut faire l’objet du recours à la force publique. La notion d’obligation n’est donc pas étrangère à la substitution. Toutefois, la substitution ne peut être analysée en contrat que si l’acte même de remplacement a pour objet de créer une telle obligation. Or, celle-ci n’est pas à l’origine de l’obligation. Elle trouve sa source dans la loi. Aussi, le législateur distingue bien les obligations contractuelles des obligations légales ou encore délictuelles. L’obligation qui concerne la substitution correspond bien à cette dernière. A priori, la notion de contrat devrait être écartée. Toutefois, la nécessité du consentement du délinquant à certains actes de substitution conduit à s’interroger sur cette qualification contractuelle.

477 B. Auzanneau, Y. Avril, Dictionnaire latin de poche, op. cit.,v° Contrahere., p. 143.

118

128. Le contrat est souvent défini comme un manifestation d’autonomie de la volonté

individuelle s’opposant traditionnellement à la loi et jugement479. Il se distingue de l’acte

unilatéral. En matière de substitution, cette autonomie de la volonté peut se constater dans la mesure où le recours au mécanisme de remplacement est facultatif et que le délinquant est libre de refuser ou non la proposition. Néanmoins, l’article 1108 du Code civil dispose que quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention. Il s’agit du consentement de la partie qui s’oblige, de sa capacité à contracter, de l’existence d’un objet certain qui forme la matière de l’engagement et d’une cause licite dans l’obligation. Les trois dernières conditions ne posent pas de problème. Qu’il s’agisse de l’autorité à l’origine de la substitution ou du délinquant, ceux-ci possèdent la capacité de contracter. Si la minorité ou l’existence d’un régime de protection peuvent faire obstacle à la conclusion d’un contrat en matière civile, il n’en est pas de même en matière pénale. Quant à l’objet, celui-ci concerne la sanction déterminée par l’autorité publique. La cause de la substitution consiste en l’efficacité de la réponse pénale.

129. En revanche la première condition, essentielle au contrat, est plus délicate. Le

consentement des parties suppose que ce dernier existe et soit intègre. Concernant l’existence du consentement, celle-ci suppose que l’une des parties réalise une offre de contracter et que la seconde accepte ou non la proposition. L’offre doit être suffisamment précise et complète pour pouvoir être acceptée. Elle doit donc porter sur les éléments essentiels du contrat. Elle doit également être ferme c’est-à-dire ne comporter aucune réserve. Dans le cadre de la substitution, la proposition faite au délinquant consiste en une sanction dont la nature et le quantum sont déterminés par l’autorité public. Elle porte sur l’objet même du contrat et ne comporte aucune réserve. Elle est donc précise et complète. De plus, la proposition peut être expresse ou tacite du moment qu’elle exprime sans équivoque la volonté de son auteur. Elle peut être adressée à une personne précise ou au public. Enfin, elle peut être révoqué à l’issue d’un délai raisonnable. Elle devient caduque si elle n’a pas été révoquée et n’a fait l’objet d’aucune réponse dans le délai imparti. Elle le devient également en cas de décès de son auteur ou de son destinataire à condition que la personnalité du cocontractant soit déterminante du contrat. En matière de substitution, la proposition est en principe expresse et adressée à la personne même du délinquant. Un délai de réflexion est laissé au délinquant qui

119

ne peut en revanche révoquer son consentement. En cas de décès du délinquant, la proposition devient caduque. Les conditions relatives à l’existence du consentement sont donc remplies. Quant à l’acceptation, celle-ci doit être totale, pure et simple. Sa forme est libre du moment qu’elle exprime la volonté d’accepter. Elle peut être tacite mais le silence ne vaut pas

acceptation480. Enfin, l’acceptation ne peut porter que sur ce qui a été porté à la connaissance

de l’acceptant. Si elle existe, le contrat est formé dès l’émission de cette acceptation mais l’acceptant peut revenir dessus tant qu’elle n’est pas parvenue à destination. Par exception, la formation du contrat peut être retardée par la soumission à une formalité extérieure. En matière de substitution, l’acceptation est également libre quant à la forme. Elle est en principe expresse mais peut être tacite comme en celle du stage de citoyenneté et du travail d’intérêt

général481. Celui-ci est valable dans la mesure où celui-ci a été informé de sa possibilité de

refuser. Enfin, l’acceptation ne peut porter que sur ce qui a été porté à la connaissance du délinquant. Les conditions sont donc respectées. Elle suppose que la volonté des parties soit réelle, libre et éclairée. Elle ne doit pas être viciée, comme en cas d’erreur, de dol ou encore de violence. En matière de substitution pénale, l’autorité publique ne peut user de la force publique pour conduire le délinquant à accepter la proposition. Toutefois, ce dernier reste menacé de poursuites pénales en cas de refus, ce qui permet de douter sur l’existence réelle d’un consentement libre de la part du prévenu. Or, il est possible de limiter le choix du délinquant sans pour autant le contraindre. De plus, le délinquant est poursuivi ou condamné pour avoir commis une infraction. Il ne peut donc être considéré comme un citoyen ordinaire. La mesure à laquelle il est invité à adhérer est en effet de sa faute et participe de sa

répression482. De plus, si le consentement peut être vicié en cas d’erreur de l’administration,

plusieurs limites ont été posées par le législateur et la jurisprudence. Tout d’abord, la justice consensuelle ne peut remettre en cause les principes fondamentaux du droit pénal tels que la présomption d’innocence, les droits de la défense ou le principe de recherche de la vérité. De plus, le délinquant doit être informé de la portée de la mesure proposée et peut être assisté d’un avocat. Il doit généralement signer un écrit valant acceptation.

480 Cass. civ. 1re, 16 avril 1996, n° 94-16528, Bull. civ. I, n° 181, p. 126.

481 Art. 131-5-1 et 131-8 du C. pén.

120

130. Quant à la sanction des conditions de validité, la mise en œuvre de l’action en nullité

prévue pour tout acte juridique n’est pas évidente en matière répressive. En effet, elle suppose l’existence de voies de recours au profit du justiciable. Or, celle-ci n’est pas toujours possible.

Le délinquant peut exercer un recours en matière de transaction pénale483. Elle peut également

exercer un recours hiérarchique auprès du procureur général ou du garde des Sceaux lorsque la médiation pénale est entachée d’un vice pouvant conduire à sa nullité. Enfin, il bénéficie des recours juridictionnels de droit commun en cas de problème relatif au stage de citoyenneté et au travail d’intérêt général. S’il ne dispose d’aucun recours en matière de composition pénale, il pourra se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme. Aussi, celle-ci a pu décidé qu’une procédure de transaction entachée de contrainte était contraire à l’article 6§1

relatif au procès équitable484. Cette solution ne concerne néanmoins pas directement la

composition pénale. En revanche, il est toujours possible d’envisager la mise en œuvre de la responsabilité de l’autorité publique à l’origine du vice du consentement. Cette hypothèse reste rare dans la mesure où le législateur a prévu suffisamment de garanties en matière de consentement. Toutefois, la réalité du consentement peut être remise en cause. En effet, la condition du consentement du délinquant relative au travail d’intérêt général permet

simplement d’éviter le non respect des dispositions concernant le travail forcé485. Quant aux

autres mesures ou actes de substitution consentis, celles-ci sont mises en œuvre sous la menace du retour à la mesure substituée ou du déclenchement de l’action publique. Le délinquant n’est donc jamais totalement libre dans son acceptation.

131. Quant aux effets du contrat, ceux-ci ne posent pas de problème. Comme en matière

civile, la substitution n’a qu’un effet relatif. Son inexécution peut conduire à la révocation de la mesure, à son exécution forcée ou encore à une nouvelle sanction. Toutefois, l’inexécution d’une obligation contractuelle conduit nécessairement à son exécution forcée ou à la résolution du contrat mais ne peut conduire au prononcé d’une nouvelle sanction. De plus, plusieurs considérations empêchent de retenir la notion de contrat. Tout d’abord, l’autorité

483 Par ex. CA Metz, ch. corr., 4 novembre 1993. Selon la cour, en matière de contraventions à la police des chemins de fer, l’offre d’une transaction est une formalité obligatoire de la procédure antérieure à la citation. Dès lors, l’agent verbalisateur qui a exigé le contrevenant une somme supérieure à celle prévue par la Loi à titre de transaction commet une irrégularité substantielle de nature à annuler la transaction proposée et par là même toute la procédure.

484 CEDH, 27 février 1980, n° 6903/75, Deweer c./ Belgique ; V. Berger, Jurisprudence de la cour européenne des droits de l’Homme, Sirey 1996, p. 139 et s., n° 43.

485 L’alinéa 2 de l’article 4 de la CESDH dispose que « nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ».

121

publique ne peut être assimilée à une partie au contrat dans la mesure où elle n’intervient pas pour défendre des intérêts disponibles. Elle ne dispose pas de l’intérêt juridique qu’elle protège. L’action pénale et la sanction pénale appartiennent à la société. En outre, elle n’exprime pas une volonté propre à modifier leur relation avec le justiciable sur le modèle du

contrat486. Aussi, le droit pénal qui est de l’ordre de la loi et de la contrainte, c’est-à-dire du

donné ne peut s’accorder avec la notion de contrat de l’ordre du construit ou de la liberté créatrice. Le justiciable n’adhère pas à un contrat mais à un statut légal. Néanmoins, il est possible de considérer l’acte de substitution comme un acte à la fois de renonciation et d’option (Section 2).