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Le choix du destinataire de l’acte

§2 Un acte d’option

B. Le choix du destinataire de l’acte

139. Le délinquant ne dispose pas toujours de la faculté de choisir ou non la mise en œuvre

de la substitution. Aussi, l’injonction thérapeutique, les mesures alternatives aux poursuites autres que la médiation pénale, l’ordonnance pénale, l’amende forfaitaire, les peines de substitutions autres que le travail d’intérêt général et le stage de citoyenneté, les sursis et aménagements de peine s’imposent au prévenu. La qualification d’acte d’option n’est donc valable qu’à l’égard de l’auteur de l’acte de substitution. Toutefois, lorsqu’il consent à cet acte, celui-ci choisit l’application de règles autres que celles de droit commun. Aussi, il choisit la mise en œuvre de la composition pénale ou de la transaction pénale à la place de la

mise en mouvement de l’action publique493. De même, il choisit l’utilisation de la CRPC au

lieu du déroulement du procès pénal selon les règles de droit commun. En outre, il consent à

492 X. Pin, Le consentement en matière pénale, op. cit., p. 543 : « une option entre deux blocs de règles juridiques, dont le législateur n’a pas voulu, au nom du respect des libertés individuelles essentielles, attribuer l’exercice exclusif aux autorités pénales ».

493 J.-B. Perrier, La transaction en matière pénale, préface S. Cimamonti, op. cit., n° 356 : Tel est le cas en matière d’alternatives aux : poursuites : la personne est placée devant « un choix, une option entre deux issues proposées par le procureur ou le représentant de l’administration » ; E. Raschel, Le consentement à la transaction en matière pénale, op. cit., p. 463 : « Consentir revient alors, d’une part à opter ; d’autre part à renoncer, en l’occurrence à l’accès au règlement judiciaire du litige ».

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l’exécution d’un stage de citoyenneté ou d’un travail d’intérêt général à la place d’une peine privative de liberté ou d’une peine d’amende. Il adhère enfin à la mise en œuvre d’une médiation pénale afin d’éviter le déclenchement de l’action publique. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un choix véritablement libre dans la mesure où le délinquant est en position d’infériorité et est toujours menacé par l’application du second choix. Cela n’empêche pas pour autant de retenir la qualification d’option. Quant à la condition du délai, le délinquant bénéficie toujours d’un délai de réflexion lorsqu’il est en mesure d’accepter ou de refuser la substitution. Aussi, l’article R 15-33-39 du Code de procédure pénale dispose que la personne à qui est proposée une composition pénale peut demander à disposer d’un délai de dix jours avant de faire connaître sa décision. Concernant la C.R.P.C., l’article 495-8 in fine du même code prévoit que la personne est avisée par le procureur de la République qu’elle peut demander à disposer d’un délai de dix jours avant de faire connaître si elle accepte ou si elle refuse la ou les peines proposées. Quant à la médiation pénale, celle-ci est d’abord proposée par courrier. La personne peut alors accepter un entretien à l’issu duquel elle donnera son accord ou non à la

médiation494. Elle dispose donc bien d’un délai de réflexion. En revanche, l’acceptation du

stage de citoyenneté ou du travail d’intérêt général doit se faire lors de l’audience, sans que le délinquant puisse disposer d’un délai pour y réfléchir. Si le législateur prévoit que le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général, celui-ci reçoit la réponse directement et non à l’issue du procès. Ces considérations ne font toutefois pas obstacle à la qualification d’acte d’option dans la mesure où il existe bien un délai fixé par le législateur, la durée de celui-ci n’ayant aucune conséquence sur la qualification. Le droit d’option du justiciable est limité

mais libre. Il s’apparente au droit d’option du droit civil défini comme « la prérogative

juridique reconnue par la loi ou la convention à une personne de prendre tel ou tel parti qui lui sont proposés ».

140. Conclusion du chapitre 2. Qu’ils soient consentis ou non, les actes de substitution pénale ne peuvent être assimilés à des contrats. S’ils ne peuvent donc donner lieu à des

obligations contractuelles, ils ne sont pas moins obligatoires495. Aussi, s’il s’agit d’une option

pour l’autorité publique qui choisit d’utiliser la substitution pénale, celle-ci est tenue après

494 INAVEM, Guide des bonnes pratiques, Le cadre d’intervention en médiation pénale.

495 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., v° Obligatoire, p. 701 : « en sens général, synonyme de devoir résultant en général de la Loi ».

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épuisement des voies de recours, de respecter sa décision496. Elle renonce alors à l’application

du droit commun. Elle renonce au prononcé de la peine d’emprisonnement ou de l’amende en cas de remplacement de celles-ci par une peine de substitution ou d’octroi d’un aménagement de peine ou d’un sursis avec mise à l’épreuve ou obligation d’accomplir un travail d’intérêt général. Elle renonce également à la mise en œuvre de l’action publique en cas de substitution

ante actio, à l’exception des alternatives aux poursuites qui conduisent à un simple classement sans suite ou aux règles de droit commun applicable au procès pénal en cas d’application des procédures simplifiées que constituent l’ordonnance pénale et la C.R.P.C. Quant au mis en cause, lorsqu’il accepte l’application de la substitution à son égard, celui-ci est tenu, après épuisement des voies de recours, d’exécuter la mesure sous le contrôle de l’autorité publique.

Il renonce alors aussi à l’application du droit commun497.

141. Conclusion du Titre 1. L’acte de substitution présente un caractère judiciaire et un caractère obligatoire. Cela démontre que la substitution ne remet pas en cause les principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale. Selon ces derniers, le mécanisme consiste à donner une réponse pénale à la commission d’une infraction. Elle doit donc en principe être mise en œuvre par une juridiction de jugement, à l’issue d’un procès pénal qui permet d’établir la culpabilité du mis en cause et de prononcer une condamnation pénale prévoyant la peine à exécuter obligatoirement et ne pouvant pas être remise en cause par la juridiction. La substitution se différencie toutefois du droit commun en ce qu’elle a pour objet de remédier au manque d’efficacité, de rapidité et d’individualisation de la réponse pénale. Le législateur a donc fait en sorte de concilier les principes du droit pénal et l’objectif poursuivi. Aussi, la substitution n’est pas toujours mise en œuvre par la juridiction de jugement. Elle peut être utilisée par le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention, le juge d’application des peines, le procureur de la République, l’administration ou encore les officiers de police judiciaire. De même, la substitution ne fait pas automatiquement l’objet d’un procès ou du prononcé d’une condamnation pénale. Dans tous les cas, le législateur

496 Par ex., le législateur précise, à l’al. 7 de l’art. 131-4-1 du C. pén. relatif à la contrainte pénale qu’ « après le prononcé de la décision, le président de la juridiction notifie à la personne condamnée, lorsqu’elle est présente, les obligations et interdictions qui lui incombent ainsi que les conséquences qui résulteraient de leur violation ».

497 J. Carbonnier, Les renonciations au bénéfice de la Loi en droit privé, Rapport général, Travaux de l’Association H. Capitant, 1963, Tome XII, p. 295 : Il s’agit selon l’auteur d’une option de législation qui réside dans la possibilité pour l’intéressé de renoncer au Droit objectif, c’est-à-dire d’abandonner un corps de règles pour se placer sous l’empire d’un autre. V. X. Pin, Le consentement en matière pénale, op. cit., p. 517.

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s’assure de la conservation du caractère judiciaire de l’acte. En effet, les actes de substitution à l’initiative du juge d’instruction, du juge des libertés et de la détention et du juge de l’application présentent un caractère judicaire, ces derniers étant eux-mêmes des autorités judicaires. Quant au procureur de la République, les officiers de police judicaire et l’administration, ceux-ci ne constituent pas des autorités judicaires mais font intervenir de telles autorités pour valider ou homologuer l’acte de substitution dont elle ont l’initiative ou

encore transmettre une réclamation de la part du délinquant498En outre, si tous les actes ne

peuvent revêtir un caractère juridictionnel, le législateur prévoit des règles procédurales

permettant le respect des droits fondamentaux du délinquant499. Là encore, le législateur

s’assure de la garantie des principes fondamentaux de droit pénal et de procédure pénale tout

en conservant la spécificité du mécanisme. Aussi, ce dernier ne peut s’analyser en contrat500.

S’il peut s’analyser en acte d’option et de renonciation, il présente une force obligatoire qui le rapproche de la condamnation pénale, réponse pénale de droit commun en cas de commission d’une infraction pénale. La substitution constitue donc bien un mécanisme de renforcement d’efficacité de la réponse pénale en assurant sa rapidité et son individualisation sans pour

autant remettre en cause les principes du droit pénal501 comme l’évoquent certains auteurs502.

498 V. Par ex., Cons. const., 30 mars 2006, n° 2006-535 DC, Loi sur l’égalité des chances, JO du 2 avril, p. 4964, Rec. p. 50, Cons. n° 240 : « Considérant, en premier lieu, que le maire ne peut mettre en oeuvre une procédure de transaction que si l’action publique n’a pas été mise en mouvement ; que l’autorité judiciaire, qui homologue l’accord intervenu entre le maire et l’auteur des faits, n’est pas liée ni par la proposition du maire ni par son acceptation par la personne concernée ; qu’aucune des mesures pouvant faire l’objet de la transaction n’étant pas de nature à porter atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution, il était Loisible au législateur de confier ce pouvoir d’homologation à un magistrat du parquet ou à un magistrat du siège ; que, dans ces conditions, le législateur n’a pas méconnu le principe de séparation des pouvoirs ; » ; Cons. const., 23 septembre 2016, n° 2016-569 QPC, Syndicat de la magistrature et autre, JO n°0224 du 25 septembre, note 12 :

« Ni le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789, ni aucune autre exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une personne suspectée d'avoir commis une infraction reconnaisse librement sa culpabilité et consente à exécuter une peine, s'acquitter d'une amende transactionnelle ou exécuter des mesures de nature à faire cesser l'infraction ou à en réparer les conséquences. Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la présomption d'innocence ».

499 V. par ex. J.-O. Viout, La défense pénale devant le ministère public : les alternatives à la poursuite, La défense pénale, XIXe Congrès de l’Association française de droit pénal, 2009, p. 140 : « C’est précisément parce qu’elles sont promus et définies par le ministère public que celles-ci (les alternatives aux poursuites) doivent être insusceptibles de critiques au niveau du respect de la présomption d’innocence et du contradictoire .»

500 X. Pin, Le consentement en matière pénale, op. cit., n° 278 : « Le consentement est l’élément d’un acte unilatéral d’option original, qui ne se confond pas avec le contrat »

501 D. Roure, Les jours-amendes : une sanction à redéfinir, op. cit, p. 64.

502 J.-P. Céré, De la composition pénale à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : le « plaider coupable » à la française, AJ Pénal, 2003, p. 390 : « Il s’agit bien d’un bouleversement de la procédure pénale française, la plus grande part du contentieux ayant vocation à être absorbée par ce mode d’exercice des poursuites. (…) L’introduction du plaider coupable va, par ricochet, radicalement modifier la nature des autres voies procédurales ». M. Giacopelli, Libres propos sur la sanction-réparation, op. cit., p. 1552 : « Le droit contemporain de la sanction pénale n’a plus guère à voir avec les caractères classiques de la peine qui y a

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Comme l’explique Damien Roure à propos de la création du jour-amende : « la réforme

attendue du code pénal, rendue nécessaire par le vieillissement de notre législation, présente des solutions nouvelles qui s’inscrivent dans une certaine continuité ».

perdu presque tout son latin ! » ; R. Gassin, Considérations sur le but de la procédure pénale, Mélanges Pradel, Cujas, 2006, p. 109 et s.

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