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Les actes à l’initiative de la juridiction de jugement

§1 Les actes de la juridiction de jugement

A. Les actes à l’initiative de la juridiction de jugement

38. Si le caractère juridictionnel des actes de substitution substantielle parfaite est évident

(1) celui des autres actes l’est moins (2).

250 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., v°Acte d’administration judiciaire, p. 21.

251 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., v°Juridictionnel, p. 588.

56 1. Les actes de substitution substantielle parfaite

39. La juridiction de jugement est compétente pour prononcer des peines de substitution

en lieu et place de la peine de référence. Celle-ci peut être le tribunal de police, la juridiction

de proximité253 ou le tribunal correctionnel254, les peines criminelles ne pouvant faire l’objet

d’un tel remplacement. Concernant les mineurs, la juridiction compétente est le tribunal pour

enfants255, la cour d’assises de mineur ne pouvant, pour les mêmes raisons que les majeurs,

utiliser la substitution pénale. Il convient de vérifier si les actes de substitution de ces juridictions peuvent être qualifiés de juridictionnels. L’acte juridictionnel se définit comme un acte par lequel une juridiction tranche une contestation au terme d’une procédure organisée et

qui, pour toutes ces raisons, est revêtu de l’autorité de la chose jugée256. La doctrine257 a mis

en évidence trois critères permettant de caractériser un tel acte. L’acte de substitution répond à ces conditions. Ce premier critère suppose que l’auteur de l’acte soit un organe juridictionnel. Or, si le législateur n’emploie pas explicitement ce terme pour désigner le

tribunal de police ou le tribunal correctionnel, la jurisprudence n’hésite pas à l’utiliser258. De

plus, la juridiction désigne les organes institués pour rendre la justice par application du Droit,

ce qui est le cas de l’ensemble des tribunaux259. Quant au deuxième critère, celui-ci implique

que l’acte posé par l’organe juridictionnel permette de prendre parti sur une prétention formulée par des parties ou pour trancher un litige. Or, l’acte de substitution a pour objet de prononcer une peine, après caractérisation préalable de l’infraction et établissement de la culpabilité. Il met ainsi fin définitivement au différend opposant le délinquant au ministère public.

253 L’art. 521 du C. proc. pén. dispose en son 1er al. que « le tribunal de police connaît des contraventions de la cinquième classe ». L’al. 2 prévoit que la juridiction de proximité connaît des contraventions des quatre premières classes. Quant aux mineurs, l’art. 21 al. 1 de l’Ordonnance de 1945 dispose que « sous réserve de l'application des articles 524 à 530-1 du code de procédure pénale, les contraventions de police des quatre premières classes, commises par les mineurs, sont déférées au tribunal de police siégeant dans les conditions de publicité prescrites à l'article 14 pour le tribunal pour enfants ».

254 L’art. 381 du C. proc. pén. dispose en son al. 1 que « le tribunal correctionnel connaît des délits ».

255 L’art. 1 de l’Ordonnance de 1945 dispose que « les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ou des cours d'assises des mineurs. Ceux auxquels est imputée une contravention de police de cinquième classe sont déférés aux juridictions pour enfants dans les conditions prévues à l'art. 20-1 ».

256 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit.,v° Acte juridictionnel, p. 588.

257 V. not. L.Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, P.U.F., Thémis, 2010.

258 V. Pour le tribunal de police, par ex. Cass. crim., 8 décembre 2004, n° 04-83602, Bull. crim. n° 314, p. 1193 ; D. 2005, IR 388 ; A.J.P. 2005, p. 203 ; Pour le tribunal correctionnel : par ex. CA. Reims, 9 novembre 1978, D. 1979, p. 92, note J. Pradel ; J.C.P. 1979, p. 329, obs. G. Levasseur.

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Enfin, le critère formel correspond à l’existence d’une procédure spécifique suivie lors de la réalisation de l’acte de substitution. En matière de substitution, la juridiction de jugement suit plusieurs règles de procédure. Celle-ci rend sa décision après avoir qualifié l’infraction et établi la culpabilité du prévenu. Elle agit dans le respect des droits fondamentaux du

délinquant, notamment la publicité des débats260, le droit à un avocat et à un interprète261, le

principe du contradictoire262. Celui-ci peut donc être considéré comme juridictionnel. De plus,

toutes ces règles procédurales correspondent à celles imposées au juge lorsqu’il rend une

condamnation pénale263. Il convient donc de vérifier si l’acte de substitution peut s’analyser

en tant que tel.

40. La condamnation pénale peut être définie comme la décision prononcée par une

autorité ayant pouvoir de juridiction et imposant à un individu une sanction à raison de ses

agissements qui lui sont imputés264. Au regard de cette définition, l’acte de substitution réalisé

par la juridiction de jugement et conduisant au prononcé d’une mesure de substitution peut correspondre à une condamnation à condition que cette mesure puisse être considérée comme une peine et que l’acte revête bien un caractère décisionnel. Concernant la nature de la mesure

de substitution, celle-ci est qualifiée de peine par le législateur265. Quant à la nature

décisionnelle de l’acte, il convient d’en vérifier les conditions. Selon Cornu, la décision est une action de décider, de prendre parti. Plus spécialement, elle correspond à une décision de justice englobant tout jugement, quelque soit son auteur et son objet. Enfin, une telle décision

260 En matière correctionnelle, l’art. 400 du C. proc. pén. dispose en son 1er al. que les audiences sont publiques. L’art. 535 al. 1er du dit code relatif aux jugements des contraventions dispose que « les dispositions des articles 400 à 405, sont applicables, à la procédure devant le tribunal de police ». Concernant les mineurs, voir les art. 14 et 21 de l’Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

261 En matière délictuelle, voir art. 406 et 407 et s. du C. proc. pén. L’art. 535 al. 1er prévoit que ces articles s’appliquent devant le tribunal de police. L’art. 4-1 al. 1er de l’Ordonnance de 1945 dispose que « le mineur poursuivi doit être assisté d'un avocat ».

262 En matière correctionnelle, l’art. 411 al. 2 du même code dispose que « l’avocat du prévenu, qui peut intervenir au cours des débats, est entendu dans sa plaidoirie et le prévenu est alors jugé contradictoirement ».

Il en est de même en matière contraventionnelle. La jurisprudence est d’ailleurs constante sur ce point. Par ex. Cass. crim., 10 février 1916, Bull. crim. n° 34 et cass. crim., 24 janvier 1956 ; D. 1956, somm. 131. : « la publicité doit, à peine de nullité, être constatée non seulement pour l’audience dans laquelle le jugement est rendu, mais aussi pour toutes les audiences où il a été fait des actes d’instructions ». Pour les mineurs, voir l’art. 13 de l’Ordonnance de 1945.

263 Sur la qualification de l’infraction : Art. 399-9 et s. C. proc. pén. en matière délictuelle et art. 537 en matière contraventionnelle ; Sur l’établissement de la culpabilité Art. 464 et s. et 539 et s. C. proc. pén.; Sur le principe du contradictoire : Art. 406 et s. C. proc. pén. en matière délictuelle auquel renvoie l’art. 535 du même code applicable aux contraventions ; Sur le droit à l’avocat Art. 417 C. proc. pén. en matière délictuelle et art. 536 C. proc. pén. en matière contraventionnelle ; Sur la publicité des débats : Art. 400 C. proc. pén. en matière délictuelle auquel renvoie l’art. 535 du même code applicable aux contraventions.

264 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., v° Condamnation, p. 201.

265 V. art. 131-3, 131-4-1, 131-5, 131-5-1 ; 131-6, 131-8 ; 131-8-1 ; 131-11 ; 131-12 ; 131-14 ; 131-18 ; 131-36-7 ; 131-3131-36-7 ; 131-9-1 ; 131-39-2 ; 131-40 ; 131-42 ; 131-44-1 du C. pén.

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doit contenir le dispositif266. L’acte de substitution réalisé par la juridiction pénale consiste à

remplacer la peine d’emprisonnement ou d’amende normalement encourue par une peine d’une autre nature. Il s’agit donc, pour la juridiction, d’un choix entre plusieurs sanctions pénales et la prise de parti pour l’une d’entre elle. De plus, le législateur prévoit que le dispositif, qui suit les motifs destinés à justifier la décision prise, énonce les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables ou responsables, ainsi que la peine, les textes de

loi appliqués, et les condamnations civiles267. Or, l’acte de substitution ne peut se justifier que

si ces éléments ont été établis. Le législateur ne précise pas la nature de l’acte de substitution ni si ce dernier se confond avec la condamnation pénale. Dans le silence du législateur, il convient de ne pas distinguer là où ce dernier ne distingue pas. En outre, l’acte de substitution a lieu au moment du prononcé de la sanction donc après la déclaration de culpabilité et au moment de la même audience. En effet, seul un ajournement de peine pourrait retarder le prononcé de celle-ci. La substitution substantielle parfaite correspond donc à la condamnation pénale.

Il en est de même des actes de substitution substantielle imparfaite qui consistent au prononcé d’un SME ou d’un STIG ainsi que les actes par lesquels le juge accorde un aménagement de peine, à savoir la SL, le PE ou le PSE. Le caractère révocable des mesures conduit en revanche à s’interroger sur la pertinence d’une telle qualification. En effet, une condamnation pénale acquiert l’autorité de la chose jugée et ne peut donc plus être révoquée dès lors que les délais des voies de recours sont épuisés ou que celles-ci ont été utilisées sans donner lieu à la remise en cause de la condamnation pénale. Or, le législateur prévoit à l’article 132-47 du Code pénal que le SME peut être révoqué par la juridiction de jugement ou par le JAP dans les conditions prévues à l’article suivant. Il en est de même concernant le STIG comme le dispose l’article 132-56 du présent code. Quant aux aménagements de peine, le législateur offre également la possibilité au JAP de les retirer dans les conditions prévues à l’article

712-6 du Code de procédure pénale268. Néanmoins, la révocation du sursis confirme la

condamnation pénale définitivement avec tous ses effets et toutes ses conséquences269. De

plus, la décision par laquelle le juge affecte une ou plusieurs peines du sursis est une

266 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., v° Décision, p. 267.

267 Art. 485 C. proc. pén. en matière correctionnelle auquel l’article 543 du même code relatif aux contraventions renvoie.

268 Art. 723-2 C. proc. pén. relatif à la semi-liberté, au placement à l’extérieur et 723-7-1 du même code relatif au placement sous surveillance électronique.

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condamnation pénale. Si dans certains pays la condamnation elle-même est suspendue270, en

France, seule son exécution est affectée271. Enfin, en cas d’exécution des mesures ordonnées

dans le cadre d’un SME ou STIG, le législateur prévoit que la condamnation pénale est

réputée non avenue272. Pour autant, l’acte de substitution n’ôte pas le caractère juridictionnel

de la condamnation pénale. Celle-ci est simplement effacée mais a bien existé. Quant au retrait des aménagements de peine, ceux-ci n’ont pas d’incidence sur l’existence de la condamnation. De plus, la décision de retrait est soumise aux conditions de l’article 712-6 du Code de procédure pénale, qui constituent les conditions relatives à la réalisation d’un acte juridictionnel273.

Les actes de substitution substantielle réalisés par la juridiction de jugement peuvent donc être considérés comme des actes juridictionnels, au même titre que les actes de substitution procédurale qu’elle peut prendre (2).

2. L’ajournement avec mise à l’épreuve ou injonction

41. L’ajournement avec mise à l’épreuve ou avec injonction aboutissant à une dispense de

peine correspond à un acte de substitution procédurale parfaite dans la mesure où le délinquant aura été sanctionné par différentes obligations à accomplir à la place de l’exécution d’une peine. Il n’a pas pour objet l’organisation du service de la juridiction ni le règlement de questions relatives à l’instance et ne peut donc s’analyser en un acte

d’administration judiciaire274. Aussi, il convient de vérifier s’il constitue un acte juridictionnel

voire une condamnation pénale. Les articles 132-63 et 132-66 du Code pénal prévoient respectivement la possibilité pour la juridiction de jugement d’ajourner le prononcé de la peine et de placer le prévenu sous le régime de la mise à l’épreuve ou de l’enjoindre à se conformer à une ou plusieurs prescriptions prévues par la loi ou le règlement. Dans les deux cas, la juridiction pénale établit la culpabilité de la personne mais repousse le prononcé de la peine à une date ultérieure. Il y a donc bien une condamnation pénale. Toutefois, la décision d’ajournement s’en distingue. Il convient donc de vérifier si elle répond aux critères de l’acte juridictionnel.

270 V. par ex. la notion de « sentence suspendue » en Angl. L. Radzinowicz, Mélanges Constant 1971, p. 291.

271 B. Bouloc, Droit pénal général, op. cit., p. 584.

272 Art. 132-52 C. pén. relatif au SME auquel l’art. 132-56 du même code relatif au STIG renvoie.

273 Art. 723-2 et 723-13 du C. proc. pén.

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42. Le critère organique ne pose pas de problème dans la mesure où l’ajournement est

décidé par la juridiction de jugement elle-même275. Celle-ci statue dans le respect des règles

procédurales applicables en matière de jugement sur la culpabilité276. Le critère formel est

donc également rempli. L’existence du critère matériel est moins évidente à établir. En effet, si la juridiction ne prononce pas une peine, elle donne tout de même une réponse à l’infraction commise en plaçant le prévenu sous le régime de la mise à l’épreuve ou en lui enjoignant de se conformer à certaines prescriptions. Néanmoins, cette réponse n’est pas définitive tant qu’elle n’a pas statué sur la peine. Celle-ci va en effet pouvoir décider de dispenser la personne de peine, de prononcer la peine prévue par la loi ou d’ajourner une nouvelle fois le prononcé de cette peine, cette troisième possibilité n’étant pas prévue pour l’ajournement

avec injonction277. Il convient donc de distinguer ces trois cas. La décision d’un nouvel

ajournement ne rend pas encore une réponse définitive. Elle ne permet donc pas de déterminer la nature de l’acte de substitution qui n’est pas encore accompli totalement. Quant à la décision du prononcé de la peine, celle-ci ne constitue pas une réelle substitution de peine dans la mesure où les mesures accomplies par le délinquant avant le prononcé de la peine s’ajoutent à celles-ci et ne permettent pas de la remplacer. Toutefois, la décision de dispense de peine correspond à une substitution. En effet, si le prévenu n’exécute pas de peine, il aura tout de même du satisfaire aux exigences du régime de la mise à l’épreuve ou aux prescriptions prévues par la loi ou le règlement. Dans ce cas, la décision de dispense de peine répond au critère matériel de l’acte juridictionnel en apportant une réponse définitive à la commission d’une infraction. De plus, si la jurisprudence n’a pas admis la qualification de

condamnation pénale278, ce refus n’ôte pas le caractère juridictionnel de l’acte dans la mesure

où il consiste à trancher le litige définitivement.

Aussi, tous les actes de substitution à l’initiative de la juridiction de jugement revêtent un caractère juridictionnel. Il en est de même concernant ceux à l’initiative du procureur de la République mais dont la décision finale appartient à la juridiction de jugement (B).

275 Art. 132-63 et 132-66 du C. proc. pén.

276 Art. 132-58 du C. proc. pén.

277 V. respectivement, art. 132-65 et 132-69 du C. proc. pén.

278 TA Toulouse, 29 juin 1998, D. 2000, somm. 116, obs. G. Roujou de Boubée ; Dr. pén. 1999, p. 69, obs. J.-H. Robert.

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