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La sanction ayant le caractère de punition

§2 Les qualifications possibles

A. La sanction ayant le caractère de punition

235. La notion de sanction ayant le caractère de punition présente un domaine limité (1) qui

pourrait être étendu aux mesures de substitution ante actio (2).

1. Le domaine actuel

236. La notion de sanction ayant le caractère de punition est utilisée par le Conseil

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garanties des droits de la défense à un maximum de sanction, quelle que soit leur qualification pénale ou non pénale dans le droit national, à partir du moment où elles ont un but répressif. La Cour de justice des communautés européennes tente également de soumettre les amendes prononcées en droit de la concurrence par la Commission européenne à des principes tels que

la non rétroactivité et le droit à un procès équitable675.Cette expression est généralement

utilisée pour désigner les sanctions prononcées par les autorités administratives telles que de

la Commission des opérations de bourse devenue l’Autorité des marchés financiers676 et celui

du Conseil supérieur de l'audiovisuel677. Elle a également été étendue à une sanction

financière infligée par les directeurs des organismes locaux de sécurité sociale en vertu de l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale et celle qui autorisa le président du conseil

général à suspendre les allocations familiales versées aux familles des mineurs délinquants678.

237. En s’alignant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat

considère que les sanction fiscales, c’est-à-dire, les pénalités, majorations ou amendes présentent le caractère d’une punition tendant à empêcher la réitération des agissements

qu’elles visent et n’ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d’un préjudice679. De

même, le juge judiciaire a ainsi affirmé que « le principe de non-rétroactivité des peines

s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition, et que constitue une telle sanction l’amende fiscale prévue par l’article 1840 N quater du Code général des impôts, dans sa rédaction applicable en la cause, qui n’a pas le caractère d’intérêts de retard ou de réparation pécuniaire680 ». Ce raisonnement a été confirmé par la Cour de cassation pour la

majoration pour abus de droit prévue à l’article 1729 du Code général des impôts681 et celle

675 CJCE, 10 juillet 1984, Kirk, n° 63/83, Rec. 1984 p. 2689 ; CJCE, 29 octobre 1980, n° 209 à 218/78, Rec. p. 3125.

676 Cons. const., 28 juillet 1989, n° 89-260 DC, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, JO du 1er août, p. 9676, Rec. p. 71. cons. 6.

677 Cons. const., 27 juillet 2000, n° 2000-433 DC, Loi modifiant la Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JO du 2 août, p. 11922, Rec. p. 121, cons. 48 à 52.

678 Cons. const., 30 mars 2006, n° 2006-535 DC, Loi pour l’égalité des chances, JO du 2 avril, p. 4964, Rec. p. 50, cons. 36.

679CE, sect., avis, 31 mars 1995, n° 164008, SARL Auto Industrie Méric ,Rec. p. 154 ; RJF 1995, n° 623, concl. J. Arrighi de Casanova ; Dr. fisc. 1995, n° 18, comm. 1006 ; AJDA 1995, p. 739, note R. Dreifuss ; CE, sect., avis, 5 avril 1996, n° 176611, Houdmond, Rec. p. 116 ; Dr. fisc. 1996, n° 25, comm. 765, concl. J. Arrighi de Casanova ; RJF 1996, n° 607, p. 311, chron. S. Austry ; RFDA 1997, p. 843, chron. J. Petit.

680Cass. com., 7 novembre 1989, n° 88-12059, Bull. civ. IV, n° 280, p. 190 ; Dr. fisc. 1989, n° 52, comm. 2533 ; RJF 12/1989, n° 1461, concl. O. Raynaud.

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de 80% codifiée par l’ancien article 1728-3 dans le cas d’un retard dans le dépôt de la déclaration682.

238. Le Conseil constitutionnelemploie également ce terme afin de vérifier l’applicabilité

du principe d’individualisation des peines. Aussi, dans sa décision du 30 décembre 1982

a-t-il affirmé que « toute sanction ayant le caractère d'une punition » obéissait aux principes de

nécessité et de proportionnalité déduits de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme,

« même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire683 ». La notion a été étendue en matière électorale. Aussi dans sa décision du 11

juin 2010684, le Conseil constitutionnel a considéré que l’incapacité d’exercer une fonction

publique élective d’une durée égale à 5 ans constitue une sanction ayant le caractère de punition. De même a t-il pu décidé que l’interdiction définitive d’inscription sur les listes

électorales peut revêtir la même qualification685. Le Conseil ne limite donc pas la catégorie.

En effet, il regarde si cette qualification peut être retenue au regard du caractère punitif de la mesure et non en fonction de son domaine. Il a ainsi décidé que l’inéligibilité définitive en tant que sanction disciplinaire ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition en ce qu’elle a pour objet de garantir l’intégrité et la moralité des professionnels et non de punir le délinquant. L’expression de sanction ayant le caractère de punition peut ainsi être étendue aux mesures de substitution ante actio dans la mesure où elles présentent toutes un caractère punitif. Toutefois, le domaine d’application de l’expression est actuellement limité. Cela n’empêche pas d’envisager une extension future à ces mesures de substitution (2).

2. L’extension possible aux mesures de substitution

239. Actuellement, le Conseil s’en tient à une conception restrictive du caractère punitif des

sanctions. Aussi, en matière fiscale, celui-ci a décidé que la cotisation de 2% des rémunérations versées par les employeurs qui n'ont pas procédé ou insuffisamment procédé aux investissements prévus par l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation pour développer l'effort de construction ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une

682Cass. com., 22 février 2000, n° 97-17822, Bull. civ. IV, n° 39, p. 34 ; Cass. com., 27 juin 2000, n° 97-22351. 683Cons. const., 30 décembre 1982, n° 82-155 DC, Loi de finances rectificative pour 1982, JO du 31 décembre, p. 4034, Rec. p. 88 ;Dr. fisc. 1983, n° 2-3, comm. 47.

684 Cons. const., 11 juin 2010, n° 2010-6/7 QPC, M. Stéphane A. et autres, JO du 12 juin, p. 10849, Rec. p. 111.

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punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789, mais plutôt une imposition686. La

décision est d'autant plus instructive que le Conseil d'Etat avait dans sa décision de renvoi

estimé que la cotisation était « susceptible d'être regardée comme une sanction ayant pour

objet de réprimer le non-respect par l'employeur de ses obligations ». Par ailleurs, il précise

que ce principe de non-rétroactivité ne peut pas être appliqué « aux majorations de droits et

aux intérêts de retard ayant le caractère d’une réparation pécuniaire ». Dans cette décision, le Conseil constitutionnel ainsi énonce que l’appréciation de la notion de sanction doit être

opérée au regard de l’objet poursuivi par la mesure687.L'interprétation stricte de la notion de

« sanction » est en outre confirmée par plusieurs décisions relatives, notamment, à la solidarité des dirigeants dans le paiement de la pénalité due en cas de distribution de revenus à

des personnes dont l'identité n'est pas dévoilée à l'administration688, à l'article 155 A du Code

général des impôts689 ou à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales690, toutes ces

dispositions ayant été considérées comme n'édictant pas une sanction ayant un caractère punitif.

D’ailleurs, comme l'indiquent les commentaires de la décision aux Cahiers du Conseil

constitutionnel, celui-ci « a une interprétation stricte de la notion de sanction, en particulier

en matière fiscale. Le caractère répressif est indispensable et son objet principal doit tendre à empêcher la réitération des agissements qu'elle réprime. Ainsi, toute mesure qui sanctionne le manquement à une obligation ou la violation d'une règle de droit ne revêt pas pour autant le caractère d'une punition ». Aussi, si la fonction incitative de la cotisation a joué un rôle important dans la décision du Conseil constitutionnel, c’est parce que la cotisation a pour objet de développer l'effort de construction des employeurs que la notion d'impôt est

privilégiée par rapport à celle de sanction à caractère punitif.Dans une décision récente, le

Conseil, en matière environnementale, a estimé que « la procédure de transaction (…)

suppose l’accord libre et non équivoque, avec l’assistance éventuelle de son avocat, de l’auteur des faits ; qu’en outre la transaction homologuée ne présente, en elle-même, aucun

686Cons. const., 13 janvier 2011, n° 2010-84 QPC, SNC Eiffage Construction Val de Seine et autre, JO du 14 janvier, p. 812, Rec. p. 60.

687Cons. const., 30 décembre 1982, n° 82-155 DC, Loi de finances rectificative pour 1982, JO du 31 décembre, p. 4034, Rec. p. 88 ; Dr. fisc. 1983, n° 2-3, comm. 47.

688Art. 1754 V 3 C.G.I. ; Cons. const., 21 janvier 2011, n° 2010-90 QPC, M. Jean-Claude C., JO du22 janvier, p. 1387, Rec. p. 81.

689 Cons. const., 26 novembre 2010, n° 2010-70 QPC, M. Pierre-Yves M., JO du 27 novembre, p. 21118, Rec. p. 340 ; Constitutions 2011, p. 245, obs. C. de la Mardière.

690Cons. const., 30 juillet 2010, n° 2010-19/27 QPC, Epoux P. et autres,JO du 31 juillet, p. 14202, Rec. p. 190 ;

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caractère exécutoire et n’entraîne aucune privation ou restriction des droits de l’intéressé ; qu’elle doit être exécutée volontairement par ce dernier ; que, par suite, les mesures fixées dans la transaction ne revêtent pas le caractère de sanctions ayant le caractère d’une punition691 ». Si certains auteurs contestent cette décision, il pourrait convient d’envisager un autre terme pour qualifier les mesures de substitution, tel que celui de mesure punitive (B).