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Les ordonnances d’injonction thérapeutique

§2 Les actes des autres juges

A. Les ordonnances d’injonction thérapeutique

50. Le prononcé d’une injonction thérapeutique peut être réalisé par le juge d’instruction

(1) ou le juge des libertés et de la détention (2).

304 V.-O. Dervieux, La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité dans le cadre d’une instruction préparatoire (CRPCI), cette belle inconnue…, Gaz. Pal. 2016, n° 26, p. 15 à 19.

305 Elle ne constitue pas non plus un acte juridictionnel. En effet, si le juge d’instruction est nommé à ses fonctions dans les formes prévues pour la nomination des magistrats du sièges en vertu de l’article 50 al 1er du C. proc. pén. et constitue une juridiction, seules les ordonnances susceptibles d’appel sont juridictionnelles. Or, l’article 186 du C. proc. pén. ne prévoit pas dans la liste des ordonnances contestables l’article 180-1. V. not. J. Pradel, Procédure pénale, op. cit., p. 47. V. B. Bouloc, Procédure pénale, op. cit., Les pouvoirs de juridiction du juge d’instruction, p. 761 et s.

306 L’art. 49 du C. proc. pén. dispose que « le juge d’instruction est chargé de procéder aux informations, ainsi qu’il dit au chapitre 1er du titre III. Il ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge d’instruction. (…).En vertu du principe de séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement rappelé à l’article préliminaire du CPP, le juge d’instruction ne peut bénéficier d’un tel pouvoir ».

307 Art. 180-1 al. 4 du C. proc. pén.

308 Le juge des enfants est aussi compétent mais il ne sera pas développé cette procédure soumise aux règles spécifiques du droit pénal des mineurs.

67 1. L’acte du juge d’instruction

51. L’article L 3424-1 al 1 du Code de la santé publique dispose que les personnes mises

en examen pour les délits prévus par les articles L. 3421-1 et L. 3425-2 peuvent se voir notifier, par ordonnance du juge d'instruction, du juge des enfants ou du juge des libertés et de la détention, une mesure d'injonction thérapeutique selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-4. Le législateur ne précise pas la nature de l’acte du juge d’instruction. Si sa décision est qualifiée d’ordonnance, rien n’indique qu’elle constitue un acte juridictionnel. Or, une ordonnance désigne en principe le règlement pris par le pouvoir exécutif. Elle peut également correspondre aux décisions émanant d’un juge unique tel que le juge d’instruction. Dans un tel cas, l’ordonnance peut revêtir soit un caractère administratif, juridictionnel ou

gracieux soit le caractère d’une mesure d’administration judiciaire309.

52. Cette dernière peut être définie comme une mesure non juridictionnelle donc non

susceptible de recours, destinée à assurer le fonctionnement de la juridiction soit d’une façon

globale soit à l’occasion d’un litige310. L’ordonnance du juge d’instruction ne peut être

qualifiée ainsi dans la mesure où le prononcé d’une injonction thérapeutique par le juge d’instruction n’a pas un tel but. L’acte de substitution opéré par ce juge se différencie également de la mesure d’instruction ordonnée par le juge d’instruction, d’office ou à la demande des parties, pour s’éclairer dans l’administration judiciaire de la preuve, soit par des vérifications personnelles, soit par les déclarations des parties, soit par celles des tiers, ou

encore grâce aux lumières d’un technicien311. En revanche, l’acte de substitution du juge

d’instruction est qualifié d’ordonnance par le législateur. Or, celui-ci distingue celles administratives de celles juridictionnelles en vertu de plusieurs critères.

53. L’ordonnance administrative est prise d’office par le juge d’instruction sans qu’une

demande ne lui ait été faite par les parties. Il peut s’agir par exemple d’une expertise ou d’une ordonnance prescrivant un transport sur les lieux prise d’office par le juge d’instruction. Concernant la substitution, l’injonction thérapeutique n’est jamais prise à la demande de ces dernières. Toutefois, celle-ci consiste, pour le juge d’instruction, à prendre parti entre diverses

309 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., v° Ordonnance.

310 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., v°Mesure d’administration judiciaire.

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solutions. L’ordonnance d’injonction thérapeutique ne peut être a priori considérée comme administrative.

54. L’ordonnance juridictionnelle correspond, quant à elle, à une décision par laquelle le

juge choisit entre diverses prétentions émises ou solutions proposées par les parties ou par la

loi, que la prétention soit explicite ou implicite312. Elle doit être communiquée aux avocats

des parties privées et des parties elles-mêmes. La cour de cassation a en effet décidé que l’article 10 de la loi du 8 décembre 1897 qui dispose qu’il devait être donné au conseil de l’inculpé connaissance de toute ordonnance du juge ne s’appliquait qu’aux ordonnances

juridictionnelles313. De plus, si l’expression d’ordonnance juridictionnelle n’est plus utilisée

par l’article 183 du Code de procédure pénale, le principe posé par la jurisprudence

subsiste314. Enfin, l’ordonnance juridictionnelle est susceptible d’appel devant la chambre

d’instruction. En matière de substitution, le législateur ne donne aucune précision sur l’existence de ces deux dernières conditions. Néanmoins, l’ordonnance du juge d’instruction consiste en une mesure provisoire qui peut se poursuivre après la clôture de l’information. Le législateur prévoit alors que l’injonction est exécutée dans les mêmes conditions que le contrôle judiciaire et la détention provisoire. Or, ces deux mesures de sûreté sont notifiées à la

personne mise en examen315 et peuvent faire l’objet d’un recours de la part du prévenu316.

L’ordonnance du juge d’instruction soumise aux mêmes règles peut donc revêtir un caractère juridictionnel. Elle répond d’ailleurs aux trois critères doctrinaux permettant de définir l’acte juridictionnel.

Concernant le critère organique, l’auteur de l’acte est bien une juridiction. Ensuite, l’acte permet de trancher un litige, le juge d’instruction apportant bien une réponse pénale à la commission d’une infraction. Cela peut néanmoins paraître contestable dans la mesure où le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement, rappelé à l’article 49 du Code de procédure pénale, s’y oppose. Enfin, la mise en œuvre de l’acte implique le respect

312 Sont considérées comme juridictionnelles l’ordonnance portant refus d’informer , de non-lieu, de renvoi, sur la compétence, sur celles qui statuent sur la liberté de l’intéressé ou par laquelle il refuse de procéder à un acte d’instruction réclamé par une partie.

313 Cass. crim., 24 juin 1898, Bull. crim. n° 238.

314 J. Pradel, Procédure pénale, Cujas, 15e éd., p. 577.

315 Art. 137-3 C. proc. pén. en matière de contrôle judiciaire et art. 148-1-1 C. proc. pén. en cas de détention provisoire.

316 Art. 140 C. proc. pén. en cas de contrôle judiciaire et art. 148 et 148-1 C. proc. pén. en matière de détention provisoire.

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de règles procédurales relatives aux actes juridictionnels à savoir le respect du contradictoire, le droit à être entendu et être assisté d’un avocat, le droit de recours et la nécessité de motiver l’acte. Concernant le principe du contradictoire et les droits de la défense, le législateur prévoit que la détention provisoire est décidée dans le cadre d’une audience publique, après

débat contradictoire. Le mis en examen est assisté d’un avocat 317. En revanche, le contrôle

judiciaire ne nécessite pas une telle procédure. Toutefois, la cour de cassation a considéré que cette mesure ne méconnaît pas les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au procès équitable318.

Par ailleurs, l’obligation de motivation de l’ordonnance est également prévue. La circulaire du

20 décembre 2000319 précise que l’ordonnance du juge d’instruction qui tend au placement en

détention doit être motivée au regard des dispositions de l’article 144 du Code de procédure pénale. De même, la cour de cassation a considéré que le placement sous contrôle judiciaire devait être motivé en fonction des circonstances qui, à raison des nécessités de l’instruction

ou à titre de mesure de sûreté, justifient l’application du contrôle judiciaire320. L’ordonnance

du juge d’instruction peut donc être qualifiée de juridictionnelle.321 Il en est de même lorsque

l’injonction thérapeutique est imposée par le juge des libertés et de la détention (2). 2. L’acte du juge des libertés et de la détention

55. Le juge des libertés et de la détention peut être à l’origine d’une injonction

thérapeutique322. Il peut également ordonner une détention provisoire323, un contrôle

judiciaire324 ou une assignation à résidence avec surveillance électronique325. Dans tous les

317 Art. 145 C. proc. pén.

318 Cass. crim., 16 février 2000, n° 99-86307, Bull. crim. n° 72, p. 199.

319 Circulaire CRIM 00-16 F1/ du 20 décembre 2000 présentant les dispositions de la Loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes concernant l’instruction, la détention provisoire, le juge des libertés et de la détention et le jugement correctionnel.

320 Cass. crim., 8 août 1995, n° 95-82561, Bull. crim. n° 264, p. 471 ; D. 1996, somm., 261, obs. J. Pradel.

321 Elle se différencie de l’ordonnance gracieuse qui se développe hors de toute contestation ce qui n’est pas le cas de l’ordonnance rendue par le juge d’instruction. En effet, celui-ci apporte une réponse pénale à la commission d’une infraction à l’origine d’un différend opposant le délinquant au ministère public.

322 L’art. L.3424-1 al. 1er du C.S.P. dispose que « Les personnes mises en examen pour les délits (…) peuvent se voir notifier, par ordonnance du juge d'instruction, du juge des enfants ou du juge des libertés et de la détention, une mesure d'injonction thérapeutique (…)».

323 L’art. 137-1 al. 1er du C. proc. pén. dispose que « la détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge des libertés et de la détention ».

324 L’art. 137-2 al. 2 du C. proc. pén. dispose que « le contrôle judiciaire peut être également ordonné par le juge des libertés et de la détention, lorsqu'il est saisi ».

325 L'’art. 142-5 al. 1er du C. proc. pén. dispose que « l’ assignation à résidence avec surveillance électronique peut être ordonnée, avec l'accord ou à la demande de l'intéressé, par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins deux ans ou une peine plus grave ».

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cas, il rend des ordonnances motivées326, celles-ci répondant aux trois critères permettant de

caractériser l’acte juridictionnel. Concernant le critère organique, le juge des libertés et de la détention constitue une juridiction à juge unique compétente pour statuer sur la détention

provisoire et sur les demandes de mise en liberté327. Concernant le critère matériel, ce juge ne

peut en principe trancher définitivement un litige conformément au Droit. En effet, il n’est à l’origine que de mesures de sûreté ou de décisions qui leur sont relatives. L’article 137-1

alinéa 3 du Code de procédure pénale dispose d’ailleurs qu’ « il ne peut, à peine de nullité,

participer au jugement des affaires pénales dont il a connu ». Toutefois, lorsqu’il ordonne

une injonction thérapeutique, l’exécution de cette dernière éteint l’action publique328. Cette

mesure permet donc de mettre fin définitivement au litige opposant le délinquant au ministère public même si cela peut paraître contraire au principe de séparation des fonctions du juge des libertés et de la détention et de la juridiction de jugement rappelé par la circulaire du 20

décembre 2000329.

Quant au critère formel, celui-ci est rempli dans la mesure où l’injonction thérapeutique est soumise aux mêmes conditions que le contrôle judiciaire et la détention provisoire. De plus, le législateur ne prévoit pas de modalités différentes lorsque ces mesures sont ordonnées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention. Aussi, l’article 137-3 du Code de procédure pénale relatif à la détention provisoire dispose que le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée. Il en est de même lorsqu’il statue en matière de contrôle judiciaire. Sa décision est notifiée à la personne mise en examen. Ce dernier peut alors demander sa mainlevée en vertu de l’article 140 du Code de procédure pénale en ce qui concerne le contrôle judiciaire ou demander à tout moment sa remise en liberté comme le prévoient les articles 148 et 148-1 du présent code. Enfin, le juge des libertés et de la détention procède comme le juge d’instruction et rend ainsi une ordonnance conforme à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’acte du juge des libertés et de la détention revêt donc un caractère juridictionnel.

326 L’art. 137-3 al. 1er du même code dispose que « le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée ». L’article 142-6 du C. proc. pén. prévoit la même règle en cas d’assignation à résidence avec surveillance électronique.

327 G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant, op. cit., p. 524 et art. 137-1 al. 2 du C. proc. pén. : « le juge des libertés et de la détention est un magistrat du Siège (…) ».

328 Cass. crim., 4 mai 1972, n° 71-MI450, Bull. crim., n° 156, p. 391.

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56. Son ordonnance ne peut néanmoins être qualifiée de condamnation pénale. Comme le

juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention n’est pas une juridiction de jugement. Il ne statue pas en audience publique, après débat contradictoire et établissement de la culpabilité du prévenu et prononcé d’une peine. L’injonction thérapeutique n’est pas qualifiée

de peine par le législateur mais de mesure330 et ce dernier n’utilise pas le terme de

« condamnation » pour désigner l’acte de substitution réalisé par les deux juges. Les actes de substitutions réalisés par le JAP ne peuvent également constituer une condamnation pénale mais peuvent être qualifiés de juridictionnels (B).