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Il fut un temps où certains textes de l’histoire de la publicité en France renvoyaient à une publicité qui « se réduit à dire que dans telle rue, à tel numéro, on vend tel article à tel prix », écrivait Emile de Girardin » (Sauvy, 1977, p. 128 ; Hennion, Méadel, 1997, p. 5) ou même que les contraintes économiques auraient pesé jusqu’à se contenter « de faire connaître un produit pour le vendre » (Lugrin, 2006, p. 8).

En effet, la publicité était plus centrée objet, elle « est accusée de nous faire lâcher la proie pour l’ombre pour mieux nous faire acheter l’objet par l’image » (Hennion, Méadel, 1997, p. 11). Le souci est que si le consommateur est « négligé au profit du produit », il « répondra absent à la campagne qui le vise » telles que les campagnes de teasing20 qui pourraient marquer un échec et une baisse des ventes si l’agence privilégie plus sa réputation que l’intérêt du consommateur (Hennion, Méadel, 1997, p. 12). Quoiqu’après, comme le soulignent Hennion et Méadel, (1997, p. 12), d’autres vocables sont utilisés comme la « communication généralisée » pour désigner et présenter un modèle qui « fonctionne sur le double registre de l’objet : chose, mais pour quelqu’un ». Toutefois, notamment dans « le jargon technique, le terme « publicité » est utilisé […] de manière beaucoup plus restrictive pour indiquer uniquement la communication promotionnelle véhiculée par les médias » (De Iulio, 2016). Et il y a « la publicité classique », laquelle est considérée comme un « mode de communication majeur pour les marques ». Cette publicité classique articule ses

20 Pour rappel, une campagne teasing se développe en deux ou trois temps. Dans le premier, dit « phase d’intrigue », on

cache la marque. Dans le second ou le troisième, dit « « phase de révélation », on indique la marque et son intention publicitaire » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 95).

80 propos dans des représentations « démonstratives, distrayantes, spectaculaires, pédagogues, imaginatives, qui donnent en même temps un mode d’emploi de la société. En cela, le discours publicitaire propose aux enfants, adolescents et adultes, autant de « contes » qui rendent possible et garantissent la pérennité d’un vivre-ensemble profondément lié à la consommation (Baudrillard, 1968 ; Soulages, 2013 ; Berthelot-Guiet, 2013) » (Berthelot-Guiet, 2017, p. 115).

Par ce fait, il devient plus clair, comme le laissent entendre Berthelot-Guiet et Marcon (2013, p. 5), que l'existence et l'usage d’un « produit sous la forme d'une marque par le biais de la publicité est un système destiné à transformer « les clients en consommateurs » (Berthelot-Guiet, Marcon, 2013, p. 5) pour acheter des objets (au lieu que le client achète des mots. L’enjeu serait de lui « faire accepter le remplacement de la chose » (objet) « par le signe » (mots) (Berthelot-Guiet, 2015, p. 92)). Car peu à peu, « l’expérience du produit » perd sa valeur pour être remplacée par « la consommation des signes de la marque » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 92).

D’ailleurs, Baudrillard évoquait « la publicité en tant que discours sur les objets » (Berthelot-Guiet, 2017, p. 118) mais aussi que « la publicité est discours de la marque et fait partie intégrante de la marque » (Berthelot-Guiet, 2017, p. 118-119). Ce qui expliquerait qu’en effet, la marque de l’objet est « le véritable message » (Baudrillard, 1968 ; Berthelot-Guiet, 2017, p. 119). Car la personne qui consomme les produits/objets d’une marque, consomme en fait la marque. Ceci concerne plus la France et moins les États-Unis puisque pour les Américains, et ce depuis le début du siècle dernier, « la consommation de masse vante des produits car l’installation des marques a été plus précoce » aux USA alors qu’en France, la consommation de masse « vante la marque pour mettre en place dans l’esprit des clients l’existence des marques et transformer ceux-ci en consommateurs qui demandent ces marques » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 71).

Ainsi, les appellations et les vocables qui viennent de défiler conduisent à souligner que depuis la seconde moitié des année 1980, la publicité - et son apocope « pub » (De Iulio, 2016) a été intégrée à la « communication » (De Iulio, 2016). Puis, c’est au début des années 1990 que Jean-Claude Boulet, président de l’agence Young & Rubicam, affirma que : « la publicité évolue vers la notion de communication totale ou complète. Dans de très nombreux cas, les sociétés ou les marques ne peuvent plus se satisfaire d’une bonne campagne de publicité et d’un bon plan médias ». Face aux multiples soucis que les annonceurs commencent à rencontrer, s’est manifestée une forte attente envers les agences pour les résoudre et pour avoir un avis professionnel selon les règles du métier, en veillant à la concordance pertinente « de toutes les actions et de toutes les techniques utilisées : publicité, promotion, sponsoring, communication interne, relations publiques, marketing direct » (Brochand, Lendrevie, 1993, p. 41 ; De Iulio, 2016). Après, au XXe siècle, les chercheurs se sont intéressés à étudier « la communication publicitaire » (Joannis, De Barnier, 2005, p. 1 ; De Iulio, 2016), appellation désormais préférée au terme de « publicité » (Lugrin, 2006). D’ailleurs, Eco (1972) en parlant de la communication publicitaire, disait qu’elle « est la plupart du temps « déjà parlée » précédemment et c’est justement ce qui la rend compréhensible ». Mais c’est ce qui répond notamment à une idéologie de consommation (Berthelot-Guiet, 2015, p. 35). Car à cette époque, face à des produits qui se fabriquaient de plus en plus en masse, la publicité devait persuader les clients que les caractéristiques intrinsèques au produit sont conformes à leurs exigences (Caumont, 2012, p. 14). Il fallait convaincre le client des caractéristiques d’un tel produit pour les différencier des autres produits concurrents. « Le client d’un vendeur doit devenir

81 consommateur, ce qui met au centre le produit » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 92).

Sortant du cadre d’une campagne publicitaire pour un produit défini, en fait, déjà à partir des années 1920 la publicité a commencé à mettre « en avant non plus les qualités de l’objet, mais les désirs du sujet […] il s’agit désormais, moins de vanter les mérites de l’objet vendu, que de construire un lien avec le sujet destinataire des produits commercialisés – plus précisément, de proposer à ce sujet un discours de « vérité » sur ses besoins mais aussi sur ses désirs les plus profonds » (Guchet, 2011, p. 86). Ceci dit, en 1968, Marcuse constate que la publicité est source de manipulation pour les consommateurs, qu’elle propage et incite à des valeurs uniformes au sein de la même société comme s’ils étaient formatés pour le même objectif : être identiques. « Les produits proposés s’éloignent de plus en plus de leur simple fonction utilitaire pour constituer une réponse à de « faux besoins » » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 65). Toutefois, la communication publicitaire reste considérée comme « un dispositif » incitant à l’achat d’« un bien de consommation à des acteurs consommateurs. C’est un dispositif d’organisation de la décision, voire de sa manipulation » (Desjeux, 2014, p. 115).

Par ailleurs, c’est au début des années 1980 que « la marque devient un élément clé de la communication publicitaire » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 79) même si à la fin des années 1990, cette communication publicitaire a été critiquée entre autres parce qu’elle relève « d’une surévaluation de sa capacité à dominer et à manipuler » (Desjeux, 2014, p. 116). Puis, il y a aussi l’impact des agences qui commencent à s’internationaliser en développant des stratégies internationales entre 1970 et 1990 (Berthelot-Guiet, 2015, p. 59). Semprini (1996) quant à lui, affirme qu’aussi bien la communication de masse (messages promotionnels diffusés en TV, radio, presse, affichage) que la communication commerciale sont dotées d’un mécanisme « qui consiste, en faisant semblant de vendre du nouveau, d’offrirles versions les plus poussées de la modernité, à proposer en réalité toujours les mêmes stéréotypes et à réaffirmer par ce moyen toujours les mêmes valeurs » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 40). Face aux innovations et tous les moyens déployés entre autres par le marketing, nous sommes amenés à être stimulés à l’achat sans vraiment en avoir le besoin (Kapferer, 2003, p. 121). Alors quelles que soient la communication publicitaire, de masse et/ou commerciale, certes elles deviennent nécessaires à la société mais en contrepartie, elles seront notamment critiquées aussi bien par les professionnels que les chercheurs.

Déjà, il faut « différencier l'identité de marque, liée à l'émission, de l'image de marque, liée à la réception. Cependant l'articulation entre les deux reste relativement mystérieuse, aussi sophistiqué soit le modèle d'analyse » (Berthelot-Guiet, Marcon, 2013, p. 6 ; Berthelot-Guiet, 2015, p. 80). En fait, l'identité d'une marque est forgée à « travers une notoriété » (dans un premier temps, il y a des marques qui se contentent, faute de moyens ou autres contraintes, de se lancer sur le marché juste en concevant un monde abstrait « sur lequel elles communiquent de façon annexe pour leurs produits. C’est leur notoriété qui, dans un second temps, fait vendre » (Bô, Guével, 2009, p. 28), mais aussi l'identité d'une marque est forgée à travers « une image et une attractivité fortes » (Spano, 2004, p. 98). Alors que la description de l'image de marque popularisée par Keller (1993) fait référence à « l'ensemble des associations à la marque - fortes, favorables et uniques - stockées dans la mémoire des consommateurs qui lui confèrent un avantage différentiel durable et donc un capital » (Moulins, Roux, 2008, p. 2) : lorsque la personne ou le consommateur non seulement s’habitue à une telle marque mais l’associe aussi favorablement et fortement à ce

82 qui a déjà été stocké en mémoire, à ce moment, nous parlons de capital marque. En fait, l’image de marque fait référence à la publicité de marque : « la marque doit construire son image avant de vendre le produit » (Lugrin, 2006). Depuis le temps où les marques « sont devenues multiproduits » (Kapferer, 2003, p. 119), la publicité de marque laisse la possibilité au producteur d’imposer son point de vue aux petits revendeurs, en les forçant à vendre le produit aux consommateurs, lesquels sont censés l’avoir vu via le support publicitaire comme les affiches collées ou présentes sur les lieux de vente de ces petits commerçants (Berthelot-Guiet, 2015, p. 71). Dans le cadre publicitaire, il s’agit de construire l’image de la marque avant de vendre les gammes différentes que promeut la même firme/la même marque. La publicité n’est autre que la forme de discours principal de la marque (Berthelot-Guiet, 2017, p. 118).

Encore une fois, nous voyons comment au fil du temps, les logiques qui caractérisent les appellations routinières de la publicité évoluent.

Maintenant quant à la question de la communication de marque, elle « permet aux agences de design et autres agences conseil en marketing de proposer des prestations communicationnelles élargies et d’entrer en concurrence avec la perspective classique » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 59).

C’est à partir des années 2000, quand il y a eu évolution au sein de l’organisation générale des groupes publicitaires et/des médias, que cela a impliqué et a fait apparaitre « un modèle qui met en relation la communication de marque, ses relais commerciaux et corporate21 ; la marque remplace la publicité au centre » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 59) ou même considère que le discours de la marque n’est autre que la publicité (Berthelot-Guiet, 2015, p. 82). Le discours devient alors de l’ordre publicitaire grâce à la marque puisque Berthelot-Guiet (2015, p. 83) souligne bien que « la vraie définition des discours publicitaires est : marque = publicité ». Car la marque « est la puissance génératrice par excellence du discours publicitaire et permet de dépasser l’idée de contrainte pour passer à celle de matrice […] La marque a pris le pas sur le produit, le packaging et la publicité, elle domine les médiations marchandes et est devenue l’élément clé de la mise sur le marché de marchandises » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 78-79). L’auteure rajoute encore que « la marque est autant communication qu’elle est mise en communication ; elle est conçue par les entreprises et leurs agences-conseil tout en étant pratiquée par les consommateurs (Berthelot-Guiet, 2015, p. 80). La nature de la marque est communicationnelle, elle est à la fois « médiation et processus de communication en tant qu’objet et support de communication, à la fois communiquant et communiqué » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 80). Ainsi, s’explique mieux le mariage

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« La communication corporate désigne la communication où l’entreprise parle d’elle-même, de son identité, de sa mission et de ses valeurs et se présente comme personne morale, au-delà de ses produits et services. L’objet de la communication est donc également le sujet qui en est à l’origine. […] le terme « corporate » renvoie à l’idée de « corpus », de faire corps. La communication corporate est une prise de parole de l’entreprise comme un tout, un corps unifié. Elle a comme objectif de souder, de gagner l’adhésion de ses parties prenantes, internes (employés) et externes (fournisseurs, clients actionnaires, etc.). […] Le corporate complète et prolonge les promesses commerciales, y ajoutant un discours d’engagement de l’entreprise dans les questions et les préoccupations sociétales. […] La communication corporate est conçue comme une approche intégrée et globale de la communication de l’entreprise. […] la communication corporate s’adresse au « grand public ». Elle n’a pas de cible définie mais doit parler à tous les publics à la fois » (Libaert, Johannes, 2016, p. 9-10).

83 entre marque et communication suite auquel il y a eu naissance de la communication de marque, laquelle n’est plus toute seule sur la scène publicitaire : elle puise ses forces chez ses relais commerciaux et corporate qui la serviront pour accomplir ses actions. Ce nouveau modèle (la communication de marque, ses relais commerciaux et corporate) fait naître « des agences dites de conseil stratégique qui hybrident leurs compétences et les nouveaux éléments liés à internet » (Berthelot-Guiet, 2015, p. 59). Il s’agirait plutôt d’un mouvement de fond qui semble saisir le monde stratégique des marques via une communication de marque.

La question n’est plus en effet de promouvoir le ou un produit de la marque mais de communiquer la marque.

Parmi les moyens de communication de marque, il y a les magazines de marque dans « l'univers de la mode et de la beauté, le monde de la banque et de la finance, le domaine des nouvelles technologies, celui de la grande distribution, des loisirs » (Spano, 2004, p. 98). Il y a aussi une « catégorie d’intermédiaires de la communication de marque, spécialisée dans l’affichage publicitaire sur le web social (nommé social display) […] Les prestataires de social display vantent ainsi une démarche de ciblage comportemental, qui consiste à « pister » les internautes au fil de leur trajectoire de navigation pour adresser une proposition commerciale à « la bonne personne » (Jammet, 2018, p. 99). Quoique cette approche de l’exploitation des données personnelles des internautes touche à l’éthique des usagers, même si les agences de social display étudient leur terrain de manière à viser une réaction positive au contenu adressé aux « cibles relativement précises » (Jammet, 2018, p. 100), et même si de nos jours, nous avons l’impression de paramétrer nous-mêmes ce qui doit être divulgué ou pas en cochant les cases (gestion des choix) en ouvrant une nouvelle page pour avoir l’impression de minimiser les contenus publicitaires en naviguant. Dans ce cadre, la communication de marque se fait et se veut de plus en plus ciblée vers des utilisateurs précis et sélectionnés pour moduler le degré d’adhésion des utilisateurs, en cherchant notamment à améliorer l’expérience de l’utilisateur. Ici, la marque doit payer à titre d’exemple l’un des deux médias Facebook ou Twitter pour être vue par ceux qu’elle a choisis ou plutôt que l’algorithme a choisis pour voir le message communiqué par la marque. Ceci dit, « comme le mentionne Dominique Cardon (2015, p. 75) : « Dans le monde de la publicité personnalisée, on aime à dire que “la performance d’une campagne a été augmentée de 100 % grâce à un algorithme”. Mais cette victoire signifie généralement que le nombre d’utilisateurs qui cliquent sur le message publicitaire est passé de 0,01 % à 0,02 % ! » (Jammet, 2018, p. 101). L’efficacité peut être moindre face à l’attente des entreprises. Toutefois, les réseaux sociaux occupent une place majeure dans la communication de marque où l’usager devient « un médium à part entière » (Dupuy, 2013, p. 23).

Désormais, dans le cadre de cette recherche, il n’est pas utile d’effectuer l’énumération des exemples des moyens de communication de marque. L’essentiel est d’acter que la communication de la marque doit s’accompagner d’actes significatifs envers les usagers. Face à la concurrence totale de nos jours, chaque marque doit d’abord avoir un sens très fort de sa mission sans négliger l’usager. Les entreprises doivent reconnaître que la proximité de l’usager est un facteur-clé de leur succès tout en restant au service de la marque quelle que soit la stratégie empruntée.

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1.3 Conclusion

La première partie de ce chapitre a défini la glocalisation. Puis elle a passé en revue quelques mises en œuvre de ce principe dans des campagnes de marques internationales glocalisées. Ceci a montré l’importance du design graphique et de la conception des images dans les stratégies publicitaires.

La deuxième partie a posé les fondements théoriques nécessaires à la recherche qui va suivre, en reliant le design visuel – dans une approche centrée design d’expériences –, la stratégie de marque et son incarnation dans la publicité.

Avant d’envisager l’appropriation des publicités glocalisées par les publics locaux et afin de conforter les approches avancées, une première expérience exploratoire développée dans le chapitre suivant vise à déterminer si le concept de glocalisation est opérant dans le monde professionnel du design et revêt un sens pour les jeunes designers graphiques tunisiens.

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Chapitre 2

Design visuel et culture locale à l’épreuve