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D’après ce qui a été mentionné supra, nous avons vu que les concepteurs, particulièrement d’images, ne conçoivent plus que des simples artefacts, de simple objets ou produits visuels, de communication… « mais des modes de vie, à partir de la compréhension du comportement des usagers » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 10).

Ceci dit, cela n’est pas arrivé au hasard. Certes, l’ingénierie a occupé une place majeure tout au long du XXe au travers du rôle de l’ingénieur qui concevait des solutions afin de produire « un artefact « convenable » » mais il s’est avéré que la conception peut négliger l’usager, ses désirs, ses habitudes, ses plaisirs…(Leleu-Merviel et al., 2018, p. 2).

En fait, la prise en considération peu ou prou de l’usager a démarré avec « la qualité », qui se définit de plusieurs manières dont « l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 2). En l’occurrence, les besoins de l’usager convertis en « fonctions à remplir » font toujours partie du processus réflexif du concepteur, mais c’est principalement les attentes de l’usager et les usages présumés de cet artefact à concevoir et à produire « qui constituent le cœur du cahier des charges » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 9). D’ailleurs, il est à noter que la qualité est souvent aussi connue sous la forme des normes ISO18.Moi-même j’ai été initiée à quelques-unes de ces normes via les cours de la cinquième et dernière année pour l’obtention du diplôme du Designer à l’École Supérieure des Sciences et Technologies du Design (à Tunis). En effet, dans ce cadre, nous citerons à titre d’exemple la qualité selon la norme ISO 9241-210 (2010) qui « correspond aux réponses et aux perceptions d’une personne qui résultent de l’usage ou de l’anticipation de l’usage d’un produit, d’un service ou d’un système. Et dans la norme ISO 2000 (2015), la qualité est le degré avec lequel un ensemble de caractéristiques propres satisfait les attentes. On la définit parfois comme l’ensemble des attributs d’un objet » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 9). Par comparaison des deux définitions de la norme ISO 2000 (2015), il ressort que la seconde définition emploie un terme plus générique (attributs) que celui utilisé par la première définition (caractéristiques propres). Ainsi, il ressort que « la qualité reste une conception centrée objet ou système » malgré l’intérêt porté à l’utilisateur (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 9).

Toutefois, en se basant sur ce qui a été étayé précédemment dans la partie Design, selon Findeli (2005), le concept design depuis les années 1980/1990 jusqu’à aujourd’hui s’est centré « sur les acteurs, notamment sur les usagers (CCU Conception Centrée Usager). Les concepteurs ne conçoivent plus un simple objet, mais des modes de vie, à partir de la compréhension du comportement des usagers. L’usager n’est plus un simple consommateur, mais il participe activement à la conception (design de service) » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 10). D’ailleurs, non

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71 seulement le domaine du design mais aussi les sciences de l’information et de la communication (SIC) sont fascinés et puisent leur inspiration dans l’ensemble des théories et approches centrées sur les usagers, les usages, la conception d’artefacts utiles, les interrelations entre les différents éléments qui serviront cette CCU. La norme ISO 13407, à laquelle ont recours les concepteurs qui conçoivent réellement des projets centrés sur l’humain, traduit ce fait.

Les artefacts et projets centrés usager connaissent leur apogée et leur vrai élan dans le monde du numérique, plus précisément dans l’univers des applications informatiques avec les deux indispensables de nos jours : l’UI (diminutif de User Interface pour Interface Utilisateur) et l’UX (User eXperience pour eXpérience Utilisateur).

Nous allons alors tenter d’esquisser quelques-uns de leurs contours.

Bien qu’au départ, les deux appellations apparaissent liées, l’une diffère de l’autre. L’Interface Utilisateur est tout ce que l’utilisateur perçoit visuellement, c’est l’interface sur laquelle l’utilisateur va interagir et où l’échange se crée entre la machine et lui. Le « UI (User Interface), traduit mieux le statut de l’interface comme mode d’accès de l’utilisateur au monde virtuel » (Belthoise, 2019, p. 20). Le principe est que tous les éléments graphiques d’un site web, d’une application mobile, d’un jeu ou n’importe quelle interface qui fait passer l’information ou qui donne du contrôle font partie de l’UI. D’ailleurs, « le mot GUI, pour Graphic User Interface est également parfois employé, par Mauger par exemple dans sa définition des interfaces (2014, p.32) » (Belthoise, 2019, p. 13).

Quant au design d’expérience utilisateur, les textes montrent qu’il s’est établi à partir de 2010 mais comme une évolution progressive de plusieurs vocables. Certes, nous avons évoqué précédemment, en évoquant les normes ISO, que la CCU est formalisée dans la norme internationale ISO 13407 mais depuis 2010, cette dernière a été révisée pour s’adapter à l’aspect UX via la norme ISO 9241-210 (2010) qui a été formalisée pour compléter la démarche de la conception centrée-utilisateur et « pour assister les concepteurs en ce qui concerne l’inclusion de ces utilisateurs finaux dans le processus de conception » (Loup-Escande et al., 2015, p. 3).

Philippe Bonfils, Laurent Collet et Michel Durampart (2018) soulignent que le terme « expérience » est souvent accompagné d’un qualificatif, qu’il soit « utilisateur » ou autre, aussi bien dans le domaine du design que dans l’informatique, que ce soit sur le plan scientifique ou professionnel, où le UX versus UI sont les plus mobilisés. Ceci dit, « si l’expérience de l’utilisateur est une préoccupation prenant de l’ampleur dans le design (Lallemand, Gronier, 2015), on peut renvoyer à Donald Norman (1988) qui est le premier à en avoir parlé. Il écrivait d’une part que cette expérience dépendait de la situation d’utilisation, des connaissances procédurales et de la culture visuelle de l’utilisateur, et qu’il fallait donc les prendre en compte dans la phase de conception » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 110). En se basant aussi sur les propos de Norman, les bons designs impliquent en premier « un découpage des activités de l’utilisateur en tâches standardisées afin de faire en sorte que les actions entre elles marchent de la même façon ». Et en second, pour que ces designs soient « bons », il faut qu’il y ait « une évaluation constante ou itération : toute production doit bénéficier de l’expérience des productions précédentes et tout ajout de fonctionnalité doit être testé auprès des usagers. Des méthodes dites Agiles peuvent alors se coupler avec l’approche par le UX design » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 110).

72 qu’il appelle aussi « design d’usage », que la conception, pour n’importe quel artefact, implique non seulement une adoption d’une stratégie « orientée service » mais qu’aussi une prise en « compte plus globale de l’environnement amène à se poser la question de la diversité des usagers en regard de celui-ci, de la variété de leurs intérêts et motivation, d’où le recours fréquent à la méthode des « persona » » (Manuel Zacklad et al., 2018, p. 19).

Et puis, ce concept de User eXperience (abrégé en UX) a été élargi à partir de 1995 certes grâce à Donald Norman mais aussi à Jim Miller, Austin Henderson mais aussi grâce à Apple via l’article intitulé « What You See, some of What’ s in the Future, And How We Go About Doing it: HI at Apple

Computer » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 11).

Jesse James Garrett, architecte d’information, fut l’un des premiers professionnels à articuler l’UX design en détail en 2000 en proposant un diagramme (cf. Figure 26 ci-dessous) : il a décomposé un site Web en 5 niveaux composants une entité. Leleu-Merviel et al. (2018, p. 11) font référence à son article Elements of user experience (Garett, 2011) dans lequel son modèle a fait écho auprès des théoriciens et praticiens du Web et a fonctionné comme un cadre conceptuel qui tend à étayer les éléments de l’expérience utilisateur ainsi que la chaîne de production d’un produit web (Vagnes, 2018, p. 11).

Figure 26 : modèle de Jesse James Garrett, proposant à la fois les rudiments d’une chaîne de production ainsi que les constituants d’un produit Web.

Du plus abstrait au plus concret, le premier plan fait référence aux besoins de l’utilisateur et aux objectifs du projet (la stratégie), le second plan de son modèle fait référence au périmètre fonctionnel de l’application ou le contenu de l’interface résultant directement des objectifs (l’envergure), le troisième plan comprend l’enchaînement des pages ou des écrans, suivant le design d’interaction et l’architecture (la structure), le quatrième plan de son modèle fait référence au squelette qui permettra l’organisation des informations, celles de l’interface et de la navigation pour que la conception de l’interface soit claire et lisible, (l’ossature), et le cinquième plan est celui

73 qui fait référence à l’aspect visuel/design visuel de l’interface (la surface) (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 12).

Garrett a pu via ce diagramme créer un liant « avec le métier de « User eXperience Architect » promu par Norman et al. en 1995, en même temps qu’apparaît incidemment le terme « design» à tous les niveaux du graphique » (Leleu-Merviel et al., 2018, p. 12).