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Quand les grandes sociétés ont recours à la stratégie de glocalisation pour exporter leurs produits, elles doivent penser aussi à exporter les supports publicitaires pour les promouvoir ailleurs. En fait, ces sociétés ont besoin de la publicité. C’est le support publicitaire qui peut aussi être adapté ou pas au marché local. D’ailleurs, en termes de message publicitaire. « On assiste aujourd’hui à une dialectique entre global et local, homogénéisation et hétérogénéisation ; les entreprises transnationales les plus performantes, appelées à diffuser le même produit sur plusieurs marchés en même temps, tendent à proposer une représentation commune de la marque, tout en préservant le caractère local de la communication, déclinée en fonction des spécificités locales » (Caumont, 2012, p. 58‑61). En d’autres termes, elles développent une communication glocale ou glocalisée, la glocalisation étant une stratégie intermédiaire entre la standardisation et l’adaptation ; « on intègre et adapte le message aux spécificités culturelles du

35 marché visé à partir d’un thème commun : donc, une communication « internationale » dans son esprit et « localisée » dans sa forme » (Guidère, 2008, p. 28).

Plus précisément, les concepteurs d’images et responsables de la promotion des marques doivent appréhender « la déclinaison, au niveau local des concepts12 » publicitaires. Le concept de la publicité de départ peut prendre différentes formes d’adaptations. Ces dernières dépendent des pays d’adresse. Parfois, le concept publicitaire peut être légèrement adapté à un pays donné. D’autres fois, il l’est plus fortement. Ces adaptations se font selon les besoins de la cible locale.

Cela dit, les responsables de la communication se basent eux aussi sur le principe général d’avoir « une pensée globale et une action locale » (Camara, 2009, p. 24) lors de la conception. De plus, les déclinaisons de la publicité de départ ne s’accompliront pas sans la créativité, l’appui et l’ingéniosité des concepteurs d’images. D’ailleurs, les adaptations graphiques doivent préserver les valeurs locales du pays concerné. Ces responsables de la communication peuvent se référer aux tendances graphiques générales. Ils peuvent aussi se référer aux tendances appréciées par la cible locale. Par la suite, ils verront comment les adapter, et les insérer suivant les besoins de chaque pays. Ainsi, les concepteurs d’images se soucient vraiment des attentes locales. Et ils doivent aussi satisfaire les hommes d’affaire internationaux qui veulent vendre plus. Si ces sociétés s’exportent et qu’elles empruntent une stratégie glocale, c’est qu’elles cherchent aussi à augmenter leurs gains.

D’ores et déjà, il existe de plus en plus de campagnes publicitaires en version internationale et en version glocalisée. Mais avant de présenter les campagnes glocalisées, voici quelques exemples de campagnes totalement globales et d’autres locales mais qui ne sont pas glocalisées. Le but est de faire la différence entre une campagne globale, locale et glocale. D’ailleurs, parmi les formes de supports qui existent en version internationale et en version localisée, ou glocalisée, figurent les campagnes audiovisuelles télé, sur internet, les campagnes affiches grand format et les insertions presse.

Tout d’abord, voici un exemple de campagne globale conçue pour promouvoir le lecteur musical MP3 partout dans le monde.

36 Figure 1 : campagne globale ; l’iPod-Apple 2003

Sur les affiches conçues pour cette campagne dont celles-ci, il y a des silhouettes d’hommes et de femmes sur différents fonds colorés. Graphiquement, les silhouettes ont été stylisées en masse (chaque personne qui tient le produit est en noir) sur un fond d’une couleur vive. Les écouteurs et l’iPod sont également stylisés en masse mais en blanc et gris. Le consommateur ne voit sur l’affiche que les contours de la personne qui danse et le mouvement qu’elle fait en écoutant de la musique. Le contenu de l’image n’est pas complexe et il n'y a pas de message caché ; c'est clair et simple. La composition de ces affiches est plutôt épurée. Il y a un minimum de texte et de personnage. Le consommateur où qu’il soit a le choix de s’identifier à l’une des différentes attitudes ou à l’une des personnes présentes sur ces supports publicitaires. Le message est universel via le produit, la silhouette, le logo de la marque Apple et le nom du produit. Certes, il s’agit d’une campagne qui date depuis longtemps mais elle a marqué le lancement d’un produit technologique d’Apple à l’international. Le produit a eu du succès via une campagne globale sans besoin de l’adapter à un marché donné.

Concernant les campagnes localisées, voici un exemple de localisation conçu pour la marque Swatch même si la marque a aussi réalisé des campagnes glocalisées qui seront vues par la suite. Mais dans ce cas, cet exemple est présenté sous forme d’insertions presse qui existent en version localisée puisque le produit n’est pas le même dans les 3 versions, le graphique de la montre et celui du support ont été adaptés aux pays cibles, respectivement Chine et Inde.

37 (a) (b)

Figure 2 : Campagnes localisées ; (a) Spécial nouvel an « Chinois » et (b) « L’Inde » : via la collection 2009 de Swatch x Manish Arora (Styliste Indien)

Ici, l’arrière-plan de (a) et (b) a complétement changé. Dans (a) l’ambiance graphique fait référence à un thème chinois, et dans (b), le style graphique et les couleurs font référence à l’inde.

Voici un autre exemple de localisation ; la marque HSBC a conçu des affiches aussi bien pour la Turquie que pour l’Asie (plus précisément une campagne de gestion de patrimoine destinée à Hong Kong. Cette campagne de gestion de patrimoine présente un scénario d'entraînement en gymnastique pour refléter la perspective saine et positive de la banque). En fait, il s’agit de deux exemples de localisation ; il n’y a rien de commun entre ces deux affiches. Ce sont des campagnes qui n’existent pas en plusieurs versions. Et graphiquement, elles n’ont rigoureusement rien à voir, chaque version est conçue différemment pour des besoins locaux même si la marque est glocale. Voici ces deux campagnes ; une campagne HSBC conçue pour la Turquie et une pour Hong Kong.

(a) (b)

Figure 3 : Campagnes localisées ; (a) HSBC Turquie et (b) HSBC Hong Kong

Quant aux campagnes audiovisuelles ou les films publicitaires, voici deux exemples de campagnes localisées réalisées pour la banque HSBC. La marque a préféré illustrer des histoires qui sont plutôt des

« success stories »

via ses spots. Ainsi, ces deux spots mobilisent deux historiettes énoncées

38 de suite. Dans le premier spot audiovisuel de HSBC, et comme premier cas d’historiette, la banque s’est intéressée à une marque polonaise spécialisée dans la confection des machines à laver. Une étude réalisée en Inde suite à une flambée des ventes de cette machine à laver au Penjab, lui a permis de se rendre compte que les habitants ont acquis une nouvelle habitude pour s’adapter à leur environnement ; ils se servaient « du tambour des machines pour tourner le yaourt en lassi (une boisson locale très appréciée)13». Ces constatations en Inde ont inspiré la réalisation de cette campagne. Ainsi, cette historiette a été l’un des meilleurs moyens pour permettre à la banque HSBC de s’adapter au marché indien où elle s’est implantée. Même si le spot a été réalisé en Angleterre, il a eu du succès en Inde étant donné la forte présence de la cible indienne là-bas. Ainsi, avec le Yaourt ou le lassi, la marque elle-même a été localisée. L’appareil n’est plus un lave-linge, il est devenu un batteur pour créer du lassi.

Voici quelques extraits de ce spot plutôt localisé que la HSBC a réalisé autour de cette historiette.

Figure 4 : Captures du spot Lassi/Washing Machines HSBC 2008

Le seconde campagne HSBC est inspirée de la fameuse tradition italienne qui consiste à jeter une « pièce dite du bonheur » dans la fontaine de Trevi. Cette tradition a été utilisée comme sucess

story dans la scénarisation du spot. En fait, elle a suscité l’intérêt des concepteurs d’images pour

promouvoir la marque HSBC. Les publicitaires ont joué sur le côté émotionnel pour attirer l’audience visée. Ils ont fait de cette coutume italienne un moyen pour servir la banque mondiale.

D’ailleurs, voici quelques plans de ce second spot localisé. Nous voyons un collectionneur qui tente de collecter des pièces uniques :

Figure 5 : Captures du spot HSBC Premier

En fait, ce collectionneur se déplace dans différents lieux pour glaner des pièces monétaires. Le fait de se déplacer partout fait référence aux transactions financières internationales. Et les concepteurs d’images ont illustré via des séquences la passion de cet homme de collectionner des

13 Constatations tirées du site

39 pièces de monnaie. Mais lui-même représente un des clients de cette banque. Ce rite italien est illustré quand cet homme rencontre une fillette devant cette petite fontaine en référence à celle de Trevi. Au final, cette sucess story de la fontaine de Trevi a fait une histoire publicitaire au profit de la HSBC.

Quant à la glocalisation, en fait, les concepteurs d’images font en sorte de préserver l’image de marque des produits sélectionnés pour l’exportation afin de ne la détourner en aucun pays. Le rôle des créatifs entre en jeu pour assurer au mieux la promotion de ces références à l’étranger. C’est pourquoi ils veulent concevoir des supports qui soient en mesure de traverser l’ensemble de la planète. Ainsi, dans certains cas, un affinement du concept de départ s’impose lors de la conception des autres versions du support publicitaire. Le but de la création de ces versions est de vendre les références choisies pour l’export dans leurs nouvelles destinations locales.

Ainsi, les versions de la publicité de départ doivent être bien réfléchies et percutantes à l’échelle planétaire. C’est pourquoi les concepteurs pensent à concevoir suivant « un arrière-plan de représentations, de valeurs, de codes, de styles de vie, de modes de penser propres à chaque culture » (Ladmiral, Lipiansky, 1989, p. 11 ; Rollo, 2013). Mais l’essentiel est qu’il y ait une corrélation entre les différentes versions et la version internationale de départ.

Selon les propos de Rollo (2013), certains concepteurs d’images adaptent également les versions de la publicité de départ « tout en manipulant la langue, il faut capter le public et susciter chez lui les mêmes réactions que le produit éveille chez les clients sources (inciter à l’achat), sans pour autant altérer ou dénaturer le sens du message original ».

Voici les premiers exemples de campagnes de marques audiovisuelles qui ont suscité mon intérêt tout au début de ce travail de recherche. Et elles existent en différentes versions en fonction du pays d’adresse. Ce sont les publicités audio-visuelles de la banque HSBC qui ont été les plus captivantes du point de vue glocalisation. Dans ce premier cas de campagne glocalisée, il s’agit d’une série de spots ; plus précisément il s’agit de deux versions de spots réalisés pour la même campagne HSBC. Chaque spot a été adapté localement pour un pays. Mais il n’y a pas qu’une seule adaptation locale de la campagne, toute la campagne est locale. En fait, cette série de spots fait que cette campagne est glocale : certes ce sont des adaptations locales mais pour servir une campagne globale, d’où l’aspect glocal de la publicité.

Voici quelques captures d’écran des spots publicitaires en deux versions qui se lisent de la gauche vers la droite, ligne après ligne.

40 (a)

(b)

Figure 6 : 1er exemple de campagne glocalisée HSBC Premier 2016 ; (a) et (b) HSBC Premier Life Writes the Best Stories

Dans chaque spot, la personne est filmée à plusieurs stades de sa vie, dès son jeune âge jusqu’à ce qu’elle se marie et qu’elle ait des enfants. En fait, c’est presque le même scénario mais avec des personnages différents. Pour toute la campagne HSBC Premier, la vie écrit les meilleures histoires. Alors le rôle de HSBC est d’aider la personne à accomplir les prochains chapitres de sa vie. Cela est illustré via ces deux spots.

Dans le spot (a), l’histoire filmée est celle d’un petit garçon passionné par les sports de combats. Une fois adulte, il a été blessé aux deux jambes. Conséquence : il a séjourné une période à l’hôpital pour se rétablir. Entre temps, il est tombé amoureux d’une infirmière, avec laquelle il a eu un bébé. Après quelques temps, cette même personne a repris des études en médecine. Au final, cet homme a réussi, il est devenu chirurgien. Mais il continue aussi à prendre soin de sa famille malgré ses engagements professionnels.

Dans le spot (b), l’histoire filmée est celle d’une petite fille qui voulait tout au début ressembler à sa mère. Puis elle passe par une période d’adolescence où elle a du mal à avoir ce qu’elle veut, à sortir avec le jeune homme qu’elle aime, etc. Puis après, elle a réussi à devenir ingénieure. Elle a pu aider des pays à creuser leurs propres puits. Entre temps, elle a fini par rencontrer le père de son petit garçon (l’histoire est similaire à celle du jeune homme dans l’autre spot).

Ainsi, les histoires se ressemblent, c’est plutôt un parcours personnel de deux personnes différentes et de sexe différent mais le but est le même : HSBC est là pour les aider dans les différentes étapes de leur vie. D’ailleurs graphiquement les deux derniers plans répondent à la

41 même charte graphique (la même composition, même emplacement du texte, même emplacement du logo, même couleur, même bande en violet). La même charte graphique pour les deux versions de spots réalisés pour la même campagne HSBC renforce cet aspect de glocalisation.

Voici donc quelques captures d’images d’un autre cas de campagne glocalisée.

Figure 7 : 2ème exemple de campagne glocalisée HSBC Premier 2014

Dans ce second cas, ce spot présente des personnes de différentes nationalités, de partout dans le monde. Cette diversité fait que ce spot est glocal ; il n’y a pas d’adaptation locale unique pour un seul pays ou pour une seule race. Des personnes de nationalités différentes, toutes réunies dans un seul spot. Cette diversité ethnique est une solution intermédiaire qui se situe entre le local (l’adaptation systématique) et le global (une standardisation totale) ; une solution à mi-chemin entre les deux.

Ce spot explore une économie plus humaine et plus intime appelée "économie personnelle". À chaque personne son histoire. En fait, ce spot de HSBC Premier se concentre sur l'économie la plus importante du monde : la nôtre, ce que nous apprécions le plus - notre famille, notre maison, nos passions, notre travail, notre héritage. Le spot fait défiler des histoires personnelles et réelles de la vie de personnes de différentes nationalités (il y a l’homme d’affaire français, singapourien, la femme active et la joggeuse brésilienne, la mère de famille arabe, etc.). Nous voyons défiler des histoires et des passions qui comptent vraiment pour chaque personne présente dans le film publicitaire. HSBC a réuni ces personnes dans un spot glocal : une solution entre le global (un seul support qui présente différents genres de personnes) et le local (ici par la présence d’origines diverses).

Et puis voici un troisième et dernier exemple de campagne glocalisée, le spot publicitaire Red Bull sorti en 2002. Le slogan de la société Red Bull était "Red Bull vous donne des ailes". En fait, les spots pour la boisson Red Bull comme celui-ci « mettent en scène dans diverses situations la capacité de la boisson à « donner des ailes » […] le produit Red Bull est toujours le héros dans chacun des spots » (De Barnier, Joannis, 2016). D’ailleurs, le scénario du spot montre comment un vieil homme qui a reçu de la fiente d’oiseau sur lui va se venger de cet animal. C’est la boisson Red Bull qui lui donnera de l’énergie et des ailes pour rejoindre l’oiseau dans le ciel. À la fin du spot, nous voyons à peine comment ce vieil homme ouvrira sa braguette dans l’intention de refaire la même chose à l’oiseau. Or, nous ne voyons pas ce que l’oiseau a vu. Mais nous voyons juste qu’il a été effrayé.

42 Voici quelques captures d’écran du spot qui se lisent de la gauche vers la droite, ligne après ligne.

(a)

(b)

Figure 8 : 3ème exemple de campagne glocalisée Red Bull « donne des ailes » 2002 ; (a) séquences d’images identiques du spot pour toutes les versions, (b) les différentes versions adaptées du texte du

pack-shot (dernier plan du spot) ; de la gauche vers la droite : la version anglaise, chinoise, espagnole, française,

germanique, suédoise

Les concepteurs d’images ont préservé l’aspect global du spot/du film publicitaire qui est le même pour tous les pays. Cela dit, sauf le texte/la phrase de signature écrite et en voix off (dans le

pack-shot (dans le plan final du spot) qui a été adapté en plusieurs langues : d’où l’aspect glocal de la

publicité. La langue a été changée selon les pays mais sans que le sens du message original soit altéré.