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Dans la continuité de la partie intrinsèque au cadre de l’évaluation énoncée un peu plus haut, nous avons aussi respecté le cadre peu ou prou réel de la mise en situation de cette évaluation. Comme indiqué auparavant, l’expérimentation a été menée dans trois endroits différents ; en partie dans un salon de thé, et dans le domicile respectif de quelques participantes plus précisément dans leur salle de séjour. L’autre partie s’est déroulée dans la salle d’attente d’un médecin. En fait, nous avons choisi des lieux d’expérimentation qui respectent plus ou moins la situation dite « écologique » pour visualiser des insertions presses ou pour feuilleter des magazines (contenant des insertions publicitaires). Voici quelques photos du cadre de l’expérimentation respectant la situation écologique d’usage.

164 (a)

(b)

Dans une première étape, quatre participantes étaient assises dans la terrasse légèrement cachée d’un salon de thé à Tunis. En fait, une seule catégorie plutôt homogène a participé à cette partie de l’expérimentation : plus précisément des futures ingénieures (étudiantes en 4ème année) et une toute jeune diplômée mais toutes issues de la même École d’ingénieurs. Cela dit, elles sont d’un

Figure 44 : Conditions expérimentales a) en phase de visualisation de l’insertion publicitaire insérée dans le magazine ; b) en phase de résurgence par le graphisme (dans le salon de thé,

165 niveau intellectuel assez élevé, donc c’est assez homogène en termes de niveaux d’études, en termes d’âge, de genre puisqu’Il s’agit uniquement de jeunes femmes et non pas d’homme, un choix préétabli d’emblée en se référant à la cible principale de ce genre de magazine dans lequel se trouvent ces insertions publicitaires. Plus précisément, il s’agit de revues que les femmes y compris les jeunes femmes et filles sont susceptibles d'acheter. À ce propos, le magazine « Sayidaty » choisi est destiné principalement à un lectorat féminin du monde arabe et dans lequel ont été publiées deux insertions parmi les quatre qui ont servi à l’expérimentation (les insertions B et D (voir Figure 35 et Figure 36)). Et puis, « le recours au genre spécifique magazine renvoie à un genre médiatique qui séduit, à une certaine souplesse de l’articulation du texte et de l’image » (de Montety, 2015, p. 28). Ainsi, les publicitaires profitent toujours de ce média pour tenter de séduire les femmes.

Sinon, un des objectifs de cette expérimentation est que les participantes puissent partager un moment amical puisqu’en fait il s’agit bien de groupes d’amies, alors autant les faire profiter d’un tel moment lors de cette étude expérimentale. D’ailleurs, les premières photos de la Figure 44 (((a) à gauche)) montrent bien ce groupe de quatre participantes, ensemble avec l’interviewer au milieu, dans le cadre de cette recherche. En invitant la personne à prendre un café dans une ambiance conviviale, nous visons à ce que le fait de feuilleter ou de lire un magazine soit un acte tout à fait normal, ce qui est en soit une manière de recréer une mise en situation qui soit la plus proche possible du quotidien. Ce genre de mise en situation s’apparente à une situation de lecture de magazines que les lectrices peuvent vivre quotidiennement ou durant des moments de repos, soit avant ou après le travail, ou même durant la pause.

Par ailleurs, cette première campagne s’est déroulée en été, plus précisément vers la fin de l’après-midi parce qu’à partir du mois de Mai, les tunisiens commencent à sortir un peu plus tard dans la journée, le temps qu’il fasse un peu frais. Car généralement avant 17h il fait encore très chaud. Mais c’est également le début des vacances, alors dans ce cas c’est l’occasion pour le chercheur de se concentrer prioritairement sur la thèse après une année universitaire chargée avec les étudiants.

Quant à la seconde campagne de l’expérimentation qui concerne principalement les nouvelles participantes qui voulaient passer le test chez elles (où le test s’est passé dans le salon), il était question de choisir un moment propice pour leur faire passer le test. Dans leur cas, ces participantes avaient choisi en effet de le passer durant leurs journées de repos. C’est particulièrement le cas de celles qui avaient accepté de passer le test en n’étant pas motorisées. La solution était donc tout simplement pour l’interviewer de se déplacer chez elles afin qu’elles participent au test.

Maintenant, concernant le troisième lieu où s’est passée cette expérimentation, la concrétisation de ce choix est survenue suite à plusieurs observations et constats en passant des heures d’attente chez les médecins. En fait, au cours de cette année même où cette expérimentation était en cours de préparation, un détail frappant est survenu, lequel n’a fait que motiver ce choix par rapport au lieu de l’expérimentation : le choix de passer une partie de ces évaluations dans la salle d’attente d’un des médecins. Ce choix de lieu repose sur une anecdote survenue lors d’un de mes passages chez le médecin. Et ce n’est autre qu’une rencontre avec une fillette de 10 ans accompagnant sa

166 mère chez ce même médecin, laquelle en feuilletant un magazine, s’est soudainement arrêtée sur une insertion publicitaire de Swatch, un détail éberluant sur le moment. En regardant l’insertion dans le magazine, la fillette insistait quand même à faire voir le modèle à sa mère. Alors, de mon côté, il a suffi de demander gentiment à la maman s’il était possible de poser une question à sa fille en lui présentant rapidement mon cas et mon profil d’enseignante chercheure. Alors, la maman ayant bien accepté la chose et surtout étant bien rassurée, il a été possible de vérifier du côté de sa fille, si c’est bien cette publicité-là de Swatch que la petite regardait et si c’est bien cette page-là sur laquelle son regard s’est arrêté, laquelle est en version arabe ? De suite, la petite fille de 10 ans a bien expliqué que c’est surtout la couleur (bleue sur l’insertion) et principalement le modèle qu’elle avait préféré dans l’insertion de Swatch. De là est né le choix d’un troisième lieu pour l’expérimentation : la salle d’attente d’un médecin.

Finalement, j’ai profité de l’occasion en allant chez un de mes médecins, habituée aux attentes chez lui, mais une bonne organisation a suffi pour anticiper une journée entière à faire passer des tests à des patientes en train d’attendre leur tour dans la salle d’attente ou en l’occurrence à des personnes qui les accompagnaient. Ceci dit, j’ai été confrontée à un seul refus, il fallait tout simplement respecter le choix de cette femme un peu âgée, laquelle par la suite en voyant les autres accepter, m’a fait comprendre qu’elle avait des difficultés à écrire car elle était curieuse par rapport à l’expérimentation mais elle n’avait fort probablement pas fait d’études.

Ainsi, quel que soit le lieu de l’expérimentation, j’ai passé plus d’une heure à échanger un peu avec l’ensemble des jeunes femmes avant de passer aux tests. D’ailleurs, j’ai fait part aux participantes qu’elles étaient libres de ne même pas commencer l’évaluation si elles le souhaitaient, et elles pouvaient abandonner à tout moment si l’expérience ne leur plaisait pas.

Le but de l’expérimentation leur a été présenté par moi-même brièvement sans trop rentrer dans les détails, une courte préparation du processus expérimental suffisait pour les stimuler comme il a été énoncé dans le protocole. Cela dit avec la découverte des textes de Brunel et al. (2009), il apparaît « dans les travaux de Ladwein (2002a) que l’optimisation de la qualité d’une expérience passe par la connaissance des détails ». Certes, il était question de prendre ces propos pour référence étant donné que « la connaissance » apparaît comme l’une des modalités de l’appropriation utilisée dans le marketing. Mais dans ce cas d’évaluation, il n’était pas question de divulguer tous les détails en contactant les participantes par téléphone. Au départ elles ignoraient le contexte précis de l’évaluation, il était juste question de les stimuler un peu, en laissant un peu d’intrigue ; via les détails partagés avec elles, il s’agissait de leur donner envie d’y participer en les incitant à venir pour optimiser au mieux la qualité des résultats suite à l’expérimentation. Il ne fallait surtout pas les influencer.

Bien évidemment, il était question de faire tester à chaque participante les 4 insertions magazines, l’une après l’autre. Et chacune a vu 4 insertions publicitaires dans 4 magazines différents dont deux exemplaires sont le même magazine Sayidaty. Dans le cas de l’expérimentation réalisée dans un salon de thé, l’interviewer faisait en sorte de guider la participante tout en étant toutes les deux assises l’une à côté de l’autre. Pendant ce temps, ses autres copines étaient juste à côté en train de discuter ensemble en regardant vers une autre direction ou occupées à boire leurs cafés (voir Figure 44).

167 D’ailleurs, pour les participantes qui avaient passé le test chez elles, le principe a été presque toujours le même, l’interviewer s’asseyait avec celle qui passait le test, côte-à-côte devant une table basse, ou autour de la table présente dans son salon.

Sinon, pour la partie de l’expérimentation qui s’est passée dans la salle d’attente d’un médecin, les patientes-participantes (lesquelles le sont devenues par la suite) testées étaient bien assises à leurs places vu qu’il s’agissait d’une salle d’attente munie de quelques fauteuils, et sur lesquels les personnes étaient assises dans les différents coins de la salle. Il a suffi que les fiches de tests et les magazines soient portés et remis en ordre lors de chaque déplacement d’une patiente vers une autre, et lors de chaque visualisation (en tout chacune doit voir quatre insertions). En fait, il fallait que l’interviewer prenne soin de remettre le même ordre des insertions pour chaque participante en changeant de place pour la prochaine participante. D’ailleurs, une des photos de lafigure(b) montre bien une participante à côté de l’interviewer, au milieu des magazines dans le cadre d’une évaluation au sein de la salle d’attente d’un cabinet médical. Le plus gratifiant est qu’à la fin de cette journée, une patiente se laissait aller à dire « finalement ce test m’a fait oublier ma douleur, c’était bien quand même54 ! », une conclusion réconfortante par laquelle cette évaluation a été clôturée.

D’ailleurs, à travers la notion d’évaluation, apparaît en effet l’observation des interactions des sujets avec l’insertion publicitaire. Dans l’ensemble, les participantes ont géré la série des visualisations en autonomie, il fallait juste que l’interviewer soit présente à côté d’elles pour assurer au mieux le passage de la visualisation de l’insertion d’un magazine à l’autre. La présence de l’interviewer est aussi obligatoire pour gérer les passages et pour compter le timing que chaque participante a passé pour restituer ce qu’elle a vu dans chaque insertion, c’est-à-dire le temps nécessaire à ce que la personne mémorise les éléments présents dans chaque insertion.