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PARTIE I. PERSPECTIVES Théoriques : UN SUJET nécessairement

Chapitre 1. d’une construction A TROIS TERMES : Société – Sexualité – GENRE

I. histoire d’une société

2. Le protectorat français et ses effets

- Le protectorat français : Entre « trauma » et douleur actuelle ?

Ne pouvons-nous pas parler ici, d‟une atteinte de l‟appareil psychique collectif, subie lors de l‟installation française au Maroc, créant une inclusion, acculturation déstabilisante dans le champ social marocain ? Ce trauma se trouvant en outre, probablement réitéré lors de la libération, par de nouvelles déstabilisations socioculturelles et enfin par l‟émergence du tourisme de masse ?

Dans un espace victimologique, nous dit L-M. Villerbu, le sujet, qu‟il soit biologiquement et socialement reconnu comme homme ou femme, crée du savoir, qui devient « originaire,

fondateur, en pleine conscience, en trop de conscience ou à son insu quand ses efforts visent à le nier ».36

Peut-on envisager une restauration, par une libération de la parole, sur cette atteinte socioculturelle ? Ce dans l‟espoir d‟en effacer les séquelles actuelles, et peut-être envisager une modernisation plus dynamique, moins clivée, en tant que vécue aussi sur un mode persécutif, comme émanation occidentale ? Restauration telle que celle promue par le nouveau Roi, Mohammed VI, concernant les tortures subies, par des populations réfractaires, sous le régime de son père, le Roi Hassan II.

A l‟heure actuelle, les ONG installée dans des pays organisés en colonie ou protectorat, revendiquent haut et fort, à travers le soutien aux projets de développement, une forme de réparation face aux conséquences économiques et sociales, des violations des droits de l‟homme.37 Mais cette réparation participe, de nombreuses reconnaissances victimales dans le champ juridique, inscrivant de nouvelles dynamiques sociales issues de cette victimation sociale et de nouvelles dynamiques psychologiques, introduisant des mécanismes de survictimisation.

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L.M. Villerbu, « Victime, justice et peine. Devoir de sanction, besoin de réparation et désir de vengeance », Communication lors d‟journée d‟Etudes, mai 2004, La Roche sur Yon, Institut Catholique d‟Etudes Supérieures.

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Source : http://www.yabiladi.com/article-societe-2981.html.

Les 25 et 26 juin 2009, les associations se rencontreront lors du troisième forum méditerranéen des ONG, qui se tiendra à Fès, sur le thème « L’excuse et la compensation des époques coloniales sont deux éléments pour la

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- L’institutionnalisation de la « prostitution »

Le 20 mars 1912, le protectorat français est imposé au Maroc, ce jusqu‟en 1956.

Le « Colonialisme », nous dit D. Fassin38, s‟inscrit dans la dénégation de l‟autre de sa qualité d‟être humain, la déshumanisation s‟opérant dans la production d‟une morale universelle et la transgression d‟une éthique locale. C‟est ce qui a pu s‟observer, dans l‟après-coup, d‟une lecture politique et scientifique. La prostitution devenue interdite en France, continuait à trouver son utilité au Maroc, introduisant des degrés d‟humanités issus des appartenances ethniques. Le 13 avril 1946, la fermeture des maisons closes en France s‟organise. Le 2 Décembre 1949, l‟ONU élabore la Convention Internationale Contre la Traite des Etres humains et l‟exploitation de la prostitution d‟autrui. Enfin, le 2 décembre 1960, la France ratifie la convention dite « abolitionniste ». La prostitution en France n‟est alors ni interdite, ni réglementée. Pendant ce temps au Maroc, la prostitution réglementée perdure, jusqu‟à l‟indépendance.

Pour A. Serhane39, la France a modifié l‟organisation spatiale, sociale et temporelle du pays. La prostitution, son institutionnalisation, par l‟organisation d‟un modèle politique de type réglementariste40 est venue inscrire ces modifications, comme marque de domination, niant l‟existence de l‟altérité.

C‟est dans le monde de l‟écrit que la prostitution est née, ce dans une culture authentiquement orale. C. Taraud41, approfondie cette question dans une œuvre historique complète, mettant en perspective, une violence sexuelle structurelle induite par « la prostitution coloniale ». Pour cette auteure, le réglementarisme colonial est venu faire table rase d‟un passé, combinant différentes pratiques de la sexualité, spécifique au contexte maghrébin, en implantant un nouveau système constitué de la problématique de la marginalité, par l‟officialisation de la déviance : Un statut, celui de « fille soumise », des pratiques spécifiques, « du racolage à la passe », des espaces, « du quartier réservé à la maison de tolérance, au bordel militaire de

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Collectif sous la direction de Fassin D. et Bourdelais P. (2005). Les constructions de l’intolérable, Etudes

d’anthropologie et d’histoire sur les frontières de l’espace moral, Paris, Editions La Découverte.

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Serhane A. (2000). L’amour circoncis, Casablanca, Editions Eddif, 2002, 5ème édition.

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Le modèle règlementariste est venu inscrire la prostitution comme fait légal, avec inscription sur des registres et un contrôle social et hygiéniste intensifié.

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campagne (BMC) ». D‟une courtisanerie multiforme allant de l‟esclavage au concubinage, le Maroc et sa population s‟est trouvé confronté à l‟implantation du système réglementariste, sous-tendant des liens entre l‟abolition de l‟esclavage42 et les débuts d‟une « prostitution de

masse »43. A cette époque, des combinaisons44 viennent alors s‟opérer dans les procédures d‟identification, de fichage et de radiation. Les femmes musulmanes non-mariées, prises avec un homme, dans une rue, un jardin, ou une chambre sont présentées devant la juridiction du Pacha. La troisième présentation entrainant le logement d‟office dans un quartier réservé et la délivrance d‟une carte de « fille soumise ». Quant à la radiation, celle-ci ne pouvait se faire que sur la preuve d‟une bonne conduite assurée par le travail ou une personne honorable, le retour dans la famille, le mariage ou la vieillesse, la maladie. Mais la clandestinité persiste au plus grand malheur des autorités d‟alors, se nourrissant pour C. Taraud de l‟exode rural, de la croissance urbaine et de la massification de la misère.

A partir des études menées par les docteurs J. Mathieu et P.-H. Maury45, C. Taraud met en avant l‟émancipation des « prostituées indigènes » de Bousbir46

, ayant le plus souvent rompues avec la famille, ou participant à aider celle-ci financièrement. Pour l‟auteure, ces femmes s‟organisent autour d‟un déni du collectif, notamment dans sa forme familiale, exerçant pour certaines dans un renversement des valeurs, une forme de domination sur les hommes qui les désirent. Même si l‟auteur nous dit qu‟elles maintiennent un rapport quotidien mais sélectif, à la religion, venant confirmer une volonté d‟appartenance à la communauté toujours présente chez ces femmes.

Pour de nombreux auteurs, cette rencontre historique serait venue confirmer et uniformiser l‟image de l‟anti-épouse, dans une figure nécessitant de nouveaux aménagements des liens dans un statut de « prostituée », allant à l‟encontre des valeurs culturelles47.

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En 1922, une circulaire est promulguée pour confirmer l‟interdiction et donner aux esclaves qui le désirent la possibilité d‟être affranchies par le bureau des affaires indigènes. Le commerce sera alors rejeté dans la clandestinité et l‟illégalité. Et le véritable déclin de ces pratiques dans les villes, se présentera dans les années cinquante. In Taraud C., Ibid, p.

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Ibid.

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La pensée d‟une simple opposition entre l‟Orient et l‟Occident étant réductrice, alors qu‟il existe une réalité multiforme, dont « les prostituées » de l‟époque seraient des figures de métissage.

45

J. Mathieu, P.-H. Maury, « La prostitution de Casablanca : Le quartier surveillé », CHEAAM, 1950, p.26, cité in Taraud C. (2003). La prostitution coloniale, Algérie, Tunisie, Maroc (1830-1962), Paris, Payot.

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Alors interrogées dans le quartier réservé le plus réputé du Maroc, à Casablanca.

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Par opposition aux pratiques de l‟esclavage et du concubinat usitées jusqu‟alors dans le contexte marocain. Quant à la solution polygamique, elle se heurterait à l‟heure actuelle, à la résistance féministe et aux difficultés matérielles de l‟entretien et du logement. Cf. Dialmy A. (1995). Logement, sexualité et Islam, Paris, Editions Eddif, p. 74.

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