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Quartier type du « Mellah »

IV. Les théories criminelles et psychopathologiques

« L’analyse des causes de la prostitution s’est tout à la fois affinée et appauvrie. Le primat de

l’instinct sur la misère, le chômage et toute autre explication relevant des structures sociales est cette fois clairement affirmé. Le « tempérament lubrique », le « désir de faire la noce », la prédisposition héréditaire à la débauche sont considérées comme les facteurs déterminants »

A. Corbin 1982 : 38.

Les Criminologues, qui se focalisaient sur la recherche de raisons à des comportements déviants dans le milieu social et les caractéristiques des individus, tel Lombroso, avec ses théories de l‟anatomie pathologique, héritier de la médecine légale et de l‟histoire du mouvement aliéniste, avec le durcissement du déterminisme biologique, ont pu un temps, contribuer à « stigmatiser » davantage les prostituées, comme certains sociologues ont pu en formuler la critique.

Mais à ce type de théories, d‟autres venaient tout de même s‟opposer, focalisant alors leurs propos sur les raisons des comportements déviants dans le milieu social, tel Lacassagne : « Les

sociétés ont les criminels qu’elles méritent »243

. Dès lors, deux modèles trouvaient à se compléter, mais le plus souvent s‟opposer.

En psychanalyse, la prostitution est envisagée, en tant que liée à la problématique Œdipienne, lieu d‟une mise en scène fantasmatique du désir incestueux. Une part de l‟enjeu se situerait dans la triangulation parent-enfant.

Le philosophe Otto Weininger244, dans le chapitre sur « la prostituée et la mère », mettait en avant comme beaucoup de chercheurs, la relation qui existerait entre la prostituée et la mauvaise mère, se spécifiant ici d‟une vision de la femme sexuellement insatiable.

243

Collectif, sous la direction de L. Mucchielli (1994). Histoire de la criminologie française, Paris, L‟Harmattan, p.107.

244

Weininger O. Sexe et caractère. 28 rééditions entre 1903 et 1947, cité in Godicke S. (2006). Désordres et

transgressions chez R. Musil, Presses Sorbonne Nouvelle.

Ligne :

http://books.google.fr/books?id=xLiXJwtAWtEC&printsec=frontcover&dq=godicke&source=bl&ots=xwUk3Q5

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La prostitution correspondrait pour certains, à un état de mutation de la personne, vers une sexualité de type polymorphe, un retour au narcissisme, au déni de la différence des sexes. Ce type de théorie pose le risque d‟associer trop rapidement les pratiques sexuelles récompensées à une structure psychopathologique de type perverse. Ainsi, il s‟agirait pour le sujet, de contrôler, d‟obtenir le pouvoir, dont l‟inscription serait la sexualité et le savoir sur le désir de l‟Autre. Pour d‟autres, elle aurait été associée à l‟hystérie, dans une quête effrénée du désir de l‟Autre… Caractère hystérique longtemps considéré dans le plaisir masochiste, l‟incarnation même de l‟objet a, le triomphe sur la castration. Pour d‟autres enfin, la prostitution s‟associait d‟une réalité psychotique, face à une angoisse de castration, un ancrage archaïque, marqué par la perte d‟identité, la mort interne, en recherche d‟une preuve d‟exister245

.

Ce type de théories tentait de mettre en évidence des profils psychologiques de prostituées246, à travers une psychopathologie de la femme, et des effets de structure psychopathologique. L‟approche psychopathologique a mis en évidence des conséquences psychiques et physiques de la situation prostitutionnelle, nécessitant du soin. Ces conséquences se manifesteraient par des troubles de type dissociatif, il s‟agirait d‟un clivage entre la personnalité de la prostituée et la personnalité privée de la personne, constituant l‟aspect psychique de la décorporalisation. Il s‟agirait pour la personne de protéger le domaine privé des atteintes vécues dans le domaine prostitutionnel. Ce mécanisme de défense permettrait au sujet de refouler les sentiments et les émotions. Pour J. Trinquart, en résumé tout ce qui fait le caractère unique d‟une personne est nié et doit disparaître au bénéfice du rapport strictement commercial. Dans une étude américaine, ces troubles auraient été associés à ce qu‟on appelle le PTSD (Post-Traumatic Stress Disorder). Cette approche a aussi mis en évidence une importance accrue des violences sexuelles et familiales subies par les femmes ayant recours à ces pratiques. L‟image du père très dévalorisé et l‟image maternelle inexistante ou inconsistante, se retrouvaient dans ces

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245

Palay M. (2005). D’une psychopathologie de la vie quotidienne : La relation d’emprise Mère/fille au-delà des

us et coutumes traditionnelles égyptiennes, Mémoire de Master2 Cliniques Criminologiques et Victimologiques,

Laboratoire de Cliniques psychologiques, psychopathologiques, criminologiques, Université Rennes2.

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Ainsi, les travaux de Greenwald 1970, Winick 1971, mettant en avant le besoin de se sentir attirantes, comme séparation névrotique entre sexualité et amour, avec souvent durant l‟enfance, la présence de carences affectives et de sévices. Ou d‟autres, se focalisant sur les liens entre psychopathologie de la femme et le genre comme, K. Abraham 1921/1965 : Avec la vengeance contre l‟homme, contre le père ou M. Choisy 1961, pour qui la prostitution combinait : « Mariage provisoire entre celle qui hait l’homme et celui qui hait la femme », cités in Pheterson G. (2001). Le prisme de la prostitution, Paris, L‟Harmattan.

problématiques. J. Trinquart parle même d‟injonction maternelle consciente ou inconsciente, qui mettrait l‟enfant en position de penser que sa seule valeur est celle d‟objet monnayable. Le modèle explicatif s‟est vu alors focalisé sur les conséquences d‟une répétition de violence, subie dès l‟enfance, qui génère clivage et dissociation de la personnalité, vers une décorporalisation ; Ce mécanisme de défense, permettant au sujet de ne plus ressentir physiquement ce qui n‟est pas désiré.

De cette conception, les femmes ayant recours à des pratiques sexuelles récompensées seraient quasiment victimes de violences, et subiraient des contraintes psychiques invisibles, même en l‟absence de « proxénète » dans le réel.

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