• Aucun résultat trouvé

PARTIE I. PERSPECTIVES Théoriques : UN SUJET nécessairement

Chapitre 1. d’une construction A TROIS TERMES : Société – Sexualité – GENRE

II. Des espaces dichotomisés

5. des espaces d’opportunités

- Géographie urbaine, linguistique et symbolisme :

Le clivage « Médina/Guéliz »

« Les rites sont autant ce que les murs sont à l’espace » Saint-Exupéry.

La valeur signifiante de l‟espace entre voilé et dévoilé, se construit dans l‟idéologie et ses évolutions socio-historiques.

Ainsi, introduisant notre propos sur des termes antagonistes « voilé et dévoilé », nous envisageons la fonction composite du Dehors/Dedans, qui circonscrit l‟intériorité et l‟extériorité.87

Considérant ici, la valeur signifiante de la ville, et non sa fonctionnalité, en tant que répondant à l‟inconscient collectif, comme structure organisatrice de l‟espace et de la sexualité, tout comme A. Dialmy88, se référant à Freud, a envisagé cette valeur signifiante dans la construction de sa problématique de recherche sur les rapports entre le Logement, la Sexualité et l‟Islam au Maroc, nous allons nous intéresser à ce rapport du « couple » dans l‟espace géographique et urbain.

Nous pourrions envisager, les choses dans une chaîne signifiante, tel que :

Le domaine de l‟intériorité serait référé à la « Femme », en tant que « matrice ». Celle-ci étant égale à la Mère « toute » dans la procréation. Les « filles nubiles » et les « femmes » se trouveraient confinées dans un espace voilé, équivalent de cette intériorité, la maison (espace clos, caché aux regards, avec peu de fenêtres de tailles réduites, privilégiant généralement une cour intérieur ouverte sur l‟extérieur, des morceaux de verres ornant les terrasses en guise de protection contre toute intrusion : Le tout donnant la possibilité de voir sans être vue). Espace intégré lui-même à la rue, au quartier, à la médina, où la femme se devrait de sortir voilée, en conformité avec les valeurs de la morale, étant bien entendu, qu‟à l‟heure actuelle, de plus en plus de jeunes femmes sortent sans voile.

87

Cf. Chebel M. (1988). L’esprit de sérail, Op.cit. p.147, sur la valeur du voile en terre d‟Islam.

88

56

Pour A. Dialmy, « le primat de l’endogamie, l’idéologie de la lignée ne pouvait que produire

une architecture introvertie, qui consolide les phénomènes du voile et de la claustration des femmes. L’architecture des maisons devrait également participer à la marginalisation de la femme89 (…).Reprenant les propos de G. Tillion, l‟auteur envisage l‟absence de balcon et

fenêtres donnant sur l‟extérieur, comme une volonté de maintien d‟une identité tribale, renvoyant ici à un fait social et non religieux. Il s‟agirait donc d‟un aménagement défensif mis en place par la société, pour la société.

Dans cette étude, A. Dialmy, se référant à une recherche menée par M. Boughali, nous permet de valider ce point de vue, sur les fondements symboliques de l‟architecture dans les médinas marocaines, ce grâce à une approche linguistique. Ainsi, trois expressions illustreraient l‟appellation de certaines parties de l‟espace, par les noms de certaines parties du corps : « Sder

el beit », « poitrine de la pièce » ; « Foum eddar », « bouche de la maison » ; Rass edderb », « tête du quartier ou de la rue ». Pour l‟auteur, le quartier serait d‟essence masculine, donc

coiffé par une tête, « organe noble qui signifie contrôle et sagesse »90. La maison quant à elle serait femme.

Or il est possible de remarquer en circulant dans les rues de la médina, que le protocole du voile, se trouve de nos jours moins pratiqué par les jeunes générations. Cela signifie-t-il que cette dimension de l‟intériorité associée à la femme ait perdu de sa signification dans les mœurs avec un effet de modernité ? L‟espace n‟aurait-il plus valeur de barrière entre le dedans et le dehors ? Quel autre aménagement défensif viendrait alors s‟inscrire à sa place ? S‟agirait-il pour le sujet de construire ses propres modalités défensives face au désir socialement vécu91.

En outre, avec le protectorat, les villes se sont trouvées découpées en deux parties distinctes : La vieille ville, médina et la nouvelle ville (pour Marrakech, plus spécifiquement le Guéliz). La nouvelle ville se trouvait à l‟époque majoritairement occupée par les français. Avec la montée du tourisme, ces espaces se sont trouvés élargis et de plus en plus occidentalisés. L‟architecture, tout autant que les espaces publiques diffèrent totalement de la médina, renvoyant à une société bipolarisée et dichotomique une fois encore. Or, ces deux mondes ne peuvent être étanches, et ce sont les liens intercommunautaires qu‟ils engendrent, qui peuvent

89

Dialmy A. (1995). Logement, Sexualité et Islam, Editions EDDIF.

90

Cf. M. Bougheli, « La représentation de l’espace chez le marocain illettré », Afrique-Orient, 1988. A. Dialmy, « Logement, Sexualité, Islam », op. cit. p. 40.

91

révéler un véritable échange dynamique, générateur de transformations sociales. Mais ces liens et cette rencontre entraîne le risque d‟une désagrégation de la loi religieuse, en tant que norme de cette société, pouvant, selon J.M. Hirt, entraver le bon fonctionnement de la loi symbolique, « puisque les facteurs religieux au lieu de favoriser l’intégration des diverses instances du sujet

peuvent devenir des éléments persécuteurs »92

L‟abandon du voile dans la Médina, l‟entrée dans le Guéliz, introduisent de nouvelles figures de soi et de l‟autre avec de nouvelles lois (…), pouvant influencer les attitudes et comportements du sujet.

A. Dialmy envisageant le passage de la médina à la nouvelle ville, comme une coupure profonde, souligne un point essentiel, dans le propos où nous nous situons, mettant en avant la valeur économique de ce nouvel espace : « En n’étant plus un labyrinthe initiatique, la ville

(moderne, capitaliste) se définit davantage comme un outil de travail et de production ».93

En outre sur ce même modèle du symbolisme lié à la spatialité, nous envisageons ce territoire comme « zone de droit spécifique », en ce sens que rien, dans l‟espace, dans les rites qui s‟y associent, ne vient entraver la rencontre homme/femme, ni même signifier d‟autres interdits spécifiques au modèle socio-culturel et juridique, en tant que se référant à la loi religieuse, la Chari‟a (vente d‟alcool légalisée94, etc…).

Dans cet espace, il n‟existe plus les mêmes barrières spatiales et symboliques, venant circonscrire le destin social défini à chaque sexe anatomique.

J. Berque : « Dans la conception musulmane, la cité, malgré ses vices, est le lieu de la foi, le

lieu de la Loi »(…)95

Pour A. Dialmy, « cette ville profane (la nouvelle ville), ne peut à son tour que produire une

sexualité elle-même profane, et comptable (…) La mort de la sexualité, comme « usage des

92

Hirt J.-M. (1993). Le miroir du Prophète, op.cit. p.21.

93

Dialmy A. (1995). Logement, Sexualité, Islam, op. cit. p.62.

94

M. Chebel nous dit que la position de l‟Islam n‟a pas été immédiatement défavorable à la consommation de vin et d‟alcool. Selon la tradition, il s‟agit d‟une mesure de réaction aux excès constatés, et non une condamnation univoque.

95

58 plaisirs », comme natalisme expansionniste et comme tremplin vers le spirituel, débouche, étrangement, sur une sexualité au service de la maladie et la mort ».96

Notre regard se portant sur un objet psychologique et psychique et non sociologique, cette nouvelle ville sera envisagée comme porteuse de dialectique, mais nécessitant l‟émergence d‟aménagements subjectifs pour pallier aux aménagements sociaux en perte de vitesse.

N‟existe-t-il pas ici un risque pour certains sujets, dans cette rencontre interculturelle, de se retrouver en manque de contenance, de limite entre du dehors/dedans ou dedans familier et du dedans étranger97, les mettant en situation de vulnérabilité/dangerosité, par manque d‟aménagements défensifs subjectifs ?

Et pour d‟autres, ne s‟agit-il pas d‟une possibilité d‟ouverture, vers une gestion plus autonome de leur désir, permettant l‟émergence d‟un sujet éthique, face à une identité figurée par les intérêts du groupe. Mais quels risques de conflit avec le groupe et par la suite conflit intrapsychique, instaurant une situation de vulnérabilité ?

S‟agit-il réellement d‟une « zone de non droit », ou simplement d‟un espace où le rapport à la communauté se trouve modifié, les sujets ne s‟y trouvant plus identiquement garantis par elle comme individualité ? Le regard empirique que nous allons porter sur cette question dans nos observations de terrain, ainsi qu‟une approche plus approfondie du droit au Maroc, nous permettrons probablement d‟y apporter quelques pistes.

J-M Hirt nous dit : « Une communauté à laquelle ses membres ne peuvent plus appartenir

seulement, puisque la plupart veulent être reconnus comme sujet de droit et citoyens à part entière »98.

96

Dialmy A. (1995). Logement, Sexualité, Islam, op.cit.p.62.

97

Hirt J-M. (1993). Le miroir du Prophète, Psychanalyse et Islam, Paris, Editions Grasset et Fasquelle.

98

Schéma descriptif de répartition des espaces reconnus de rencontres :

GUELIZ

MEDINA

Appartements, Hôtels,