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PARTIE I. PERSPECTIVES Théoriques : UN SUJET nécessairement

Chapitre 1. d’une construction A TROIS TERMES : Société – Sexualité – GENRE

I. histoire d’une société

1. Les VESTIGES DES TRADITIONS anté-islamiques

1. Les VESTIGES DES TRADITIONS anté-islamiques

- Les croyances populaires magiques

Nous savons très clairement que les croyances anté-islamiques sont très importantes au Maroc, celles-ci avec de nombreuses contradictions avec l‟Islam. La première étant à envisager, du côté, du fondement même de l‟Islam, en tant que religion monothéiste :

«Au nom de Dieu le Miséricordieux plein de miséricorde » (…) « Certains adoptent des dieux à côté de Dieu et les aiment comme on aime Dieu, mais ce sont les croyants qui aiment le même Dieu. » (Sourate II, verset 165). Dans plusieurs régions du Maroc, il existe des lieux de culte et d‟offrandes aux Saints. Legey signale par exemple à Marrakech la tombe de Sidi Abdelaziz Mul Nfaid, celui qui exauce les vœux, qui faisait, selon les propos de F. Rafik, objet d‟une vénération toute particulière de la part des « prostituées ». 23Existerait-t-il un lien plus propice entre ces croyances profanes et des populations marginalisées de la société, inscrivant la double face de la tragédie au sens de R. Girard ? Quelle signification attribuer à ces croyances ?

D‟autres croyances et pratiques profanes, se trouvent usitées par la population de la communauté des croyants, appelée la « Umma », telle l‟utilisation du tatouage au henné24, sur les mains et les pieds, lors de festivité, ou sur le menton25 chez certaines peuplades berbères. Alors que l‟on sait que dans le Coran et les hadiths du prophète, les tatouages et scarifications sont clairement interdits, en tant que modification de l‟œuvre de Dieu dans la création humaine. Dans plusieurs de nos lectures sur le thème de la prostitution au Maroc, nous avons pu apprendre que les tatouages indélébiles ont fréquemment été observés, chez les prostituées

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Rafik. F. (1980). « La prostitution féminine à Essaouira », Thèse de Doctorat de troisième cycle, Discipline Anthropologie, Université René Descartes, Paris V-Sorbonne.

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Contenu de la croyance : contient la baraka, la chance, usage magique et médical, visant la protection contre les influences malignes et les maladies.

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d‟une certaine époque. Ainsi, F. Rafik relate dans sa thèse, les faits observés par A. Corbin26

, sur les tatouages du pubis. Ces femmes se faisaient tatouer le pubis avec l‟inscription « Allah », qui signifie « Dieu » en arabe, qui est bien entendu, considéré comme un acte sacrilège, blasphématoire, une souillure se trouvant alors associé à Allah, selon l‟expression d‟A. Corbin. La justification qu‟elles en donnaient, se situait au niveau corporel, en tant qu‟il n‟existerait pas de zones corporelles honteuses.

Dans la Culture musulmane, le corps est un marqueur privilégié de l‟existence humaine27

. De cette réappropriation corporelle, ces femmes inscrivaient une contradiction, une opposition dans les aménagements pour convenir à la double soumission de l‟inconscient et du champ social. Ici, le sujet sur-victimé tenterait-il, une nouvelle fois de se faire entendre de la société, en remettant en question le sacré collectif, tout en se reconnaissant dans une opposition catégorielle, dans l‟espace social ? 28

A. Aouattah évoque aussi la sorcellerie au Maroc, en tant que domaine privilégié des femmes. Dans des pratiques magiques, les femmes mettraient en exergue l‟imaginaire d‟un pouvoir occulte des femmes. Il s‟agirait aussi pour l‟auteur d‟un biais par lequel elles contourneraient la ségrégation imposée29.

26

Cf. Corbin A. « Les filles de noces », p.84, cité in Rafik F. (1980). « La prostitution féminine à Essaouira », Thèse de Doctorat de troisième cycle, Discipline Anthropologie, Université René Descartes, Paris V-Sorbonne, p.128.

27

Cf. Partie I. Chapitre 2. II. 3. La pureté en Islam, le rapport au « corps collectif ».

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Nous ajouterons qu‟il nous a souvent été signifié par des interlocuteurs marocains, le fait que la pratique du tatouage indélébile s‟exerce surtout dans les prisons au Maroc, Celles-ci se trouverait donc associer à une population reconnue comme « transgressive ».

29

Aouattah A. (1993). Ethnopsychiatrie maghrébine, représentations et thérapies traditionnelles de la maladie

mentale au Maroc, Paris, L‟Harmattan. Concernant le culte des saints, il l‟interprétera comme religiosité féminine

- Le maintien des traditions tribales dans le mariage

De nombreuses études en ethnologie ont eu l‟occasion de traiter entre autre de l‟endogamie familiale dans les mariages tribales, tant dans nos cultures occidentales30

que dans les cultures arabiques.

Le mariage endogame se définit à partir du lien de consanguinité des conjoints unis par le mariage. Ce type de mariage, participe d‟un système clanique, dans lequel la femme prend valeur d‟objet d‟échange, maintenant le patrimoine à l‟intérieur du clan.

Pour M. Costes-Péplinsky31, dans les premiers codes de la famille du Moyen-Orient, puis en Grèce Antique, les mariages et divorces servaient à sceller des accords économiques ou stratégiques pour faire fructifier le patrimoine familial. Cette auteure estime que la « prostitution » serait venue signer le passage de la lignée matriarcale à la lignée patriarcale, inscrivant les femmes honnêtes à la maison, et les courtisanes offertes en guise de protection.32

Autrement dit, dans ces traditions, la femme à protéger serait légitimatrice de filiation paternelle et à la fois, objet de maintien du patrimoine du groupe privilégié sur la dimension individuelle.

Malgré des changements notables dans la réalité socio-historique du Maroc, avec la baisse effective des mariages endogames, polygames et même hétérogames33, et l‟augmentation de l‟âge des mariages34

, ces traditions se maintiennent dans les systèmes de croyances et

30

Ce type de mariage étaient encore usités dans nos contrées bretonnes dans un passé non loin, la médecine faisant apparaître ce type de pratiques comme facteur de risque de maladies héréditaires spécifiques.

31

Costes-Péplinsky M. (2001) Nature, Culture, Prostitution et Guerre, Paris, L‟Harmattan.

32

Ibid., op. cit. p. 95.

33

« Selon les chiffres fournis par le Ministère de la justice pour l’année 2008, "seulement" 836 cas de mariages

polygames ont été contractés dans le pays. Cela représente 0,27% des mariages au Maroc, en baisse continue depuis plusieurs années ». En ligne : http://www.bladi.net/polygamie-maroc-2008.html

34

« M. Ezzrari a cité l'augmentation de l'âge moyen du premier mariage qui est passé de 17 ans en 1960 à 28,7

ans actuellement, l'amélioration du niveau d'instruction de la femme marocaine et son accès au marché de l'emploi, outre l'utilisation des méthodes contraceptives. » In Transition démographique, Le Maroc, un précurseur

dans le monde arabe, in Le Matin, publié le 29 septembre 2009. En ligne, http://www.lematin.ma/Actualite/Express/Article.asp?id=120202

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d‟assignation, profilant des trajectoires sociales et individuelles spécifiques, où le genre et la lignée prennent toute leur place.

« En prônant l’union entre les enfants de deux frères, ou éventuellement d’un frère et d’une

sœur ou de deux sœurs, le mariage endogame permet le repli du groupe familial sur lui-même. »35

Cette perspective met une nouvelle fois, en valeur la dimension familiale, comme surpassant l‟intérêt du sujet isolé. Dès lors, c‟est l‟appartenance au groupe que le sujet se doit privilégier.

35

In « Révolution culturelle au Maroc : le sens d'une transition démographique », par Youssef Courbage et

Emmanuel Todd, Institut National d‟Etudes Démographiques, Les cahiers de la Fondation Res Publica, Paris, 23 février 2007. En ligne :http://www.fondation-res-publica.org/Revolution-culturelle-au-Maroc-le-sens-d-une-transition-demographique_a210.html

2. Le protectorat français et ses effets

- Le protectorat français : Entre « trauma » et douleur actuelle ?

Ne pouvons-nous pas parler ici, d‟une atteinte de l‟appareil psychique collectif, subie lors de l‟installation française au Maroc, créant une inclusion, acculturation déstabilisante dans le champ social marocain ? Ce trauma se trouvant en outre, probablement réitéré lors de la libération, par de nouvelles déstabilisations socioculturelles et enfin par l‟émergence du tourisme de masse ?

Dans un espace victimologique, nous dit L-M. Villerbu, le sujet, qu‟il soit biologiquement et socialement reconnu comme homme ou femme, crée du savoir, qui devient « originaire,

fondateur, en pleine conscience, en trop de conscience ou à son insu quand ses efforts visent à le nier ».36

Peut-on envisager une restauration, par une libération de la parole, sur cette atteinte socioculturelle ? Ce dans l‟espoir d‟en effacer les séquelles actuelles, et peut-être envisager une modernisation plus dynamique, moins clivée, en tant que vécue aussi sur un mode persécutif, comme émanation occidentale ? Restauration telle que celle promue par le nouveau Roi, Mohammed VI, concernant les tortures subies, par des populations réfractaires, sous le régime de son père, le Roi Hassan II.

A l‟heure actuelle, les ONG installée dans des pays organisés en colonie ou protectorat, revendiquent haut et fort, à travers le soutien aux projets de développement, une forme de réparation face aux conséquences économiques et sociales, des violations des droits de l‟homme.37 Mais cette réparation participe, de nombreuses reconnaissances victimales dans le champ juridique, inscrivant de nouvelles dynamiques sociales issues de cette victimation sociale et de nouvelles dynamiques psychologiques, introduisant des mécanismes de survictimisation.

36

L.M. Villerbu, « Victime, justice et peine. Devoir de sanction, besoin de réparation et désir de vengeance », Communication lors d‟journée d‟Etudes, mai 2004, La Roche sur Yon, Institut Catholique d‟Etudes Supérieures.

37

Source : http://www.yabiladi.com/article-societe-2981.html.

Les 25 et 26 juin 2009, les associations se rencontreront lors du troisième forum méditerranéen des ONG, qui se tiendra à Fès, sur le thème « L’excuse et la compensation des époques coloniales sont deux éléments pour la